Chapitre quatorze : Handshake with Hell
https://youtu.be/rKf0Wjw0eTc
Seconde partie : Sleepsong
« Lay down your head and I'll sing you a lullaby
Back to the years of loo-li lai-lay
And I'll sing you to sleep and I'll sing you tomorrow
Bless you with love for the road that you go »
https://youtu.be/dsuhfOD7emE
Chapitre quatorze : Handshake with Hell
« In the end, we only reap what we have sown
Can't leave well enough alone
The world's at stake
Under an oath that cannot break »
Plusieurs mois vinrent contredire les croyances populaires. Lorsque la rentrée en Terminale arriva pour Sören et Éloi, leur amour n'avait fait que se renforcer et non s'effriter comme on l'attendait souvent des adolescents. Et leur amour ne fut pas le seul à gagner en force, eux-mêmes étaient plus confiants, apprenaient à vivre davantage en sécurité. Ils changeaient. Et devenaient, peu à peu, de simples garçons amoureux.
Certes, les cauchemars revenaient parfois, et ils se réfugiaient l'un contre l'autre pour les exorciser, les chasser, mais ces mauvais rêves n'étaient plus aussi forts qu'avant. Ils prenaient des couleurs différentes, puisqu'ils apprenaient eux-mêmes à peindre des souvenirs plus purs sur les plaies du passé.
Ils ne parvenaient presque pas à se passer l'un de l'autre, à tel point que Sören accompagna les Barzh durant leurs vacances d'été. Ils étaient partis dans les Alpes pendant deux semaines, ce qui avait ravi l'anglais. La famille l'avait entraîné dans de surprenantes randonnées, que même Éloi craignait faire à cause de son vertige. Cependant, avec l'aide de son petit ami, il était parvenu à dépasser quelques fois cette peur et à profiter encore plus d'une nature qu'il aimait tant. La majesté des montagnes les avaient ravis par bien des aspects, marchant main dans la main pour admirer les paysages. La nature était calme, sublime et surtout, elle remettait les choses à leurs places : rien n'avait d'importance tant que les montagnes tiendraient debout et rappelleraient au monde que les sols étaient beaux.
Face à l'amour des deux garçons, leurs familles avaient tout de même imposé des limites, après quelques mois sans savoir se positionner. Ils leur demandaient de faire des nuits séparées ou, comme ce fut le cas durant l'été dans les Alpes, de ne pas dormir dans le même lit. En voyant que leur relation devenait de moins en moins innocente, Valentin Barzh s'était dit que cette mesure devenait plus nécessaire. Il ne pourrait pas les empêcher d'agir s'ils souhaitaient faire l'amour, mais au moins, il ne serait pas en train de l'encourager. Sa femme avait râlé, disant que les deux jeunes hommes n'étaient plus des enfants, mais Valentin avait tenu bon en obtenant l'aval de l'oncle et de la tante de Sören. Les adolescents avaient boudé mais respecté, a priori, cette demande.
Ils n'avaient pourtant pas encore fait l'amour telle que la société le définissait, mais depuis l'hiver dernier, ils avaient davantage appris à se connaître et à satisfaire quelques-uns de leurs désirs intimes.
Ils s'étaient explorés eux-mêmes et avaient exploré l'autre plus souvent que ce que leurs responsables pouvaient soupçonner. Toujours avec un respect unique dans leurs yeux.
En ce mardi soir, lorsqu'Éloi ramena Sören chez lui pour le deuxième soir consécutif, il fit face à son père qui avait pourtant refusé que le garçon vienne dormir chez eux.
— Mais, c'est la deuxième fois que tu ne veux pas de la semaine ! s'agaça Él en suivant son père à travers le salon.
— Écoute, vous avez déjà de la chance qu'on vous autorise autant à dormir ensemble quand n'importe quel parent vous l'interdirait, donc ne te plains pas trop.
— Et alors ? T'es pas eux.
— Je pourrai le devenir donc ne m'emmerde pas plus.
Éloi leva les yeux au ciel. Son père reprit la parole en se tournant vers l'anglais :
— Sören, tu peux rester manger avec nous si tu veux, mais je préférerais que tu rentres après, d'accord ?
— Je suis désolé, s'excusa le jeune homme, je ne savais pas que je ne pouvais pas venir...
Valentin étouffa un rire pour ne pas dire que cela ne le surprenait pas.
— Bon bah, c'est tout, tu viendras demain soir... soupira Éloi en prenant la main de Sören.
— Non plus, répliqua immédiatement M. Barzh en sentant les foudres de son fils se charger.
Depuis qu'Éloi mettait des lentilles et avait abandonné ses lunettes, son regard était devenu encore plus perçant lorsqu'il n'était pas content.
— Pardon ? dit-il glacialement.
— Pas demain soir non plus, parce que tu ne m'as pas écouté aujourd'hui et tu as ramené Sören alors que je t'avais bien dit que je n'étais pas d'accord.
Cette fois-ci, même l'anglais semblait désemparé. Il avait la bouche entrouverte et affichait un regard qui faillit faire craquer Valentin.
— Mais c'est pas juste ! s'agaça Éloi. Y'a rien qui explique ou justifie qu'on ne puisse pas être ensemble la nuit !
— Si. Votre âge.
— Parce que t'as peur qu'on s'envoie en l'air ?! Ou tu veux protéger une espèce de vertu qu'il y aurait chez nous ?!
— Non. Parce qu'il faut que vous arrêtiez d'être à ce point dépendants l'un de l'autre.
— Bah ok, arrête de dormir avec maman dans ce cas.
— Ça n'a rien à voir.
— Arrête d'être dépendant de ton mariage. Après tout, c'est pas bien d'aimer quelqu'un, visiblement.
Cette fois-ci, ce fut Valentin qui leva les yeux au ciel et soupira.
— De toute façon, je vais bientôt avoir dix-huit ans, donc je ferai ce que je veux, reprit Éloi sur un ton de défi.
— Tu feras ce que tu veux quand tu pourras t'assumer totalement. Pour l'instant, tu habites avec nous, et tu respecteras aussi longtemps que nécessaire ce que je te dis de faire.
Valentin savait que son fils n'était pas habitué à l'autorité. Il avait passé plusieurs années seul, isolé, à être un bon élève, une personne sérieuse, donc se retrouver soudainement avec des règles devait le déboussoler. Il n'en avait jamais eues besoin ces dernières années.
Éloi, cependant, brûlait surtout de colère et d'injustice. Le fait qu'on essaie de le priver de ce qui lui était arrivé de mieux dans sa vie le rendait aveugle à toute logique. Il avait l'impression que son père ne comprenait pas à quel point la présence de Sören pouvait apaiser ses tensions, ses peurs et ses cauchemars. Il avait besoin de son petit ami pour dormir sereinement. Il avait besoin de lui qui connaissait son histoire et avec qui ils s'étaient partagés leurs secrets les plus féroces.
— Je ne sais pas à quoi tu joues en ce moment papa, mais t'essaies de me traiter comme un adolescent normal, or, je ne serai jamais un adolescent normal.
M. Barzh écarquilla les yeux en entendant le ton d'Éloi. Il sentit sa propre colère monter.
Sören s'était reculé des deux et assistait, impuissant à la dispute.
— Non, c'est toi qui ne sais pas à quoi tu joues en ce moment, et tu ne vas certainement pas continuer de me parler comme ça, est-ce que c'est clair ?
Éloi se rapprocha de son père pour se mettre face à lui, presque menaçant. Bien qu'il n'ait pas beaucoup grandi ces derniers mois par rapport à son petit ami, il était assez intimidant.
— Él... l'appela doucement Sören en tendant une main. Viens, s'il te plaît...
Immédiatement désarmé, le brun s'éloigna de son père et retourna près de son petit ami. Ce dernier lui demanda de se calmer et lui dit que ce n'était pas bon d'agir ainsi avec son père. Éloi ne répondit rien, sentant seulement qu'il tremblait encore d'une colère probablement injustifiée.
Valentin se fit du soucis en les regardant. Il se demandait si son fils allait réellement mieux, comme sa femme le prétendait. Certes, il était plus ouvert, auprès de Sören, mais il était encore terriblement sauvage. Il fréquentait des amis, osait parfois, lorsqu'il n'allait pas au lycée, retirer ses mitaines, voire porter des t-shirt à manches courtes. Il se découvrait doucement, mais sa nature fermée s'était transformée en une boule de colère dès l'instant où on s'approchait de trop près de sa relation avec Sören. Il refusait tout ce qui pouvait s'immiscer entre eux. Et Valentin trouvait cela un peu effrayant.
Il observa les deux garçons s'enlacer et se rendit compte que cette dépendance était certes, très claire chez Éloi, mais elle était tout aussi forte chez l'anglais. Il le cachait davantage, mais lorsque Sören le regarda par-dessus l'épaule d'Él, il sentit que ce gamin-là aussi lui en voulait de les séparer plusieurs nuits de suite.
***
— Ah tiens, t'es rentré ? s'étonna Sara lorsque Sören arriva chez eux.
Elle était installée confortablement dans le canapé du salon, sa tablette dans les mains, le bruit d'un film en écho dans la pièce.
— Le père d'Él n'a pas voulu que je reste dormir.
— Oh, mon pauvre loulou... C'est pas grave, vous pourrez vous retrouver demain ?
— Il nous l'interdit aussi.
— Bon bah, la nuit d'après, alors ? Mais ça passera vite, tu verras !
Sören haussa des épaules et dit à sa tante qu'il avait sommeil. De toute façon, elle ne comprenait pas ce qu'il pouvait ressentir.
Lorsqu'il arriva dans sa chambre, son téléphone vibra plusieurs fois à la suite, indiquant le prénom de son petit ami. Il ouvrit les messages tout en s'allongeant sur son lit et fut surpris par leur contenu.
Él – Rien à foutre. Ce soir tu viens à la maison.
Él – Notre maison est plain-pied, donc tu n'auras qu'à passer par ma fenêtre.
Sören – Sweetheart, si ton père l'apprend, on est cuits.
Él – Il ne m'empêchera pas d'être près de toi. Trouve un moyen de sortir et rejoins moi à mon signal. Je t'écrirai dès qu'ils seront couchés.
Sören – T'es sûr que c'est raisonnable ?
Sören – Je meurs d'envie d'être avec toi, mais je ne veux pas non plus décevoir tes parents...
Él – T'occupes pas d'eux. Ils sont mon problème.
L'anglais grimaça en lisant le message. Il ne jugeait pas M. et Mme Barzh comme étant des problèmes et cela lui fit de la peine. Certes, il était agacé par les décisions du père d'Él, mais de là à le considérer aussi mal...
Él – Alors ? C'est ok ?
Sören – Oui, je me prépare et j'attends ton signal.
Un peu plus d'une heure s'écoula durant laquelle Sören partit prendre sa douche et se laver les dents. De retour dans sa chambre, il prépara un sac dans lequel il glissa son pyjama. En tendant l'oreille vers le couloir, il entendit Sara prendre sa douche à son tour. Oskar était déjà couché. Ainsi, lorsqu'Éloi lui écrivit, il fut soulagé de pouvoir se glisser prudemment hors de la maison pour rejoindre discrètement son petit ami. Les prochaines fois, il trouverait un moyen plus simple de disparaître.
Quand il arriva près de la fenêtre de la chambre d'Él, ce dernier lui ouvrit sans attendre et il se glissa dans la pièce, le cœur battant à tout rompre. Les deux garçons s'embrassèrent quelques secondes puis, une fois que Sören fut remis de ses émotions, il se changea et se glissa auprès de son petit ami dans le lit chaud et douillet qui lui procurait toujours un sentiment de sécurité lorsqu'il s'y trouvait avec Él. Ce dernier fut apaisé par la présence de Sören et bien qu'ils ne puissent pas vraiment communiquer au risque d'être surpris, il fut heureux d'au moins pouvoir se blottir contre son torse afin de s'endormir.
***
Ce petit jeu dura tout le mois de septembre.
Dès que Valentin décrétait qu'ils devaient passer une nuit séparée, Sören s'éclipsait de chez lui et partait rejoindre Éloi. Ces nuits-là étaient chastes, malgré quelques baisers parfois fougueux. Ils mettaient le réveil tôt et Sören repartait le plus discrètement possible jusque chez lui pour se préparer, l'air de rien.
Él était ravi de désobéir ainsi à son père. Il ne supportait pas la façon qu'il avait eu d'imposer des règles dans sa vie, comme s'il voulait lui interdire toute forme de bonheur. C'était ça qu'il ressentait : un père qui souhaitait l'empêcher d'être pleinement heureux.
Une nuit de fin septembre, cependant, ils furent réveillés par la sonnette de la maison et entendirent, avec surprise, la voix d'Oskar. Les deux garçons, figés dans leur lit, n'eurent pas le temps d'improviser un plan avant que la lumière du couloir ne vienne les éblouir lorsque M. Barzh ouvrit la porte de la chambre.
— C'est une blague, dit-il froidement. Debout. Dans le salon. Tout de suite.
Sören fut le premier à réagir et sortit du lit sans attendre, la tête baissée. Sa culpabilité s'enroula autour de lui comme un manteau d'épines. Il attendit qu'Él se lève à son tour, mette ses lunettes qu'il ne portait presque plus et le prenne par la main pour partir en direction du salon. Silencieusement, ils avancèrent. Sören s'installa sur une des chaises et Éloi resta derrière lui, dos au mur.
Tous deux réagissaient bien différemment. Valentin se rendit compte que si Sören était mortifié par la situation, son fils, lui, regardait froidement chacun des trois adultes présents.
— Inutile que je demande qui a eu l'idée ?
Aucune réponse.
— Cette fois-ci, c'est allé trop loin, déclara-t-il.
— Él, intervint Maïwenn, qu'est-ce qui t'es passé par la tête ?
— Demande plutôt à papa ce qui lui a pris de ne plus vouloir que je passe du temps avec Sören.
Valentin fit appel à la petite boule de calme qui restait encore dans sa conscience pour répondre à Éloi.
— Est-ce que je t'interdis de voir ton petit ami ?
— Oui.
— En vous demandant de passer quelques nuits l'un sans l'autre ? Pour toi, cela signifie que je t'interdis de voir Sören ?
Éloi ne dit rien. Il fixait toujours intensément son père.
Oskar choisit ce moment pour sortir de son mutisme. Él n'avait pas encore noté que l'oncle de Sören était particulièrement en colère.
— Eh bien moi, je vous l'interdis, déclara-t-il. Tant que vous n'aurez pas mis un peu de bon sens dans vos têtes, vous n'aurez plus le droit de vous voir en dehors du lycée.
Sören s'était presque recroquevillé en entendant cette déclaration. Éloi se plaça contre lui, posant ses mains sur ses épaules pour le rassurer. Il ne répondait vraiment qu'à ce garçon. Valentin observait chacun de leurs gestes, essayant de comprendre ce qui les amenait à être si dépendants l'un de l'autre.
— Ce n'est pas une bonne idée, asséna le brun en regardant Oskar.
— Pardon ?! Parce que tu crois que tu as ton mot à dire ? Tu te rends compte que je suis allé tardivement voir Sören pour trouver une chambre vide ? Alors que j'ai promis à son père que je veillerai sur lui ? Pendant plusieurs secondes, j'étais mortifié !
— Le responsable de cette situation n'est pas moi. Ni Sö.
— Arrête de faire le malin avec moi ! s'emporta Oskar avant de s'adresser directement à son neveu : on rentre à la maison maintenant, ça suffit ces conneries.
— Non, s'opposa Éloi.
Sören ne bougea pas d'un millimètre.
— Je ne veux pas être éloigné d'Él, dit-il sans regarder son oncle.
— Sören, n'essaie même pas de t'opposer à moi.
Le jeune homme se leva mais ne se déplaça pas. Il croisa ses bras et osa relever les yeux vers Oskar. Dans le fond, lui aussi ne comprenait pas pourquoi ils s'acharnaient à vouloir les éloigner. Que faisaient-ils de mal ? Ils guérissaient ensemble. Ils étaient amoureux. Pourquoi fallait-il qu'on se mêle de cela ?
— Tu veux que je raconte tout à ton père ? Et qu'il vienne te rendre visite ici ? menaça soudainement Oskar sans se rendre compte de ce que ces mots pouvaient impliquer.
Son neveu fut déstabilisé par la menace, ce qui fit principalement réagir Éloi. Alors que ce dernier allait prendre la parole, s'apprêtant sans doute à jeter de l'huile sur le feu, Maïwenn intervint :
— Inutile d'en arriver jusque-là. En revanche, on va tous s'asseoir et prendre le temps de discuter calmement.
Elle prononça ce dernier mot en fixant son fils.
Tout le monde obéit et prit place sur un siège. Éloi et Sören restèrent très proches l'un de l'autre. Oskar ne semblait pas décolérer et déplaça la chaise sans aucune douceur. À ses yeux, les deux garçons agissaient de façon irresponsable et il fallait intervenir.
— Pourquoi est-ce que ça vous coûte tant d'être séparés quelques nuits ? Est-ce que vous vous rendez compte que ça n'est pas très rationnel ? demanda Mme Barzh.
Elle était douce et semblait concernée. Ses questions n'étaient pas un piège. Éloi fut reconnaissant que sa mère ne se montre pas brusque ou autoritaire et surtout, qu'elle prenne l'ascendant sur la situation. Il l'espérait davantage de leur côté que de celui des deux hommes.
— Ça me rassure d'être avec Él la nuit, répondit Sören. Avant je faisais pas mal de cauchemars et je n'arrivais pas à très bien me reposer, mais depuis qu'on est ensemble, c'est totalement différent...
— Pareil pour toi mon chéri ? demanda Maïwenn en se tournant vers son fils.
Éloi acquiesça.
— Je suppose que tu t'es beaucoup confié à Sören sur ce que tu as vécu, je me trompe ?
Le garçon fit un « non » de la tête. Il n'était, malgré tout, pas décidé à parler.
Valentin et Oskar observaient l'échange en se demandant où cela allait les emmener. M. Barzh craignait que sa femme finisse par cautionner le comportement des garçons.
— Sachez que je vous trouve adorables tous les deux, et que votre amour nous touche tous. Je suis surtout heureuse pour toi, Él, que tu puisses nouer un lien fort avec quelqu'un. Cependant, au fil des mois, j'ai l'impression que plutôt que de t'ouvrir au monde, tu emportes Sören avec toi dans ton isolement.
Elle marqua une pause et leva doucement sa main pour demander à Éloi de ne pas répliquer.
— Je ne peux pas parler pour toi, Sören, mais je suppose que tu étais assez isolé aussi et que tu as trouvé en mon fils quelqu'un avec qui vivre à deux cette solitude.
L'anglais n'osait pas la regarder. Maïwenn avait raison, il le savait. Ils s'étaient tous les deux repliés l'un sur l'autre. Certes, ils voyaient leurs amis de temps en temps, mais ils faisaient tout ensemble.
En même temps, envisager d'être éloigné trop longtemps d'Él lui faisait mal au ventre. Il avait l'impression d'être arraché à une partie de lui-même en s'imaginant sans son petit ami.
— Aucun de nous trois ne souhaite remettre votre relation en question, est-ce que c'est clair ? demanda Maïwenn.
Les garçons ne répondirent pas. Éloi était encore méfiant.
— Par contre, il faut absolument, pour votre propre bien, que vous appreniez à faire des choses l'un sans l'autre. Vous ne pouvez pas vivre ainsi toute votre vie, ce n'est pas sain...
Maïwenn prit une grande inspiration avant de reprendre la parole.
— Él, on va retourner voir le Dr. Ambre plus souvent. Je pense que la réduction des médicaments et des séances a été trop précipitée. Certes, tu vas nettement mieux qu'avant, mais ton comportement actuel n'est pas rationnel, et je pense que tu le sais.
Le jeune homme sentit les larmes lui monter aux yeux. Ses mains se crispèrent sur ses cuisses et Sören s'en aperçut. Il en attrapa une pour le rassurer. Maïwenn, qui était habituée au langage non verbal de son fils, décida de clore la conversation.
— Bon, il est tard. Je pense qu'on devrait tous aller se coucher et on rediscutera de tout cela au fil des jours, calmement.
Elle se tourna vers Oskar et Valentin.
— Ça ne sert à rien de les séparer ce soir. On va parler avec les psys et on trouvera des solutions avec elles.
Oskar voulut s'opposer à cette décision, mais Maïwenn ajouta un « s'il-te-plaît » tendre mais ferme, confirmant qu'elle ne changerait pas d'avis. Lorsqu'il se leva de sa chaise pour leur dire qu'il allait donc rentrer, il se tourna vers Sören pour lui assurer qu'ils en reparleraient le lendemain. Le jeune homme acquiesça et lui souhaita timidement une bonne nuit. Il s'en voulait d'avoir mis en colère son oncle, alors qu'il le trouvait si gentil avec lui. Oskar n'avait rien à voir avec son frère aîné. Le décevoir était douloureux.
Maïwenn décréta qu'il était tant de retourner se coucher et se leva de table. Elle partit fermer le verrou de la porte d'entrée lorsqu'Oskar fut parti et prit ensuite la direction de sa chambre. Éloi se leva, suivi de Sören. Cependant, Valentin demanda à l'anglais de rester deux minutes avec lui. Il avait à lui parler, seul à seul.
Éloi regarda froidement son père avant de quitter la salle à manger pour retourner dans sa chambre. Quand il entendit son fils fermer la porte, Valentin engagea la conversation.
— Je me doute à peu près des raisons qui font que mon fils est à ce point dépendant de toi. Même s'il ne nous a jamais raconté en détail ce qu'il a vécu il y a quatre ans, il ne faut pas avoir un diplôme pour se douter que son attachement démesuré vient notamment de ses traumatismes.
— Vous suggérez qu'Él ne m'aime que parce qu'il a souffert ?
— Non. Je me suis sans doute mal exprimé. Je suis persuadé qu'il est amoureux de toi et qu'il l'aurait été aussi s'il n'avait pas vécu tout cela. En revanche, son attitude très protectrice et son refus d'être éloigné de toi, ça, ce n'est pas motivé que par son amour pour toi.
Sören haussa des épaules.
— Mais ce n'est pas d'Él dont je veux parler, c'est de toi. Je sais que mon fils a vécu l'enfer, mais toi, qu'est-ce qui fait que tu es si imprégné aussi ? Que t'est-il arrivé pour que tu agisses aussi comme cela ?
Sören baissa les yeux et sentit une migraine commencer à taper à ses tempes. Elle menaçait d'apparaître depuis qu'ils avaient été réveillés, mais là, avec la question de Valentin Barzh, il était sérieusement en train de la sentir se développer. Il vit le visage de son père, celui de son grand-père. Il entendait le souffle de ce dernier dans son oreille, ce qui le fit grimacer.
— Sören ?
— Je ne veux pas en parler.
— Est-ce que c'est lié à ton père ?
L'anglais souffla, agacé par la curiosité de M. Barzh. Pourquoi faisait-il tout cela ?
— Bon, je ne veux pas insister si tu ne veux rien dire, mais peut-être que tu devrais, toi aussi, te tourner vers un ou une psychologue pour parler. Si tu as besoin d'aide pour en trouver, Maïwenn et moi pouvons t'aider et je peux convaincre Oskar et Sara si jamais ils s'y opposaient.
— Inutile, trancha Sören. Je vais très bien.
— Les psys ne sont pas uniquement là pour les moments où on va mal. De la même manière que tu ne vas pas chez le médecin que lorsque tu es en souffrance, eh bien, un psy peut être vu pour simplement faire un bilan, un travail sur soi.
— Est-ce que je peux aller me coucher ? coupa froidement Sören.
Valentin fut surpris par le ton du garçon. Il ne l'avait pas imaginé si obtus sur ce sujet. Un point commun inattendu avec Éloi, mais qui ne venait que confirmer la théorie qu'il avait. Sören avait vécu des choses, probablement graves. Él et lui se réconfortaient mutuellement. L'anglais aussi isolait son fils pour les protéger.
Afin de ne pas perturber davantage le garçon, il le laissa partir rejoindre Éloi.
Resté seul dans la salle à manger, il prit appui contre le dossier de la chaise et croisa les bras. Il espérait que cette nouvelle étape à franchir se passerait bien. Finalement, le démon d'Éloi n'était pas si loin que cela. Il avait simplement pris une nouvelle apparence. L'homme soupira et se souhaita bon courage. Décidément, le connard qui avait kidnappé son fils n'avait toujours pas fini de hanter leur vie.
¤¤¤
Et voilà, nous y sommes : la seconde partie a commencé. Elle sera un peu plus longue que la première, mais sera aussi plus... aïe aïe aïe. Bonne chance !
Si mon calendrier reste fidèle à mes plans, l'intégralité du roman sera posté le 15 décembre 2023.
Sur ce, à bientôt, et pour ceux qui passent sans rien dire, n'hésitez pas à cliquer sur la petite étoile pour soutenir mon travail, ça me ferait plaisir :)
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