Chapitre dix-neuf : A Storm is coming

https://youtu.be/cU4J17q8lsg

« A storm is comin' that you can't escape
Tears are fallin' like blood and rain
Thunder's shakin' and it's gonna break
A storm is comin' that you can't escape »


Valentin sursauta en entendant quelqu'un tambouriner sur la porte d'entrée de la maison. Maïwenn, qui était allongée sur le canapé devant un film, se redressa, tout aussi surprise. Rapidement, Valentin sortit de la cuisine où il était en train de se préparer un thé et partit regarder dans le judas de la porte. Il reconnut immédiatement Sören et ouvrit sans attendre. Le jeune homme entra, paniqué, et cria le prénom d'Éloi.

Ce dernier arriva en quelques secondes. Il devait être en train de se changer parce que Valentin fut surpris de le voir simplement avec son bas de pyjama. Il écarquilla les yeux en revoyant le corps de son fils, son dos mutilé. Il le cachait depuis si longtemps maintenant. Et Valentin regarda les mains de Sören se crisper dessus en venant se blottir contre Éloi.

— Qu'est-ce qui se passe mon amour ? Qu'est-ce que tu as ?

Éloi prit le visage de Sören entre ses mains pour le regarder et caressa ses joues avec ses pouces. L'anglais était dans un état de panique absolu. Il tremblait. Ses cheveux étaient trempés, la pluie s'étant remise à tomber en cette fin de journée. Sören n'arrivait pas à formuler ses phrases, des mots en anglais et en français surgissaient de façon maladroite, comme c'était toujours le cas lorsqu'il était angoissé.

H-He... He knows ! He knows about us ! Oh God, he KNOWS !

Éloi écarquilla les yeux et tenta de rassurer Sören. Il ne voulait pas comprendre ce qu'il venait de dire. Il fallait que l'anglais répète et qu'il répète bien, clairement, de manière à pouvoir être sûr qu'il disait n'importe quoi.

Sören laissa échapper un sanglot incontrôlable et se serra à nouveau contre Éloi, son visage s'enfonça dans le cou du jeune homme. Él gardait les yeux ouverts et essayait de le calmer d'une voix apaisante. Les paroles de Sören firent alors leur chemin jusque dans sa pensée et il se sentit défaillir, trembler. Nils Rosberg savait que son fils avait une relation amoureuse avec lui. Nils Rosberg savait.

— Le-Le lycée l'a appelé au lieu d'appeler Oskar, entreprit de raconter Sören, le ton peu assuré. Oh mon Dieu, ils l'ont appelé parce que... parce que... Parce que quelqu'un nous a filmés quand on dansait et... et c'est remonté jusqu'à la direction... Et du coup, hier, ils ont appelé mon père en Angleterre et lui ont parlé de nous comme... comme si... comme s'il savait déjà... Comme si... Et il a rien dit jusqu'à aujourd'hui parce que... parce que...

Sa voix s'étrangla. Le poids de Sören se fit de plus en plus lourd sur Éloi. Celui-ci le soutint avec toute la force dont il disposait. Il revoyait les gens sur leurs téléphones lors de la soirée chez Marlène. Cela ne lui avait même pas effleuré l'esprit que l'on puisse les avoir filmés et avoir diffusés cette danse. Cela avait juste l'innocence de l'amour, en théorie.

Il sentit la colère monter en lui, amplifiée par les larmes que Sören versait dans son cou. Il caressait sa nuque, ses cheveux, afin que son amoureux se calme. Il fallait qu'il se calme, pour qu'ils puissent prendre du recul et mettre toutes les pièces du puzzle devant eux.

Les parents d'Éloi regardaient les garçons, démunis. Maïwenn serrait ses mains contre son cœur. Les confidences que lui avaient faites Sören plus tôt dans la journée l'inquiétèrent. Pour que ce gamin soit dans un tel état de panique, il fallait que son père soit vraiment intimidant.

— Eh, finit-elle par dire en s'approchant d'eux, mes chatons, venez vous asseoir cinq minutes.

Valentin quitta l'entrée de sa maison et retourna dans la cuisine pour sortir une bouteille d'eau et plusieurs verres. Il les posa sur la table basse du salon et revint vers l'entrée. Sören était toujours cramponné à Éloi mais ils commencèrent à se diriger vers le canapé.

Une fois qu'ils furent installés, Maïwenn prit place face à eux, sur la table basse en bois. Quant à Valentin, il resta debout et attendit de comprendre.

Éloi était impassible, mais tous ses gestes indiquaient un grand désir de protection. Même s'il s'était légèrement reculé de Sören, il maintenait un contact physique, que ce soit en laissant ses genoux se coller à ceux du garçon, ou ses mains qu'il tenait entre les siennes.

Sören parvint à se calmer après avoir bu son verre d'eau. Son visage était rouge, ses larmes glissaient toutes seules, lorsqu'il entreprit de parler :

I'm so sorry, so sorry...

— De quoi ? Ne t'excuse pas... Il faut que tu nous expliques, lui dit Él en le regardant attentivement.

De sa main libre, il replaça une mèche de cheveux du garçon derrière son oreille. Son geste tendre adoucit le visage de Sören.

— Des gens ont... ont envoyé la vidéo via le site du lycée et c'est devenu un peu viral durant la nuit de vendredi.... Je-Je savais pas, je savais pas que c'était possible. Et c'est la direction qui est intervenue et ils ont dû juste voir le numéro de mon père dans mon dossier... Je-Je sais pas, I don't understand... (Je ne comprends pas...)

Sa voix était entrecoupée de sanglots. Sa respiration demeurait hachée. Il ne savait pas comment formuler la suite de son histoire. Il ne savait pas comment annoncer le pire à Éloi.

— Mon père me ramène en Angleterre, finit-il par dire en une fois, incapable de retenir cela plus longtemps. Il va venir demain. Il a déjà tout prévu, tout.

Sören s'effondra contre Éloi, sa tête s'écrasant sur son épaule.

Affolé, Éloi releva les yeux vers ses parents. Il fixa sa mère longuement, assise devant eux. Son regard inquiet se posait sur lui. Le cœur d'Éloi accéléra dans sa poitrine. Ce que lui disait Sören était inacceptable. Il ne pouvait pas repartir là-bas, pas avec cet homme.

— Tu n'iras nulle part mon amour, lui dit-il en l'enlaçant plus fort. Ton père ne te ramènera pas en Angleterre.

— S-Si... Il le fera ! You don't understand Sweets... How could you ? H-He will bring me back, I'm sure ! He always ruins everything in my life... He will take me away, far away from you... (Tu ne comprends pas mon chéri... Comment le pourrais-tu ? I-Il me ramènera, je le sais ! Il ruine toujours tout dans ma vie... Il me volera à toi...).

I won't let you go, répondit Éloi. (Je ne te laisserai pas partir)

Maïwenn intervint finalement, avec le ton le plus modéré qu'elle pouvait avoir.

— Sören, essaie de te calmer et de respirer doucement s'il te plaît.

Les deux garçons restaient enlacés. Elle se risqua à les éloigner doucement, afin de permettre à l'anglais de reprendre son souffle. Ils luttèrent peu, comprenant les enjeux.

Elle fit alors ce qu'elle avait trop souvent fait avec Éloi lorsqu'il avait une crise d'angoisse, elle lui demanda de fermer les yeux et de suivre sa respiration, de s'apaiser. Él les regarda faire, et entreprit de les imiter pour ne pas céder à son anxiété. Lorsqu'ils furent tous deux plus sereins, Maïwenn leur expliqua qu'il fallait remettre tout cela dans le bon ordre.

— Si j'ai bien compris, ton père désapprouve le fait que tu sois avec un garçon, c'est cela ?

Sören acquiesça.

— D'accord, reprit-elle. Écoute, je pense qu'il ne faut pas que tu te fasses immédiatement toute une montagne de sa venue et de ce qu'il a dit. Pour le moment, tu es avec nous, ici, et il n'est pas là. Demain, quand il arrivera, on prendra le temps de discuter ensemble. Ton père a sûrement juste besoin qu'on lui ouvre les yeux. Lorsqu'il verra que tu es heureux ici, que ce n'est pas grave d'aimer un garçon, ça ira mieux.

Les larmes de Sören glissèrent silencieusement tandis qu'il fixait Maïwenn. Elle non plus ne pouvait pas comprendre. Éloi l'embrassa sur la tempe pour le rassurer.

— S'il n'accepte pas, on tentera de le raisonner, mon chat, ajouta la mère d'Él. Te déscolariser du lycée à quelques mois du bac, ce n'est pas sensé. Idem, tu es bientôt majeur, tu as donc ton mot à dire sur ta vie. Est-ce que tu le sais ? Est-ce que cela fait sens pour toi ?

— Vous ne le connaissez pas...

— Il n'a pas l'air charmant, c'est certain, mais je suis sûre qu'on peut faire quelque chose. Il sera tout seul face à plusieurs personnes qui ne veulent pas te voir partir et te défendront. Que ce soit Valentin, Oskar, Sara, Éloi ou moi-même, on te soutiendra.

Sören soupira de soulagement à cette idée. Il s'était vu seul face à son père, mais en réalité, il avait du monde ici pour le défendre. Sara n'était pas là, mais Oskar était si bouleversé qu'il savait qu'il ne voudrait pas le voir partir. Quant aux Barzh, ils étaient là. Eux, ils étaient forts et ils sauraient répondre à son père et le défendre. Il devait leur faire confiance.

— Merci beaucoup... dit-il en acceptant que Maïwenn lui caresse tendrement une joue.

***

La nuit d'Oskar fut l'une des plus longues de sa vie. Il n'avait presque pas fermé l'œil. Sa femme lui manquait terriblement et il se sentait faible, lâche et impuissant. Comme cela avait toujours été le cas dans sa vie. Le plafond de sa chambre ne lui avait offert aucune solution concernant son neveu.

Il avait laissé Sören tranquille après qu'il se soit enfui chez Éloi. C'était forcément chez les Barzh qu'il était. Cela ne faisait aucun doute. Tous deux méritaient d'être ensemble cette nuit, de se rassurer, et de toute façon, Oskar n'avait aucune intention de nuire à leur histoire. Même s'il allait sûrement le faire lorsqu'il amènerait Nils chez les Barzh dans quelques heures.

Son frère lui avait annoncé qu'il venait d'arriver dans le Finistère et qu'il arriverait d'ici une heure chez lui. Il tenait à ce que Sören ait préparé ses bagages, que tout soit en ordre lorsqu'il arriverait pour qu'ils ne tardent pas à repartir. Nils avait parlé avec une fermeté angoissante, presque indifférente. Vue la gravité de la situation, il espérait que Sören se range immédiatement dans le rang. Il n'envisageait même pas que son fils puisse être entre les bras de son amoureux, à quelques maisons d'ici, probablement en train de pleurer à l'idée d'être ramené en Angleterre.

Oskar s'en voulait tant. Il avait acquiescé à son frère. Puis il était allé dans la chambre de son neveu pour préparer une partie de ses bagages. Il ferait croire que le garçon était parti dire aurevoir à Éloi, voilà tout.

C'était tout ce qu'il pouvait faire pour le protéger.

Parce qu'Oskar savait.

Il savait que Nils n'était pas tendre avec son fils, qu'il le dominait avec la certitude d'être un père droit. Exactement comme leur père l'avait fait avant lui. Exactement comme tout ça a toujours été.

Oskar se frotta le visage pour essayer d'éloigner ses mauvaises pensées.

Il n'avait pas osé appeler Sara pour lui annoncer. Il craignait sa réaction. Elle s'était tant attachée à Sören. Comment lui dire qu'ils allaient devoir perdre le gamin ?

Il se prépara en cherchant à évacuer toutes ces craintes. Sa douche fut rapide et ne le détendit pas. Il s'habilla le plus simplement possible, se fichant de savoir ce que son frère penserait de lui. De toute façon, Nils se mêlait toujours de tout, y compris lorsqu'on faisait des efforts certains pour lui convenir.

Oskar se disait qu'il avait été un bon oncle. Il l'avait surveillé de près. Il avait veillé sur ses résultats scolaires et l'avait observé s'épanouir au contact de ses amis. Au contact d'Éloi.

Son homosexualité ? C'était un détail pour Oskar. Il savait que ce gosse était malheureux, donc pourquoi l'empêcher de vivre une romance si bienvenue, loin de son père ? Et Éloi était un gamin brisé, il méritait aussi d'avoir Sören à ses côtés.

Bon sang... Oskar était mortifié. Il avait fait tout ce que son frère lui avait demandé, excepté lui révéler que le petit aimait un garçon.

Il contempla son petit-déjeuner sans aucune envie. Il aurait dû aller chercher Sören chez les Barzh pour le ramener ici, mais il ne voulait pas le faire. Une partie égoïste de lui se disait que Valentin et Maïwenn sauraient davantage que lui prendre position. Et puis, voler quelques minutes d'amour à son neveu, comment aurait-il pu oser ?

Oskar entendit une voiture se garer et une portière s'ouvrir. Il ferma les yeux, inspira et entendit la sonnette. Tel un fantôme, il se leva de sa chaise et ouvrit la porte de la maison.

Nils était devant lui, le visage crispé dans une colère qu'il lui avait rarement vue. Il entra dans la maison et dévisagea son frère avant de crier le prénom de son fils.

— Il n'est pas là, annonça Oskar.

— Pardon ?

— Il est chez Éloi.

Oskar l'avait vu venir, mais il fut tout de même surpris lorsque Nils l'attrapa par le col et le plaqua violemment contre le mur du couloir.

— Comment as-tu osé tolérer quelque chose comme ça ? Comment as-tu osé me le cacher ?! Je te faisais confiance pour dresser ce gosse correctement ! Je savais que tu serais simplet dans ton approche, mais de là à ce que tu lui autorises une telle relation anormale... Oskar, tu me dégoûtes !

L'homme ne réagit pas. Il resta le dos plaqué au mur et détourna le regard.

Nils le relâcha et, d'un geste efficace, donna un coup de poing dans l'abdomen de son frère. Oskar cria de douleur en se penchant en avant.

— On va chercher Sören, prononça froidement Nils avant de sortir de la maison.

Le moteur de la voiture tournait encore. Oskar enfila ses chaussures et sortit sans même penser à prendre son manteau. Il était sonné. Il était triste. Lorsqu'il prit place dans la voiture, il eut envie d'indiquer une fausse direction à son frère. Mais, lâchement, se dit-il, il expliqua le chemin à Nils et lui montra du doigt la maison des Barzh.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top