3. Le Plan A

Ils n'avaient que deux heures de cours commun, ça n'allait pas être facile. Antoine n'avait pas de temps à perdre s'il voulait l'aider. Alors, il commença dès le lundi suivant.

-Salut, toi !

Malika réfléchit à une réponse, elle n'en trouva pas immédiatement et fut obligée d'improviser un semblant de sourire convivial. Il venait d'arriver, et déjà l'agressait-il avec ce ton d'accueil chaleureux. Un lundi matin en plus, quelle cruauté !

-Tu... as passé un bon weekend ? bredouilla-t-elle finalement d'un ton horriblement faux.

-Excellent, et toi ?

-Bien.

Elle sortit ses affaires de son sac pour ne plus avoir à le regarder. Antoine était attendri, mais le dissimula afin de ne pas la brusquer. Il s'assit.

-Ça te dérange, en fait que je sois assis là ?

-Oui. Mais ce n'est pas particulièrement contre toi, s'empressa-t-elle de rajouter. Je n'aime pas les gens.

-Je vois, répondit gentiment Antoine.

Il se tut.

-Bon les enfants ! On va reprendre les révisions de l'année dernière. Alors, prenez le dossier que je vous ai donné la semaine dernière, et faites les exercices 5 à 8. Non. 5 à 9, plutôt. Oh vous savez quoi ? Faites jusqu'à la fin.

Monsieur Mégalas sourit, s'assit, et sortit un journal, laissant ses élèves dans un plein de haine, de désarroi et de découragement en ce lundi matin, première heure. Il faudrait encore aérer après leur passage.
Les exercices à faire étaient de longues... non. Interminables pages de volumes, vitesses, forces, distances et bien d'autres commodités ainsi à calculer. Fastidieusement ennuyant et  pour les élèves, mortellement efficace pour leur professeur qui les occupait ainsi jusqu'à la fin de leur cours sans devoir lui-même se fatiguer. Eh oui, le lundi matin, première heure n'épargne personne en ce rude établissement.

Malika commença immédiatement ce travail afin de ne pas avoir à le terminer en rentrant chez elle. Les premières semaines d'écoles étaient toujours ainsi, pleines de bonnes résolutions. (Nous nous doutons que par la suite, le nombre de remarques et de retenues qu'elle a accumulé pour "préparation non faite" est assez conséquent).

Monsieur Mégalas (qui ne savait visiblement pas se taire bien longtemps) rajouta quelques explications que Malika n'écouta qu'à moitié.

-Je vous donnerai le correctif la semaine prochaine et je vérifierai que ce soit bien fait. Soyez sûrs de ne pas trainer, les enfants. Vous pouvez tout finir aujourd'hui si vous vous y mettez, dit-il d'un ton empli de sadisme.

Ensuite, il sorti de sa malette un thermos et une tasse violette. Il y versa son café bien noir et le dégusta, regardant avec satisfaction les indices de labeur régnant parmi ses élèves.

-Typique, souffla Antoine en se tortillant dans tous les sens pour trouver quelqu'un aux alentours qui comme lui, aurait envie de discuter pendant deux heures en comptant sur une bonne poire pour faire circuler les réponses sur les réseaux sociaux la veille de leur prochain cours.

-Si tu ne fais pas tes exercices, intervint froidement Malika, ce n'est pas étonnant que tu redoubles.

Cette fois-ci, et bien que ce soit de manière accidentelle, Malika réussit à déstabiliser Antoine. Sans doute parce qu'elle avait fait l'effort de l'aborder. Bon. Certes, ce n'était pas pour lui dire des gentillesses, mais c'était déjà ça. En tout cas, Antoine en était ravi.

-Ouais, mais on n'est qu'au début de l'année ! Relax, je m'y mettrai en fin d'année.

Les deux se turent. Malika parce qu'elle
avait un peu honte de sa précédente réplique, et Antoine, parce que le regard du professeur semblait vouloir l'accabler de tous les malheurs du monde.

Elle avançait patiemment dans ses exercices, tandis qu'Antoine n'en était qu'au stade où il avait lu la consigne, avant de s'affaler sur le banc. Comme il avait les yeux clos, Malika ne pouvait pas s'empêcher de le regarder de temps en temps. Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, elle lui trouva un charisme assez impressionnant, même lorsqu'il avait une tête de béatitude des plus complètes. Il n'y avait pas quelques chose de particulièrement hors du commun à son visage (à part sa demi barbe). Il était même plutôt banal, un tantinet joufflu. Il ressemblait en fait à cet ours en peluche si doux qu'on avait envie de câliner. Rien qui ne lui donne l'allure de l'ultime mannequin totalement beau gosse. Alors pourquoi est-ce qu'il attirait autant sa curiosité ?

La réponse résidait dans quelque chose qui allait au delà du physique. Quelque chose qui n'est pas perceptible par les sens mais qui néanmoins fais son effet : la gentillesse. Oui, une aura de gentillesse profonde émanait sans retenue de tout son être.

Antoine était un concentré de sympathie à l'état pur. Le genre de garçon qu'on aurait envie de connaître rien qu'en le croisant dans la rue. Parce qu'il avait une gestuelle d'une personne gentille, parce qu'il avait la voix d'une personnes de gentille, parce qu'il avait le physique d'une personne gentille.

Malika sentait son cœur battre. Par jalousie (parce qu'avec sa tête de sorcière, personne ne devait se dire "j'ai envie de connaître cette fille" en la voyant), d'une part. Et par cette irrémédiable envie qu'elle avait désormais de devenir son amie, d'autre part.

L'effort général que mettait la classe dans son travail diminua au bout d'une demi-heure. Tout le monde discutait un peu, et monsieur Mégalas semblait ne pas vouloir intervenir.
Alors, Antoine ouvrit les yeux et se releva. Il avait terriblement envie de parler.

-Dis, Malika ?

-Oui ?

-Ça va ? demanda Antoine.

-De manière relative, oui, répondit Malika déboussolée. Et toi ...?

-Ça va.

Antoine sourit, puis la seconde d'après ne sourit plus. Monsieur Mégalas venait d'arriver à son niveau.

-Monsieur Galys, s'énerva-t-il. Maintenant que vous avez rattrapé vos heures de sommeil perdues, je suggère que vous fassiez ce que j'ai demandé, avant que je ne vous colle des exercices supplémentaires à faire pour la semaine prochaine !

Le professeur tourna les talons et retourna s'asseoir à son bureau avec son café et son journal, mais tout le monde savait qu'il garderait un œil de lynx sur ce pauvre élève, trop injustement détesté.

Antoine prit alors son crayon et en soufflant, commença ses exercices.

-Mais je ne comprends rien, soupira cette pauvre âme torturée au bout d'un temps considérablement court.

Malika qui regardait discrètement au dessus de son épaule ne put s'empêcher d'intervenir.

-Tu n'as vraiment fait aucun effort l'année dernière, hein ? Donne, dit-elle en se penchant vers lui. Là, c'est la liste des formules à appliquer. Ce truc-là, c'est une constante qui dépend du contexte. Tu dois aller trouver sa valeur dans ce tableau là.
Et pour cette formule là, tu dois utiliser les propriétés relatives aux logarithmes, tu t'en souviens ?

-Ouais, plus ou moins. Je t'avoue que je n'en touche pas une en physique, ni en maths.

-Comme ça, soupira Malika en glissant vers lui les premières pages qu'elle avait complété.

Antoine les regarda attentivement et après avoir posé quelques questions supplémentaires à Malika, il entama finalement son travail. Bien sûr, ce n'était pas tout à fait juste mais au moins, il semblait comprendre ce qu'il faisait à plus de cinquante pour cent. Ce que Malika ne considéra comme pas si mal.

Laissons là nos deux étudiants à leurs problèmes de physique et réfléchissons quant à nous à la raison qui a poussé notre charmante amie à prodiguer autant d'efforts pour quelqu'un qu'elle ne semblait pas apprécier.
Car me direz-vous, l'histoire de l'intello qui aide le cancre, alors qu'aucun lien d'amitié ne semble les lier, c'est terriblement cliché.
La réponse à cette énigme réside justement dans la conscience de ce cliché car le stéréotype, ça marche. Ainsi, Malika espérait ne pas lui être trop désagréable. Pour une fois, elle pourrait être autre chose que la voisine de classe antipathique. C'était la première étape dans son "plan amitié".

Il fallait bien sûr rester réaliste.
Elle-même ne comptait pas devenir soudainement aimable envers tout le monde, non. Si elle faisait ainsi, elle ne serait plus intéressante. Elle ne serait même plus rien aux yeux de ceux qui la connaissaient déjà.
Évidemment qu'elle allait rester égoïste, et désobligeante, et éternellement insatisfaite. Elle n'avait aucunement l'intention de travailler sur ses défauts.  Simplement prétendre qu'ils n'étaient pas. Juste prétendre être agréable, et tromper, ne serait-ce une seule personne à son sujet. Si elle y arrivait, alors sa vie sociale n'était pas tout à fait perdue.

Prétendre, juste prétendre...
Et puis ça ne devait pas être si compliqué. Elle était persuadée que c'était au fond d'elle.

Antoine ne la connaissait pas encore, et c'était parfait. Ce serait lui. Il deviendrait son ami.

**********

Bonjour ?

Je pense qu'un petit mot de l'auteur s'impose. Déjà, merci d'avoir tenu jusque là. Eh oui, trois chapitres, c'est la fête !

Ceci est donc une petite histoire que j'ai beaucoup de mal à écrire. Eh ouais, j'ai tendance à être assez douée socialement, moi. À part mon manque de tact apparent, tout baigne ✌️

Bref, je n'ai pas grand chose à dire, finalement. Je fais de mon mieux pour contourner les clichés, mais c'est difficile quand il s'agit d'une histoire d'amour. Bah, c'est toujours intéressant. Je vous invite à crier au cliché quand vous en voyez un. Je pourrai les compter.

Autre chose que compliqué les choses : je n'aime aucun de mes deux personnages. Surtout Malika. Mais bon, j'espère qu'ils vont grandir et prendre leur envol au fur et à mesure 🐦🐦

Et c'est définitivement tout. Si vous avez quelque chose à ajouter, n'hésitez pas.

À plus,

Muffin

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