CHAPITRE 12 : Un pas après l'autre - Du point de vue d'Adam



Eva est dans le fond du jardin, assise sur le banc en bambou, à côté du cerisier. Je m'avance vers elle à pas lents, en tentant la discrétion. Pendant maintes minutes, je reste en retrait, sans vraiment trouver la bonne manière pour venir vers elle.


– On t'a demandé de venir me surveiller? s'interroge-t-elle, sans bouger d'un poil.


Je suis étonné. Je ne pensais pas qu'elle m'avait remarqué. Décidément, elle a une ouïe fine.


– Je préfère le mot veiller que surveiller, lui répondis-je en m'avançant devant elle.

– Je n'ai besoin de personne pour veiller sur moi, affirme-t-elle avec une conviction sans faille.


Sa réponse ne peut m'empêcher de sourire.


– Tout le monde a besoin d'un ange gardien, non?

– Et ce serait toi mon ange gardien? me demande-t-elle en me regardant droit dans les yeux. Ce genre de regard qui déstabilise.

– Pourquoi pas?


Je m'assois à sa gauche, et elle poursuit.



– Un ange gardien n'est pas censé nous vouloir du bien? Elle insiste bien sur le dernier mot.


Je lui fais face. Je ne souhaite plus qu'elle porte ce regard là sur moi. Je veux qu'elle découvre une autre facette de moi... En fait, mon véritable moi.


– Tu penses toujours que je te veux du mal?!


Elle marque un silence et esquive ma question, en formulant la sienne.


– C'est ton père qui t'envoie?

– Pourquoi mon père me demanderait de venir te voir?

– Pour me surveiller... Voir ce que je fais?


Est-ce que toutes les filles sont à ce point paranoïaque? C'est déconcertant! Je lui réponds alors avec affirmation.


– Je suis là de ma propre initiative. Personne ne m'a obligé à venir. Mais si tu souhaites que je parte, je partirai.

– Non, reste. Stp.


Elle me lance ces mots, en posant sa main sur la mienne. Pendant plusieurs minutes, nous laissons le temps passer. Aucun de nous ne prononce un mot. Pourtant, ce silence dit à la fois rien et tout en même temps...


– Tu crois que je trouverai ma place dans cette maison?

– Tu la trouveras, oui. Il faudra du temps, comme toute chose vient à temps. Nous te la donnerons en tout cas, je te le promets.

– Depuis quand es-tu gentil avec moi? tu as pitié de moi?

– Jamais, lui répondis-je fermement. Comment peut-elle penser ça de moi?

– Ça fait des années que je vis seule avec ma mère, et tous ces changements me chamboulent intérieurement, confie-t-elle.

– C'est compréhensible, non? Tu es humaine après tout.

– Et toi, cela ne te fait rien?

– Bien-sûr que si. Ce que tu peux ressentir, je le ressens aussi. Je le montre juste différemment de toi.

– J'en ai assez de pleurer, me dit-elle dans un long souffle.

– Tu sais, aucune épreuve n'a jamais été surmontée sans verser aucune larme.

– Tu es philosophe maintenant? rétorque-t-elle sur le ton de l'humour.

– Pourquoi pas? Au moins, j'ai réussi à te faire regagner le sourire. C'était mal partie!

– Tu es ici tous les jours?

– ''Ici tous les jours''? répété-je, sans comprendre sa question.

– Je veux dire, est-ce que tu vis chez ta maman une semaine sur deux?

– Non, répondis-je sur un ton neutre. Je me doutais bien que nous allions forcement aborder ce sujet tôt ou tard, mais je ne me sentirai jamais assez près pour ça...

– Tu n'as pas envie de la voir?

– Qui a dit que c'était moi qui ne voulait pas la voir?


Elle marque une pause, ébahie par les propos que je tiens. Troublants mais pourtant vrais.


– C'est ta mère qui... Elle n'ose pas terminer sa phrase.


Je prends mon courage entre les mains, et je lui dis ce que j'ai sur le cœur.


– Elle ne désire plus avoir de contact avec nous.

– Comment est-ce possible, c'est votre mère?!

– Ça, c'est la question à 10 millions...

– Tu ne la vois jamais?

– Non, et cela fait des années. Elle habite dans le même comté, mais bon...

– Comment peut-on grandir sans la présence de sa mère?

– Et bien, on apprend, seul. On se trompe, on trébuche, on tombe et puis finalement on se relève. Et enfin, on se retrouve chaque année en classe avec la même fille, et on en vient à retrouver le sourire.

–Tu vois, finalement ce que tu peux ressentir au plus profond de toi, je le ressens aussi, lui fis-je remarquer sans détacher mon regard du sien.


J'observe qu'elle est affectée par mon discours. Je tente alors d'aller vers un autre sujet.


– J'ai un remède pour toi.

– Haa oui?? dit-elle avec surprise.

– Le dernier vendredi du mois. 20 heures chez Julian. Prends Leila et Cassie avec toi!



Un pas après l'autre.


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