Chapitre vingt-six : Brutal Summer

https://youtu.be/t4QxEVAz8lE

« Folie me guette, ouais, folie me guette
L'humain se jette dans la pire des tempêtes
Folie me guette, ouais, folie me guette
J'ai échangé mes vices contre une balle dans la... »


— Je dors chez Mina ce soir, annonça Él en arrivant dans le salon.

Ses parents relevèrent la tête vers lui.

— Du coup, inutile de m'attendre, ajouta-t-il. Je reviendrai demain dans la journée.

Ils le regardèrent de bas en haut. Il portait un jean noir, un t-shirt de la même absence de couleur. Son tatouage était mis en avant. Son regard n'était ni reposé, ni lumineux, mais plus habité. Ses cheveux avaient poussés et il n'avait pas encore refait sa coupe habituelle. Tout était en bazar devant ses yeux et derrière la tête. La partie d'ordinaire tondue rebiquait au-dessus de sa nuque.

— Tu as pensé à prendre tes lunettes ? demanda Maïwenn.

— Je sais préparer un sac.

Éloi marcha vers l'entrée et chercha ses Doc Martens dans le meuble à chaussures. Il les enfila en vitesse, attrapa sa veste en cuir et jeta un œil vers sa mère qui l'avait suivi.

— Envoie-nous un message avec l'adresse de Mina, comme ça, s'il y a un soucis, on pourra te trouver. Que vas-tu faire chez elle ?

— Je passe la soirée avec mes amis, répondit-il sans prendre en compte la première remarque de sa mère. Ça fera plaisir aux psys. Je me resociabilise.

Maïwenn acquiesça, malgré tout inquiète. Cela faisait plus de deux mois qu'Él agissait avec froideur. Elle était fatiguée. Il semblait être sur une corde sensible, à mi-chemin entre la résurrection et la chute. Personne ne pouvait trancher pour lui. À part patienter, elle ne pouvait rien faire de plus.

Ils se dirent aurevoir poliment et Éloi marcha jusqu'à l'arrêt du bus. Il devait se rendre dans un bar, au centre de Landerneau.

Cette soirée, il ne savait pas encore si c'était une bonne idée. Cependant, ses amis avaient insisté pour qu'il les retrouve et se détende un peu. Il avait accepté malgré lui, sans doute pour s'excuser encore de son rejet.

Le trajet en bus fut calme. À cette heure-ci, peu de gens prenaient la direction de Landerneau. Ils rentraient plutôt du travail. Éloi ferma les yeux, la tête posée contre la fenêtre du bus. Le sommeil le menaçait un peu. Il avait pris ses médicaments plus tôt pour être sûr de ne pas les oublier plus tard. Or, ils pouvaient parfois agir sur son énergie, déjà peu incroyable en temps normal. Il bailla plusieurs fois durant le trajet et s'étira lorsqu'il vit son arrêt approcher.

Toujours connecté à ses écouteurs, il avança vers le Yggdrasil où il avait été quelques fois avec ses amis. Il reconnut rapidement Mina et Gaël qui buvaient d'ores et déjà une bière. Il rangea sa musique en arrivant à leur hauteur et les salua.

— Il n'y a que nous trois ?

— Pour l'instant, répondit Gaël, mais les autres ne devraient pas tarder à arriver. Nous on a juste bloqué les tables.

Éloi acquiesça et s'assit face à ces deux amis. Un serveur vint prendre sa commande et il n'hésita pas à prendre une pinte de Chouffe, appréciant la qualité de cette blonde.

Ce soir, il avait décidé que boire ne lui serait pas interdit. Il ne comptait pas finir ivre mort, mais noyer une partie de lui dans l'alcool l'intéressait. D'autres le faisaient, pourquoi pas lui ?

Él allait un peu mieux depuis qu'il avait des nouvelles de Sören. Il se raccrochait au fait qu'ils seraient réunis, tôt ou tard, et que rien ne pourrait empêcher cela. Alexiane les avait laissés se parler au téléphone une fois, ce qui leur avait permis de discuter plus calmement, sans larmes, sans trop d'angoisses. C'était mieux que les vidéos, mais cela ne valait toujours pas de vraies retrouvailles.

Sören, tout ce qu'il représentait, lui manquait cruellement. Il était content de renouer avec ses amis, oui, mais ils n'étaient pas cet inconnu qui avait surgi dans son existence en la bouleversant. Parfois, il pensait que c'était stupide, un tel sentiment d'amour à son âge. Nombreux étaient ceux qui jugeaient les romances à l'adolescence comme éphémères, mais Sören était autre chose qu'une simple histoire de cœur. Sören tenait des rôles multiples dans sa vie. Il était son ami, son confident, son frère, son âme sœur. Il était une évidence surprenante. Aux yeux d'Éloi, même s'ils se séparaient un jour, ils ne se sépareraient jamais vraiment. C'était comme une règle tacite : même en cas de problèmes, ils ne se tourneraient pas le dos. Et ils ne se l'étaient même pas promis. Tout s'était ancré naturellement.

— Tu penses à lui ? demanda Marlène qui s'était installée deux minutes plus tôt à ses côtés.

Éloi n'avait pas encore participé aux conversations, ni prêté une grande importance à l'arrivée des autres personnes de leur groupe.

— Comme souvent, répondit-il.

— Tu as eu des nouvelles récemment ?

Il acquiesça sans répondre. Sören lui avait parlé de la visite d'une femme des services sociaux, mais cela n'avait rien changé. L'anglais était resté évasif sur le sujet. Éloi avait choisi de respecter sa discrétion. Si Sören voulait parler, il le ferait à son rythme.

Afin de détourner son attention, Él décida de s'impliquer davantage dans la soirée. Il observa Paul et Mina allumer leurs cigarettes et il en demanda une. Plusieurs furent surpris, mais ils ne s'opposèrent pas. Paul lui tendit son paquet et Éloi se servit. Mina l'aida avec son briquet et il ne put cacher que c'était la première fois qu'il faisait ça puisqu'il toussa violemment. Marlène débuta une remarque qu'il coupa d'un seul regard. Elle se ravisa et ignora la situation, se contentant de boire dans sa propre bière en surveillant du coin de l'œil un Éloi peu habituel.

De toute façon, quand avait-il était habituel ? Il était sans doute le plus imprévisible de tout ce groupe d'amis. Qui pouvait se vanter de bien le connaître ? Marlène, elle, le pouvait, mais était-ce suffisant ? Seul Sören savait qui était Éloi. Et en cet instant, elle doutait qu'il le reconnaisse s'il avait été là.

Le soleil, qui était déjà bien bas à l'horizon au début de la soirée, fut englouti par la nuit tandis que les corps s'échauffaient au rythme des pintes de bières qui défilaient entre les mains de tous les adolescents présents. Éloi n'y coupait pas. Il termina sa troisième pinte et sa deuxième cigarette lorsque Mina jeta un œil sur l'heure et, rougie par l'alcool, déclara qu'elle voulait que la nuit dure et qu'ils aillent s'éclater ailleurs. Il était presque minuit, et minuit n'avait jamais de fin dans ce monde-là.

Enthousiaste, le groupe accueillit l'idée avec des cris et des rires. Même Éloi, davantage désinhibé, approuva l'idée. Ils achevèrent leurs consommations et se levèrent, les gestes sûrs mais pourtant maladroits si on les observait de l'extérieur.

— Y'a plus de mineurs ici ? demanda Paul en passant un bras sur les épaules de Marlène.

— Si, Mina et Adamo.

— Qui fait le daron pour les faire entrer en boîte ?

— J'suis le plus vieux, annonça Éloi en levant une main. Donc on va dire que c'est moi.

— Top là ! lui répondit Paul en tendant sa main.

Ils marchèrent de longues minutes les uns avec les autres. Mina s'était accrochée au bras de Gaël et riait à la moindre blague qu'elle pouvait entendre. C'était sans doute elle la plus saoule de tout le groupe.

Éloi se laissa porter par l'ambiance. Il ne pensait pas trop à Sören, même s'il l'avait dans la peau. Là, il ne voulait que préserver les effets apaisants de l'alcool sur lui. Il avait l'impression de marcher sur des plumes et d'être résistant au froid le plus polaire qui puisse exister. Il regardait ses amis, les écoutait, réagissait parfois à une question, une phrase, clachait Marlène quand l'occasion s'y prêtait. Éloi se disait que les quelques inconnus qu'ils croisaient ne devaient faire aucune différence entre lui et le reste de ses amis. Il était normal. Totalement normal. Juste un énième jeune adulte un peu pompette, voire un peu bourré, dans la rue.

Cette normalité lui fit du bien. Cette sensation de normalité lui fit du bien. Il voulait en profiter. C'était agréable.

La boîte où ils se rendirent était apparemment bien connue d'une partie du groupe. Paul y entra avec Marlène sans aucune pression. Éloi indiqua être responsable des deux mineurs du groupe et Adamo put passer le vigile sans aucune difficulté. Paul avait craint qu'être une majorité de garçons puisse poser problème, mais dans une ville si petite, généralement, cela se passait bien.

Éloi se sentit percuté par la musique sitôt qu'il paya son entrée et passa les portes qui menaient à la boîte. La lumière était faible, les couleurs multiples, clignotantes. De la fumée se dégageait de la piste de danse et bien qu'il n'y ait pas encore énormément de monde, plusieurs groupes dansaient déjà. Ils furent vite rejoints par Paul, Marlène, Mina et Gaël, ce qui ne laissa plus qu'Éloi et Adamo, les plus timides, en retrait.

— Je vais au bar, cria Él en essayant de couvrir la musique.

Son ami le regarda, tourna la tête vers le bar puis vers la piste. Marlène leur faisait des signes pour qu'ils les retrouvent. Il avança vers eux et laissa le brun se diriger seul vers le bar.

Él se commanda à nouveau une pinte et râla en découvrant le prix. Il lui restait un peu d'argent mais il risquait de fondre comme neige au soleil dans un endroit pareil.

Assis sur un tabouret, il buvait tranquillement tout en observant la piste de danse se remplir. Il percevait à peine ses amis désormais. Mais il était bien, ici, à siroter, profiter, ne pas se mêler à l'atmosphère tout en en faisant partie intégrante. Pourquoi pas moi ? se disait-il.

— Deux pintes, s'il-vous-plaît, dit un jeune homme en s'installant sur le tabouret à côté d'Éloi.

Ce dernier fronça les sourcils, mais lorsqu'il se sentit partir en avant, il rouvrit les yeux en grand. Le gars près de lui semblait un petit peu plus vieux. Lorsqu'il réceptionna ses deux bières et les régla, il en fit glisser une devant Éloi. Il ne restait presque plus rien dans la sienne.

Le brun dévisagea le nouveau venu et fit un geste de la main pour signifier son incompréhension.

— Je t'ai vu seul ici, je me suis dit que tu avais peut-être besoin d'un peu de compagnie.

Éloi se pencha vers lui pour le remercier et lui dire que ses amis étaient sur la piste de danse.

— Ouais, mais toi, t'y es pas.

— Et ?

— Eh bien, quand je vois des beaux mecs seuls au bar, j'ai envie de faire leur connaissance.

La situation était inconfortable. Él n'avait absolument pas l'habitude qu'on le drague. Certainement pas si ouvertement. D'ailleurs, il ne s'était jamais dit que cela pouvait lui arriver. Les rencontres de ce genre ne furent jamais une préoccupation pour lui avant Sören.

— À moins que tu ne sois pas intéressé par les mecs et dans ce cas, je m'exc-

— Je sais pas, coupa Éloi, mais j'ai déjà un copain.

— Et il est où ?

— Compliqué.

Le jeune homme près de lui regarda vers la piste de danse et reporta son attention sur Él.

— Viens, allons dans le fumoir, y'a trop de bruit ici, on s'y entend plus. Et tu me raconteras.

Sans trop savoir pourquoi, et par respect pour la nouvelle pinte qu'il avait entre les mains, il se leva et le suivit. Une fois dans le lieu recherché, il manqua de s'étouffer tant l'odeur de la cigarette était ignoble et s'incrustait partout. Cependant, malgré lui, il en demanda une à l'inconnu qui l'alluma dans les deux sens du terme lorsqu'il pinça la tige entre ses lèvres.

— Alors, ton mec ?

— J'ai pas envie d'en parler. En plus, je connais même pas ton prénom.

— Maxence. Et toi ?

— Él.

Maintenant qu'ils étaient dans le fumoir, Éloi put davantage détailler le garçon devant lui. Il était assez grand, d'une corpulence mince mais tonique. Ses cheveux étaient châtains, comme ceux de Sören, mais ses yeux étaient noirs. C'était un beau gars, même s'il avait un nez légèrement en biais sur lequel Él se focalisa à plusieurs reprises. Si Maxence s'en rendit compte, il ne s'en formalisa pas.

Ils restèrent dans le fumoir longtemps, échangeant sur des banalités tout en vidant leurs verres. Les études, les hobbies, les points communs. Éloi peinait à suivre la conversation. Et, d'une certaine façon, il s'en foutait. Debout, enfumé, il sentait que les pintes lui montaient drôlement à la tête. Sa cinquième de la soirée approchait de la fin. Ses jambes étaient engourdies, moelleuses, mais pas d'une façon agréable comme plus tôt dans la soirée.

Tandis que Maxence s'apprêtait à s'allumer une nouvelle cigarette, Él lui demanda s'il voulait aller danser. Il voulait quitter cet air poisseux qui le torturait.

Le regard sombre du jeune homme face à lui sembla presque s'illuminer. Il posa ses mains sur les épaules d'Éloi pour le faire marcher devant lui. Le brun ferma les yeux et se crispa légèrement. Puis, il ne savait d'où, une pensée lui donna presque l'impression que c'étaient les mains de Sören qui venaient de se poser sur lui. Ok avec ça.

Sur la piste de danse, il se laissa tirer par Maxence. Ce dernier ne se montrait pas trop envahissant, même si ses mains glissaient parfois sur ses bras, les effleurant doucement. Éloi ferma les yeux à leur contact. Si seulement il s'agissait des doigts de son petit ami... Il était presque plaisant d'imaginer cela. Il avait toujours les yeux fermés lorsqu'il sentit le jeune homme s'approcher de lui, obliger ses propres bras à se placer sur ses épaules tandis qu'il déposait ses mains sur les hanches d'Éloi. Son corps l'encombra.

Une migraine commença à créer une barre en travers du front d'Él. Il se détacha légèrement de Maxence pour se masser la tempe, mais le gars replaça immédiatement sa main à l'endroit où elle était. Éloi ouvrit les yeux et n'aima pas se voir danser serré à un inconnu. Son visage proche du sien. Son haleine à la nicotine. Et ses yeux qui le dévoraient, le déshabillaient presque. Lubriques. Quasi démoniaques sous les néons. Il essaya de se dégager de cette emprise, mais l'alcool avait bien plus d'impact que ce qu'il avait estimé. Tout tournait autour de lui. Il ne savait même pas s'il pouvait tenir debout tout seul.

Maxence approcha encore plus son visage de lui et lorsque son nez toucha celui d'Éloi, ce dernier le repoussa brutalement, avec les quelques forces qu'il parvint à trouver. Le mec face à lui ouvrit les bras, comme s'il ne comprenait pas. Éloi essaya de lui crier qu'il était pris et qu'il lui avait déjà dit, mais Maxence l'ignora et le tira par les poignets pour le replacer contre lui.

Él se sentit agressé. Et impuissant. Il tenta de dégager ses mains de l'emprise de Maxence mais n'y parvint pas. Finalement, sans qu'il ne saisisse tout de la suite des évènements, il fut relâché et sentit d'autres mains, plus douces, se poser sur lui. Il reconnut Marlène et décida d'enfouir son visage dans le cou de son amie. Éloi était à peine plus grand qu'elle et elle était agréable, douce, sentait bon.

Du coin de l'œil, il vit Paul et Adamo parler avec Maxence. Ce dernier finit par s'éloigner, non sans crier un « votre pute de pote se fait payer des verres, m'allume et finalement me repousse, dites-lui bien de pas se ramener à nouveau ici ! ». Éloi ignora la remarque, même s'il l'avait bien entendue par-dessus la musique qui tapait de plus en plus fort dans son crâne. Ces bruits de technos, de sons stridents. Ses musiques créées pour danser et draguer, et boire, et faire la fête. Rendez-lui ses guitares électriques, son thé et sa forêt. Que faisait-il ici ?!

Il sentit Gaël se placer près de lui et le soutenir par la taille. Éloi s'agrippa aux épaules du garçon et essaya d'avancer avec lui. Il l'entendit dire à Mina : « il est totalement cuit ». Mais les voix semblaient sortir d'un songe visqueux et paralysant.

Tous se dirigèrent vers la sortie. Éloi peinait à mettre un pied devant l'autre. Il s'accrochait à Gaël. Paul et Adamo récupérèrent les quelques affaires déposées au vestiaire tandis que les autres sortaient.

Lorsqu'Éloi sentit l'air extérieur et froid de ce mois d'avril se frayer un chemin vers ses poumons, il manqua de tomber. Gaël le rattrapa in extremis, peu préparé au fait qu'il allait s'écrouler.

— Heureusement que t'as le physique d'une crevette, lui dit-il. Tu crois que tu peux marcher jusqu'au banc de l'arrêt de bus là-bas ou il faut que quelqu'un te porte ?

Él crut qu'il formulait une phrase, mais il n'en était rien.

Il se souvint du mélange improbable de l'alcool et de ses médicaments. Il se rappela le xanax qu'il avait pris en arrivant au bar, en début de soirée, pour s'assurer de n'avoir aucune crise d'angoisse, alors que ce n'était pas ainsi qu'il fallait les consommer. Il tenta de se traiter de con mais les mots se ressemblaient tous dans sa tête.

— Putain, il est dans un sale état, siffla Paul en revenant avec tous les affaires.

Chacun reprit ce qui lui appartenait, sauf Éloi. Personne ne savait comment lui remettre sa veste tant il somnolait presque, la tête en arrière, contre l'épaule de Gaël, proche de l'inconscience.

— J'appelle son père, on peut pas le gérer ainsi, annonça Marlène.

Gaël tenta de faire marcher Él, mais rien à faire, ses jambes ne le portaient plus.

— Aux grands maux, les grands remèdes ! s'exclama-t-il en passant un bras sous les genoux du brun pour le porter. Y pèse quand même son poids, donc tout le monde se magne jusqu'à l'arrêt du bus !

Ils avancèrent vite en traversant le parking et la rue puis, alors qu'ils s'approchaient du banc, Gaël hurla un nombre indéterminé de grossièretés qui surprirent le groupe.

— Il vient de se dégueuler dessus ! Et sur moi ! À deux mètres de l'arrivée ! Merde !

Les autres auraient pu rire s'ils n'étaient pas aussi inquiets pour Éloi. Parmi eux, plusieurs avaient déjà expérimenté une cuite, mais celle du garçon était impressionnante. De plus, ils avaient toutes et tous conscience qu'il prenait des médicaments pour traiter ses problèmes psychologiques. Aucun d'entre eux n'avait vu tout ce qu'il avait consommé. Aucun d'eux n'avait fait attention. Ils se sentaient idiots même s'ils ne le disaient pas.

Marlène revint vers le groupe en rangeant son téléphone dans son sac.

— Son père arrive dans moins d'une demi-heure.

Él était toujours à la limite de l'inconscience, installé sur les cuisses de Gaël qui le maintenait contre lui. Il se sentait si faible qu'il grogna en entendant ses amis parler. Tout était trop fort.

— Faut le refaire vomir, je pense, déclara Paul en s'approchant du jeune homme pour soulever son visage afin de l'examiner. Il en a encore trop dans le bide.

— C'est pas la sensation que j'ai quand je regarde son t-shirt et le mien, mais si tu le dis...

Paul secoua Éloi pour essayer de lui dire de se faire vomir, mais il ne répondit rien d'intelligible. Quelques bruits, quelques mots sortaient de sa bouche, mais le sens avait déserté ses capacités de communication.

— Ok, penche-le vers le sol, demanda Paul.

Gaël s'exécuta et eut lui-même envie de vomir en voyant son ami enfoncer ses doigts dans la bouche d'Éloi pour l'obliger à régurgiter. Cela ne nécessita que peu d'efforts avant que le jeune homme vide une quantité inattendue de liquide et de vieux repas sur le sol. Paul revint à la charge et une seconde salve indiqua que le contenu de l'estomac d'Éloi était presque vide.

— Qu'est-ce que t'as pris, abruti ? s'agaça Paul.

Il se parlait presque à lui-même à ce stade-là, mais le brun réagit en formulant enfin un mot compréhensible.

— Trop...

— Tu reviens parmi nous ? T'endors pas en tout cas, ton père arrive bientôt.

Le cerveau d'Éloi s'actionna doucement. Il plaça ses doigts dans sa bouche tout seul et vomit une quatrième fois en sentant sa gorge le brûler. Bordel. S'il avait su dans quel état il se retrouverait, jamais il ne serait sorti de chez lui. Qu'est-ce qui lui était passé par la tête ?

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