Chapitre 1 - Hope 🪷

A tous, souvenez-vous que l'ombre n'existe pas sans la lumière. 
Et qu'il faut parfois voir au-delà des apparences. 


Hope - New York - Quartier de Brooklyn - Octobre

— T'as pas vu mon tailleur ?

Le visage à moitié caché par une couette orange, Sara me regarde d'un air assassin.

— Il est 6h30 du mat' putain, pourquoi j'aurais vu ton tailleur ? grogne-t-elle en enfouissant son visage dans un oreiller en forme de citrouille.

L'automne et ma meilleure amie : une grande histoire d'amour. Il lui suffit de tourner la page du calendrier pour qu'elle redécore notre appartement. Hier, j'ai retrouvé un squelette accroché à l'arrière de ma porte et un tapis de bain qui devient rouge sang au contact de l'eau. Et je ne parle même pas de notre balcon sur lequel elle a disposé tellement de citrouilles que je me demande si je suis toujours chez moi ou dans un champ.

— Parce que tu m'as dit que tu devais faire la lessive !

Elle se retourne en râlant une nouvelle fois et pointe le tas de linge aussi haut que l'Everest qui trône dans le coin de sa chambre. Sérieusement ? Il va vraiment falloir qu'on discute à nouveau de ce que signifie une colocation.
Je dois partir dans dix minutes et je n'ai rien à me mettre. Tout ça parce que Sara préfère s'envoyer en l'air avec le voisin plutôt que de penser à mon brillant avenir d'avocate dans l'un des plus grands cabinets de la ville.

— Fais la lessive bordel, j'suis pas ta mère !

— Mmh... Bonne journée à toi aussi H.

Je l'embrasse sur le front et sors de la chambre pour faire un tour dans mon dressing. Je suis sûre qu'elle s'est déjà rendormie. Bon, il faut avouer qu'elle s'est tuée à la tâche ces dernières semaines. La journée, elle est secrétaire pour un cabinet médical et la nuit... Elle sert des cocktails dans un bar moyennement bien fréquenté du quartier.

Il faut toujours que je lui trouve une excuse pour tout. Déformation professionnelle.

Dans un soupir, j'attrape une robe noire qui m'arrive au-dessus des genoux, un blazer de la même couleur et mes escarpins à la semelle rouge. C'est un cadeau de mon père pour mon entrée au cabinet Brown & Taylor. J'attrape mon sac et enfile mes chaussures en continuant de marcher vers l'entrée de notre appartement.
J'ai connu Sara à la maternelle, elle se faisait embêter dans la cour de récréation parce qu'elle ne s'habillait pas avec des robes comme les petites filles. J'ai pris sa défense et depuis, on ne s'est jamais quittées. Peut-être qu'on le devrait, pour le bien de ma santé mentale ! Mais elle me manquerait trop. J'ai besoin de son côté bordélique et désorganisé pour me permettre de faire une pause dans ma vie trop bien rangée.

On habite à Brooklyn, dans un ancien immeuble de trois étages. Le parquet grince, les coups de vents s'engouffrent par les fenêtres, mais on s'y sent plutôt bien. C'est notre chez nous à toutes les deux. Sara rêve de vivre dans un loft luxueux face à Central Park, autant dire que nos salaires ne sont pas encore à la hauteur de nos espérances !

Aujourd'hui je commence ma deuxième année au cabinet. Je vais avoir mon propre bureau et il parait que j'ai même le droit à une assistante. J'avoue que pour ce point, ça me gêne un peu... Je n'ai pas besoin que quelqu'un m'apporte le café ou le courrier, je peux très bien me débrouiller toute seule !

— Oh putain !

La morsure du froid contre la peau nue de mes jambes me rappelle que l'automne arrive à grands pas et qu'il faut que je pense absolument à prendre un manteau le matin. Je m'engouffre dans la rue en serrant ma veste contre moi, qu'est-ce qu'il caille ! Il me faut environ cinq minutes pour arriver devant mon coffee shop préféré à New York : Chez Gerry. L'odeur du café et des donuts fait déjà gargouiller mon ventre alors que je n'ai même pas encore poussé la porte.
Une petite clochette retentit lorsque j'entre dans le café. Le peu de clients présents ne prend pas la peine de relever la tête, ce que je comprends, il est beaucoup trop tôt. Je m'approche du comptoir et m'installe sur un tabouret haut.

— Tu es bien matinale ma chérie.

Mon père me sourit et me tend une tasse de café à emporter. Gerry, c'est lui, le propriétaire du café. Ça fait des années qu'il en est le gérant. C'est un petit endroit décoré sobrement dont il a su prendre soin.

— Premier jour en tant que... En tant qu'avocate spécialisée dans le trafic de stupéfiants ! Enfin non, pas du trafic, de la lutte contre. Bref, tu m'as compris ! bredouillé-je en enfouissant un énorme bout de beignet entre mes lèvres.

— Ta mère serait très fière de toi. Et je le suis aussi, hein !

Il se rattrape maladroitement en souriant de plus belle. J'aime voir cette expression sur son visage. Je veux croire qu'il est heureux, malgré tout. Ma mère est morte dans un accident de voiture quand j'avais douze ans. Il a perdu l'amour de sa vie ce jour-là. Alors, je profite de tous les moments où il m'est possible de le voir sourire jusqu'à ce que les rides de ses yeux apparaissent.

— Moi aussi je suis fière de toi, tu n'as pas oublié de mettre de la vanille dans mon café aujourd'hui !

Je le taquine et fais le tour du comptoir pour venir l'embrasser sur la joue. Il me prend dans ses bras et je me perds dans son odeur et sa barbe de trois jours qui me chatouille le front. C'est notre rituel depuis toujours.

— Passe une bonne journée Papa. Je t'aime.

— Je t'aime aussi chérie.

Je le salue d'un signe de la main et je m'éclipse du café pour courir après un taxi. Peut-être pas courir, escarpins obligent, mais disons que je marche vite. J'indique l'adresse du cabinet à Wall Street et profite du trajet pour appliquer mon rouge à lèvres. Je veux faire forte impression pour cette nouvelle journée, les associés doivent savoir qu'ils ont eu raison de me faire confiance ! Le soleil se lève lentement sur la ville et je me perds dans l'immensité de ses lumières. Je crois que je ne pourrais jamais vivre ailleurs qu'ici : New York est ma bulle d'oxygène.
Je règle le taxi et m'arrête quelques instants au milieu du quartier des finances. Je ne mesure pas toujours la chance que j'ai de travailler dans cet endroit.

— Tu penses qu'en arrivant avant qu'il fasse jour tu deviendras associée, Underwood ?

Je plisse les yeux en tombant sur Zach Vasquez à la sortie de l'ascenseur. On est sorti ensemble un petit bout de temps pendant nos études et on a réussi à se faire embaucher dans le même cabinet. L'ambition qu'il avait a fait défaut à notre couple et on a fini par se quitter. Il pense toujours que je veux lui voler sa future place d'associé.

— Je pense surtout que tu devrais trouver une autre occupation que moi, Zach.

Je fais claquer mes talons sur le parquet et me dirige vers mon bureau - MON bureau, à moi - au bout du couloir. Il n'est pas très grand, mais plus que suffisant. Les grandes baies vitrées offrent une vue splendide sur les buildings, la bibliothèque déborde de tous les Codes possibles et inimaginables et mon nom est inscrit sur la porte : Hope Underwood.

Quelle classe !

Quand je m'assois à mon bureau pour allumer mon ordinateur, je me rends compte qu'il est en effet très - trop - tôt. Je termine mon café en faisant défiler le fil des actualités. Le cours de la bourse, la météo, un règlement de comptes dans une rue du Bronx. La routine quoi. Mon portable se met à vibrer, c'est Sara : Tu vas tout déchirer bébé ! Son SMS me fait sourire, elle a toujours pensé à moi dans les moments importants. Je me détache de mes occupations après que quelqu'un ait frappé à ma porte. Une jeune femme blonde entre dans mon bureau déjà ouvert, quelques dossiers à la main. Son visage est doux et elle semble intimidée par ma personne.

Depuis quand je fais peur aux gens ?

— Je peux vous aider ?

— Je m'appelle Emma. Emma Davis.

Elle marque une pause, sans doute certaine que je sais qui elle est. Mais il semble que mon relevé de sourcils soit suffisant pour qu'elle reprenne la parole.

— Je suis votre assistante, Mlle Underwood.

— Ah... Oh. Oui, c'est vrai !

Je me lève immédiatement pour aller lui serrer la main. Je ne sais même pas quels sont les codes à respecter dans ce genre de relation hiérarchique.

— Vous pouvez m'appeler Hope.

Pas la moindre idée non plus en ce qui concerne le tutoiement. Elle me tend les dossiers, une enveloppe kraft et une petite boite noire rectangle.

— Je serais juste en face, si vous avez besoin de moi.

Je la remercie en attrapant tout ce qui m'est destiné et retourne m'asseoir à mon bureau. L'enveloppe contient une copie de mon nouveau contrat. La boîte, elle, s'ouvre sur un magnifique stylo plume en céramique blanc, mon nom et mon prénom y sont gravés. À nouveau bienvenue chez nous Mlle Underwood. Brown & Taylor. Le mot des deux dirigeants du cabinet est écrit à la main et chaque signature est personnalisée. J'envoie une photo à mon père et à Sara avant de me consacrer à la véritable raison de ma présence ici : les dossiers liés au trafic qui hante les rues de la ville. 

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