C comme Ciel étoilé, magie d'été
Intérieurement, la fillette aux boucles brunes trépignait d'impatience. Pourtant, c'était bien droite dans son lit, sans froisser les draps, qu'elle attendait calmement que sa mère vienne lui donner son bisou du soir. Maman ne devait pas se douter de quelque chose. Ensuite seulement, elle pourrait y aller.
Enfin, la porte de sa chambre s'ouvrit et une jeune femme entra. Elle alla s'asseoir au bord du lit et regarda l'enfant d'un air amusé. Elle n'avait pas défait ses deux petites tresses pour la nuit. Elle n'y accorda cependant pas plus d'importance que cela et se pencha pour poser ses lèvres contre le front de sa fille. Elle lui murmura des mots doux et sortit de la chambre en lui jetant un dernier regard empli d'amour.
Dès que la porte fut fermée, l'enfant se mit à compter en articulant silencieusement chaque chiffre, jusqu'à vingt. Quand elle eut fini, elle tendit l'oreille. Le moindre bruit perçu signalerait un danger potentiel et compromettrait son projet. Mais elle n'entendait rien. Elle patienta encore quelques secondes pour être certaine que la voie était libre, puis, n'y tenant plus, elle émergea de sous le drap fin qui lui servait de couverture. Doucement, elle posa cinq premiers orteils sur le parquet, puis les cinq autres et se leva, se rendit jusqu'à la porte et passa la tête dans l'entrebâillement.
Une fois au seuil de sa porte, elle avança d'abord lentement, un pied après l'autre, puis passa à la vitesse supérieure. Elle ne devait pas trop s'attarder pendant le trajet. Soudain, il y eut un son en provenance du parquet, si terrible qu'elle crut qu'il allait résonner pendant des heures. Et oui, si le sol de la chambre n'émettait aucun craquement sous des pas de petit loup, on ne pouvait pas en dire autant du parquet du couloir, aussi vieux que la maison elle-même. La fillette se figea en fermant les yeux, s'attendant à voir surgir l'un de ses parents qui lui demanderait où elle comptait se rendre à cette heure-ci. Mais la demeure se fit de nouveau silencieuse et la petite aventurière pu reprendre sa marche sans crainte. Au bout d'une minute, elle atteignit non sans un certain soulagement la pièce de la maison qui lui plaisait tant.
Le bureau de son grand-père. Un endroit magique qui recelait des tas de secrets. Elle aimait particulièrement la bibliothèque. Des vieux livres entassés qui sentaient bon la poussière d'un autre pays, d'une autre époque. Elle avait déjà essayé d'en feuilleter quelques-uns, mais elle ne comprenait pas tout ce qui y était écrit. Les écritures étaient petites, des gribouillis avaient été rajoutés dans les marges et entre les lignes. Elle ne comprenait pas non plus les étranges dessins qui avaient été faits au crayon sur des feuilles glissées entre certaines pages. Outre la bibliothèque, il y avait la vieille table, sortie tout droit de l'époque de ces grands bateaux qui écumaient les océans à la recherche d'une terre inexplorée. Une grande carte y était étalée. Elle représentait le monde, si vaste, si beau. Mais un peu trop plat aux yeux de la jeune curieuse. Dispersés autour de la carte, il y avait des objets tout aussi fascinants. Une loupe, un encrier, un sextant, une montre à gousset, et d'autres babioles qu'elle n'arrivait pas à nommer. Et pourtant, elle en avait lu, des livres d'aventure.
Du haut de ses huit ans, notre petite aventurière tenait beaucoup de son grand-père. Elle avait récupéré tous ses gènes concernant la curiosité, l'envie d'apprendre, la témérité, aussi. Et sa passion pour les livres et la découverte du monde. Il lui avait montré la forêt, les champs, la mer et le ciel. Il lui avait expliqué qu'il fallait en prendre grand soin. Grand-père était reparti à l'aventure, il y a quelques temps. Elle sait pourquoi il n'est pas revenu, mais elle est persuadée qu'il sera content d'entendre ses aventures à elle, un jour.
Mais ce soir, l'Aventurière n'est intéressée ni par les livres, ni par la grande carte. Lorsqu'elle fut entrée dans la pièce, elle dépassa ce tant aimé bazar et se dirigea tout droit vers la grande fenêtre en triptyque. Sans hésiter, l'Aventurière grimpa sur le large rebord en bois et tourna la poignée. Le vent qui s'engouffra fit virevolter le bas de sa chemise de nuit et elle respira l'air salé avant de s'accouder au garde-corps. De son haut refuge, elle voyait le bout de son jardin, la falaise et la mer. Mais elle ne voulait pas non plus regarder les vagues. D'abord, parce que la nuit était déjà là et qu'on ne pouvait qu'entendre le son de leur roulis. Ensuite, parce que ce qui était intéressant ce soir-là se trouvait un peu plus haut...
La troisième semaine du mois d'août venait de commencer et au dîner, Papa avait dit que c'était le bon moment pour observer les étoiles filantes. L'Aventurière leva la tête et contempla le ciel. Il était clair, aucun nuage à l'horizon, la lune était lumineuse. Les étoiles étaient si petites mais si éclatantes... L'Aventurière avait lu une fois que celles qu'on voyait le soir était en réalité des étoiles du futur, à cause de leur distance et de la lumière qui... Non. Ce sont des étoiles du passé car... car quoi, déjà ? L'Aventurière ne se souvenait plus de la raison. Elle allait devoir relire les explications de son encyclopédie. Elle repéra la Grande Ourse en premier, puis Cassiopée après un peu de recherche. Elle n'arrivait pas à trouver les autres constellations. L'Aventurière se sentait minuscule face à cette immensité céleste. Elle se demandait souvent ce qui pouvait exister au-delà des étoiles qu'elle voyait. Elle connaissait les planètes du système solaire, mais qu'il y avait-il plus loin ? Elle aimerait explorer cette partie de l'univers, quand elle serait grande. Grand-père avait voyagé à travers les quatre coins de la Terre, elle voyagerait aux confins de l'Univers, dans le Ciel, au milieu des étoiles. L'Aventurière pensa aux spationautes, tout là-haut. Que pensaient-ils dans leurs grandes capsules ? Si elle se sentait petite, se sentaient-ils comme des Princes des Etoiles ? Ou est-ce qu'on devenait encore plus petits en traversant l'atmosphère ?
Tout à coup, les yeux de l'Aventurière brillèrent d'un feu intense lorsqu'une étoile filante galopa dans le firmament nocturne. Vite, elle descendit de son perchoir et se rendit devant le bureau. Du regard, elle chercha un support sur lequel écrire. Dans un carnet abîmé par le temps, elle chipa une feuille qu'elle déchira pour obtenir un petit rectangle puis s'empara de la plume posée à côté de l'encrier. Elle jeta un coup d'œil dans l'étroit contenant et, constatant qu'il restait un fond d'encre, trempa le bout de la plume dedans. Elle n'eut même pas à réfléchir sur ce qu'elle voulait inscrire. Elle posa la plume sur le papier et dessina des lettres. Elle avait une écriture encore un peu gauche, du fait de son manque d'expérience dans le domaine et l'encre bavait un peu, mais le résultat était lisible et l'Aventurière en était ravie. Après avoir relu son petit mot, elle se dépêcha de retourner à la fenêtre. Elle plia son petit papier et patienta. Elle brûlait d'impatience. Elle scruta le ciel pendant un long moment et soudain ce fut comme si les astres s'étaient alignés. Le vent se leva et une étoile filante traversa le ciel en prenant tout son temps. L'Aventurière eut le temps de jeter son petit papier, qui fut rapidement emporté par le vent. Elle le regarda virevolter, les yeux écarquillés et brillants d'émerveillement, un sourire béat au visage.
Alors que son papier disparaissait dans la nuit, l'Aventurière sentit une présence derrière elle, ce qui la fit sursauter sans qu'elle le veuille. C'était Papa. Elle leva ses grands yeux bruns vers lui et il lui sourit. Evidemment qu'il ne lui en voulait pas d'être rentrée dans le bureau de Grand-père. Il tendit la main et referma ses grands doigts sur ceux, bien plus petits, de l'Aventurière. Elle se colla à lui et ils observèrent encore un peu la voûte céleste, si belle dans son manteau à paillettes.
Son cher souhait était désormais une paillette de plus.
Je voudrais être une Aventurière des Etoiles...
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