Unicorn
J'ai fermé mes yeux. La sensation du pistolet était agréable dans ma main. Je n'avais pas voulu tirer devant tout le monde. Je préférais pour cela être dans une sphère plus privée. Les petites pièces qui étaient adjointes à la grande centrale étaient parfaites pour cela.
J'ai caressé l'objet, doucement. Frédérique attendait, patiemment, devant moi. Son visage était calme et apaisé. Lui aussi avait récupéré son arme. Il me demanda :
"Tu penses que nous avons suffisamment bien joué ? Tu penses que nous méritons la victoire ?"
J'ai hésité avant de lui répondre. Ce n'était pas évident.
"Je pense que ce ne sont pas les personnes comme moi qui gagnent le Jeu. Elles ne gagnent jamais."
Le visage du jeune homme devint interrogateur.
"Qu'est-ce que tu veux dire Unicorn ?
-Je veux dire que jamais, au grand jamais, les femmes de mon acabit n'ont gagné.
-Qu'est-ce que tu en sais ?
-Tu... Tu n'as pas des souvenirs d'avant ?
-Avant quoi exactement ?
-Avant le début du Jeu."
Je n'avais pas voulu lui en parler. Pas dès le début. J'étais entrée dans ce Jeu en disant que je ne devais faire confiance à personne. Qu'ils me trahiraient tous à la première occasion. Cependant, à lui, je faisais confiance. Bien plus que je ne voulais même me l'avouer. Il n'était pas comme les autres. Il était différent.
C'était la première personne à qui je faisais confiance depuis des années. En quelques jours, il était devenu plus important pour moi que n'importe lequel de mes proches que j'avais pu fréquenter durant des années.
J'avais encore du mal à gérer cette proximité et à gérer ce qu'elle impliquait pour moi. J'avais passé tellement de temps à me refermer sur moi, à être sûre que je n'aimerais personne. Et lui il arrivait là, tranquillement, brisant tous mes principes.
J'avais décidé de lui faire confiance. De lui révéler que moi, contrairement à visiblement tous les autres, j'avais des souvenirs d'Avant.
Il mit un temps avant de me répondre. Il paraissait réfléchir.
"Des fois... des fois j'ai des bribes. Durant mon sommeil. Mais je n'arrive pas à les comprendre ou à m'en rappeler."
J'ai soupiré. Il ne mentait pas. Lui aussi, il avait oublié.
Il leva un sourcil inquisiteur :
"Mais toi... Tu te rappelles ?"
J'ai baissé la tête, comme si j'étais coupable :
"Oui. Enfin pas de tout. Mais de beaucoup de choses.
-Tu as déjà vu le Jeu ?
-C'est un spectacle qui se renouvelle tous les ans pour la gloire de notre Empire. Tout le monde peut en profiter. Donc oui, j'en ai déjà vu.
-Tu as dit que les femmes comme toi ne gagnaient pas. Si ce n'est pas elles qui gagnent, quel est le genre de profil qui gagne ?
-Je... Je ne sais plus. Je ne sais plus, je ne sais plus, je ne sais plus."
Je me suis mise à trembler sur place. Frédérique s'est alors approché de moi et m'a pris dans ses bras. Il m'a murmuré doucement :
"Ne t'inquiète pas, ça va aller, ça va aller, je suis là à tes côtés. Si tu ne te rappelles plus, ce n'est pas grave, ce n'est pas important. On ira tous les deux à la fin de ce Jeu et tu verras que nous gagnerons, nous allons gagner tous les deux ensemble."
Je me suis laissée aller un moment dans ses bras. J'étais bien, allongée de cette manière. Il calmait mes doutes, apaisait mes craintes. J'aurais pu rester ainsi de cette manière allongée pour l'éternité.
Bordel de merde pourquoi est-ce que je n'arrivais pas à me souvenir de cela ? Pourquoi est-ce que certains de mes souvenirs continuaient de m'échapper ?
Je me suis relevée brusquement. J'avais un peu honte de m'être laissée maternée de cette manière. J'étais bien plus forte que cela après tout ! Je ne dépendais de rien ni personne, même de Frédérique !
J'ai pris mon pistolet et je l'ai collé sur ma tempe. J'ai invité Frédérique à faire de même. Il m'a imité. Je lui ai demandé :
"Ensemble ?
-Ensemble", m'a-t-il répondu avec un sourire.
Nous avons tiré à la même seconde.
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