Chapitre 11 - Kyle 🌑

Kyle

Je viens de faire ce que l'on appelle un geste de galanterie. Ou de charité, c'est au choix. Je possède cet endroit et je connais mon personnel et mes clients, je sais donc sans mal qu'une jeune femme en détresse, éméchée et habillée comme elle l'est ne peut qu'attirer le regard. Et c'est rarement le regard de personnes bien intentionnées.

Je suis loin d'être quelqu'un de bienveillant, mais j'ai au moins l'avantage de savoir me contrôler face à ce genre de situation.

— J'avais l'air si désespérée que ça ?

Je me retourne et ose malgré moi regarder celle qui vient de prononcer cette phrase. Impossible de cacher que c'est une femme magnifique. Et incroyablement désirable. Je la prendrais bien, là, sur le canapé au milieu du bar. Mais elle a bu et j'essaye de me convaincre que pour une fois, je peux avoir un comportement exemplaire. Je pointe du doigt ce même canapé pour l'inviter à s'asseoir.

— Désespérée sans doute pas. Je dirais simplement que vous aviez l'air seule.

— Allez dire ça à ma meilleure amie qui doit être en train de se faire sauter dans vos toilettes en ce moment-même.

— Pourquoi êtes-vous là alors ?

J'évite de rebondir sur ce qu'il peut se passer dans mon club et me concentre sur elle. Cette fille est difficile à cerner. Elle essaye toujours d'avoir le dernier mot et de montrer une facette où elle est sûre d'elle, prête au combat, alors qu'en vérité, j'ai surtout l'impression qu'elle se cache derrière autre chose. De la tristesse peut-être.

— Elle m'a traîné de force. Sara est une personne à laquelle on ne dit pas non, sous peine de finir enterré sous un immeuble.

Lorsqu'elle parle de son amie, elle sourit. Son expression me fait comprendre que cette Sara est importante à ses yeux. J'attrape la bouteille de champagne dans le seau à glace devant moi et la débouche habillement. Je nous sers deux coupes en tendant la mienne vers elle.

— Trinquons donc au fait que vous soyez en vie et que vous ayez éviter à ma société une déconvenue de taille.

Son verre claque contre le mien et elle s'empresse d'en boire la moitié. Soit elle a énormément de problèmes à oublier, soit elle est assoiffée. Dans tous les cas, c'est mauvais pour moi.

— Et vous, pourquoi vous êtes là ?

— Parce que je suis le patron de cet endroit ?

— Ah oui, c'est vrai, j'ai appris ça y a dix minutes. Je peux vous poser une question ?

— Vous pouvez, mais je ne vous garantis pas de pouvoir y répondre.

Elle se tourne vers moi et croise ses jambes l'une sur l'autre. Dans la rapidité du mouvement, la dentelle de sa lingerie se laisse entrevoir avant que le tissu de sa robe ne retombe sur sa cuisse. Du contrôle on a dit, du contrôle.

— Qu'est-ce que ça fait d'être riche ? D'être vraiment riche, je veux dire.

Sa question me prend de court. Je ne suis d'ailleurs pas réellement sûr de savoir quoi lui dire. L'argent que je gagne est en quasi totalité issu d'un trafic illégal, sali par la drogue et les armes. J'ai de l'argent, beaucoup, bien plus qu'il ne m'en faudrait. Et à vrai dire, je l'utilise peu.

— Je suppose que ça permet d'envisager la vie de façon... Rassurante.

Son nez se retrousse et ses sourcils se froncent, ce n'était pas la bonne réponse, ou du moins, pas celle qu'elle attendait. Je tente une autre approche.

— L'argent rend les gens arrogants et indignes de confiance. Vous pouvez acheter sans compter des choses dont vous n'avez pas l'utilité, mais vous ne pouvez pas acheter ce qui compte réellement.

— Oh... En plus d'être plein aux as, vous êtes philosophe. Sympa comme mélange.

Je ressors la coupe qu'elle vient de vider à nouveau et me réinstalle dans le fond du canapé. Le bar est complet, comme d'habitude. La musique résonne dans le moindre recoin. Et les sachets de poudre blanche disparaissent entre les mains de mes clients... Je le sais, je le vois, c'est l'habitude. Même si je le voulais, jamais je ne pourrais envisager quoi que ce soit de rassurant dans ma vie.

— Comment va Ethan ?

— Bien. Il va bien. Je tenais à vous remercier pour cette affaire, d'ailleurs.

— J'ai simplement fait mon travail, murmure-t-elle en fixant les bulles de champagne dans son verre.

— Vous avez fait le travail que Michael vous a demandé.

— C'est vrai. Mais ça reste mon travail. Je sais très bien que votre frère a raconté n'importe quoi. Michael m'a demandé de le sortir de là, c'est ce que j'ai fait.

Là encore, elle semble triste. Ce qu'elle a fait pour mon frère est contraire à son éthique et son serment d'avocat, alors c'est logique que le sortir de garde à vue en sachant qu'il n'était pas innocent ait pu créer en elle une sorte de malaise.

— Vous ne croyez donc pas à l'erreur de jeunesse ?

— À vous de me le dire.

Elle s'approche de moi, son genou frôle ma main et je sens les vapeurs d'alcool s'échapper de ses lèvres rouges. Un morceau de plastique se glisse entre mes doigts. Si pendant un instant je m'imagine que c'est une capote, je retombe très vite en comprenant qu'il s'agit de toute autre chose. Je sens sous mes doigts ce qui est responsable de tout ce que je fais et de tout ce que je suis.

— Je crois que je ne suis pas Michael. Je ferai mon travail pour vous défendre au maximum de mes fonctions. Vous concernant, ce n'est plus une erreur de jeunesse et je ne m'aventurerais pas sur ce terrain.

Je pourrais trouver des excuses, de quoi me défendre, mais je préfère ne pas rentrer dans son jeu. Elle n'a rien vu et n'a aucune preuve de ce que je peux faire de ma vie en dehors de notre célèbre production de champagne. Mais je reconnais qu'elle est intelligente. Michael est au courant de notre double vie, pas de tous les détails, pour sa propre sécurité, mais il en sait suffisamment pour nous enfermer tous un par un. Elle l'aurait donc découvert à un moment ou un autre.

— Vous ne devriez pas ramasser n'importe quoi par terre, ça pourrait être dangereux.

— C'est gentil de vous inquiéter pour moi, lâche-t-elle amèrement en finissant sa deuxième coupe de champagne. Très bon, au passage.

Je devrais l'empêcher de se servir un troisième verre. Je devrais appeler un taxi et la faire ramener chez elle, mais je ne peux pas. Je dévore des yeux chaque centimètre carré de sa peau nue légèrement bronzée. Sa poitrine généreuse plaquée par sa robe me donne des envies que je dois réfréner. Elle est bourrée putain, j'peux pas faire ça. Je ferme les yeux un instant pour tenter d'effacer toutes les images qui se greffent dans mon esprit.

— Vous pouvez m'indiquer les toilettes ?

Elle est debout, une main plaquée sur la bouche. J'ai à peine le temps de me lever qu'elle vomit sur le sol transparent. Je savais bien qu'elle allait faire une connerie. Je passe derrière elle et l'attrape par la taille pour la décaler, j'essuie ses lèvres avec une serviette et fais signe à l'un de mes serveurs de venir nettoyer les dégâts. Finalement, je vais oublier l'idée du taxi. Impossible que je la laisse monter avec n'importe qui dans cet état.

Je l'accompagne vers mon bureau et envoie un message à Liam pour qu'il m'y retrouve. Je n'ai pas de lit, mais le canapé est suffisamment spacieux pour qu'elle s'y allonge. Je dépose un grand verre d'eau sur la table basse.

— Installez-vous ici, j'arrive.

Je ferme la porte en sortant et vérifie que personne ne traîne dans les parages à part Liam.

— Fais en sorte que je ne sois pas dérangé. Petit incident de... Boisson.

— Shadow, y a un problème ?

— Une nana a trop picolé, c'est tout. Préviens son amie, la métisse avec la robe rouge là-bas, qu'elle reste ici avec moi.

Je vois un sourire étirer ses lèvres alors qu'il fixe la jolie brune sur la piste de danse. Je sais parfaitement que c'est son style.

— Ne pose pas tes mains sur elle.

— Ça va, ça va, bougonne-t-il en disparaissant de mon champ de vision.

Quand j'entre à nouveau dans mon bureau, mon avocate s'est endormie. Sa robe dévoile une partie de ses fesses et je dépose rapidement une couverture sur elle pour ne pas me laisser gagner par la tentation qu'elle représente. Ses cheveux tombent à moitié sur son visage. Sa poitrine se soulève à un rythme régulier. Je m'assois face à elle et déboutonne ma chemise pour me mettre à l'aise.

Je sens qu'elle cache des secrets qui commencent à être trop difficiles à gérer. On ne s'amuse pas à boire jusqu'à dépasser la limite par simple plaisir. Je ne le sais que trop bien. Et avant que je ne retombe dans mes travers, je profite de ce moment de répit pour fermer les yeux à mon tour. Une ou deux heures de sommeil ne me feront clairement pas de mal...

— Ma tête...

Seule la lumière posée sur mon bureau éclaire la pièce. Sa voix me tire de mes songes et je soupire en voyant que l'horloge au-dessus d'elle indique 3 h du matin. Je me lève pour lui apporter un cachet d'aspirine et le dépose à côté d'un nouveau verre rempli d'eau.

— Tenez, ça vous fera du bien.

L'avocate ne se fait pas prier pour avaler le médicament et met quelques minutes à immerger de son état post gueule de bois. Son regard se baisse vers sa tenue, puis remonte sur moi, elle semble... Déçue ? C'est quoi son problème ?

— Quelque chose ne va pas ?

— Je pensais simplement que... Laissez tomber.

Elle se lève et manque de trébucher sur le tapis. Un miroir lui renvoie l'image de son reflet et ce qu'elle y voit semble lui déplaire. Chose que j'ai du mal à comprendre.

— Je suppose qu'en étant toujours habillée et à peine décoiffée, je n'ai pas dû vous faire beaucoup d'effet hier soir.

Pardon ? C'est ça qui ne va pas ? Le fait que je ne me sois pas jeté sur elle comme un animal ? Elle a un sacré grain, c'est pas possible.

— Excusez-moi d'avoir eu la décence de ne pas toucher à votre corps trop imbibé par l'alcool.

Elle me regarde à travers le miroir et j'ai l'impression de déceler une lueur étrange dans le bleu de ses yeux. Elle est adulte après tout, si elle est encore dans cette pièce, de son plein gré, c'est peut-être pour une raison. Et si elle veut réellement savoir l'effet qu'elle me fait, il n'y a qu'à demander. Debout, derrière elle, j'attrape sa main et la pose sur mon érection naissante. Elle mordille sa lèvre inférieure et ne quitte pas mon reflet des yeux. J'approche mes lèvres de son oreille pour murmurer avec une envie que je peine à contrôler.

— Hope, je pourrais faire à votre corps des choses tellement obscènes que vous en perdriez l'usage de la parole.

Son odeur excite mes sens et je sais qu'il suffit qu'elle me fasse part de son consentement pour que je dérape. Ce serait une erreur monumentale, surtout avec elle.

— Facta, non verba, murmure-t-elle à son tour.

Des actes, pas des mots. Je sais parfaitement ce que ça veut dire puisque cette phrase est écrite sur mon torse. Ce que je ne sais pas en revanche, c'est si elle la sort du contexte ou si, au contraire, c'est la réponse à ma phrase précédente.

— Si vous êtes certain de ce que vous venez de dire, comme le suggère votre tatouage...

Et puis merde !

D'un geste habile, je fais basculer son corps contre le mien et plaque son dos contre le mur de mon bureau.

— Si vous saviez à quel point vous allez regretter votre insolence...

Mes lèvres s'écrasent contre les siennes et je sens les ongles de ses doigts s'enfoncer dans la peau de mon dos... 

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