Chapitre 19 - Kyle 🌑

Kyle

Depuis qu'Olivia m'a convaincu d'organiser cette soirée, je n'avais qu'une seule hâte : la revoir.

Elle qui m'embrouille le cerveau à chaque fois que je dois prendre une décision importante ou que j'essaye de rattraper le milliard d'heures de sommeil qu'il me manque. Cette femme qui se tient au milieu de mon bureau a clairement été forgée dans l'antre d'un démon. Son petit air innocent cache en réalité quelque chose de tellement dangereux... J'ai envie de la goûter, partout, de caresser chaque endroit de sa peau. De l'avoir contre moi.

Je m'étonne d'ailleurs d'avoir ce genre de pensées et de réactions qui sont en totale opposition avec ce que je suis au fond de moi. Je suis le mal incarné et elle, la blanche colombe, justicière dans l'âme. J'ai tendance à fuir ce genre de personne trop solaire, trop positive. Je vis dans une merde qui ne connaîtra jamais de fin et cette fille ne mérite pas de vivre dans la boue.

Mais je n'arrive pas à me la sortir de la tête.

Liam le sait, il l'a compris. Bien qu'il n'ait pas réellement fait de commentaire à son propos, il m'a simplement mis en garde. Selon lui, les femmes sont encore plus dangereuses que tout un clan de mafieux. J'avais des doutes sur son hypothèse, mais l'effet qu'elle a sur moi corrobore clairement ses dires.

Je laisse glisser l'alcool sur ma langue sans jamais la quitter des yeux. Elle n'en finit pas de m'épater à chaque fois que je la rencontre. Elle a joué le jeu, presque à la lettre avec sa tenue qui me fait penser à l'ombre que je suis. Elle en dévoile beaucoup trop et à la fois, pas assez. Trop pour les yeux indiscrets qui l'ont agressé du regard. Pas assez pour moi qui ne rêve que de faire qu'un avec ses courbes aguicheuses.

Ses jambes se mettent en route dans ma direction, son pas est confiant, félin. Elle enjambe mes genoux et s'assit sur ma virilité prise au piège dans mon pantalon. Ses yeux aux couleurs de la banquise me transpercent comme un éclat de verre. Elle cherche quelque chose de trop profond en moi.

— Pourquoi ?

Pourquoi quoi ? J'ai toujours autant envie d'elle, mais il est clair qu'elle vient de jeter de l'eau sur les braises. Hope Underwood n'est définitivement pas comme mes autres conquêtes. Ça m'angoisse, et ça me plaît.

— Je t'écoute. Qu'est-ce que tu veux savoir ?

Ses lèvres rouges se resserrent dans une moue. Sa question semble compliquée à formuler. Ses bras se croisent, ses sourcils se froncent.

— Pourquoi vous... Pourquoi tu as regretté ce qu'il s'est passé entre nous ?

Je manque de me noyer avec mon whisky tant sa question est absurde. Cette fille est un véritable calvaire ! Soit elle manque cruellement d'attention, soit j'ai vraiment eu un comportement avec elle qui lui a donné cette impression. Je pose mon verre sur la table à côté du canapé et pose mes mains sur ses cuisses, sans faire le moindre mouvement pour remonter. Cela ne l'empêche pas de frissonner à mon contact. Je dois lui expliquer, mais je ne sais pas comment le faire sans l'impliquer.

— Hope, écoute... Tu es intelligente. Tu as défendu mon frère en sachant très bien qu'il n'était pas innocent. Tu as vu des choses dans mon club qui auraient dû échapper à ton regard.

— Ça ne répond pas à ma question, me coupe-t-elle.

Je presse un peu plus mes doigts sur ses cuisses et rapproche mon visage du sien. Je sais qu'elle aura ma peau.

— Je n'ai absolument rien regretté concernant ce qu'il s'est passé. Ce que je regrette en revanche, c'est que tu sois rentrée dans ma vie.

Je freine immédiatement son mouvement de recul à la suite de mes propos en passant mes bras autour de sa taille. Sans doute veut-elle fuir, je le comprendrais et il le faudrait. Mes mots claquent pour qu'elle déguerpisse au plus vite, mais mes mains ne peuvent se résoudre à la laisser disparaître.

— Ce n'était donc pas utile de me convier à cette soirée si tu n'avais pas envie de me revoir.

Son ton est devenu plus sec, agressif. Elle est vexée.

— Tu ne sais pas qui je suis. Tu ne connais rien de moi, de ma vie, de mon passé. Le simple fait d'être là, avec moi, te met en danger.

— Très bien. J'ai compris.

Elle attrape mes mains et se défait de mon emprise sans difficulté, simplement parce que je la laisse faire. C'est mieux comme ça. Je préfère lui faire du mal vite et à ce stade de notre rencontre, plutôt qu'elle souffre de blessures plus profondes qu'elle ne pourra jamais réparer. Son parfum à l'odeur de rose m'explose en plein visage lorsqu'elle s'éloigne de moi. Sa main se pose sur la poignée de la porte, mais elle ne l'abaisse pas.

— Joyeux anniversaire, au fait.

J'avais oublié ce détail que m'a confié Olivia au restaurant.

— Attends.

— Kyle, ce n'est pas un jeu. Si tu as envie de me voir, dis-le-moi. Si ce n'est pas le cas, ne compte pas sur moi pour ramper à tes pieds.

Aie.

Ma raison me pousse à rester assis et à la regarder s'en aller. Ce qu'il reste des débris de mon cœur en revanche...

— Tu n'as aucune idée de l'endroit où tu mets les pieds si tu décides de rester ici.

Je vois ses doigts serrer plus fort la poignée.

— Ma décision, c'est de te faire confiance. À toi de me prouver que j'ai raison.

Si tu savais à quel point tu as tort ma jolie... Tort de croire que je suis une personne à qui il faut accorder sa confiance. Tort de croire que mon monde est fait pour elle. Tort de croire que du bon vit encore en moi. On ne sauve pas un cas désespéré.

Et pourtant, malgré toute la négativité qui me compose, je décide de faire encore et toujours des erreurs. Une main sur son ventre, je presse son dos contre mon torse et m'abreuve de sa chaleur corporelle. Les mouvements de sa respiration guident la mienne. J'ai besoin de vivre.

Je déplace ses longs cheveux noirs pour m'offrir une vue sur sa nuque dénudée. J'inspire son odeur et pose mes lèvres sur sa peau. Je devrais déjà être en train de m'enfouir en elle, mais je veux lui offrir autre chose. Je veux faire quelque chose de nouveau.

— Si vraiment c'est ce que tu veux, allons dîner.

— Comment ça « dîner » ?

Elle s'est retournée et me fait face avec un air à la fois déçu et interrogateur.

— Toi et moi, au restaurant. Un dîner.

— Mais, tu... Et je...

Son doigt pointe mon pantalon et je souris. Elle est mon point faible et je ne peux pas le cacher. Mais je sais que cette contenance peut me faire le plus grand bien.

— Je sais me contrôler, Hope.

— Je ne peux pas sortir au restaurant habillée comme ça.

— Regarde dans l'armoire, Olivia laisse souvent des vêtements de rechange ici.

Elle jette un regard à ce qui se trouve derrière moi sans pour autant s'y rendre. Finalement, après avoir haussé les épaules, elle se dirige à nouveau vers la porte. Sauf que cette fois, elle l'ouvre. Une sensation désagréable de nausée envahit ma bouche, elle veut s'en aller ?

— Je n'ai pas envie d'un restaurant hors de prix. Si tu veux m'inviter à dîner, c'est moi qui choisis. Trouve Liam, que je prévienne Sara.

Si Olivia était là, elle se foutrait certainement de ma gueule en voyant à quel point cette femme me mène à la baguette.

— Je pense qu'ils sont trop occupés pour s'intéresser à nous.

Je connais Liam mieux que personne et je sais que si une femme lui plaît, il ne passe pas par quatre chemins. D'ailleurs, il n'y a qu'un seul chemin qui l'intéresse. Mieux vaut pour son amie qu'elle aime emprunter le même que lui...

— Mais je vais lui envoyer un message. Ton amie est entre de bonnes mains, ne t'en fais pas.

Je présume que cette réponse lui convient car elle sort de mon bureau sans dire un mot. Je verrouille la porte derrière moi et reste à proximité de la jeune avocate pour ne pas la perdre de vue. On passe par l'arrière du bar pour récupérer ma voiture. Elle s'installe du côté passager comme si c'était sa place attitrée depuis des mois déjà.

— Dépose-moi chez moi.

— Excuse-moi ?

Les mots sortent plus vite qu'ils n'auraient dû et je m'en veux d'avoir employé un ton aussi... Dérouté. Elle, elle en rigole.

— Détends-toi M. le patron, je voudrais juste me changer.

Je la fusille du regard et démarre en trombe la voiture. C'est une vipère. Une vipère avec un magnifique sourire. Je redescends les rues de New York en direction de Brooklyn et de son appartement. Les habitants sont de sortie pour fêter les morts, les enfants pour récolter des bonbons et les adultes pour... Bonne question tiens, pour picoler sans doute. Je me gare devant chez elle.

— Tu peux rester garé ici, on a plus besoin de la voiture.

— Tu comptes me préparer à manger ?

— Certainement pas.

Elle sort de la voiture, claque la portière (ce qui me fait légèrement grincer des dents) et s'arrête devant la porte de l'immeuble. Elle m'attend. J'éteins le moteur pour la rejoindre. Il faudra que je pense à lui apprendre de ne pas laisser n'importe qui entrer chez elle. Quand elle ouvre la porte de son appartement, je réalise que nous ne vivons pas avec les mêmes craintes du monde extérieur. Avant d'entrer dans le bâtiment, j'ai jeté des coups d'œil aux alentours, tandis qu'elle s'est contentée de me tenir la porte sans regarder derrière elle. On entre directement dans une petite cuisine qui donne sur un salon meublé simplement. Au fond de la pièce, deux portes sur lesquelles se trouvent les initiales H et S, leur chambre à chacune, je suppose. Hope retire ses bottes avant de tourner son visage vers moi en pointant l'arrière de sa robe.

— Tu peux m'aider ?

Si je me mets à faire de l'apnée, peut-être que j'arriverais à contenir le brasier qui se consume en moi. Je fais descendre la fermeture de sa robe jusqu'au creux de ses reins en notant de par son dos nu qu'elle ne porte pas de soutien-gorge. La robe quitte son buste et s'écrase au sol, dévoilant sa silhouette uniquement vêtue d'une petite culotte noire en dentelle.

— Je... Je t'attends ici.

Ses yeux bleus me fixent quelques secondes, m'invitent à la suivre, mais je résiste du mieux que je le peux. Plus c'est long, plus c'est bon. Il paraît. Je prends place sur un tabouret de la cuisine et m'autorise à prendre possession des lieux. La vaisselle est faite, l'appartement rangé. Il sent bon la lessive et les épices d'automne. Sur le frigo, elles ont accroché un calendrier.

31 octobre

24 ans Hope
Anniversaire Kyle
SOIRÉE HALLOWEEN

Je crois que je trouve ça mignon. Je n'ai pas l'habitude qu'on pense à moi, alors une partie de mon âme est touchée par la simple présence de mon prénom sur un bout de papier. Mon bouquet de roses est posé sur sa table de salon et mon mot est toujours dans les fleurs.

— On peut y aller.

Sa voix me tire de mes pensées et je découvre que la jolie reine des ombres a troqué son déguisement pour une tenue bien plus confortable. Un pantalon de cuir vient mouler ses longues jambes et un gros pull en laine blanc habille le haut de son corps. Ses cheveux sont toujours lâchés, son maquillage inchangé. Elle me guide jusqu'à la sortie et m'entraîne le long de sa rue. Au bout de quelques minutes à peine, nous arrivons devant un café qui semble accueillir pas mal de monde. Le bruit d'une clochette retentit au moment où elle pousse la porte. Elle se dirige vers le comptoir, le contourne et vient prendre dans ses bras un homme d'une cinquantaine d'années.

— Papa, tu peux nous préparer deux assiettes et du vin ?

L'homme, son père, me toise de bas en haut le temps d'une fraction de seconde, sourit à sa fille et disparaît en cuisine. Je sens que mon rythme cardiaque s'accélère et que je perds totalement pied dans cette situation qui m'est inconnue. Je ne suis pas capable de gérer tout ça. Et encore moins d'un seul coup. Je cherche Hope du regard pour m'accrocher à la seule chose familière qu'il me reste et réalise qu'elle a glissé sa main dans la mienne et qu'elle m'accompagne jusqu'à une table vide, dans un coin plus en retrait du café.

Je m'assois face à elle et reste bloqué dans un mutisme qui me ramène des années en arrière. Je suis le mec le plus craint de toute cette putain de ville et je deviens aussi peureux qu'un animal blessé face à celle qui est en train de faire exploser en mille morceaux la boite qui renferme toutes mes émotions. 

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