CHAPITRE 5 : Je préfère Dieu grec
Voici le temps de midi. Cass, Leila et moi-même tentons de nous frayer un chemin vers la cafétéria. Déjà bondée, Cass s'exclame dans mon dos, tout en sautillant.
– Génial, des tacos au menu! Miam miam, j'ai tellement faim!
Il faut dire que c'est sa cuisine de prédilection! Malgré sa silhouette filiforme, c'est le genre de filles qui peut se permettre de manger absolument tout ce qu'elle désire! Et il faut bien le reconnaître, de l'appétit, elle en a à revendre!
Nous prenons chacune notre plateau, et tentons de dénicher une place parmi cette foule d'élèves.
– Regardez du côté du distributeur, à droite. Caleb est tout seul, on y va? nous propose Leila.
Cassie et moi hochons de la tête et nous nous dirigeons vers sa table. Rapidement, je remarque qu'il n'est pas seul. Il est avec Emma Jones, une élève de terminal.
Caleb et moi nous ne nous connaissons pas si bien. J'ai quelques cours en commun avec lui, et notamment cours d'espagnol. La plupart d'entre nous avons choisi l'apprentissage de cette langue étrangère. Il n'y a qu'une dizaine d'élèves de notre année en cours de chinois et quatre ou cinq élèves en cours de français. Adam, lui, a opté pour le français. Surprenant...
Caleb a toujours été relativement timide. Nettement plus sur la réserve. Il faut savoir qu'il faisait parti de la bande d'amis d'Adam. Même davantage, c'était son meilleur ami, bien avant Julian. Leurs pères étaient à l'école ensemble.
Comme vous l'avez déjà compris, Caleb et Adam ne se côtoient plus et même plus, ces deux-là ne s'adressent même pas un regard! J'ai constamment eu cette envie insoutenable de demander à Caleb la raison de cette brouille. Simplement, la situation n'était jamais propice... En plus, ma mère m'a toujours dit que j'étais beaucoup trop curieuse... Et, elle se fait toujours une fâcheuse habitude de me rappeler que c'est un de mes vilains défauts!
Nous arrivons devant Caleb et Emma. Leila s'adresse à eux.
– On peut s'assoir avec vous?
Caleb nous regarde gêné et répond d'un ton convivial.
– Oui, bien-sûr, asseyez-vous.
Nous sommes assis en face l'un de l'autre et Leila en vient à reprendre sa discussion de tantôt au sujet de la saison quatre d'Elite et de la future saison, qui sortira en avril prochain. Un grand débat s'installe alors entre elle et Emma. La première étant dévastée du départ de Guzman et la seconde, ravie de voir arriver enfin de nouveaux personnages.
– Je trouve qu'il y avait encore quelque chose à raconter au sujet de la relation entre Guzman et Nadia. Tout s'est trop précipité dans la saison trois! s'exclame Leila, en parlant avec ses mains.
– Ok d'accord sur ce point, mais il était temps de voir de nouvelles têtes! Et puis, l'acteur franchement avec son potentiel, il peut sans problème se diriger vers d'autres projets dorénavant! réplique Emma avec une conviction sans faille.
– Carrément, comme tu en parles, on dirait que c'est toute ta vie, affirme Cass en regardant Emma.
– C'est loin d'être ma série préférée, mais j'admets que j'ai une véritable passion pour le monde du cinéma, concède Emma avec une certaine fierté. Pour notre cours de théâtre, avec Caleb, on revisite la pièce de théâtre Hamlet, de Shakespeare. C'est très exaltant!
– Du coup, c'est de là que vous vous c-connaissez ? questionné-je, avec ma curiosité naturelle.
Emma et Caleb se regardent et se sourient amicalement. Ce dernier nous dit alors.
– Oui, cela fait quatre ans qu'on suit ce cours ensemble. Tous les mardis après-midi.
Quelques minutes plus tard, je me rends compte que je ne suis plus la conversation. Je rêvasse, partie dans mes pensées les plus fugaces. Ailleurs, dans un autre monde, poursuivant des chimères. Mon trop plein d'imagination, fait d'illusions à répétions, prend trop souvent le dessus sur les instants présents que je passe avec mes proches. Je dois bien confesser que je perds bien vite ma concentration...
Ma vie ne me suffit-elle pas pour que j'en vienne, immuablement, à me projeter dans ces utopies à répétition?
Quelque chose ou plutôt quelqu'un me ramène dans la réalité, ma réalité. Adam. Il me fixe. Ce dernier est dans le fond de la salle, à droite. Une pomme à la main, comme à son habitude.
Continuant à me coincer du regard, je fais alors de même. D'où je me trouve, je remarque qu'il semble déstabilisé et voilà qu'il prend son sac et...se dirige vers moi. Enfin, vers notre table.
– Et quoi, bien mangé? Des tacos, ça doit te rappeler la nourriture que tu manges chez toi? dit-il sur un ton enjoué, en repoussant de sa main droite quelques fines mèches lui tombant sur son front.
– C'est mexicain, gros con, riposté-je.
Adam se met à rire et Cass, Leila et Emma semblent comme captivées par nos échanges. Il ne leur manque plus que les pops corns.
– Gros con... Sympa... Je préférais que tu m'appelles Dieu grec, me confie-t-il avec ce regard espiègle, qui lui va comme un gant.
– Cours toujours! Pourquoi as-tu toujours ce besoin d'emmerder les gens? Tu n'as pas d'autres choses à faire de ta journée?
– Les gens? Et dis-moi un peu, qui j'ennuie d'autres à part toi?
– Heuuuuuu... Je ne sais pas quoi répondre. Il marque un point sur ce coup là.
Adam me braque du regard et me dit, tout naturellement.
– Tu sais, moi après tout... Je n'aime ennuyer que toi.
En quel honneur mon cœur vient-il de faire un bond? Et pourquoi Leila et Cassie nous regardent avec ce sourire béat?
– Ils sont toujours comme ça, ces deux là? s'informe Emma auprès de mes deux amies, comme si Adam et moi n'étions pas là...
– Elles certifient en chœur: ouiiiiiii!
Je me tourne vers elles pour les fusiller du regard. Je remarque Caleb par la même occasion. Il s'est mis sur le côté, son GSM en main et ses lunettes sur le nez. Il semble ne pas vouloir écouter la conversation. Est-il mal à l'aise du fait de la présence d'Adam? Mais très vite, Adam s'adresse à Leila.
– Leila, je peux te parler deux minutes? demande-t-il avec une soudaine gentillesse.
Depuis quand se parlent-ils ces deux là?
– Oui bien-sûr, répond-elle en prenant son sac.
Ils se dirigent tous les deux vers la porte B, menant au hall omnisports. Nous avons cours de sport, justement après la pause. Ils s'arrêtent et discutent. Adam semble comme inquiet. Ils reprennent le chemin vers la sortie et ce dernier me jette alors un nouveau et bref regard. Encore ce regard épeuré, nerveux...
Que se passe-t-il? Et que peuvent-ils bien se dire? Parlent-ils de moi? Tant de questions me viennent à l'esprit... J'arrête de me questionner et je reprends mes esprits. Cassie et moi quittons la salle et nous nous dirigeons également vers cette porte.
Aujourd'hui, ce sera cours d'athlétisme.
– Et bien, ce cours m'a crevée! Je suis vidée! s'exclame Cass, en sueur.
– Heureusement que c'est l'après-midi et non le matin! Tu t'imagines avoir cours de sport, puis cours toute la journée? Quel horreur! lui dis-je.
– C'est vrai que cette année, on a eu de la chance dans le programme de cours! L'année passée, c'était quand même deux heures de sport jusqu'à midi puis cours de math! réplique-t-elle.
– Mon dieu, quel souvenir... Bon, j'y vais les filles, je rentre! annoncé-je à mes camarades de classe.
Cassie insiste.
– Et, tiens-nous au courant pour le repas de ce soir!
– Je n'y manquerai pas! Comment pourrais-je oublier...
Je sors du vestiaire des filles, et je me rend vers mon casier. Je m'empare de mon sac de cours et de mon livre de biologie, afin de réaliser mes devoirs pour demain, quand j'entends cette voix si familière, derrière moi.
– E-eva? dit Adam, avec hésitation.
Je ne me rappelle plus la dernière fois qu'il m'a appelée par mon prénom...
– O-oui? réagis-je, si surprise. Je me retourne, afin de lui faire face.
– Tu vas bien? me questionne-t-il une nouvelle fois, avec cet air si inquiet que je ne lui reconnais pas.
– O-oui, lui affirmai-je comme si je cherchais quoi répondre...
Je le regarde. Il me regarde. C'est comme si nous attendions chacun qu'il se passe quelque chose.
– Rien. Oublie. finit-il, tout en regardant ses pieds. Il part avec précipitation vers la sortie.
Que vient-il de se passer?
Qu'a-t-il voulu me demander?
Pourquoi ce garçon à l'apparence si sereine, a-t-il tout à coup l'air si triste et si hésitant?
Tant de questions me viennent à l'esprit... Si vous m'aviez dit que d'ici quelques heures, toutes ces questions auraient une réponse, jamais je ne vous aurais cru!
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