Lucille

Ne plus avoir de main gauche n'était pas aussi terrible que je l'aurais pensé au prime abord.  Certes, cela avait tout d'abord fait mal, mais désormais cela allait mieux. Ne plus avoir de main était incomparable avec la douleur de ne plus avoir de fils. C'était une douleur nécessaire, une douleur par laquelle je devais passer pour enfin avoir le droit de le revoir, de caresser son visage au moins une dernière fois. Il me restait huit ordres à exécuter. Huit ordres pour pouvoir avoir le droit de sortir de cet endroit. Ce n'était pas si terrible. De toute manière, j'étais prête à tout. 

Le mal que je devrais infliger, à moi-même ou aux autres serait la preuve d'à quel point je tiens à mon enfant. 

Dans la pièce principale, une table était dressée, elle avait dû l'être pendant la nuit. Personne n'avait rien vu ni entendu visiblement. Cela renforçait mon opinion selon laquelle qui que soient ces mystérieux organisateurs, ils avaient des complices ici, dans ce jeu. Peut-être même que ce fameux "Organisateur" était lui-même parmi nous, en train de profiter pleinement de son petit jeu tordu. 

Sur cette table, vingt-deux pistolets se tenaient. Ils étaient tous identiques, si on exceptait l'étiquette indiquant le nom de son propriétaire qui était dessus. 

Un homme à mes côtés éclata de rire. 

"Et qu'est-ce qui nous empêche de prendre un pistolet qui ne nous appartient pas d'une personne qui a sûrement une bonne note ? Bah rien ! Ah, ils n'avaient pas prévu cela le fameux organisateur et sa clique de merde hein ?"

Il se tourna vers une fille que je n'avais pas remarqué, aux longs cheveux sombres et dont les yeux brillaient d'une lueur rougeâtre.

"Je vais prendre le pistolet de l'autre folle-dingue là !"

Elle n'avait pourtant pas l'air bien menaçante vu d'ici. Elle semblait même... affaiblie. Elle ne fit aucun geste pour se précipiter vers son pistolet, elle se contentait "d'observer". 

Une autre femme que je n'avais jamais vu non plus prit la parole. Elle avait l'air âgée, mais j'avais du mal à mettre un chiffre sur son visage. Soixante ans, soixante-dix, plus ? Qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Comment une femme de son âge avait pu survivre aussi longtemps ? Enfin, ce que ce jeu nous apprenait, c'est qu'il fallait éviter de se fier aux apparences. Si cette femme était là, c'est qu'elle avait probablement des raisons de l'être. Elle dit, d'une voix calme et sans appel :

"Si j'étais toi je ne ferais pas cela."

Il ne l'écouta pas et se précipita vers l'arme avec le nom "Unicorn" indiqué dessus. Personne ne bougeait, on le fixait tous. Il attrapa le pistolet, se le mit sur la tempe et tira. Il éclata de rire :

"Je vous l'avais bien dit ! J'ai survécu ! Je vais gagner ce j..."

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Son sourire disparut brusquement. Son visage devint bleu et son corps tout entier fut pris de convulsions. Il commença à hurler et à se tordre de douleur au sol. Personne ne fit un geste pour l'aider. Les gens commençaient à avoir l'habitude. Une seule fille, aux longs cheveux bruns et bouclés mit sa tête dans ses mains, pour ne pas regarder. Il continua à se convulser durant un petit moment, puis il arrêta. Il était raide mort, son visage figé dans une masque de douleur intense. 

La vieille femme soupira :

"Quel abruti. Je l'avais bien dit. Ce Jeu n'aime pas les tricheurs."

Elle se dirigea à son tour vers la table et prit le pistolet avec l'étiquette "Eliane". Elle ne tira pas, elle le garda juste avec elle et elle quitta la pièce. Je décidais de l'imiter. Je me suis dirigée, lentement. J'ai pris mon arme dans ma main. Elle était plus lourde que ce que j'aurais imaginé. Je l'ai soupesé un moment, tentant de l'analyser. 

Mon souffle était plus saccadé que je ne l'aurais voulu. Je n'allais pas attendre la fin de la journée et n'avoir qu'une chance sur deux de survivre. Il fallait que je sache maintenant. Depuis le début j'estime avoir plutôt bien joué. La question était, est-ce que j'avais suffisamment bien joué pour faire partie des survivants ? 

J'ai fermé les yeux. Je me devais de le faire. Maintenant. J'ai posé l'arme sur mon front. J'étais prête. J'ai enlevé la sécurité et j'ai appuyé sur la détente. Puis, j'ai attendu l'impact qui n'aurait su tarder. 

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