Unicorn

"Unicorns aren't real. And, if they were, they'd kill you"

Apocryphe

J'ai relevé la tête. Une goutte de sueur coula sur mon front. Je soupirai. Il faisait beaucoup trop chaud. A la froideur de la nuit succédait une chaleur insupportable pendant la journée. Le soleil cognait et je ne voyais pas la moindre petite zone d'ombre. Frederique était à mes côtés. Lui aussi semblait souffrir de la chaleur mais il ne s'en plaignait pas. Il était courageux. Je commençais à l'apprécier, même si je refuser  de me l'avouer. C'était un garçon gentil, charmant. Nous étions opposés en tout. Je voyais bien que je le choquais par ma cruauté mais à vrai dire, je n'en avais que faire. Le monde entier était cruel. Pour le dompter, il fallait être encore plus cruel que lui. C'était la règle essentielle. 

Quand je m'étais réveillée ici, je m'étais sentie étrangement soulagée. J'étais heureuse d'enfin pouvoir libérer mes pulsions meurtrières. J'avais toujours été différente. J'étais une petite fille incomprise et j'étais devenue une adolescente en colère. Je quittais enfin la petite pièce dans laquelle j'avais passé une majeure partie de ma vie et j'étais désormais dans une grande ville, libre, totalement libre. 

Bon, certes, cette ville était délimitée par d'immenses murs en acier hauts de plusieurs centaines de mètres. Mais, cela restait tout de même une grande victoire. J'ai fermé les yeux. Je ne sentais pas la moindre brise sur mon visage. Ma langue commençait à devenir sèche et pâteuse. Il fallait absolument que je m'hydrate.  Il fallait que j'accède à la fontaine au centre de la ville. Cela n'allait pas être facile, surtout que l'ordre d'aujourd'hui était de tuer ou de blesser quelqu'un. 

Un bon nombre de binômes devaient être postés aux alentours de la fontaine, attendant tout simplement qu'un abruti vienne s'hydrater. Je me maudis intérieurement de ne pas y avoir pensé plus tôt. Ni moi ni Frederique avaient rempli l'ordre du jour. Les rues étaient étrangement vides de monde.  

J'ai jeté un bref regard à mon t-shirt. Il était étrangement propre. La dernière fois que je l'avais vu, avant le début du jeu, la licorne rose disparaissait presque entièrement sous une couche de saleté. J'avais l'impression d'être l'une des seules personnes à me rappeler de ma vie dans les moindres détails. Tout le monde semblait l'avoir oublié. Etait-ce une négligence de leur part ou était-ce voulu ? Je ne pourrais jamais les comprendre. Je ne venais pas du même monde qu'eux. Pourquoi m'avaient-ils choisi ? Qu'avais-je de si particulier ? Je ne l'avais pas fait remarqué car je savais que je me ferais remarquer. Comment réagiraient-ils si ils apprenaient que j'avais encore mes souvenirs ? Je serais sans doute leur bouc émissaire. Peut-être était-ce ce qu'Ils voulaient. 

"Le Jeu" était la téléréalité la plus populaire du moment. Elle était aussi cruelle que nécessaire. Seulement, j'en avais seulement entendu parler. Je n'avais pas accès à ce genre de choses. Je connaissais ses débuts. J'avais vu cela à l'école. Pourquoi c'était devenu une nécessité. Que c'était marrant, intéressant. Que cela nous faisait frissonner, rire, pleurer. Je ne m'y étais jamais intéressée. J'étais différente de toute cette population. Je ne me considérais pas comme un des moutons stupides qui suivaient la pensée générale sans tenter de la contester. Je pensais que j'étais au-dessus de tout ça. 

Frederique me fit comprendre qu'il fallait que je me taise. Quatre hommes étaient regroupés ensemble quelques mètres plus loin. Ils semblaient ne pas nous avoir remarqué, ils nous faisaient dos. Ils étaient solidement armés. Je n'ai pas hésité une seule seconde. J'ai tiré sur les quatre. Successivement. Bam. Bam. Bam. Bam. C'était rapide, précis. Ils s'effondrèrent les uns après les autres. 

Mon partenaire me saisit la main :

"Mais pourquoi t'as fait ça ? Ils ne nous avaient pas vu ?

-Et s'ils s'étaient retournés ? Ils nous auraient tué sans la moindre hésitation ! Je nous ai sauvé la vie !

-En tuant quatre pauvres types qui n'avaient rien fait.

-Oh s'il te plait ! Ils étaient au milieu de la route. Ils attendaient sûrement les gars assez cons pour se tenir à portée de leurs armes à feu. Qui te dis que je n'ai pas sauvé des milliers de vie ?"

Frederique détourna le regard. Il n'approuvait pas mes méthodes. Peut-être qu'il réfléchissait à ce moment-même à la façon à  la moins dangereuse de me quitter rapidement. Peu importe. J'avais l'habitude d'être abandonnée par les autres. Un de plus, un de moins, qu'est-ce que cela changerait, au fond ? 

Je n'avais plus vraiment le temps de me creuser les méninges. La fontaine était devant moi. 


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