Chapitre 24 - Hope 🪷
Hope
Je ne sais pas quelle heure il est, mais j'ai le sentiment de ne pas avoir suffisamment dormi. Mes yeux ont du mal à s'habituer à la lumière du jour qui pénètre par une petite fenêtre ronde sur le mur face à moi. L'odeur masculine du corps de Kyle étire mes lèvres dans un sourire. Il est toujours là, cette fois. Je glisse doucement du canapé pour éviter de le réveiller. Son visage est détendu, son torse se soulève à intervalle régulier. Ses cheveux foncés sont complètement décoiffés et lui donnent presque un air d'adolescent.
Je profite de cette contemplation silencieuse en m'accoudant sur son bureau. Je pourrais m'habituer à ce genre de réveil de façon quotidienne. Cependant, j'évite de me faire trop d'illusions quant à une potentielle relation durable avec le millionnaire et trafiquant qu'il est. Même si c'est plus le genre de Sara, je dois apprendre à vivre au jour le jour et à ne pas planifier la totalité de mon avenir. J'envoie un message à mon père pour qu'il nous fasse livrer deux cafés. Je me rhabille en vitesse sans faire de bruit, rattache mes cheveux en queue de cheval et me dirige vers la sortie du bâtiment pour récupérer ma commande. J'ai exceptionnellement demandé à mon père de s'occuper de la course, je ne veux pas que n'importe qui se pointe et attire des ennuis à Kyle.
Après tout, je ne suis peut-être pas la bienvenue ici. Je ne suis pas encore suffisamment habituée à ce monde pour en connaître tous les rouages, mais je sais bien que les ennemis sont présents à chaque coin de rue.
— Tu as l'air fatiguée chérie, s'inquiète mon père en me tendant un sac en papier contenant des grands gobelets.
— J'ai beaucoup de boulot en ce moment, je croule sous les dossiers !
C'est en partie la vérité. J'ai une confiance aveugle en mon père, je ne veux simplement pas le mêler à ces histoires pour le moment. L'avantage avec lui c'est qu'il comprend quand il doit poser des questions ou ne pas le faire. Nous avons appris à tisser une relation fusionnelle qui nous est propre et que je chérie chaque jour.
— Pose quelques congés, va faire un tour en forêt !
— N'oublies pas de me garder une part de cheesecake pour mon retour dans ce cas !
Il sourit et m'embrasse sur la joue. Il repart rapidement car il doit rouvrir le café. Je le regarde s'en aller à bord d'une voiture qui aurait bien besoin d'être changée. Le froid de l'hiver s'enroule autour de ma nuque et s'infiltre dans chaque recoin de mes vêtements. Mes dents s'entrechoquent et je me dépêche de remonter avant de mourir d'une pneumonie.
— Je croyais que tu t'étais enfuie, murmure la voix endormie du propriétaire des lieux.
— Ca t'aurait embêté ?
— Probablement, lance-t-il en se redressant sur les coudes.
La lumière se dépose sur son torse et illumine chaque ligne qui dessine ses muscles puissants. Je m'approche en lui tendant le café encore fumant que vient de m'apporter mon père. Ses yeux verts se posent sur moi jusqu'à trouver les miens.
— Bien dormi ?
— Bien mieux qu'habituellement, je dois le reconnaître.
Je ne peux m'empêcher de me sentir flattée par cette information.
— On va repasser par chez toi, tu prendras quelques affaires avant qu'on ne parte.
— Où est-ce qu'on va ?
— Tu verras.
La raison voudrait que je reste sur mes gardes et conserve un minimum de suspicion face aux mystères qui entourent le beau brun. Qui sait si je ne vais pas finir enterrée sous un sapin dans quelques heures ?
Le cœur, lui, m'incite au contraire à foncer tête baissée vers ce piège sentimental qui se referme peu à peu sur moi. C'est comme si j'étais inconditionnellement attirée vers ce qui m'est interdit, dangereux, mauvais. Je refuse de croire que Kyle est une mauvaise personne, malgré ses agissements.
J'ai récupéré des vêtements pour le week-end avant de le rejoindre dans la voiture. Sara est chez ses parents et ça va me faire du bien de m'aérer un peu l'esprit. J'ai mis des affaires décontractées, ne sachant pas vraiment à quoi m'attendre mais j'ai tout de même prévu une tenue plus habillée, au cas où...
Le tableau de bord indique qu'il est à peine huit heures quand nous sortons de New York. Kyle est silencieux, concentré sur sa conduite. J'aimerais à nouveau poser des questions, engager la conversation sur la pluie et le beau temps, mais j'estime que ce n'est pas le moment.
Non pas que je craigne un échange avec lui, je profite simplement de cette virée matinale pour refaire le point sur moi-même.
J'ai beaucoup de mal à comprendre le tournant que prend cette histoire. Notre histoire, si tant est qu'il s'agisse bien de cela. Cet homme est à la fois toxique pour la personne saine d'esprit que je suis censée être et à la fois... C'est une tentation que je n'arrive pas à combattre.
Plus je passe de moments avec lui, plus ma raison se fait piétiner par ce qui ressemble à des sentiments.
Et là est réellement le fond du problème : je commence à développer des sentiments pour un homme qui est lié à des milliards de secrets, avec un lourd penchant alcoolique et avec ça, adepte de la violence à un niveau que je ne connais pas encore.
Oh, et puis, il traîne dans la drogue, ne l'oublions pas.
Les buildings sont rapidement remplacés par des routes sans fin, bordées d'arbres immenses. Ils ressemblent à des tâches vertes s'évaporant au gré des kilomètres que nous parcourons. Il roule, vite, mais je crois qu'il ne fait pas d'excès.
— On est bientôt arrivés.
Sa voix me tire de mes diverses rêveries et je m'autorise enfin à regarder mon chauffeur. Le soleil se dépose sur la moitié de son visage. Ses cheveux bruns, légèrement plus long sur le haut tombent en partie sur son front, lui offrant ce côté mystérieux qui me plait tant.
— Tu ne comptes toujours pas me dire où on se trouve ?
Un sourire étire ses lèvres alors qu'il quitte la route principale pour entrer plus en profondeur dans la forêt. Bien qu'il fasse jour, la lumière se fait plus rare. Je m'étonne de me sentir soudain en insécurité dans un endroit que je ne connais pas, seule avec lui. Je doute qu'il cherche à me faire du mal, mais tout de même...
— Bienvenue chez moi, mon Ange.
La tête penchée vers lui, je me demande s'il a réellement entendu les mots qu'il vient de prononcer à mon intention. Mon petit cœur, lui en revanche, n'en a pas raté une miette. Il bondit au creux de ma poitrine et m'enveloppe d'une douce chaleur.
Mon ange.
Je tente de recouvrer mes esprits en reposant mon regard sur le paysage qui s'offre à moi.
Un immense chalet surplombe des montagnes enneigées. Un lac se trouve en contrebas de la bâtisse. Cet endroit me rappelle celui où j'allais avec mes parents étant petite, à la seule différence que nous n'avions pas les moyens de loger dans ce genre de maison. Une grosse berline noire est déjà garée près de l'entrée, ainsi qu'une Mercedes grise aux courbes plus sportives. Il se gare entre les deux voitures, coupe le contact et sort pour venir m'ouvrir la portière.
— Ce chalet est vraiment à toi ?
Il hausse un sourcil en me regardant avec ce que je prends pour de la tendresse.
— Ouais, t'es blindé, je sais.
Il attrape mon sac dans le coffre et passe son bras autour de mes épaules pour me guider vers l'entrée de la maison. Je ne sais pas sur quel pied il veut danser, mais je commence à me questionner sur ses vraies intentions. Depuis quand notre relation est-elle sortie du cadre purement physique dans lequel elle se trouvait ?
Depuis quand il agit comme si nous étions en couple, alors qu'hier encore, il m'ordonnait de sortir de sa vie, le visage écrasé contre sa porte ?
Je garde mes questions pour moi lorsqu'Olivia, sa sœur, ouvre la lourde porte de bois.
— Vous voilà enfin !
La rangée de dents blanches qui compose son sourire me font mal aux yeux. Comment cette fille peut-elle être heureuse en toute circonstance ? Elle enlace son frère, qui dépose un baiser sur le haut de son front, avant de venir à ma rencontre pour me prendre à son tour dans ses bras.
J'essaye de dissimuler ma gêne en entourant sa taille avec une certaine retenue.
— Ça va 'Liv, lâche-là.
— Désolée Hope, je suis juste ravie de vous voir ici tous les deux !
Je lui rends son sourire et lui emboîte le pas. De larges baies vitrées offrent une vue panoramique sur les montagnes et les sapins. La lumière naturelle s'engouffre dans la pièce principale, l'odeur boisée de la forêt inonde les lieux uniquement perturbés par le chant des oiseaux.
Une immense cheminée en pierre se dresse au milieu du salon, réchauffant l'atmosphère hivernale.
— C'est magnifique.
— Je savais que ça te plairait.
Il a raison. Même si les souvenirs sont quelque peu douloureux pour moi, ce retour en arrière dans les tréfonds de mon passé reste agréable. Je me dirige vers les vitres qui donnent accès à la terrasse pour admirer les reflets du soleil qui se dessinent dans le lac. Malgré les faibles températures, de petites vaguelettes s'écrasent contre la rive, signe que le gel n'a pas eu raison de lui.
— Je vous présente Elena, proclame Olivia, sa main dans la sienne.
Et dire que Zach avait flashé sur elle... Je m'autorise un rire intérieur avant de m'approcher de la jeune femme. Contrairement à Olivia, elle semble bien plus réservée. Des lunettes sont posées sur son nez et ses cheveux sont attachés dans une longue tresse. Quelques tâches de rousseur ornent ses joues.
— Enchantée, soufflé-je en m'approchant pour lui faire la bise.
Kyle la salue à son tour avec un sourire dont seul lui à le secret. Les épaules d'Olivia se détendent au moment même où il se recule pour lui souhaiter la bienvenue dans la famille. Même si je ne sais pas exactement quel est mon rôle, ni même ce que je représente pour lui, je suis heureuse de savoir que sa sœur prend soin de lui et que cette protection est réciproque.
— Et moi, on ne me présente pas ? s'indigne une voix grave dans mon dos.
— Tout le monde te connait, Liam, réplique Olivia en levant les yeux au ciel.
Je me retourne pour faire face au bras droit de Kyle. Il saisit ma main pour en embrasser le dos, sous le regard courroucé de son patron.
— C'est bon, on a compris. Retourne à tes occupations.
La pointe de jalousie qui claque sous la langue du beau brun le fait sourire. Il tente un clin d'œil vers moi puis s'éclipse avant d'attiser plus encore la colère de celui qui a replacé son bras autour de moi.
— N'écoute jamais les conneries que ce gars peut te raconter.
— Tu as peur que les choses qu'il me raconte me fasse tomber éperdument amoureuse de lui ?
— J'aimerais bien voir ça, se contente-il de répondre en se dirigeant vers un couloir.
J'aurais aimé entendre quelque chose de plus approprié, mais je me contenterais du fait qu'il ne m'ai pas repoussé.
— Est-ce que cette chambre te convient ?
Comme pour le salon, elle dispose de larges fenêtres et d'une cheminée, plus petite. Un lit démesuré se situe dans un coin de la pièce. Je suppose que l'ouverture derrière mène à la salle de bain.
— C'est ma chambre ? Enfin, je veux dire... Je vais dormir ici ?
— C'est la mienne. Et si tu préfères dormir dehors, je t'en prie. Mais tu risques de regretter ma chaleur corporelle.
J'ai bien saisi le sous-entendu, mais je ne retiens que la première partie de la phrase. Il m'invite chez lui, dans sa chambre.
Et il veut que je dorme là, avec lui.
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