Après avoir dîné, tout le monde avait posé son assiette à côté de la pierre où il était assit. Le silence arrivait petit à petit dans le village, nous laissant pour seul bruit, le crépitement du feu que nous entourons. Jack, qui s'était mis à côté de moi, me chuchote doucement quelque chose à mon oreille, de sorte à ne pas faire trop de bruit.

- Une fois par semaine, tout les mercredi soir, nous avons pour habitude de raconter des histoires passées, des légendes, des mythes... ça nous rappel notre passé et ce qu'il se cache dans ce monde.

Waouh, je n'avais encore jamais participée à un truc comme ça. A l'intérieur de ma ville, tout est beaucoup plus strict. Nous n'avons pas le droit de savoir quoi que ce soit sur ce monde qui nous entoure hormis qu'il est dangereux. Les enfants qui jouaient et qui se racontaient des histoires de créatures surnaturelles, des histoires magiques, qui rêvaient d'en voir, se faisaient réprimander et on leurs interdisaient d'en reparler et d'oublier toutes ces bêtises. J'ai eu de la chance moi, dès que j'allais chez ma grand-mère, elle me contait diverses histoires interdites, nous faisions même des chasses aux trésors dans sa maison... Ce sont de bons souvenirs... Elle me manque tellement... J'étais plus proche d'elle que de mes parents ou de n'importe qui d'autres. Un homme me fait revenir à la réalité lorsqu'il se met à parler. Je sens un souffle se rapprocher de moi et je me rends compte que c'est le fils du chef qui s'apprête à me parler.

- Lui, c'est Rakis. Il est le meilleur conteur du village. Il a vécu et entendu tellement de choses qu'il connaît quasiment tout ce qu'on peut savoir sur ce monde.

Je le regarde, impressionnée.

- C'est vrai ? Il... il a déjà voyagé plus loin qu'ici ?

- Oh ça oui. Il est allé plus loin que n'importe qui. Il a... On reprendra cette discussion plus tard, il commence son récit.

- OK.

Ce Rakis est un homme de la cinquantaine quasiment, avec des cheveux qui lui descendent jusqu'au épaule. Je suis impatiente d'entendre ce qu'il va raconter. J'espère que ce sera aussi bien que ce à quoi je m'attends.

- Alors qu'est-ce que tu vas nous raconter cette fois, demande un enfant.

- La légende du Grimoire perdu.

- Waouh, ça a l'air trop bien !

Le petit a le sourire jusqu'aux oreilles et s'assoit confortablement pour savourer ce que cet homme va nous conter.

- Cette légende raconte qu'un Grimoire aux pouvoirs immenses, pouvant faire tout aussi bien le mal que le bien, a été dérobé un soir à son propriétaire. Ce voleur le voulait pour détruire le monde, le mettre à son image. Il voulait tout contrôler. Malheureusement pour lui, le Grimoire avait été enchanté. Dreyus, le maître de cet objet, l'avait ensorcelé pour qu'il apparaisse vierge aux yeux de tous, jusqu'au jour, où une personne prouvera au Grimoire qu'elle est digne de lui. Depuis ce jour là, il a été volé de nombreuses fois, passant de mains en mains, de villages en villages, de siècles en siècles. Il n'a jamais été retrouvé et demeure perdue on ne sait où.

Cette histoire ressemble un peu au grimoire qui est en ma possession. Quand je l'ai ouvert, il était vierge, et pourtant, ma grand-mère m'avait dit qu'il était important et des personnes sont entrées chez elle pour le retrouver. Peut-être que l'histoire qu'il raconte est réel, peut-être qu'il parle du Grimoire que j'ai là, avec moi.

- Dis Rakis, tu penses que ce serait possible de le retrouver un jour ?

L'enfant qui était pressé de connaître l'histoire est très curieux et je dois avouer que je le suis aussi. J'ai envie d'en savoir plus à propose de ce grimoire.

- Oui, bien-sûr. Certains disent qu'il reste des indices pouvant les mener jusqu'à l'endroit où il se trouve en ce moment. Je n'ai jamais trop su lesquels mais je sais qu'il y en a qui voyage de villages en villages afin de savoir par quels propriétaires il est passé et c'est en partie grâce à ça qu'ils pourront savoir très certainement qui l'a ou où il est à présent.

- Mais si jamais ils retrouvent celui qui l'a avec lui, ils lui feront quoi ?

Pendant un court instant, Rakis à l'air songeur. Son regard est soudain voilé par un brin de tristesse qu'il n'avait pas auparavant.

- Ces personnes seraient prêtent à tout pour avoir le grimoire entre leurs mains, quitte à tuer son propriétaire. Et puis, à mon avis, même si celui qui le détient le leur donne, ils le tueront quand même.

- Mais c'est horrible, lâchais-je sans m'en rendre compte.

Tous les regards se détournent de notre conteur pour me regarder. Rakis également. Je me sens soudain gênée d'être le centre d'intérêt. Je me concentre sur l'homme qui nous a raconté l'histoire du Grimoire pour éviter de penser que tous les regards sont tournés dans ma direction. Il baisse légèrement les yeux avant de les ramener sur moi à nouveau.

- Oui, ça l'est.

Une question me hante l'esprit depuis tout à l'heure.

- Mais... comment on peut faire pour cacher le Grimoire ? Y a-t-il un moyen pour faire en sorte de ne pas être retrouvé ?

- Il faudrait faire appel à un Grand Sorcier qui accepterait de lancer un sort de protection dessus.

Une idée me traverse l'esprit.

- Un Grand Sorcier comme Marcus ?

Il est surpris par ma demande et finis par acquiescer de la tête.

- Oui, Marcus serait en mesure de le faire mais reste à savoir s'il est digne de confiance ou s'il volera le Grimoire pour l'avoir pour lui tout seul.

Je bouge à mon tour la tête en signe de compréhension. J'avais donc raison. Marcus est un sorcier. Jusqu'ici je n'en avais aucune idée et puis ma grand-mère me racontait souvent des histoires par rapport aux sorciers mais je ne pensais pas qu'ils existaient réellement. Enfin, une partie de moi y croyait mais une autre me disait que ce n'était que des histoires qu'elle me contait pour me divertir malgré les interdits.

- Et... si jamais ceux qui veulent voler le Grimoire, ont trouvé le propriétaire mais que celui-ci à réussi à s'échapper de leur griffe. Il lui reste combien de temps avant de se faire retrouver ?

- C'est une bonne question. Je ne sais pas vraiment mais à mon avis, pas beaucoup car il n'a pas le temps de s'enfuir très loin et que ces personnes sont devenus très douées en pistage depuis le temps.

- Donc, imaginons qu'ils l'auraient trouvé en début d'après-midi, ça voudrait dire que là, ils sont censés savoir où la personne se trouve ?

- Oui, je pense.

Je ne sais pas comment réagir, ça voudrait dire qu'ils savent sûrement déjà où je suis. Instinctivement, mes jambes se resserrent sur mon sac où j'ai caché le Grimoire. Mes sens sont tous en alerte. S'ils savent où je suis, le village cour un danger à cause de moi. Je ne peux pas rester cette nuit avec eux. Dès qu'ils iront tous se coucher, je partirai discrètement. La soirée finit de se dérouler tranquillement avec un très vieux mythe qui raconte qu'un œuf de dragon attend depuis des millénaires que son maître naissent et viennent le chercher pour pouvoir éclore. Petit à petit, le village se fait de plus en plus vide jusqu'à ce qu'il ne reste plus que moi, Jack et Graham dehors.

- Diana, j'espère que ça ne te dérange pas mais le seul lit à notre disposition est à l'infirmerie.

- Oh non, ne vous inquiétez pas, ce sera très bien.

- Jack, va t'y accompagner.

- D'accord. Bonne nuit monsieur.

La voix un peu rauque de l'homme se met à rire.

- Appelle-moi Abraham.

- D'accord mons... euh... Abraham.

- Bon aller, bonne nuit Diana.

Je lui fais un signe d'au revoir et suit Jack qui m'emmène tout droit dans la cabane où j'ai été quelques heures avant. Il attrape en haut d'une armoire une couverture et passe par une porte où je n'avais pas encore été. Nous arrivons dans une nouvelle pièce presque vide. Il n'y a qu'un seul lit avec pour déco, une petite table, un vert avec un pichet d'eau et un bouquet de fleur posé dans un vase. Jack dépose gentiment la couverture sur le lit.

- Y a pas grand-chose, mais au moins tu as un lit, tu as de l'eau à côté si tu as soif et les toilettes sont ici.

Il montre une porte où on ne pouvait accéder qu'en passant par la chambre.

- Tu as besoin de quelque chose d'autre ou pas ?

Je réfléchis deux secondes. Tout en attrapant mon sac, je lui réponds :

- Euh... oui. Est-ce que tu saurais où on se trouve sur cette carte ?

Je la lui tends et il la regarde de près. Il la pose sur le lit et de son doigt, il pointe un endroit vers le milieu de la forêt. Je remarque que la rivière n'est pas si loin que ça finalement. Je la lui montre.

- Je l'ai cherchée quand j'étais perdue mais je ne l'ai pas retrouvée. Comment je peux faire pour m'orienter dans la forêt ?

- Il faut te situer par rapport au soleil et sert toi de tout tes sens. Par exemple, pour la rivière, si tu ne la vois pas, tu peux t'arrêter de marcher un instant et tu te concentres sur ton ouïe pour essayer d'entendre l'eau couler. Tu peux également utiliser ton odorat. Certaines personnes sentent mieux les odeurs que d'autres. Tu arriveras peut-être à sentir l'odeur de la rivière.

- Ok. Merci.

J'attrape la carte et la range de nouveau dans mon sac.

- Demain, tu iras où ?

- Euh...je suis désolé mais je suis fatiguée alors...

Il me sourit. Il a bien compris que j'évitais le sujet. Il me souhaite une bonne nuit et quitte la pièce. Je décide d'attendre un peu avant de m'en aller pour être sûre que plus personne ne trainent dehors. J'en profite pour chercher une feuille et un crayon dans le bureau d'Eleanor à l'entrée de la cabane. Je m'assois sur sa chaise. Le crayon à la main, je débute ma lettre de remerciement.

« Abraham,

Je vous remercie sincèrement pour votre hospitalité. J'ai beaucoup apprécié la soirée d'hier. Je suis désolée de partir comme ça, sans vous prévenir, mais si je l'avais fait vous m'auriez posé des questions auxquels je n'aurais pas pu vous répondre. Je quitte votre village pour vous éviter les ennuies. Je suis recherchée par certaines personnes malintentionnées qui pourraient vous faire du mal et je refuse de vous mettre en danger. De plus, il me faut retrouver une personne rapidement. Merci encore pour tout ce que vous avez fait pour moi hier.

Diana. »

Je laisse la lettre bien en vue sur le bureau et vais chercher mon sac que j'ai laissé dans la chambre. Je regarde une dernière fois cette pièce et la quitte. Rendu sur le palier, je ferme la porte doucement pour ne pas réveiller les autres. Je m'arrête un instant devant les bûches éteintes et repense à ce village qui était animé il y a encore peu de temps. Je dois avouer que j'aurais bien aimé rester encore un peu plus mais je ne peux pas. Il faut que je parte. Je me retourne et avance vers la sortie du village lorsque je vois quelqu'un appuyer contre le pilier en bois d'une des cabanes. Je m'arrête net et la personne descend les trois petites marches de l'entrée pour s'avancer vers moi. La nuit est tombée depuis longtemps et je n'arrive pas à discerner de loin qui c'est. Plus elle s'approche et plus je discerne qui elle est. C'est un homme. Mon cœur s'emballe, je ne sais pas qui c'est. Et si c'était l'un des voleurs ? Et s'il venait récupérer le Grimoire ? Si ça se trouve je vais mourir, là, ce soir... Ma peur s'envole lorsque je me rends compte que c'est Jack. Il s'arrête en face de moi.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Je le regarde hébété. Je pensais que tout le monde dormirait. J'aurais du attendre plus longtemps. Ça ne sert à rien de lui cacher. Autant lui dire la vérité.

- Je m'en vais.

Son regard devient soudain malicieux et son sourire se fait plus grand.

- Ah ! J'en étais sûr ! Tu vas où ?

Je suis étonnée de sa manière de réagir. Je pensais qu'il me dirait autre chose comme «Pourquoi tu pars ? Pourquoi t'attends pas demain ? » ou bien... je sais pas trop en fait.

- Euh... voir une personne.

Je sors la carte et lui montre la croix sur la carte.

- Waouh ! Trop bien ! Je peux venir avec toi ? J'ai toujours voulu partir, vivre des aventures comme Rakis sauf que celle là ce sera la mienne, dit-il d'un ton enjoué en faisant tout une monticule de gestes.

Face à sa réaction, je me mets à rigoler. Il se rend compte de ce qu'il vient de faire et passe sa main dans ses cheveux, gêné.

- De toute façon, tu as besoin de quelqu'un qui sait se repérer.

Il n'a pas tord. Et puis il a l'air d'être gentil et un peu de compagnie me ferait du bien. Mais il faut que je le prévienne que ce ne sera pas forcément toujours de tout repos.

- Ok ça marche. Mais avant tu dois être conscient qu'on aura des personnes à nos trousses.

- Ouais, je le sais déjà. C'est toi qui a le Grimoire perdu, non ?

Comment il l'a su ? C'est pas possible. J'en ai jamais parlé et je ne l'ai jamais sorti de mon sac. Voyant que je ne réponds pas, il reprend la discussion.

- T'inquiète pas. J'dirais rien à personne et encore moins si je viens, me dit-il avec un clin d'œil. J'ai su que c'était toi qui l'avait tout à l'heure, à cause de ta réaction quand Rakis à parlé du Grimoire perdu. Si tu veux je m'engage même comme ton protecteur.

Bon et bien... il faudra que je tâche d'être plus discrète la prochaine fois que quelqu'un parlera du Grimoire perdue.

- Très bien MON protecteur, dis-je d'un air moqueur.

Il jette son coude vers le bas accompagné d'un « Oui ! » victorieux.

- J'ai préparé un sac avec un peu de provisions et de quoi se protéger.

- Tu l'as préparé quand ?

- Dès que je t'ai quitté tout à l'heure. Quand tu m'as posé des questions par rapport à la carte, je savais que tu partirais ce soir, du coup je me suis préparé à partir.

- Et tes parents ils ne diront rien ?

Je suis quasiment sûre d'avoir vu une ombre de tristesse passer dans ses yeux mais à cause de la nuit, je n'ai pas pu bien voir.

- Non t'inquiètes.

Il sort de son sac deux lampes torches et m'en tend une.

- T'es prête ?

J'attrape l'objet et lui sourit.

- Je suis prête.

Un sourire complice s'installe entre nous deux.

- Alors c'est parti.

Nous marchons et quittons le village pour de bon.