Epilogue : Metalingus

https://youtu.be/s2NgG0M-Hdk

« I've been defeated and brought down
Dropped to my knees when hope ran out
The time has come to change my ways
On this day, I see clearly, everything has come to life
A bitter place and a broken dream
And we'll leave it all, leave it all behind »


10 ans plus tard


Solveig courut à travers le parc en direction d'une femme brune qu'elle avait reconnue instantanément, abandonnant son père sur un banc. Elle sauta dans les bras de la jeune femme et se laissa porter et embrasser sur la joue, passant ses petits bras autour du cou de la personne concernée.

— Maman ! Je savais pas que tu viendrais !

Tout en plaçant la petite brune sur son flanc, la mère de Solveig marcha en direction d'Éloi, qui s'était levé pour venir à leur rencontre. Il avait l'air fatigué mais était tout sourire en regardant Mina s'approcher avec sa fille.

— Surprise ! dit-il à Solveig en arrivant à leur hauteur.

— Trop cool !

Mina reposa l'enfant au sol afin de la laisser retourner jouer avec les quelques copains et copines qu'elle venait visiblement de se faire dans le parc.

— Comment deux personnes aussi introverties que nous ont pu faire une enfant aussi extravertie ? questionna la jeune femme en regardant Solveig.

Cette dernière jouait avec beaucoup d'entrain à la balle au prisonnier. Ils étaient plus d'une dizaine, de tout âge, à avoir rejoint la partie, allant de quatre à probablement dix ans. Les plus grands faisaient attention aux plus petits, et Solveig, du haut de ses six ans, se défendait très bien. Criant d'une façon très rock'n'roll dès qu'elle manquait quelqu'un ou qu'elle risquait d'être touchée.

— Honnêtement, j'ai ma petite idée, répondit Éloi avant de prendre des nouvelles de Mina.

Ils parlèrent du travail et échangèrent quelques banalités concernant leur vie respective, sans perdre leur fille des yeux.

Mina s'était remise avec un nouvel homme mais elle comptait déjà le quitter, trouvant cela pénible de se concentrer sur sa carrière de juriste en même temps que sur une relation qui ne la satisfaisait pas tant que cela. Éloi rit de bon cœur en l'écoutant parler. Depuis qu'il la connaissait, il ne l'avait jamais vue avoir une relation suffisamment sérieuse pour durer dans le temps. Mina était une femme qui s'épanouissait toute seule, elle n'avait besoin de personne pour s'occuper dans sa vie, hormis ses amis et son activité professionnelle. Elle était convaincue, à raison, de pouvoir être heureuse toute son existence sans jamais avoir à partager son quotidien avec quelqu'un d'autre.

— T'as acheté les boules Quies pour ce soir ? demanda Éloi en se rasseyant sur le banc en compagnie de la jeune femme.

— Yep, ça va picoter ! Je ne l'ai pas revu sur scène depuis une éternité...

Él sourit et récupéra la boîte que lui tendit Mina. Il lui confirma que la marque était bonne et il fut ravi de voir qu'elle en avait acheter une paire pour enfant.

— Papa ! hurla Solveig en revenant en courant vers eux.

Essoufflée, elle posa ses mains sur ses genoux. Ses épaules se levaient à intervalles régulières et elle formula des phrases incompréhensibles.

— On comprend rien, dit Éloi en l'invitant à s'asseoir sur ses genoux.

— J'ai faim !

— Parfait ! intervint Mina. Je nous ai réservé un restaurant pour ce midi, tu verras, ça va être délicieux !

— Pizzas ?

— Non. Mieux que ça !

Solveig grimaça, reniflant le piège. Elle mangeait pourtant très bien, mais lorsqu'il s'agissait de se nourrir à l'extérieur, elle attendait davantage qu'un plat équilibré. Son objectif était de s'exploser le ventre, de ressortir en roulant, voire d'être portée par son père pour être sûre de digérer dans le calme.

— Et Dad sera là aussi ? demanda-t-elle avec curiosité en se tournant vers Éloi.

— Nope, il mange avec le groupe ce midi et on le rejoint à la salle de concert en fin d'après-midi. Pour l'instant, il n'y a que nous trois.

Solveig acquiesça et descendit des genoux de son père pour faire un câlin à Mina. Elle lui témoigna son plaisir de la revoir. Ce n'était pas souvent qu'elles se retrouvaient, toutes les deux, mais leur lien était particulièrement fort malgré tout.

Mina avait le bon rôle : c'était une mère sans en avoir les inconvénients. Elle avait simplement accepté de porter un enfant pour Éloi et Sören, afin de leur offrir la possibilité de former une famille. De là était née Solveig, immédiatement adoptée par l'anglais et sitôt abandonnée administrativement par Mina. Son rôle, dans la vie de Solveig, était moins celui d'une mère que d'une tante pleine de tendresse. Elle la gardait peu, aimait recevoir beaucoup de photos lorsqu'elle ne la voyait pas, mais était très satisfaite de conserver sa vie ainsi, à distance. Elle aimait Solveig, Solveig l'aimait, mais elle appréciait n'avoir aucun rôle concret dans l'éducation de la petite. Cela appartenait à ses deux papas.

— Oh, je crois que Marlène et Gaël ont pris des places aussi pour le concert, annonça-t-elle à Éloi tandis que Solveig gesticulait dans tous les sens sur elle.

— On va manger ?! intervint la petite, basculant sa tête en arrière sur le banc, les jambes enroulées autour du bras de sa mère.

Éloi paniqua discrètement et la redressa, craignant qu'elle s'écrase la tête au sol. Solveig ricana et leva une main en formant le signe des métalleux, la langue tirée vers son père.

— T'es sûre que tu l'as pas faite avec Sören ? Les médecins n'auraient pas récupéré ce qu'il faut de lui plutôt que de moi ?

Il censura le mot tandis que Solveig se remettait sur ses jambes. Elle lui prit la main et le tira pour qu'il se lève. Il lui demanda un peu sèchement d'arrêter. La gamine bouda puis partit en direction du toboggan, libéré d'une grande majorité d'enfants rentrés dans leurs foyers respectifs.

— Elle a tout pris de toi, physiquement au moins, donc le doute n'est pas permis, rit Mina en se levant. Bon, allons nourrir le Mogwai avant qu'il ne se transforme en Gremlin.

Les deux amis marchèrent avec Solveig entre eux, la tenant chacun par une main. Elle se laissait porter à chaque obstacle qu'ils croisaient sur la route, tel qu'un trottoir ou une crotte de chien.

Éloi râla quelques fois sur les saletés qui traînaient au sol. Il n'aimait vraiment pas venir en zone urbaine, et encore moins à Paris. Cependant, par amour pour Sören, il avait accepté de s'y laisser traîner. C'était la première fois que le groupe allait jouer dans une salle de la capitale. Une large communauté de métalleux s'était rapidement procuré les places en vente. Sören et son groupe remplissaient le Trianon, ce qui était complètement fou.

Solveig, quant à elle, s'était vantée mille fois que son Daddy allait jouer dans une salle connue de Paris. À l'école, elle était devenue la reloue numéro un de l'arrogance mignonne et usante. Malgré son jeune âge, elle était déjà comme ses deux pères, fan de métal, à l'affût du moindre riff de guitare et impatiente qu'on lui paye des cours de batterie lors de la prochaine rentrée de septembre.

Elle en avait eu l'idée en milieu d'année scolaire, deux mois plus tôt, alors que ça n'était plus le moment pour elle de s'y inscrire. Sören l'avait encouragée à suivre cette voie tandis qu'Éloi lui avait demandé de patienter encore un peu, afin d'être sûre que ce soit ce qu'elle voulait faire. Mais Solveig avait passé tant de temps sur les genoux de Chloé, la batteuse du groupe, qu'elle s'était prise d'admiration pour l'instrument. De toute façon, Solveig était presque leur mascotte depuis sa naissance. Elle avait des photos d'elle avec des t-shirts ou des pulls exclusivement faits en taille enfant à l'effigie du groupe de son père et parfois, d'autres groupes de métal qu'elle admirait. Autant dire qu'elle ne passait jamais inaperçue dans son école, avec ses longs cheveux noirs en permanence emmêlés, ses yeux gris perçants et sa présence envahissante. Donc, qu'elle souhaite jouer de la batterie...

Dans le restaurant, Éloi fut obligé, à plusieurs reprises, de lui demander de se calmer tant Solveig était excitée à l'idée de manger un burger. Le ventre sur pattes qu'elle était n'arrivait pas à tenir en place. Cependant, à la fin du repas, elle grimpa sur son père et s'endormit presque contre lui tandis qu'il prenait un café avec Mina. Ses batteries se vidaient toujours subitement pour repartir de plus belle, une fois rechargées.

Durant l'après-midi, les deux amis emmenèrent Solveig découvrir quelques monuments parisiens. Ils terminèrent leur escapade par le Sacré Cœur, non loin du Trianon où Sören devait sans doute avoir commencé les répétitions.

Après avoir fait deux fois le tour de la place du Tertre, descendu en courant les marches de la Butte Montmartre, ils finirent par arriver devant la porte arrière de la salle de concert. Immédiatement reconnus par l'équipe qui accompagnait le groupe de Sören, ils entrèrent au Trianon et retrouvèrent l'autre personnage instoppable de leur famille.

My pretty metalhead ! cria Sören en les voyant arriver. (Ma jolie métalleuse !)

Il s'accroupit, ouvrit ses bras en grand, et réceptionna sa fille en se laissant tomber en arrière.

So much strength ! Argh ! I'm dying ! (Trop de force ! Argh ! Je me meurs !)

— Tu m'as demandé quoi tout à l'heure, Mina ? interrogea Éloi en se tournant vers son amie. Comment a-t-on eu une fille aussi extravertie ? Bah...

— Ouais, je sais. J'avais sans doute oublié.

Solveig tentait de maintenir son père au sol. Il se laissait faire, suppliant qu'on le libère du monstre. Andrea, le guitariste du groupe, mit fin au supplice. Il souleva la petite sous les bras en disant à Sören qu'il le délivrait du démon. Solveig se débattit tout en riant et finit par faire un câlin à l'homme qui venait de la porter, lorsqu'il la reposa au sol.

— Comment tu vas Andy ? Prêt pour le Wall of Death ?! (le Mur de la Mort)

Elle accompagna ses questions en mettant ses deux mains près de son visage, les poings serrés, mais l'index et le petit doigt levés. Sören, qui s'était remis debout, regarda fièrement sa fille en secouant la tête de bas en haut. Puis, il s'avança vers Éloi et l'embrassa passionnément, comme s'il ne l'avait pas vu depuis des semaines alors qu'ils s'étaient simplement quittés le matin même.

Éloi avait posé quelques jours de congé à l'association végane qu'il avait ouverte en Bretagne. Il travaillait aussi à mi-temps avec l'Office National des Forêts afin de s'assurer un revenu satisfaisant chaque mois. Il n'avait pas besoin de grand-chose, d'autant plus que le groupe de Sören marchait bien et leur rapportait assez d'argent pour assurer le futur de leur fille, mais il aimait l'idée de participer à deux actions qui lui étaient chères depuis son enfance.

En revanche, leur petite maison bretonne lui manquait, tandis qu'il était au cœur de Paris.

— Ils ont encore pris au moins cinq centimètres ! s'exclama Mina après avoir fait la bise à Sören.

Elle tenait une mèche de ses cheveux entre les mains.

— N'exagère pas ! Je coupe les pointes, parfois.

Ce dernier avait tenu la promesse qu'il s'était faite dix ans plus tôt, le jour où son père avait essayé de le tuer. Il avait laissé ses cheveux châtains pousser. La majorité du temps, il se faisait une queue de cheval pour ne pas être encombré, mais lorsque le concert commençait, il les libérait, les laissant s'imprégner de l'atmosphère.

Éloi adorait les cheveux longs de Sören. Ils étaient doux et toujours propres. Il aimait aussi le voir avec ses lunettes, qui tranchaient avec le reste de son apparence, mais ajoutait un petit quelque chose de séduisant. Quant à sa barbe naissante, qu'il entretenait de manière à ce qu'elle ne soit jamais trop longue, eh bien, Éloi ne savait que répondre face à cela. Il était incapable de résister à son compagnon. Lui, en revanche, était resté assez petit, fin, et faisait plus jeune que son âge. À presque trente ans, il lui arrivait encore qu'on lui demande sa carte d'identité dans les bars... Il n'avait donc pas trop changé. Il était simplement plus à l'aise avec son corps et la société, davantage tatoué, et moins rebuté par le contact avec les autres, même s'il n'en guérirait sans doute jamais totalement.

Après qu'on leur eût montré les places pour le soir, Mina, Éloi et Solveig partirent vers les loges afin de rejoindre les autres membres du groupe. Sören était occupé à échauffer sa voix, accompagné de sa prof de chant habituelle qui avait fait le déplacement exprès pour le concert parisien. Ils mangèrent tous ensemble, peu avant le show, et lorsque le public arriva, Él et Mina prirent la direction de leurs places, avec la petite. Ils retrouvèrent Marlène ainsi que Gaël. Ils étaient les derniers amis qui leur restait de l'époque du lycée. Ils se voyaient peu mais se retrouvaient toujours comme si rien n'avait jamais changé.

— Boules Quies ! déclara Éloi en attrapant Solveig par les bras alors qu'elle se penchait par-dessus le balcon du Trianon. Et tu arrêtes de te pencher comme ça, j'ai pas envie de ramasser les morceaux en bas.

La petite acquiesça et mit la paire de boules Quies que son père lui donna. Elle leva le pouce pour dire que c'était ok et deux minutes plus tard, la première partie démarra. Personne ne connaissait le groupe présent, mais Mina apprécia de voir qu'il était exclusivement composé de femmes. Un peu de sororité dans ce monde de métalleux lui fit chaud au cœur, elle qui n'en écoutait pas si souvent mais y prenait goût depuis quelques années grâce à Solveig.

Le public, dans la fosse, commença à se chauffer au milieu de la première partie. Le groupe présent assurait plutôt bien, Éloi bougeait doucement la tête, assis sur son siège, Solveig coincée entre ses bras. La gamine était fascinée par le concert. Bien qu'il ne s'agisse pas de son premier, elle était toujours en extase lorsque les sons résonnaient dans le sol sous ses pieds, et qu'elle sentait la batterie faire battre son petit cœur.

Lorsque la musique s'arrêta, Éloi commença une discussion passionnée avec sa fille et ses amis à propos du groupe qu'ils venaient d'écouter. Solveig lui dit qu'elle espérait rencontrer les artistes à la fin du concert et réécouter leur musique, ce qu'approuva totalement Él.

Puis, de longues minutes plus tard, le noir se fit dans la salle et tous reconnurent les premiers sons de la chanson. Quelques lumières vinrent éclairer la batterie qui s'était mise à secouer la salle, juste avant que la guitare n'arrache des cris de joie à la foule. Plusieurs secondes de heavy metal provoquèrent des headbangs dans la fosse et Sören arriva sur scène, explosif, totalement libéré. Sa voix, désormais extraordinairement juste et puissante, mit, pour la millième fois, les larmes aux yeux d'Éloi. Il regarda l'homme qu'il aimait se déchaîner face à son public, loin des blessures du passé, qu'il dénonçait pourtant dans ses chansons, sur lesquelles il revenait par des métaphores plus ou moins claires. Il admira cet anglais qui, un jour, était entré timidement dans sa classe de Première et qu'une enseignante de français avait mis sur son chemin sans qu'il le demande. Il fixa son amour faire bouger tout un public, grawler sur certains passages de sa musique et ne jamais, jamais perdre son sourire.

Puis il se leva, prenant sa fille dans ses bras pour la soulever. Tous deux se laissèrent porter par la musique, et Éloi se permit de rejoindre l'enthousiasme contagieux de sa famille. Il cria à son tour, sans se cacher, sans se détourner. Qu'on le voit ne le gênait plus. Il était profondément vivant et heureux.

Parmi les mystères de son histoire, il savait qu'il y aurait toujours, au cœur des secrets, la naissance de l'amitié, la réconciliation avec les parents, la justesse de l'amour d'un homme, et désormais, les rires pleins de force, d'espoir, et d'innocence de leur fille.


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Voilà. L'épilogue est posté. Je pensais vouloir faire un long blablah final ici, mais je n'ai pas trop les mots. Je suis surtout émue.

J'ai écrit ce roman durant ma dépression, au moment où je commençais enfin à refaire surface et la combattre avec davantage d'armes et de ressources en moi. Je sais que la structure du texte n'est pas parfaite, que je pourrais faire mieux, plus, davantage développer, peut-être même être moins dans le cliché final. Mais dans le fond, je n'en ai rien à faire. Je ne suis pas là pour proposer un roman original. Je suis là pour raconter une histoire. Et c'est la seule chose qui compte. Et je crois, sans vouloir être arrogante, que je la raconte assez bien :) (c'est un truc que j'ai appris durant ma dépression : arrêter de me sentir moindre ; or, j'ai confiance en ce que j'écris pour ne pas être parfait mais pour être quand même bon ! Je vous encourage à développer cette vision et de vous considérer aussi, soyons plus bienveillants avec nous-mêmes).

En tout cas, merci d'avoir suivi ce roman. Merci sincèrement.

Malgré tout, l'aventure va continuer puisqu'en 2024 je compte auto-éditer Le Grand Secret. Quelques changements mineurs existent déjà entre la version publiée en ligne et celle sur laquelle je travaille actuellement. 

D'ici là, je posterai d'autres textes sur AO3 et Wattpad. Dans quelques semaines, une nouvelle d'une trentaine de pages sera publiée en plusieurs chapitres. Ensuite, au cours de l'année, je compte vous proposer un autre roman (écrit biiiiien avant Le Grand Secret et qui me demande beaucoup de travail de réécriture...).

Une page se tourne pour moi. Mais ce n'est que la première dans la vie que j'ai décidé de mener : je veux raconter des histoires. Je veux les partager. Je veux me réaliser.

Belle journée :)

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