Unicorn
"Allez, réveille-toi !"
J'ai secoué l'épaule de Frédérique un peu brusquement. Il gémit et se retourna de l'autre côté, comme s'il n'avait rien entendu. J'ai soupiré.
Il avait l'air d'un petit garçon, ainsi. Ses boucles blondes encadraient doucement son visage. Il avait une barbe de quelques jours. C'était mignon.
Je me ressaisis. Je n'avais pas de temps à perdre avec ces bêtises. Je devais être prête.
J'ai soulevé brusquement la couette. Il a vivement protesté :
"Unicorn ! Qu'est-ce que tu fais ? Je ne porte rien !
-Lève-toi et habille-toi. On a dormi beaucoup trop longtemps et nous n'avons pas vu l'ordre. Nous avons du retard. Beaucoup trop de retard."
Il s'exécuta en gromellant. J'avais déjà préparé les affaires et étais prête à partir. Il tenta de m'enserrer de ses bras pour m'arracher un baiser. Je l'ai repoussé plus violemment que je n'aurais voulu.
"Lâche-moi. Nous n'avons pas le temps. Si nous n'exécutons pas cet ordre, nous allons mourir, tu entends, mourir !"
Il acquiesça doucement.
Nous sortîmes de la cachette. Quel gâchis de nous avoir autant fait perdre notre temps avec un endroit qui ne nous servirait que si peu ! Au moins le temps qui avait été passé ici avait été agréable. Voir, bien plus qu'agréable.
J'avais trouvé des bottes en fourrure dans la caverne. Elles m'étaient bien utiles et suffisamment chaudes pour braver le froid polaire qui nous entourait. Nous devions marcher aussi vite que possible vers la grande tour noire !
Le trajet se passa en grande partie en silence. Frédérique, qui était au début peu réveillé, s'était entêté dans une sorte de silence boudeur. Très bien. J'aimais le silence, moi. Il nous permettait de ne pas nous faire repérer par d'éventuels ennemis et nous permettait d'entendre quiconque s'approchait. Là-bas j'aurais tout donné pour un peu de silence. C'était tellement bruyant, de jour comme de nuit. Tellement de cris.
Cependant, ce fut moi qui rompis en premier le silence :
"Alors Fredou, t'as perdu ta langue ?"
Je ne pouvais pas l'empêcher. Ce ton narquois, moqueur. C'était devenu naturel au fil des années.
"Tu m'as repoussé tout à l'heure.
-Quand tu as voulu m'embrasser ?
-Oui.
-Oh, arrête, c'était rien, cette nuit pour moi. Il faisait froid, on a pris un peu de bon temps ensemble, c'est tout. Fin de la discussion. Tu croyais quoi, que parce qu'on avait couché une fois ensemble, j'allais devenir ta "petite copine", que j'allais porter des t-shirts avec inscrit "Fred et Uni, c'est pour la vie" ? Tu es ridicule. "
Je le vis accuser le coup. Cela lui avait fait mal. Il murmura doucement :
"Pourquoi tu as besoin d'être méchante ? Je ne t'ai rien fait.
-Oh excuse-moi "chéri", j'aurais dû faire attention à pas heurter tes précieux petits sentiments."
Il avait raison. Pourquoi j'avais besoin de me montrer méchante et narquoise avec lui aujourd'hui ? Depuis le début il avait été adorable avec moi. J'eus la vision de lui ce matin, en train de dormir, sublimé par la lumière tremblante du portable. J'eus encore plus envie de me montrer méchante.
"Et puis j'ai déjà une copine. En dehors. J'ai pas besoin de toi. Hier soir, c'était juste de la pitié."
Il me fixa dans les yeux :
"Soit aussi méchante que tu veux, Unicorn. Moi je pense que si tu te comportes comme cela, c'est parce que tu as peur de quelque chose."
Touché.
Il eut soudain un mouvement brusque vers moi et je crus encore qu'il tentait de m'embrasser. Cependant, lorsque je me sentis tomber en arrière je compris que ça n'était pas cela. Nous sommes tombés tous les deux lourdement dans la neige. J'entendis soudain le sifflement qui avait alerté Frédérique. La flèche passa exactement à l'endroit où se trouvait ma gorge quelques instants plus tôt.
Je me suis relevée rapidement, mon pistolet à la main. Qui que ce soit qui avait fait ça, il allait le payer. Et, cela, très rapidement. Par le sang.
Deux hommes, emmitouflés dans des énormes manteaux nous faisaient face. L'un tenait à la main l'arc qui avait failli me causer un décès prématuré, l'autre possédait une grande épée. Je les ai menacés de mon arme.
"Lâchez ce que vous avez et déclinez vos noms. Et, je te préviens, l'archer, si tu tentes quoi que ce soit, tu n'auras même pas le temps de penser à le bander que tu auras déjà une balle dans le crâne."
Ils s'exécutèrent lentement. J'eus un rictus. Amateurs. Ce qui, en soit, rendait encore plus ridicule le fait qu'on ait pu se faire prendre en surprise par eux. Celui à l'épée était assez rondouillet. Il prit la parole :
"Moi c'est Thomas et l'autre là c'est Derek. On... on est désolé. On... on voulait pas vous blesser... On...
-Nous en effet. Vous vouliez nous tuer.
-Mais vous comprenez c'est le jeu et...
-Tais-toi. Tu parleras quand je t'y autoriserais et seulement là. En tant normal, je vous aurais buté tous les deux, mais il est possible que j'ai encore besoin de vous deux."
Je réfléchis quelques secondes avant de reprendre la parole.
"Je vous propose une alliance. Mais, n'oubliez pas, il va falloir obéir à tous mes ordres et gestes."
Ils acquiescèrent la tête rapidement. Ils étaient terrifiés. Ils avaient cru trouver des proies faciles, ils s'étaient confrontés à plus dur qu'eux. En même temps, cela ne semblait pas réellement très compliqué.
Je leur ai tendu la main. Thomas la serra. Je lui ai adressé mon sourire le plus diabolique. Il ne faut jamais faire un pacte avec le diable. Surtout quand celui-ci se nomme Unicorn et qu'il est bien déterminé à gagner.
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