Chapitre 25 - Kyle 🌑

Kyle

— Tu vas finir par m'avouer la raison de notre venue ici ?

Elle ne me regarde pas, préférant sans doute se perdre dans l'immensité de la vue. Peut-être qu'elle a peur de la vérité, ou juste de se trouver dans cet endroit avec moi. Alors je vais lui donner une réponse qui lui conviendra, même si ce n'est pas toute la vérité.

— Je voulais m'excuser pour hier.

Il y a tout de même une part de vrai dans mes propos. J'avais bu, je venais d'apprendre la pire nouvelle qui soit... Je n'avais pas à me montrer brutal avec elle. Je le sais et je m'en veux.

— Avec ta sœur. Et Liam ?

Ne peut-elle donc pas se contenter de l'instant présent, sans toujours chercher la petite bête ? Je m'approche pour me tenir à ses côtés, les mains dans les poches.

— Nous avons acheté cet endroit avec Olivia il y a quelques années. C'est notre havre de paix à nous. On s'y rend, chacun de notre côté, ou ensemble, quand on ressent le besoin de s'éloigner de nos vies.

Si ça pouvait être aussi simple que ça...

— Je sais que Sara n'est pas là ce week-end, alors je me suis dis qu'après ce qu'il s'est passé, et bien...

— Tu t'es dis qu'après m'avoir gentiment fait comprendre que tu ne voulais pas de moi dans ta vie, il était important de me faire découvrir ton havre de paix. Logique.

Sa façon de me parler, de me regarder, me rappelle une énième fois que je suis une énorme tâche d'encre dans le livre de sa vie. Je devrais l'éloigner de moi autant que possible, mais je n'arrive pas à dénouer mes mains de la chaîne imaginaire qu'elle a entouré.
Je la déçois, et malgré ça, elle se trouve là, avec moi.

— Je dois régler quelques affaires. Fais comme chez toi.

Je relève son menton et pose mes lèvres sur les siennes en guise d'excuses.
Je referme la chambre derrière moi et m'arrête derrière la porte, comme si j'attendais qu'elle me retienne. Mais je n'entends pas un bruit.

Je me dirige vers mon bureau dans lequel m'attend Liam, les pieds posés sur le rebord du meuble.

— Vire moi ça de là.

Il s'exécute sans rechigner et se redresse dans son fauteuil.

— Qu'est-ce que tu fous ?

— Je te demande pardon ?

— Shadow. Cette nana est en train de foutre un merdier sans nom dans nos affaires. Pourquoi tu la ramènes ici ?

Je me force à m'asseoir pour éviter à mes doigts de venir arracher ses deux yeux sans anesthésie.

— Tu veux vraiment t'aventurer sur ce terrain, Liam ?

Il sait ô combien il est dangereux de s'opposer à moi et à mes décisions. Et même si son rang lui permet une relation privilégiée avec moi, il est hors de question qu'il se sente suffisamment puissant pour considérer que mes choix sont mauvais. Il se pince l'arrête du nez et soupire longuement. Je suppose qu'il a compris.

— Très bien. Comment comptes-tu la protéger dans ce cas ?

— J'ai besoin de la garder à l'œil au maximum. Et j'ai surtout besoin de savoir où se trouve Tyler.

— Et pour Olivia ?

Si Tyler s'est retrouvé en prison, c'est parce qu'il a cru bon de penser que ma sœur était un du. Avec l'horreur qu'il a commise, il méritait de finir criblé de balles, baignant dans son sang intoxiqué par la pourriture. Mais Olivia en a décidé autrement. Elle ne voulait pas que je commette l'irréparable avec celui qui se disait mon meilleur ami.
Alors je l'ai épargné, pour elle.

— J'ai mis des hommes sur le coup pour une surveillance à distance.

— Elle est au courant ?

— Si elle l'était, elle m'aurait déjà fait exécuter.

Liam pianote sur son téléphone avant de reporter son attention sur moi. Il a pas mal de contacts et je sais qu'il est doué pour faire jouer ses relations.

— On a fait déplacé le produit qui se trouvait dans l'entrepôt de l'est de Brooklyn, des Cobras ont été vus dans le coin. Miguel m'a confirmé que les ventes avaient repris de façon normale dans le Queens. Et James, à ce qu'on raconte, est en déplacement au Mexique.

— Assure-toi donc que ce qu'on raconte est vrai.

Il se lève enfin et se dirige vers la sortie.

— Kyle ?

— Liam.

— Si tu veux réellement la protéger, n'oublies pas que c'est ta vie que tu mets en jeu.

Je le sais. Je sais comment ça se passe dans ce genre de cas. Liam le sait d'ailleurs mieux que moi. Il y a quelques années, il a entretenu une relation avec une étudiante de Manhattan. Jolie, simple, loin de notre monde. Il faisait toujours attention lors de leurs déplacements, ne s'affichait pas à découvert, mais ça n'a pas suffit. Il s'est interposé entre elle et la balle d'un gros calibre. Il pensait avoir sauvé celle qu'il aimait.
Mais une seconde balle, tirée derrière eux, s'est logée dans la poitrine de la jeune femme.

Il avait pourtant cru donné sa vie.

Dans le fond, je sais très bien qu'il n'a rien contre Hope et que sa présence dans ma vie ne le dérange pas. Ce qu'il redoute, c'est plutôt que quelque chose lui arrive et me mette dans l'état qu'il a pu connaître à la mort de Hailey.

— Ça doit être incroyable de faire naître des bébés tous les jours !

— J'avoue que je suis chanceuse. Et toi, tu es avocate c'est ça ?

— Exact. Je défends les intérêts des gens innocents.

La fierté dans sa voix m'agace légèrement quand je pense qu'elle considère Tyler comme un innocent. Certes, il n'est pas coupable des faits qui l'ont envoyés en prison, mais reste qu'il s'agit d'un putain de criminel.
Je m'octroie quelques minutes de plus, seul, dans le couloir à écouter les trois femmes de la maison discuter entre elles. La nuit est tombée et je me rends compte que j'ai passé l'après-midi dans mon bureau.

— Tu comptes enfin nous faire l'honneur de ta présence, s'indigne Olivia les mains sur les hanches.

Je cherche le regard de Hope, mais elle semble faussement occupée à remplir un bol de tomates. Elena, elle, me sourit un peu gênée.
Liam est avachi dans le canapé, une bière à la main.

— A table, lance ma sœur en apportant une bouteille de vin rouge.

Je prends place à côté de mon avocate qui me gratifie toujours d'un air boudeur. Je ne peux pas lui offrir la vie dont elle rêve, pleine d'attentions, de restaurants à la vue de tous et de sorties shopping dans les grandes rues. Ma vie et mon travail sont tracés sur la même ligne et je ne peux pas dissocier les deux.

— Je pensais mériter mieux comme excuse qu'un week-end en solo, murmure-t-elle si bas que je peine à entendre sa voix.

— Je te promets de te consacrer toute la soirée, la nuit et la journée de demain. Rien que toi et moi.

Elle hausse un sourcil et tend son verre à Liam qui le remplit d'un vin rouge des années 2011.
J'ai conscience de tout faire de travers avec elle, mais je ne sais tout simplement pas m'y prendre. Je ne veux juste pas assumer ce détail avec elle. Je suis censée prendre soin d'elle, la faire sentir comme quelqu'un d'exceptionnel.
Ce qu'elle est d'ailleurs !
Et à la place de ça, je la délaisse pour m'occuper d'un merdier. Un merdier qui pourrait la tuer.

— Tu devrais peut-être ralentir sur le vin ?

Si elle tente de noyer un quelconque chagrin dans son quatrième verre, c'est une erreur.

— Si tu avais eu la décence de t'intéresser un peu plus à moi, j'aurais bu de l'eau.

Liam, qui est pourtant bien élevé, sort de table, son téléphone à la main. Il s'approche de moi pour m'indiquer que nous avons un appel important à passer. Quand je vois le nom qui s'affiche sur son répertoire, je sais que c'est une très mauvaise idée.
Mais je n'ai pas le choix.
Elle est la seule qui pourra nous aider.

— Excusez-nous, lancé-je en me levant à mon tour. Je ne serais pas long, soufflé-je au creux de l'oreille de Hope.

La porte de mon bureau se referme et je compose sans attendre le numéro que Liam me donne. Elle décroche au bout de la deuxième sonnerie.

— Agent Amber Scott, j'écoute.

— J'ai besoin de tes services.

— Kyle. Bonsoir à toi aussi, ça me fait plaisir de t'entendre. Tu te souviens de mon adresse ou tu as besoin que je te rafraichisse la mémoire ?

— Je n'ai pas besoin de ce genre de service.

— Oh, Kyle Rollins aurait-il trouver un nouveau morceau de chair fraîche à se mettre sous la dent pour assouvir ses pulsions animales ?

— Amber, putain. C'est terminé entre nous, tu le sais. Et j'ai des choses plus urgentes à gérer que ton cul.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Je marque un temps d'arrêt. Je sais qu'après cette phrase, il n'y aura plus de retour arrière possible.

— J'ai besoin que tu retrouves ton frère.

Son rire mesquin me fait comprendre que je viens de me jeter dans la gueule du loup. Ce loup qui détruit tout et qui vous déchiquette avec lenteur pour contempler sous ses griffes le plaisir morbide de vous faire souffrir.

— Kyle, chéri. Tu te doutes bien que si ça concerne Tyler, je ne fais rien gratuitement. 

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