Chapitre dix-sept : Porn Star Dancing
https://youtu.be/uLtWNwehQe8
« Your body's lighting up the room
Now I want a naughty girl like you
There's nothing hotter than that »
Honeymoon. C'était le mot le plus fort auquel Sören pouvait penser durant les semaines qui suivirent leur premier anniversaire. La majorité d'Éloi, Noël, le Nouvel An... Les événements de décembre devinrent une fête sensuelle et les garçons refirent l'amour dès que l'occasion se présentait. Le froid de l'hiver ne put que très peu les atteindre tant ils se dévouaient à se réchauffer l'un l'autre.
Ce changement n'était pas passé inaperçu. Leurs familles les voyaient sous un nouveau jour. Ils obtenaient plus de libertés et Éloi se vit même accorder le droit de se tatouer le bras tel qu'il l'avait souhaité. Le tatouage allait être assez massif et demanderait plusieurs séances puisqu'il avait tout simplement prévu de recouvrir ses cicatrices par de longues silhouettes d'arbres afin de porter sur lui une forêt du poignet jusqu'à l'épaule. Sören l'accompagna durant la première séance et découvrit qu'il avait une phobie des aiguilles tandis qu'il regardait son petit ami débuter son tatouage. Il fut contraint de l'abandonner lorsque les séances suivantes arrivèrent. Il ressentait presque plus de douleur qu'Éloi en regardant la scène.
Ainsi, fin janvier, Éloi fut ravi de présenter le travail fini de son tatoueur et chercha très rapidement ce qu'il pourrait faire d'autre, ayant particulièrement adoré l'expérience. Oskar et Sara n'apprécièrent pas particulièrement l'œuvre sur le bras du garçon mais ne le jugèrent pas. Après tout, c'était Éloi, et Éloi était, à bien des égards, très surprenant. En revanche, ses parents adorèrent, même si au départ ils avaient désapprouvé le fait que leur fils se recouvre intégralement le bras. Une fois le tatouage terminé, ils avaient sifflé d'admiration et Valentin Barzh envisageait presque d'aller voir le tatoueur d'Éloi pour s'en faire un. Ce qui amusa Sören, en revanche, fut l'expression décomposée de son petit ami quand son père avait déclaré cela. Les rôles s'inversèrent un bref moment puis Valentin Barzh renonça à cette expérience, ayant l'impression de commettre un outrage s'il osait le faire.
Le soir venu, d'ailleurs, tandis qu'il avait demandé aux garçons de se séparer pour la nuit, comme originellement prévu, il rejoint sa femme dans leur chambre et ils échangèrent un regard amusé.
— Non, mais, mon fils, qui se tatoue le bras presque entièrement, m'interdit de faire la même chose. T'arrives à y croire, toi ? dit-il en sautant presque dans le lit pour venir se coller à Maïwenn.
Elle rit de bon cœur et posa son livre sur la table de nuit afin de laisser son mari l'enlacer.
— Il a tellement changé. Moi, c'est ça qui me fait halluciner. Où est passé notre petit garçon ?
Valentin grimaça légèrement, n'osant pas dire que leur petit n'en était plus un depuis longtemps, et qu'ils découvraient surtout un adolescent, voire un jeune adulte, depuis plus d'un an. Malgré ses critiques assez mal accueillies sur les deux garçons, il ne pouvait absolument pas dédaigner le fait que Sören avait changé la vie d'Éloi. Il avait même changé leur vie à tous les trois. Il leur avait rendu un fils.
— Je suis assez fier de la personne qu'il devient, finit par dire Valentin. Il est un peu ronchon, parfois impulsif, mais dans l'ensemble, on a un gamin plutôt responsable et sain. C'est tout ce qui compte pour moi.
— Pareil, c'est juste que je ne peux pas m'empêcher de repenser à sa bouille quand il était petit. Il riait si souvent et était toujours en train de réclamer des activités, des jeux, des câlins. Il était inarrêtable. Et son immense enthousiasme ! Tu te rappelles ?
Valentin revit, en effet, son fils poser des dizaines de questions lorsqu'ils avaient visité une ferme, non loin de Hvall alors qu'il n'avait que cinq ou six ans. Il était d'une curiosité à toute épreuve, capable d'épuiser le moindre adulte imaginant s'en sortir au bout de cinq minutes. Il se souvenait de son air scandalisé quand il avait découvert que les animaux devant eux étaient aussi ceux que l'on retrouvait dans les assiettes. Cette information avait échappé au gérant de la ferme tandis qu'Él menait un véritable entretien. À partir de ce moment, la lutte pour lui faire manger de la viande devint une guerre.
Une guerre qui avait mené les deux parents chez un nutritionniste afin de comprendre et négocier le végétarisme de leur, déjà très engagé, petit garçon.
Mais surtout, Valentin se souvenait de la gentillesse d'Éloi. Il le revoyait, de son plus jeune âge jusqu'à ses treize ans, tendre ses bras vers lui ou Maïwenn pour réclamer un câlin. Il le voyait, tout jeune, s'endormir contre lui ou sa mère lorsqu'ils étaient invités chez des amis et qu'Éloi finissait par être fatigué. Il le revoyait aussi se montrer doux avec d'autres enfants de son âge, courir pour relever une petite fille qui était tombée et la consoler parce qu'elle avait eu peur. Éloi, si sensible, si concerné par les autres. Toujours empathique.
Puis, juste comme ça, plus rien.
Il y avait cinq ans, presque jour pour jour, il se souvenait d'Éloi sortant de chez eux pour aller chez une copine qui vivait à deux rues de là. Il le revoyait leur faire un bisou de la main, leur dire qu'il ne rentrerait pas tard. Sauf qu'il n'était pas rentré, pas tout de suite, il avait été enlevé sur le chemin du retour. Et dix mois de douleur vinrent encrasser leur famille.
— Mon amour, dit Maïwenn en posant une main sur sa joue, je sais à quoi tu penses et ne va pas par-là. C'est derrière nous. Profite de voir notre fils amoureux, créer des liens avec des jeunes de son âge, redevenir un petit peu ce qu'on a toujours connu de lui. Certes, on ne pourra jamais tourner totalement le dos à ce qu'il s'est passé, mais on peut avancer à partir de cela. On avance à partir de cela.
Valentin l'embrassa sur le front en revenant à lui. Maïwenn avait raison, bien sûr. Leur fils était revenu et bien qu'il soit revenu en vrac, il était un incroyable survivant qui se réparait doucement. Valentin aurait juste aimé que lui et Maïwenn soient ceux qui l'aident le plus à se remettre debout, à reprendre goût au monde. Durant ces dernières années, il s'était imaginé qu'ils seraient les plus solides possibles pour soutenir leur fils.
— J'aurais bien aimé que ce soit nous qui l'aident à aller mieux. Depuis son enlèvement, je me sens parfois comme un mauvais père et le fait de le voir plus heureux grâce à un garçon qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam, eh bien...
— On l'a aidé, j'en suis certaine. On l'a simplement remis sur les rails et Sören est arrivé pour prendre la relève.
— C'est une belle personne ce gosse... soupira finalement Valentin.
— Ah bah, Éloi nous ramène le gendre idéal, c'est certain, rit de bon cœur sa femme.
Il se détacha d'elle, soucieux, et fronça les sourcils.
— J'espère que ça durera, leur histoire, parce que je n'ai pas envie de ramasser les morceaux derrière un truc pareil.
— Oh, je ne pense pas qu'il faille s'en inquiéter. Ces deux-là, c'est du long terme. Mon intuition. Et si je me trompe, eh bien, on fera notre boulot de parents et on ramassera notre fils pour le réparer.
Valentin acquiesça, tout en espérant ne pas avoir besoin de remplir ce rôle.
— J'ai sans doute dû transmettre à Él le bon goût en ce qui concerne le choix d'un ou d'une partenaire, répondit-il finalement avant d'embrasser Maïwenn sur le front.
Cette dernière rougit et, comme si leur amour était aussi récent que celui des deux garçons, ils éteignirent les lumières pour s'étreindre doucement.
***
C'était la troisième fois, en quelques semaines, qu'Éloi se laissait entraîner à une soirée par ses amis. L'année de Terminale et les études supérieures en approches avaient visiblement chauffé la tête de leur groupe, et d'autres personnes.
Marlène, qui habitait dans un village proche de Landerneau, avait profité de l'ouverture des vacances d'hiver pour inviter tout le monde chez elle. Ses parents étaient partis au sky pour la semaine et elle espérait clairement rentabiliser son foyer en célébrant chaque journée de leur absence. Bien sûr, elle ne pouvait pas le faire à chaque fois, et certains de ces soirs ne furent occupés que par la présence d'une copine ou de deux ou trois amis. Mais, au milieu de la semaine, elle s'accorda le droit de faire venir du monde. Beaucoup de monde.
Éloi et Sören étaient arrivés de bonne heure pour aider à installer les chambres et préparer le salon. Marlène avait tout fait dans les règles, demandant l'autorisation à ses parents bien avant leurs départs, et ne cachant rien de la fête qu'elle voulait faire. Aucun des deux garçons ne connaissait les parents de Marlène, mais Sören jugea qu'elle avait sacrément de la chance. Ils lui faisaient confiance pour gérer correctement la soirée, ne pas trop importuner les voisins et se montrer raisonnable avec l'alcool. Ils lui demandaient surtout d'éviter les substances illicites. Face à cette liberté, Marlène avait dupliqué les règles de ses parents pour les faire passer à tous ceux qu'elle avait invités. Interdiction de faire n'importe quoi chez elle s'ils comptaient pouvoir remettre cela dans le futur.
C'était simple. Limpide. Et cela marcha.
Au fil des heures, une vingtaine de personnes remplirent la maison de la jeune fille. L'alcool se but plus ou moins modérément, mais toujours proprement. La musique était forte mais pas assourdissante.
Cependant, aux alentours de vingt-deux heures, Marlène dégaina son arme fatale : elle baissa les lumières du salon et augmenta le son afin de danser. Elle avait un projet concret pour ce soir. Après des mois entiers à se tourner autour sans jamais se déclarer leur attirance réciproque, elle comptait enfin mettre au clair sa relation avec Paul en l'entraînant dans une danse dès qu'elle en aurait l'occasion.
Éloi trouvait qu'elle déployait beaucoup d'efforts pour quelque chose d'évident mais qu'ils n'avaient pas encore réussi à verbaliser. Ce fut d'ailleurs grâce à cela qu'il comprit que Sören et lui, finalement, n'avaient pas perdu tant de temps que ça.
Les bras croisés, Él discutait avec un élève de sa classe qu'il connaissait mal. Il était dos contre le bar qui se trouvait entre la cuisine et le salon. D'un œil distrait, il regardait les filles se mettre à gesticuler, chanter et rire. Il ne savait pas où se trouvait Sören mais il l'imaginait tout simplement en train de sympathiser avec autant de personnes que possible.
Éloi avait découvert qu'une fois légèrement alcoolisé, Sören pouvait être incroyablement à l'aise en société. Il était drôle, énergique et avait un rire très communicatif. Le brun, quant à lui, ne buvait pas trop. Il n'avait pas spécialement le droit à cause de ses médicaments. Il ne savait pas ce que donnerait le mélange entre les antidépresseurs, les anxiolytiques et les cocktails maisons, et il n'était pas très curieux de le découvrir. Il s'en tenait donc à quelques bières fraîches, toujours séparées par un grand verre d'eau.
Mina s'était presque fichu de lui en voyant son sérieux, mais elle s'était très vite rendu compte qu'il était tout de même un peu saoul. Il se montrait plus accessible et lui avait même pincer le nez lorsqu'elle avait ri de son verre d'eau.
Et Éloi aimait bien cet état. Il ne comptait pas le dépasser. Il voulait juste le maintenir.
Cela lui permettait d'être un peu comme Sören : sociable. Presque. Ainsi, il discutait de manga avec le garçon face à lui, très connaisseur du sujet contrairement à lui qui n'en avait qu'une approche en survol.
Absorbé par la discussion et sa bière, plus que par la musique qui lui tapait un peu sur les nerfs à cause des sons trop consensuels choisis, il sentit tout de même son oreille vibrer en entendant tout à coup . Il reconnut immédiatement une chanson que Sören avait mise, deux semaines plus tôt, tandis qu'ils faisaient une énième fois l'amour. Incroyablement évocatrice, elle s'appelait tout simplement « Porn Star Dancing ».
Lorsqu'il tourna la tête vers le salon, il vit Sören danser entre Marlène et une autre fille. Leurs hanches se touchaient et ondulaient ensemble. Marlène, devant Sören, passait un bras au-dessus d'elle pour attraper le cou de l'anglais. Éloi ouvrit la bouche, outré, mais son petit ami le dévisagea soudainement, le regard espiègle. Juste avant le refrain, il laissa les filles danser ensemble et tendit une main vers Éloi en s'approchant de lui. Celui-ci secoua la tête négativement tout en posant prudemment sa bière sur le bar. Il savait parfaitement que Sören ne renoncerait pas. Certainement pas sur cette chanson. Ainsi, lorsque le châtain lui prit la main et le tira vers lui, il ne résista pas vraiment.
Un peu décontenancé, il laissa Sören mener la danser. Leurs bassins se serrèrent et l'anglais n'hésita pas à rendre ses mouvements très sensuels, laissant une de ses jambes se frotter entre celles d'Él. Le geste fit frémir le brun qui regarda, désireux, son petit ami avant de l'accompagner dans le mouvement. Après le second refrain, lorsque la voix du chanteur résonna davantage que la guitare, il laissa son poids partir en arrière, soutenu par Sören, avant de remonter vers lui, de passer ses bras autour du cou du garçon, approchant doucement son visage pour lui montrer qu'il souhaitait l'embrasser. Il se recula au moment où Sören mordit à l'hameçon. La bouche ouverte, à la fois amusé et surpris, l'anglais fit se retourner Éloi et se plaça contre lui, plaquant ses mains sur ses hanches au moment où le riff de guitare résonna dans les enceintes. Durant ces quelques secondes, ils ondulèrent l'un contre l'autre et Sören laissa ses mains glisser sur le ventre du brun, puis vers sa ceinture, avant de remonter sous son t-shirt tandis qu'Él plaçait ses bras comme Marlène l'avait fait quelques minutes plus tôt. Etant plus petit que Sören, il put aisément se laisser langoureusement embrasser par son petit ami tandis que les mains de ce dernier continuaient de caresser fermement sa peau. Vers la fin de la chanson, il revint face à Sören et l'embrassa encore plus passionnément. Quand le dernier son retentit, il explosa presque de rire contre la bouche de son petit ami, les doigts toujours enfouis dans les cheveux châtains qu'il aimait voir pousser.
Une fois davantage conscients de leur environnement, ils regardèrent autour d'eux et purent constater que la chanson avait été tout aussi efficace sur Paul et Marlène qui s'embrassaient désormais à pleine bouche contre le mur du salon. Éloi se demanda comment ils en étaient arrivés là et eut envie de crier « victoire ! » mais il chercha seulement le regard de Mina qui n'avait pas perdu une miette de tout ce qui venait de se passer.
Beaucoup s'étaient arrêtés de parler ou de danser pour les regarder tous les quatre. La musique qui suivit était assez entraînante mais moins au goût du brun. Il prit donc la main de Sören et l'emmena à part.
— C'était quoi, ça ? dit-il en reprenant son souffle.
— Une autre façon pour moi de te montrer que je t'aime.
Éloi pinça ses lèvres, encore remué par ce qui venait de se passer. Son corps avait réagi vivement au contact du jeune homme et il ne pouvait qu'imaginer que la réciproque était vraie. Bien sûr que Sören devait être dans un état similaire.
— On a une chambre pour nous ce soir ? demanda finalement l'anglais.
— Pas vraiment, on dort avec Mina et Adamo, et... s'interrompit-il. On ne va pas faire ça dans la maison de Marlène !
— Tout le monde est dans le salon pour l'instant, lui répondit Sören avec un petit geste de la tête vers le lieu en question.
— Nan, c'est pas raisonnable.
— Si, je crois que ça l'est ! s'exclama gaiement le jeune homme en attrapant la main d'Éloi pour l'entraîner avec lui dans les escaliers.
Éloi se rebella vaguement mais suivit son petit ami, excité à l'idée de s'isoler un peu en sa compagnie. Voire même, excité à l'idée de s'isoler tout simplement, loin du bruit et du monde. Le fait qu'il y ait leurs deux corps en osmose qui s'ajoutent à l'isolement, ça n'était qu'un bonus particulièrement appréciable.
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