I.XI - Bien débuter son histoire
À PROPOS DE LA SITUATION INITIALE
Dans la structure narrative dite classique, une histoire débute toujours avec ce que l'on appelle la situation initiale.
Les anglophones, eux, parlent plutôt de hook. Bref, pas d'un quotidien pouvant être morne et sans intérêt, mais d'une accroche, d'un hameçon acéré capturant le lecteur.
Cette différence entre les termes utilisés cause des approches radicalement opposées. En conséquence, les auteurs francophones, qui prennent pour acquis que l'action ne peut débuter avant un excès d'exposition, tombent fréquemment dans le piège qu'est la situation initiale où il ne se passe rien.
Jusqu'à maintenant, toutes les histoires analysées dans le cadre de mes diagnostics avaient ce problème majeur. Leurs auteurs devaient systématiquement supprimer une ou plusieurs scènes, ou même plusieurs chapitres, avant d'atteindre leur début optimal. Après réflexion, il m'est paru évident que la notion de situation initiale posait problème. Sinon, pourquoi tant d'auteurs francophones vivraient-ils ces difficultés?
Nous aborderons donc, dans l'article d'aujourd'hui, l'art d'écrire un début entraînant pour son histoire en évitant le piège de la situation initiale lente et ennuyante.
TABLE DES MATIÈRES
I. Un bon début
> I.I. L'hameçon
> I.II. La première phrase
> I.III. Les six points essentiels
II. Un mauvais début
> II.I. Le manque d'informations essentielles
> II.II. Les informations superflues
> II.III. Le mauvais prologue
> II.IV. Le rêve
III. La conclusion
SOURCE
L'article d'aujourd'hui m'a été inspiré par K.M. Weiland, qui partage des articles très enrichissants sur son site web à succès, Helping Writers Become Authors. Elle a aussi écrit plusieurs romans, dont un de fantasy.
Aujourd'hui, je vais m'appuyer sur son ebook, Structuring your Novel, qui propose aussi des pistes pour pousser la matière plus loin.
Si vous comprenez bien l'anglais, ses articles sont une incroyable mine d'informations gratuites pour tout écrivain en devenir!
I. MAIS QU'EST-CE QU'UN BON DÉBUT?
I.I. Les bons débuts ont un hameçon bien pensé :
Imaginez les lecteurs comme des poissons. Wattpad, lui, est un immense océan où pulluent des milliers d'hameçons aux appâts — couverture, résumé, titre, nombre de vues — tous plus tentants les uns que les autres.
Si vous n'attrapez pas ces poissons avec l'hameçon de votre premier chapitre, ils vont vous quitter, attirés par l'appât voisin.
Mais qu'est-ce que l'hameçon?
Dit simplement, l'hameçon est une question capable de piquer l'intérêt des lecteurs. Elle doit être spécifique, précise et centrale à l'intrigue. Par exemple, dans un roman policier, le lecteur se demande, dès le premier chapitre, qui est le meurtrier. Dans un roman d'amour, le lecteur se demande si l'héroïne formera un couple avec l'intérêt amoureux.
Vous l'aurez compris, la question qui vous servira d'hameçon ne peut pas être vague.
Une question floue, ça n'a rien de mystérieux, de profond ou de complexe. Ça chasse le lecteur, qui ne veut pas lire le chapitre suivant car vous ne lui avez donné aucune raison de le faire.
Des exemples de questions spécifiques :
> Katniss survivra-t-elle aux Hunger Games?
> Harry échappera-t-il à l'emprise des Dursley?
> Raiponce quittera-t-elle la tour où sa mère adoptive la maintient prisonnière?
Un exemple de question trop vague :
> Que se passe-t-il?
Notez qu'il est possible de répondre à la question de l'hameçon dans les premiers paragraphes à condition d'introduire aussitôt une autre question, et ainsi de suite, jusqu'à la fin de l'histoire. Un lecteur qui veut désespérément obtenir des réponses à des questions spécifiques (encore une fois, les questions floues ne sont pas valides) est un lecteur comblé!
À L'AIDE! Je ne sais toujours pas comment définir mon hameçon!
Vous avec encore besoin d'un coup de pouce pour définir votre hameçon? Voici quelques pistes pour vous aider à y réfléchir. Pour chaque question, notez toutes vos idées, même les plus farfelues.
1. En prenant compte des informations données plus haut, quelles questions spécifiques pourraient-elles accrocher vos lecteur dès les premières lignes?
2. Comment pourriez-vous les écrire de façon explicite? Bref, dite clairement, avec le point d'interrogation. Ex : Est-ce vraiment la Terre?
3. Comment pourriez-vous écrire ces mêmes questions de façon implicite? Ici, vous ne la formulez pas comme une question, mais le lecteur se questionne tout de même. Ex : Je suis un homme invisible. (Question implicite non-dite : Comment est-ce possible? Pourquoi est-il invisible?)
Répétez autant de fois que nécéssaire! À la fin, choisissez l'une de vos idées, qu'elle soit explicite ou implicite. Vous devrez l'intégrer dans le premier paragraphe de votre premier chapitre, si possible dans la première ligne.
I. II. Les bons débuts ont une première phrase mûrement réfléchie :
Dans cet océan wattpadien où les appats sont tous plus tentants les uns que les autres, votre première phrase, si bien ficelée, peut faire toute la différence. En effet, comme il s'agit des premiers mots que lira votre lecteur, et que rien ne l'empêche d'abandonner sa lecture à tout instant, vous ne devez pas lui donner la moindre raison de penser qu'il n'aimera pas la suite.
Heureusement pour vous, l'écriture d'une bonne première phrase n'est pas une question de chance. Les premières phrases célèbres pour leur efficacité partagent des points communs dont vous pouvez vous inspirer :
1. Elles soulèvent une question. Ex : Pourquoi l'autre côté du lit est-il froid? Pourquoi les personnages dorment-ils à l'extérieur malgré la pluie?
2. Elles introduisent le protagoniste.
3. Elles donnent une première impression de l'environnement.
4. Elles donnent le ton au reste de l'histoire. Si votre histoire est une tragédie, ne la commencez pas par une blague!
Il est très difficile de trouver la première phrase idéale, mais aussi très important de le faire, alors n'hésitez pas à prendre votre temps et à la réécrire au besoin. La première impression est capitale.
I. III. Finalement, les bons débuts partagent, de manière générale, ces six points communs :
Pour vérifier la qualité de votre début, répondez aux questions ci-dessous et notez vos réflexions. Elles vous aideront à vérifier la présence des six points!
1. Ils commencent au moment où l'histoire débute réellement.
À quel moment débute votre histoire? Bref, à quel moment la vie du protagoniste commence-t-elle à changer? Jusqu'où pourriez vous effacer votre histoire sans confondre vos lecteurs?
2. Ils commencent avec des personnages, de préférence le protagoniste.
Quel est le personnage introduit dans votre première scène? L'avez-vous introduit par son nom? Si non, avez-vous une bonne excuse? Pouvez-vous identifier une façon d'introduire sa personnalité et son rôle dans l'histoire par l'action, et une autre par le dialogue?
3. Ils commencent avec un conflit.
Dans votre scène d'ouverture, quel est l'objectif de votre protagoniste? Qu'est-ce qui l'empêche d'atteindre son objectif?
4. Ils commencent avec du mouvement, de l'action.
Que font vos personnages pour rester en mouvement pendant la scène d'ouverture?
5. Ils décrivent les lieux.
Où se déroule votre scène d'ouverture? Seriez-vous capables de le laisser présager dans la première phrase?
6. Ils donnent le ton au reste de l'histoire.
Quelle est l'émotion évoquée par votre scène d'ouverture? En quoi donne-t-elle une impression réaliste du reste de l'histoire? Quels mots ou figures de style avez-vous utilisés pour atteindre cet effet?
EN RÉSUMÉ, UN BON DÉBUT...
A un hameçon accrocheur.
A une première phrase bien réfléchie.
Correspond aux six points caractérisant les bons débuts.
II. ET QU'EST-CE QU'UN MAUVAIS DÉBUT?
II. I. Les mauvais débuts refusent de répondre à des questions qui ne devraient pas en être :
Certains auteurs pensent que l'absence de réponse à des questions essentielles donne un côté mystérieux — et donc, professionnel — à leur premier chapitre. Oh, grave erreur. Il existe huit questions que les lecteurs ne devraient jamais se poser :
1. Comment s'appellent les personnages présents?
2. Quel est l'âge (au moins physique) des personnages présents?
3. À quoi ressemblent les personnages présents?
4. Quel est l'endroit où se déroule la scène?
5. Avec qui interagit votre protagoniste?
6. Quelles sont les relations entre le protagoniste et les autres personnages présents?
7. Quel est l'objectif immédiat du protagoniste?
8. Quelle est la raison pour laquelle le lecteur devrait continuer de lire?
Et j'insiste. Ce n'est ni mystérieux, ni palpitant, ni inquiétant de ne pas avoir de réponse à ces questions. C'est très chiant. Pourquoi? Parce que vous vous moquez de vos lecteurs en leur cachant des informations banales.
II. II. Les mauvais débuts donnent trop de détails sur le passé des personnages :
Les auteurs débutants ont tendance à sous-estimer l'intelligence de leurs lecteurs. En conséquence, ils leur donnent beaucoup trop d'informations sur le contexte de leur histoire, allant même jusqu'à les noyer dans d'immenses paragraphes descriptifs qui sont, en réalité, totalement superflus.
Bien sûr, il faut donner un minimum d'informations essentielles pour que les lecteurs aient envie de lire la suite. Toutefois, avant d'en donner, demandez-vous toujours si elles :
1. Font avancer l'histoire?
2. Sont données au meilleur moment possible?
Si vous avez répondu non à l'une de ces questions, supprimez-les et /ou pensez à une façon plus efficace de les partager à vos lecteurs. Votre histoire n'en sera que meilleure.
II. III. Les mauvais débuts ont un prologue ayant été écrit avant la fin de la version actuelle :
Le prologue devrait être la toute dernière chose que vous écrivez — et encore, il est loin d'être nécéssaire! Si vous avez terminé votre version actuelle et que vous tenez absolument à écrire un prologue, assurez-vous qu'il :
1. Accroche le lecteur avec au moins autant d'efficacité que votre premier chapitre.
2. Soit à l'image de l'histoire que le lecteur s'apprête à lire.
Si vous n'avez pas terminé votre version actuelle, ce n'est même pas la peine d'essayer. Vous devrez, de toute façon, le réécrire à la fin. Vous ne voudriez tout de même pas faire fuir vos lecteurs, si?
Si votre prologue a été écrit avant la fin de votre version actuelle (ou pire, qu'il sert à donner de l'information sur votre l'univers), brûlez-le sans pitié. Vos lecteurs vous en seront reconnaissants.
II. IV. Les mauvais débuts commencent par un rêve :
Ah, le fameux rêve!
Non, il n'est pas prudent de débuter son histoire par un rêve, et c'est le comble considérant qu'il s'agit d'une pratique bien trop répandue chez les auteurs débutants. Si vous devez absolument le faire, limitez-vous à un paragraphe et, avant toute chose, assurez-vous de répondre à ces questions :
1. Est-il absolument nécéssaire au reste de l'histoire?
2. Est-il clair?
3. Contient-il un conflit ou de la tension?
4. Permet-il au protagoniste de grandir — bref, de se développer?
Si vous avez répondu non à l'une de ces questions, supprimez-le. Vous me remercierez plus tard.
EN RÉSUMÉ, UN MAUVAIS DÉBUT...
Omet des informations essentielles et / ou donne trop d'informations superflues.
A un prologue ayant été écrit avant la fin de la version actuelle, qui n'accroche pas le lecteur et / ou n'est pas à l'image du reste de l'histoire.
Commence par un rêve qui n'est pas nécéssaire, flou, ennuyant, trop long et /ou qui n'a aucun impact sur l'évolution du protagoniste.
CONCLUSION
Il n'existe pas de recette miracle pour bien commencer son histoire, mais les pistes données dans cet article peuvent vous servir de guide.
Contrairement à la croyance populaire, il n'est pas acceptable d'écrire un mauvais premier chapitre sous prétexte que, selon la notion de situation initiale, l'histoire débute plus tard. C'est au premier chapitre qu'elle doit débuter. Et non, aucun prologue, même le plus palpitant, n'excuse un mauvais premier chapitre.
Si vous trouvez déjà votre premier chapitre ennuyant, vos lecteurs le trouveront mille fois pire.
N'attendez jamais avant d'entrer dans le vif du sujet. Commencez dès l'instant où la vie de votre protagoniste change pour toujours ; où son quotidien cesse d'être morne et sans intérêt ; où l'histoire de sa vie devient enfin palpitante, unique et excitante!
Ne prenez pas vos lecteurs par la main. Il ne sont pas idiots et aiment réfléchir. Si vous leur donnez le minimum d'informations nécéssaire, ils comprendront même si vous commencez dans l'action.
Ils préfèrent, et de loin, voir les personnages en mouvement plutôt que de se faire raconter leur vie dans de longues descriptions. Ils aiment l'action, la tension, le conflit. Ils aiment enquêter pour trouver des réponses à leurs questions. Ils aiment interpréter l'attitude de vos personnages. Ils aiment émettre des hypothèses.
Alors faites-leur confiance! ❤️
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Qu'avez-vous pensé de cet article de conseils? Avez-vous encore des questions?
J'ai très hâte d'avoir vos commentaires!
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