Chapitre douze : TRIALS
https://youtu.be/0dG9pXeOgT0
« Obey no more in silence
The steel in our hearts will be monuments
Today, they'll hear the violence
We'll rise from the dark like Lazarus »
— Aide ta tante à débarrasser la table, ordonna Nils lorsque Sara se leva pour reprendre les couverts.
Le jeune homme s'exécuta immédiatement, soulagé d'échapper quelques minutes à son père et son interminable discussion professionnelle avec Oskar. Les deux frères se retrouvaient et Sören doutait très sérieusement que son oncle le protège de quoique ce soit. Il paraissait presque aussi inquiet que lui face à l'homme, donc il compensait cela par des rires, des sourires et surtout, par du vin.
— Quel sale misogyne... Je ne supporte pas ton père, avoua Sara à demi-mots en jetant le contenu d'une assiette dans la poubelle.
Sören se tourna vers la porte qui donnait sur la salle à manger, espérant que son père n'ait pas entendu les propos de sa tante. Il ne répondit rien pour ne pas jeter de l'huile sur un feu non encore existant. Ou peu vif pour le moment.
— Et Oskar qui s'est transformé en marionnette et qui joue le jeu de son frère en faisant comme si j'étais une putain de boniche. Je ne vais pas tenir jusqu'à dimanche.
— Parle moins fort, lui dit Sören, paniqué. Il pourrait t'entendre...
— Et alors ? Il va faire quoi ? Si Oskar n'est pas capable de le mater, crois-moi, que je saurai m'en charger.
Sara était une femme très dynamique et cultivée. Sören admirait beaucoup sa prestance, son caractère insubordonné et la façon qu'elle avait de placer des mots durs dans des phrases douces. Il se demandait comment son oncle était tombé amoureux d'une femme aussi forte. Ça ne semblait tellement pas commun dans leur famille. Lui, il se souvenait d'avoir eu une mère tendre avec lui, mais soumise aux moindres souhaits de son époux. Elle l'avait toujours consolé lorsqu'il était enfant, sans savoir comment le protéger.
En revanche, il voyait en Sara quelqu'un de plus courageux, de peut-être de plus apte à empêcher qu'un seul incident ait lieu ici.
— Excuse-moi, je parle mal de ton père alors que tu ne l'as pas vu depuis longtemps et que tu es sans doute plus heureux que moi de l'avoir près de toi, ce n'est pas très gentil de ma part. C'est juste que je ne supporte pas les mâles dominants comme ça, ils me hérissent le poil.
Sören se rapprocha de sa tante qui se trouvait désormais près du lave-vaisselle. Il regarda furtivement par-dessus son épaule, puis lui murmura :
— Je ne suis pas plus heureux que toi de le savoir ici. Je préfère être juste avec toi et Oskar.
Sara sourit et se pencha vers lui pour l'embrasser sur la joue.
— Je n'ai peut-être qu'un seul neveu et aucun enfant, mais même s'il y en avait d'autres que toi dans ma vie, je pense que tu resterais mon préféré.
La sœur de Sara était une femme encore plus autonome qu'elle. Elle avait, contrairement à sa tante, choisit de vivre seule et de ne jamais donner la vie. Sören n'avait pas eu la chance de la rencontrer, mais il trouvait cela prodigieux de voir des femmes se dresser contre les attentes de la société.
Tous deux revinrent de la cuisine en échangeant un regard complice et s'assirent avec le sourire aux lèvres. Nils ne perdit pas une miette de la scène et se tourna immédiatement vers son fils :
— Qu'est-ce que tu peux avoir l'air stupide quand tu ris ainsi.
Sören regarda son père se resservir un énième verre de vin rouge. Déjà qu'il n'était pas sympa lorsqu'il était sobre, l'alcool ne faisait qu'empirer ses démonstrations désagréables.
— D'ailleurs, de quoi riez-vous tous les deux ?
— On avait la radio dans la cuisine et l'un des présentateurs a fait une blague sympa, mentit Sara en attrapant la bouteille d'eau.
— Ah oui ?
— Quelle différence y a-t-il entre une cravate et la queue d'une vache ?
Nils fit un signe de tête à Sara pour l'inciter à poursuive.
— Eh bien, la queue d'une vache, elle, au moins, cache tout le trou-du-cul.
Oskar explosa de rire, plus fort qu'en temps normal. Il avait, lui aussi, un peu trop bu. Sören ne put retenir un sourire en entendant la blague de sa tante. Quant à Nils, il laissa un rictus faussement amusé apparaître sur son visage. Il fixa longuement sa belle-sœur.
Certes, il ne portait pas de cravate ce soir, mais en temps normal, il en avait toujours une autour du cou. Il n'admettait pas que l'on puisse apparaître négligé en société.
— C'est pas mal, hein ? poursuivit Sara avant de boire son verre d'eau. Franchement, ça m'a bien fait marrer.
— Et tu ris à ce genre de blagues, toi ? demanda Nils en se tournant vers son fils.
Sören déglutit et répondit sans regarder son père.
— Non, pas vraiment. C'est le rire d'Oskar qui me fait sourire.
— Pourtant, tu as ri en venant t'asseoir ?
— Oui, mais c'était Sara qui me faisait rire. Elle aime bien ces blagues.
La main de son père se posa fermement sur son genou et il appuya dessus tout en serrant sa prise avec ses doigts.
Le geste n'échappa pas à Sara qui préféra se taire.
— Je dois admettre qu'il y a une certaine poésie derrière cet humour, conclut Nils en relâchant son fils. J'imagine que tu en as d'autres des comme ça, Sara ?
— Possible, mais elles sont sans doute encore moins polies.
— Bon ! On a fini la bouteille, mon frère, intervint Oskar en s'emparant du rouge posé devant lui. Est-ce que tu veux autre chose pour le dessert ?
Nils regarda l'heure sur sa montre puis se tourna vers Sören.
— Il est tard. Tu ferais mieux d'aller te coucher pour être en forme demain au lycée.
— Oui. Tu as raison.
Sören se leva sans attendre.
— Mais le dessert, loulou ? demanda Sara.
— Gardez m'en une part pour demain ! En plus, j'ai déjà bien mangé, je n'ai plus de place là-dedans.
Sören montra son ventre puis le frotta pour accentuer ses propos.
Il souhaita une bonne nuit à tout le monde et monta les escaliers sans s'attarder davantage, soulagé d'échapper à son père et de pouvoir se réfugier dans sa chambre. Il passa par la salle de bain à toute vitesse, se lava les dents et lorsqu'il sortit dans le couloir, il tomba nez à nez avec Nils qui le dévisagea.
— Ta tante fait des blagues pour m'humilier.
Sören ne sut plus où se mettre. Il regarda la porte de sa chambre, à quelques pas d'ici. Son cœur accéléra dans sa poitrine. Il garda le silence et quand il tourna à nouveau son visage vers son père, il sentit une gifle s'abattre sur sa joue.
— Plus jamais tu ne ris à une blague de Sara, encore moins devant moi. Quelle audace !
Nils lui souhaita à nouveau une bonne nuit et redescendit au rez-de-chaussée. Sören se plaqua contre le mur du couloir et ferma les yeux. Le coup n'avait pas été très fort, mais il était suffisant pour rappeler au jeune homme que, décidément, peu importait ce qu'il faisait, son père trouverait toujours une occasion pour s'en prendre à lui. Ni Oskar, ni Sara n'avaient pu l'en protéger.
***
— Sacrée nervosité, fit remarquer Valentin à son fils en le voyant dans la cuisine en train de consommer une troisième tasse de café. Je ne t'ai jamais vu stresser ainsi avant d'aller chez Sören.
— Je te rappelle que son père est là. Et il ne sait pas pour nous deux.
Valentin partit vers la cafetière et imita son fils. Il prit ensuite appui contre l'évier, juste à côté d'Éloi.
— Ça peut être une belle occasion pour le lui annoncer, non ? Il doit être soulagé de voir son fils s'épanouir depuis qu'il est en France.
— Alors, papa, j'ai une information pour toi : avec Sören, il y a une catégorie d'êtres humains qu'on n'a pas encore eu l'occasion de croiser en plus d'un mois de relation, on appelle ça des « homophobes » et ce midi, on va manger avec l'un d'eux.
— Merde... murmura Valentin, soudainement démuni. Son père est homophobe ?
— Ah mais son père, c'est une raclure. Il a tous les défauts que tu pourrais lui prêter et exactement l'inverse de tes valeurs ou de celles de maman.
— Ton vocabulaire, Él, tu ne peux pas parler de quelqu'un ainsi.
Éloi rinça sa tasse dans l'évier sans répliquer à son père, bien que la remarque l'agaça. Il était toujours respectueux et poli, en particulier face à ses aînés. Donc s'il parlait de l'un d'entre eux aussi mal, cela aurait dû suffire pour prouver à son père qu'il y avait un problème chez cet homme.
— Quand tu dis « tous les défauts » et « l'inverse des valeurs », tu entends quoi par-là ?
Él attrapa l'éponge et chercha des mots appropriés pour décrire Nils Rosberg. Il ne pouvait pas trahir Sören et révéler à son père ce qu'il savait, mais cela le démangeait.
— Disons que Sören est né dans une famille plutôt... traditionnelle ? S'ils avaient été en France, je pense qu'ils se seraient vite mobilisés dans cette foutue « Manif pour tous », si tu vois ce que je veux dire.
— Ah.
À l'inverse, Éloi était clairement né dans une famille progressiste et ouverte sur le monde. Même si la politique n'était pas un sujet qu'ils abordaient souvent puisqu'ils se prêchaient entre convertis, tous trois aimaient s'informer et agir le plus en accord avec leurs convictions. Le végétarisme était l'un des piliers, mais Éloi pouvait aussi placer dans son dictionnaire personnel des mots comme « féminisme », « antiracisme » et « anticapitaliste ». Il se souvenait d'avoir défilé, durant son enfance, auprès de ses parents dans des manifestations. Ses parents l'avaient même déjà emmené dans des ZAD. Sans y comprendre grand-chose à l'époque, il avait tout de même acquis la capacité de se mobiliser pour ce en quoi il croyait.
— Pourtant, Oskar et Sara n'ont pas l'air si... cons, non ?
— Ce sont eux qui vivent le plus à l'écart. Les autres Rosberg français habitent dans le Sud, il me semble. Je pense qu'Oskar a toujours été un peu différent et qu'il s'est éloigné en partie de sa famille pour cela.
— En tout cas, je comprends mieux ton stress. Et je suis désolé pour le pauvre Sören... Ça doit être difficile de cacher à son seul parent qu'il est amoureux.
— Pas sûr que ce soit ce qui l'embête le plus, ironisa Éloi en essuyant sa tasse.
Son père chercha à en savoir plus mais le jeune homme préféra prendre de la distance avec lui. Il devait encore se préparer et se canaliser avant d'affronter le repas du midi. Même s'il avait envie de débouler dans la maison en pétant des scores de mépris pour Nils Rosberg, il ne perdait pas de vue que sa seule et unique mission était de veiller sur Sören et de tout faire pour qu'on ne sache ni qu'ils étaient amoureux, ni qu'il ne partageait aucune similitude avec ce père tyrannique. Il devait faire en sorte que Nils soit satisfait et rassuré, qu'il ne se méfie pas de lui.
***
Éloi fut accueilli dans une demeure qu'il trouvait presque méconnaissable. Les meubles n'avaient pourtant pas changé de place, mais l'atmosphère était différente. Nils imprégnait les murs, les objets, les regards de ceux qui étaient présents. C'était la figure absolue d'une autorité qui se pensait propre mais qui était déloyale.
Il serra la main au jeune homme dès qu'il arriva dans le salon. Oskar fut surpris par cet échange mais n'osa pas imiter son frère. Il savait que le garçon ne supportait pas le contact physique. Nils fit remarquer qu'ils ne se disaient pas bonjour et, d'une voix amusée, rassura Éloi en lui disant de ne pas être si réservé. Il posa ses deux mains sur les épaules du garçon pour achever sa phrase.
Ce geste de sympathie dégoûta profondément Éloi. Nils était un chien. Il pissait sur son territoire et sur les gens pour marquer sa possession. Cependant, pour ne pas contredire l'homme, il avança vers Oskar afin de lui serrer la main et en fit de même avec Sara. Tous deux eurent une poigne douce à son égard, reconnaissants de l'effort qu'il venait de faire.
À chaque poignée, c'était comme s'il avait tapé trois fois sur le parquet pour ouvrir les rideaux. La pièce pouvait commencer. Le titre : Puisse-t-il ne plus revoir Sören pleurer.
Le jeune homme, d'ailleurs, tarda à se manifester. Il ne descendit que quelques minutes plus tard. Et la vue séduisit Éloi qui dut se forcer pour garder une expression indifférente. Sören portait un jean foncé et avait mis une chemise bleue qui s'accordait parfaitement à ses yeux. Ses cheveux étaient plus courts, mais il conservait tout de même cet épi sauvage sur le dessus et une longueur acceptable aux yeux de son petit ami. Il était terriblement beau malgré son regard triste et ses gestes peu assurés.
Il salua Éloi d'un geste de la tête et partit vers la cuisine pour aider Sara. Cette dernière ramena des apéritifs qu'elle déposa sur la table basse du salon. Nils et Oskar s'installèrent sans attendre. Le père de Sören ouvrit une bouteille et interrogea Éloi du regard.
— Non, merci, je ne bois pas d'alcool.
Nils eut un rire amusé et se tapa doucement le crâne.
— Oui, et puis, j'ai failli oublié que tu n'es pas majeur.
— Non, effectivement. Bientôt dix-sept ans. Mardi prochain.
— Le 21 décembre ? C'est le solstice d'hiver, non ?
— Tout à fait. Je suis né le jour le plus court de l'année.
Nils eut l'air de celui qui avait une grande révélation. Il appela son fils qui surgit une seconde plus tard dans le salon avec d'autres plats pour l'apéritif.
— Et toi, tu es né le jour le plus long de l'année, si je ne dis pas de bêtises.
— Non, tu as raison, le 21 juin.
Éloi fut écœuré qu'un être aussi abject soit celui qui leur faisait découvrir une coïncidence aussi poétique. Il aurait aimé y penser plus tôt.
— Asseyez-vous les garçons, après tout, les fauteuils ne vont pas vous mordre.
Sören et Éloi s'exécutèrent, prenant chacun un siège face à Nils et Oskar. Ce dernier semblait tendu et fatigué, comme s'il se remettait d'une maladie passagère.
Él, d'ordinaire peu bavard, trouva un moyen d'occuper le temps pacifiquement en demandant au père de Sören de lui parler de son travail. Il fit semblant de s'enthousiasmer durant toute la conversation... Ou plutôt, tout le monologue de l'homme. Il ajoutait des questions à ses questions afin de faire durer le sujet.
Lorsqu'ils passèrent à table, Nils replaça encore une fois sa main sur l'épaule du garçon et le remercia pour l'intérêt qu'il portait à son travail. Il critiqua Sören, disant que son fils n'était pas aussi curieux, ce qui le décevait.
Éloi resta muet. Les entrées, déjà posées, occupèrent tout le monde durant quelques minutes. Nils n'arrêtait pas de complimenter les qualités culinaires de Sara, soulignant que c'était une femme merveilleuse qui savait concocter de vraies petites surprises. Il était mielleux, ce qui en devenait désobligeant.
Les minutes s'écoulèrent dans cette atmosphère à la fois désagréable et bizarrement guindée. Nils menait tout le monde à la baguette, sans même se rendre compte qu'il était la plus grosse dinde de la pièce. Plus grosse que celle qu'Oskar avait coupée dans la cuisine et déposée sur la table.
Éloi regarda Sören qui grimaça pour indiquer qu'il était désolé. Sara évita son regard et Oskar prétendit que tout était normal.
— Fais le service, Sören, exigea froidement Nils en suivant son fils du regard lorsqu'il se leva.
Quand Éloi refusa le morceau de dinde qui lui était proposé, le père de Sören fut faussement outré. Il découvrit alors que le jeune homme était végétarien et débuta un débat à sens unique sur le sujet. Débat durant lequel Él dut enfouir ses convictions en pensant très fort au fait qu'il aimait férocement Sören et que pour lui, il était prêt à tout. Sauf à manger de la viande, ça, il ne craquerait pas, même quand Nils prit son assiette et insista pour qu'il goûte, qu'il redécouvre le bonheur de la bonne viande. Éloi ne lâcha rien, maintenant son sourire, insistant sur le fait que ça n'était pas nécessaire et qu'il ne le ferait pas. Il entendait que le végétarisme ne soit pas si adapté dans cette société, mais il précisait qu'il l'était depuis si longtemps que cela pourrait le rendre malade sans l'avis de son docteur.
Nils salua le caractère d'Éloi, lui disant qu'il était admirablement têtu.
Et t'as rien vu, bouffon, pensa très fort le jeune homme en se contentant de rire et d'ajouter que ses parents pensaient exactement la même chose.
Au moment des fromages, alors que Nils avait pourtant détourné son attention sur Oskar, un évènement vint secouer la posture sérieuse et amicale que tentait de préserver Éloi.
— Dis donc Éloi, lui dit Nils en posant à nouveau une main sur son épaule.
Il se maudit de s'être assis près de l'homme pour empêcher Sören d'en être proche.
— J'ai entendu dire que tu étais quelqu'un de connu, non ?
Tout le monde s'immobilisa à table. La bouche de Sören s'ouvrit légèrement et il fixa les motifs de la nappe avec des yeux écarquillés.
— Les journaux ont parlé de toi à une époque, continua Nils en relâchant la pression qu'il exerçait sur l'épaule d'Éloi. J'ai cru lire que tu avais survécu à un fou, un psychopathe. C'est incroyable ça. Tu dois avoir une sacrée endurance et une force exceptionnelle pour être encore debout aujourd'hui.
— Papa... soupira Sören. Je pense que ce n'est pas un sujet dont Éloi aimerait parler, s'il-te-plaît.
— Tu es dans la tête de ce jeune homme ? Tu crois que tu peux décider pour lui ? s'agaça Nils en fusillant son fils du regard.
Sören ne baissa pas les yeux durant plusieurs secondes, puis il craqua, trop intimidé par l'air impassible et pourtant menaçant qu'affichait son père.
Éloi se leva tout à coup en prenant une grande inspiration.
— Si vous voulez bien m'excuser, j'ai besoin de prendre l'air deux minutes.
Il sortit de table et s'avança vers la porte d'entrée en tremblant, complètement déstabilisé.
— Nils, vraiment, là, tu exagères gravement, reprocha Oskar en se tournant vers son frère aîné.
Sara jeta un regard noir à l'homme en face d'elle. Il la fixa en retour, quasiment heureux de voir enfin une réaction de mécontentement sur le visage de sa belle-sœur. Elle se tourna finalement vers Sören, non pas parce qu'elle avait pris peur, mais parce qu'elle jugeait qu'il y avait mieux à faire que de défier cet oppresseur.
— Viens avec moi Sören, on va rejoindre Éloi et voir comment il se sent.
Le jeune homme acquiesça et suivit sa tante sans attendre. Nils entama une nouvelle conversation avec Oskar, comme si de rien n'était.
Lorsqu'ils arrivèrent dehors, ils trouvèrent Éloi contre le mur près de la porte, les mains tremblantes. Il était visiblement agité. Quand il vit Sören, il attendit à peine que l'entrée fut refermée pour déclarer :
— Il est fou. Il est tordu. Ton père est un sociopathe. Un putain de prédateur.
Sören eut envie de le prendre dans ses bras mais se retint, trop effrayé que son père le surprenne.
— Je suis désolée, intervint Sara. On lui a raconté cela jeudi dans la journée afin de s'assurer qu'il ne fasse aucun commentaire à ce propos, notamment auprès de Sören. À ce moment-là, j'étais loin d'imaginer que tu serais embarqué dans ce repas insupportable. Et jamais je n'aurais cru qu'il soit suffisamment timbré pour t'en parler directement. Je le connais mal, visiblement.
Bien qu'Éloi sache que n'importe qui dans ce village connaissait son histoire, il fut presque autant déstabilisé par le fait que Sara lui en parle que lorsque ce fut Nils. Discrètement, il attrapa la main de Sören et la serra avec douceur entre les siennes avant de le regarder.
— Par amour pour toi, je vais retourner là-dedans parce que je ne veux pas te lâcher. Maintenant, promets-moi de ne pas te sentir responsable de ce que ton père vient de faire. J'ai besoin que tu me le promettes pour pouvoir lui refaire face sereinement, parce que sinon, je vais lui planter une fourchette dans l'œil.
Sören se rapprocha d'Éloi, l'air encore navré.
— Je t'aime. Je t'aime et je te promets que je ne me sentirai pas responsable. Je te le jure.
Éloi, désormais attendri, voulut embrasser Sören, le prendre contre lui pour lui témoigner ses sentiments partagés. Il était sublime. Parfait. Comment quelqu'un d'aussi bon pouvait être le fils d'une infâme ordure comme Nils ?
— Je ne veux pas te le dire maintenant parce que je refuse de te déclarer mes sentiments lors d'un moment comme celui-ci, mais, Sören Rosberg, tu me rends tellement fort.
Sara s'était légèrement éloignée durant l'échange des garçons. Elle faisait le guet près de la fenêtre qui donnait sur la salle à manger, veillant à ce que Nils ne s'approche pas de la porte. Lorsqu'elle vit qu'Éloi était prêt à y retourner, elle prit à son tour une grande inspiration et revint dans sa maison, le cœur chargé de pensées mauvaises à l'encontre de cet homme bravant tous les affronts, qui buvait son vin comme un enfant gâté, heureux d'avoir cassé ses jouets.
La comédie reprit et Sara ne trouva qu'en contentement le fait que Nils n'était, en fait, qu'un simple pantin entre leurs mains pleines du secret des deux garçons.
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