Chapitre 2
Chapitre 2 :
Lexi referma la porte du bureau après elle, l'esprit ailleurs. Elle ne remarqua même pas la présence d'une de ses camarades dans la salle d'attente. Les mains moites et le regard perdu, elle pris une grande inspiration avant de se diriger vers la sortie. A peine eut-elle posé le pied sur le goudron du parking de son lycée qu'une sonnerie qu'elle ne connaissait que trop bien se fit entendre. Alors qu'elle était à la recherche de son téléphone dans son sac bien trop rempli, elle priait pour que l'appel ne soit pas trop important.
— Allo ? articula-t-elle d'une voix mal-assurée.
Il faut dire que lorsqu'elle communiquait avec une amie, elle se montrait très éloquente mais quand il s'agissait d'une personne qu'elle ne connaissait pas personnellement, il lui fallait tout le courage du monde pour aligner plus de deux mots.
— Bonjour, le bureau d'admission du Conservatoire Européen d'Écriture Audiovisuelle à l'appareil, déclara alors dans le combiné une voix que Lexi n'avait jamais entendu.
Il fallut un certain temps à la jeune fille pour assimiler l'information. Lorsqu'elle prit enfin conscience de l'identité de son interlocutrice, elle n'osa plus parler. La douce voix à son oreille se répéta une seconde fois ce qui poussa Lexi à se ressaisir.
— Bonjour, répondît-elle d'une toute petite voix.
— J'ai le plaisir de vous annoncer votre admission dans notre établissement. Il vous faut bien sûr passer un entretien avec le directeur mais le scénario transmis lors de votre inscription semble avoir plu au comité d'admission.
Le cœur de la brunette rata un battement tandis qu'un immense sourire se dessinait sur ses lèvres. Cette nouvelle s'annonçait comme le début du reste de sa vie. Le début d'une vie pleine de rêve, le début d'un chemin semé d'embûches mais dont l'aboutissement valait toutes les peines du monde.
— Vous recevrez toutes les informations concernant cet entretien par mail dans les prochains jours, renseigna la dame avant de lui souhaiter une bonne journée et de raccrocher.
La main crispée sur le téléphone, son sourire encore sur le visage, Lexi s'aperçut seulement à cet instant qu'elle était arrivée devant son arrêt de bus.
Le regard posé sur une femme mendiante a qui elle venait de donner quelques pièces, la brunette se posait des questions. Il ne s'agissait pas d'une mendiante comme les autres, elle était installée sa guitare en main et jouait de douces mélodies pour le plus grand plaisir des passants. Cette femme avait du talent, personne n'aurait pu prétendre le contraire. Elle avait indéniablement du talent alors que faisait-elle là ? Pourquoi ne jouait-elle pas dans un groupe de musique ou dans un orchestre ?
Aux yeux de la jeune femme, le monde paraissait bien injuste ; le talent et la passion ne semblaient jamais suffire. La chance était toujours un facteur de réussite, ce facteur était présent pour s'assurer que vous ne réussiriez jamais. Car la chance est une chose qu'on ne peut contrôler, une force qui nous dépasse. Mettre son avenir entre les mains de la chance serait comme miser notre vie dans un jeu d'hasard. Une idée inimaginable pour Lexi qui aimait avoir un contrôle absolu sur sa vie, qui ne supportait pas de dépendre de quelque chose ou de quelqu'un.
Dans le bus, au milieu de tous ces gens, notre jeune lycéenne tentait de garder l'équilibre tout en étudiant les possibilités qui s'offraient à elle. Elle se sentait comme Rodrigue dans le Cid, confrontée à un dilemme cornélien, à savoir décider de réaliser ses rêves ou de faire ce que l'on attend d'elle en s'assurant un avenir certain.
En grimpant les marches du perron, Lexi appréhendait déjà l'interrogatoire de ses parents. Ils allaient la foudroyaient de questions sans grands intérêts alors que le seul scénario dont elle rêvait à cette instant précis, consistait à pouvoir regagner la tranquillité de sa petite chambre. Quand elle entra enfin dans l'habitât, elle prit bien garde à être la moins bruyante possible. Heureusement, la brunette savait se rendre discrète lorsque la situation s'y prêtait. Mais c'était sans compter sur le radar maternelle ; un super-pouvoir que les femmes acquièrent lors de leur première accouchement, une capacité extraordinaire qui leur permet de deviner l'exact emplacement de leur progéniture. Il arrive parfois, que ce pouvoir s'entend même jusqu'au mari. Pour ces hommes peu chanceux seuls deux choix s'offrent à eux : ne jamais mentir à leurs femmes ou fuir tant qu'ils le peuvent encore.
— Oh Lexi chérie vient donc m'aider avec le repas, intima sa mère.
— J'ai un devoir important à rendre, improvisa cette dernière.
— Un devoir en cette période de l'année, interrogea Madame Clayton.
Durant la courte conversation, Lexi s'était faufilé dans les escaliers. Elle inventa un gentil mensonge avant de s'engouffrer dans sa chambre. Elle devait réfléchir, plein de pensées s'entremêlaient dans son esprit, elle avait besoin de silence et de concentration.
L'heure du repas arriva trop rapidement au goût de Lexi. Elle fut donc contrainte de sortir de sa petite bulle pour affronter le monde extérieur. Elle descendit les escaliers d'un pas traînant en frottant ses semelles sur le plancher, avant de s'installer à table avec ses parents.
Madame Clayton se redressa sur son siège afin de pouvoir atteindre l'assiette de sa seule enfant. Lorsqu'elle reposa le contenant, Lexi afficha une moue perplexe face au contenu.
— J'aime pas les petits pois, se plaignît-elle.
— Et je peux savoir depuis quand, demanda sa mère d'un air ahurie.
— Depuis toujours, affirma Lexi.
Madame Clayton sembla amusée de la remarque de sa fille. Ses fines lèvres s'étaient étiré en un sourire en coin et les rides au coin de ses yeux étaient maintenant plus visibles.
— Je suis ta mère, je pense que je le saurais si tu n'aimais pas quelque chose, alors cesse de discuter et mange, lui enjoint-elle.
Cette réponse parut irriter la jeune fille qui leva les yeux au ciel. Du point de vue de Lexi, Madame Clayton était une maniaque du contrôle, ce point de son caractère constituait d'ailleurs ce que Lexi reprochait le plus à sa mère. Elle avait toujours besoin de tout contrôler, comme si le monde représentait à ses yeux une maquette et que les personnes autour d'elle correspondaient à des pantins à qui elle pouvait se permettre d'ordonner ce qui lui chantait.
— Tu es peut-être ma mère mais je suis moi, et on parle de mes goûts donc je pense mieux les connaître que toi, répondît la plus jeune d'un ton sarcastique.
— Lexi ne joue pas la rebelle et mange ces petits pois, ordonna la mère.
— Mais puisque je te dis que je n'aime pas ! hurla Lexi.
Contrôler son avenir, ses fréquentations et ses déplacements était une chose mais vouloir dominer ses goûts s'en était une autre. Lexi n'en pouvait plus de devoir constamment suivre les ordres de sa mère, de toujours être une marionnette, de ne jamais prendre de décision par elle-même. Si sa mère souhaitait la voir manger ces petits pois, elle serait obliger de les lui enfoncer directement dans l'œsophage.
Monsieur Clayton, s'entant la tension autour de la table, décida de faire diversion après s'être raclé la gorge.
— Comment s'est passé ton entretien, questionna-t-il.
— Plutôt bien. Enfin... elle m'a conseillé de faire des études de commerce.
Les parents de Lexi éclatèrent de rire à l'unisson, ils semblaient n'avoir jamais entendu un propos aussi amusant que celui-ci. Aucun des deux ne reprit la parole avant de s'être totalement calmé.
— C'est ridicule, lança Monsieur Clayton d'un air toujours amusé.
— C'est vrai, approuva sa femme, je ne sais même pas pourquoi tu t'es rendu à cet entretien.
— Tu as toujours voulu devenir médecin, c'est pas comme si t'allais changer d'avis maintenant, ria le père de Lexi.
— Laisse pas ces gens te détourner de ton rêve, chérie, acheva la mère.
Le silence régna durant tout le reste du repas, seul le bruit des couverts rencontrant les assiettes se permettait de le rompre. Une fois que le dîner prit fin, Monsieur Clayton remercia sa femme pour la nourriture avant de quitter la salle à manger. Les deux femmes, quant à elles, entreprirent de débarrasser la table.
Dans un mutisme profond, Lexi lavait la vaisselle tandis que sa mère l'essuyait et la rangeait. Chacune d'elles demeurait dans l'attente d'une réplique de l'autre. Ce fut la plus âgée qui brisa ce silence la première.
— Je suis fière de toi, déclara-t-elle simplement.
Lexi parut agréablement surprise face à cet élan de sincérité de la part de son aîné. Il était rare d'entendre de tels paroles sortir de la bouche d'un Clayton. La brunette n'aurait pu dater la dernière fois qu'elle avait reçu pareil compliment de la part de sa mère tellement cela remontait.
— Pourquoi ? se risqua-t-elle à demander.
— J'ai toujours voulu devenir médecin mais je n'en ai jamais eu les capacités, expliqua-t-elle, alors te voir ainsi sur le chemin de la réussite me rend plus que fière de t'avoir pour fille.
Lexi étudia le regard de sa mère, ses yeux ne trahissaient aucune ironie, aucun mensonge. Pour l'une des première fois dans sa vie, sa mère se livrait à elle et la complimentait. Sa mère était fière d'elle, cette simple pensée chassa tous les démons présents dans son esprit. Les doutes, la colère, le stresse avaient laissé place à un sentiment de plénitude.
Elle profita néanmoins de cette conversation à cœur ouvert pour questionner un peu sa mère.
— Dis maman, c'est quoi ton plus grand rêve, interrogea la brunette.
— Que tu réussisse dans la vie.
La plus jeune leva les yeux si haut qu'elle eut peur qu'ils ne regagnent jamais leurs places initiales.
— TON plus grand rêve.
Elle insista bien sur le premier mot en levant un sourcil interrogateur. Elle espérait recevoir une réponse plus sincère à cette deuxième tentative.
— Je te l'ai dit, rien ne pourrait me rendre plus heureuse que ta réussite.
Les yeux de Lexi rejoignirent le ciel à nouveau. Elle réfléchi un instant à la formulation adéquate afin d'obtenir une réponse satisfaisante.
— Et quand tu étais plus jeune, demanda-t-elle un sourire triomphant sur le visage.
— Je n'en avait pas vraiment.
— Tu ne voulais pas devenir actrice, chanteuse ou voyager dans l'espace, proposa Lexi.
— Je ne voulais qu'être médecin, affirma Madame Clayton.
À cet instant, une évidence frappa l'esprit de Lexi de plein fouet ; si elle se risquait à poursuivre ses rêves, sa mère ne la soutiendrait jamais. Pas par méchanceté, ni par peur pour sa fille ou encore parce que Lexi ne suivrait pas le chemin qu'elle lui avait tracé mais parce qu'elle ne pouvait pas comprendre ce qu'était un rêve. Elle ne pourrait jamais approuver une chose pareil car elle ignorait ce que représentaient les rêves aux yeux de ceux qui en avaient.
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J'espère que ce chapitre vous a plu.😁
N'hésitez pas à me faire part de vos avis. 🥰
Sinon coeur sur vous. ❤️
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