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Felix reprit tout à coup conscience, il avait la tête qui lui faisait atrocement mal, à vrai dire tout son corps n'était que synonyme de douleur. Des pieds à sa tête des pics de douleurs ne cessaient de circuler, parfois en tant que pincement léger, mais parfois ils se faisaient également ressentir comme des gros coups de massues dans l'estomac. Surtout quand il essayait de bouger, même si cela n'était que légèrement.
Pourtant dans cet inconfort se trouvait un peu de confort, il sentait la chaleur d'une couverture l'enrouler, le moelleux d'un matelas sous son corps et la douce caresse d'une main dans ses cheveux.
Et pendant un instant le garçon se sentit bien, il ne ressentait pas le vide qui l'accompagnait depuis plusieurs semaines, ni la haine immense qu'il se portait à lui-même, non seulement la sérénité naïve du moment présent. Alors il garda les yeux fermés, ne voulant pas revenir à la dure réalité. Il avait besoin de cette chaleur.
Cependant après un certain moment, il sentit que la situation n'était pas ordinaire, que ses souvenirs de la veille était trop flou, trop douloureux. Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait bien, ni même pourquoi il pouvait sentir une main dans ses cheveux. Puis tout à coup il se rappela du pont, de son envie soudaine de tout terminer, de mettre fin à la peine et la souffrance en sautant vers l'eau du fleuve.
Une pensée furtive traversa son esprit : est-ce que c'est à ça que la mort ressemble ? Il se demanda s'il était mort, s'il avait osé sauter et en finir avec sa vie.
Mais tout à coup la douleur dans son abdomen, les quelques bleus qui se dessinaient sur sa peau ainsi qu'une douleur sous la plante de ses pieds lui annoncèrent que non, il n'avait pas quitté le monde des vivants. Alors il soupira et se décida d'ouvrir les paupières et de laisser le monde le bouffer tout entier.
Tout d'abord il ne reconnut pas où il était. Autour de lui se trouvait le décor d'une chambre à coucher qu'il ne connaissait pas, il se sentait totalement étranger que ce soit par les murs crème, aux meubles en bois clairs ou l'immense tableau d'un paysage de campagne qui trônait mur. Il se sentait perdu.
Toutefois la main dans ses cheveux continuait de le caresser doucement, il n'avait pas rêvé cette douceur, or celle-ci signifiait que quelqu'un était allongé aussi dans le même lit que le jeune homme.
Il inspira puis bougea légèrement la tête pour croiser le regard de la personne. Et tout à coup son cœur s'arrêta.
Felix ne sursauta pas, il ne bougea pas d'une millimètre ou n'essaya pas de se dégager du contact de la personne. Au contraire il resta immobile, alors qu'il ne comprenait plus rien à la situation. Il sentit sa gorge se serrer puis s'exprima d'une voix brisée.
- Est-ce que je suis en train de rêver ?
Le brun secoua la tête, les traits de son visage extrêmement fatigués. Il accorda un sourire attristé à Felix puis prit finalement la parole.
- Non tu ne rêves pas Felix.
La voix de Samuel était douce, elle était plus attentionnée que la dernière fois où l'homme marié s'était adressé au garçon. Le brun gardait son regard rivé sur le visage de Felix, un air inquiet incrusté dans ses traits. Il patienta quelques secondes puis commença de nouveau à caresser les cheveux du jeune homme.
Felix quant à lui ne pouvait détourner les yeux de Samuel, il ne comprenait même pas pourquoi ils se retrouvaient tous les deux dans le même lit, il ne se souvenait plus rien de la veille à partir du moment où il avait posé ses yeux sur le pont. Les seuls souvenirs qu'il gardait étaient ceux dans les toilettes, avec Alessandro.
Il sentit tout à coup une nausée le prendre à cause des souvenirs, mais le fait de voir Samuel devant lui l'empêcha de trop y penser. Alors, d'une voix dénuée de sentiment, il prit de nouveau la parole.
- Pourquoi est-ce que je suis avec toi ?
- Tu ne t'en souviens pas ?
Felix secoua la tête. Il savait qu'il devrait se lever et s'éloigner du contact du brun, pourtant c'était la première fois qu'il se sentait aussi bien depuis un long moment, il ne pouvait s'arracher de ses caresses, de la chaleur que son corps produisait. Alors il s'accorda un court moment de paix.
Samuel continua de caresser les cheveux du garçon. Puis il se mit tout à coup à parler, d'une voix légèrement enrouée.
- Tu es venu chez moi hier soir. Tu étais dans un état pathétique, tu étais en chaussettes, les pieds en sang. Je ne savais même pas pourquoi tu étais là, ni comment tu étais venu. Tu ne parlais pas, tu ne faisais que de pleurer. Alors je t'ai fait rentrer, je t'ai changé et j'ai vu-
L'homme s'arrêta un instant, le regard brisé, il parcourut des yeux le corps de Felix, puis soupira avant de continuer.
- J'ai vu l'état de ton corps et-. Bordel Felix qu'est-ce qui t'es arrivé ?
Le garçon n'avait pas besoin de vérifier son corps pour comprendre à quoi Samuel faisait référence, il avait juste besoin de se fier aux douleurs qui le lançaient parfois. Il ne comprenait pas pourquoi il avait mal aux pieds, mais il connaissait les raisons des autres douleurs.
Pourtant il ne voulut pas répondre à la question du père de famille, mais vint avec une nouvelle interrogation.
- Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ?
- Felix...
- Après que tu aies vu mon corps.
Samuel comprit qu'il n'allait pas avoir plus de réponse de la part du jeune aux cheveux rouges. Alors il soupira légèrement et enchaîna.
- J'ai soigné tes pieds, je pense que tu as dû marcher un long moment sans chaussures. Puis je t'ai couché et tu t'es endormi. Et c'est tout.
- Ah, d'accord.
Felix ferma de nouveaux les yeux, étant toujours fatigué. Il ne savait pas pourquoi ni comment il avait réussi à marcher jusqu'à chez Samuel la veille, surtout avec tout l'alcool qu'il avait dans le sang. Cependant ce qui l'intriguait était pourquoi le brun lui avait ouvert la porte, et pourquoi il prenait soin de lui à ce moment précis.
Pourtant il ne lui demanda pas la raison, il ne voulait pas prendre le risque de ne plus sentir ses caresses sur sa tête.
Mais alors que le garçon devint silencieux, Samuel quant à lui continua de poser des questions, avec la claire intention d'en savoir plus sur la soirée de la veille de Felix.
- Qu'est-ce qui s'est passé Felix ?
- Rien de spécial, j'ai bu énormément.
- Arrête. Je-
Le garçon sentit une nausée le prendre brutalement. Il se dégagea à contre cœur du contact rassurant de Samuel, il réalisa rapidement qu'il ne portait plus ses vêtements mais ceux de l'homme marié. Il secoua la tête puis se tourna vers le brun pour s'adresser rapidement à lui.
- Ça ne te regarde plus Samuel. Je ne te répondrai pas, je ferais mieux de partir maintenant.
Felix voulut se mettre debout, mais la douleur sous ses pieds lui arracha un cri de douleur alors qu'il tombait sur le sol.
Rapidement Samuel vint à ses côtés, il secoua la tête puis posa sa main sur la joue du jeune homme. Cependant ce contact abrupt fit sursauter Felix, il sentit le toucher de la main de Sam comme une brûlure alors qu'il ressentit tout à coup le corps lourd et oppressant d'Alessandro sur le sien.
Puis il s'écria en se mettant soudainement en boule.
- Ne me touche pas !
Son cri était douloureux, comme si la seule main de Samuel lui avait provoqué une vive douleur. Le regard du garçon était affolé, perdu et teint d'une immense tristesse.
Samuel fut témoin de toute la scène, il sentit son cœur se briser encore et encore en voyant Felix, qui était d'habitude assuré, ne laissant rarement ses faiblesses prendre contrôle de son corps. Cette fois-ci était différente, le jeune était dans un état de grande vulnérabilité et c'était pénible à voir.
L'homme vint s'assoir devant le garçon, mais il n'essaya pas de le toucher. Il resta bloqué dans l'espace entre le lit et le mur, bloquant physiquement le garçon de s'enfuir. Il jeta un coup d'œil aux pieds de Felix, aux bandes qui commençaient à se peindre de rouge avant de finalement reprendre la parole.
- Felix, parle-moi.
Le garçon sentait les mains sales d'Alessandro sur lui, il sentait son corps l'oppresser, tâché le sien d'une manière qui semblait indélébile, le rendant à son tour répugnant.
Il sentait que son corps ne lui appartenait plus, que la seule chose dont il avait le contrôle lui avait été volé d'une façon si abrupte, si violente mentalement et physiquement, qu'il pensa qu'il ne pourrait jamais s'en remettre.
Alors les larmes roulèrent sur ses joues, il comprit qu'il ne méritait rien d'autre que ça, qu'on lui avait toujours dit qu'un jour ça allait lui arriver, qu'il jouait avec le feu et allait finir par se brûler. Les autres avaient eu raison et maintenant Felix n'était plus rien qu'un corps douloureux et vidé de joie.
Il leva toutefois les yeux et croisa le regard de Samuel. Ce regard réellement inquiet, comme s'il était prêt à remuer ciel et terre pour pouvoir remettre un sourire sur le visage du jeune homme.
Mais Felix ne pouvait le supporter.
- Il faut que je parte.
- Non Felix, je t'en prie. Je vois bien qu'il t'est arrivé quelque chose, que quelqu'un t'a fait du mal.
Le garçon ria tout à coup jaune, semblant être un fou à ce moment précis.
- Qu'est-ce que ça peut te faire Samuel ? Tu as disparu de ma vie.
- Mais je t'aime Felix. Encore et toujours.
Les mots se firent douloureux et tranchant. Ils s'infiltrèrent dans l'esprit du garçon pour le torturer encore et encore. Car c'était faux, Samuel avait choisi sa femme. S'il l'avait réellement aimé, il serait revenu vers lui le lendemain, ou le jour d'après, ou bien même la semaine d'après. Mais il n'était jamais revenu. Alors il ne s'agissait que de mots, de mots qui se faisaient à simple but d'arracher la vérité de la bouche de Felix.
- Arrête de dire ça.
- C'est la vérité Felix. Ecoute.
Le brun marqua une pause, puis il chuchota doucement en levant sa main au-dessus de celles du garçon.
- Est-ce que je peux te toucher ?
Felix secoua la tête, même si son corps hurlait le contact doux de Samuel.
Puis finalement il revint sur sa décision et accepta.
L'homme marié posa délicatement sa main sur celles du plus jeune, il observa attentivement la réaction de Felix pour voir s'il devait s'éloigner ou non.
Cependant ce ne fut pas le cas. A peine la main de Samuel se posa sur la sienne, Felix comprit qu'il ne s'agissait pas de la même façon dont Alessandro l'avait touché la veille. Cette fois-ci c'était doux et rassurant, il pouvait ressentir la sensation familière qu'il connaissait par cœur, la douceur et la chaleur de la paume de la main de Samuel.
Alors Felix ferma les yeux pour venir poser sa joue sur la main du brun en venant chuchoter la gorge serrée.
- Pourquoi est-ce que tu n'es pas venu me chercher ?
Samuel sentit une lame fine mais aiguisée entrer dans sa poitrine et pointer en plein dans son cœur.
Il inspira profondément, puis s'exprima avec une grande franchise.
- Ma vie a été mise sens dessus dessous. J'ai dû réfléchir, faire des choix. Je ne me sentais pas bien, je ne pouvais pas tout gérer en même temps. Je suis désolé Felix, j'ai pensé que ta vie serait mieux sans moi.
Felix pensa à sa vie depuis sa rupture d'avec le brun. A quel point il s'était effondré chaque jour, qu'il était tombé plus bas que terre, sans le moindre espoir d'un jour se relever et survivre à ses peines.
Il inspira l'odeur de la peau de Samuel puis murmura sa réponse.
- Ma vie n'est qu'un monstrueux chaos Samuel. Je ne me suis jamais senti aussi mal que maintenant.
- Je suis désolé Felix. Je ne savais pas, tu aurais dû venir me voir.
- Et prendre le risque de tomber sur ta parfaite famille, sur ta femme et toi se tenant la main comme sur une publicité de la famille modèle ?
- Je ne suis plus avec ma femme.
Le jeune homme aux yeux anéantis sentit la colère prendre contrôle de son corps, il releva brutalement la tête puis s'exclama avec colère.
- Depuis quand ?
- Une semaine.
Felix aurait pu hurler sa colère et son désespoir sur le brun, lui reprocher de ne pas être venu le récupérer, lui hurler son amour pour l'avoir de nouveau à ses côtés. Mais il ne le fit pas, car ce ne fut pas sa première pensée qui lui vint en tête.
- Et ta fille ?
- Elle habite avec moi. Ma femme est partie à l'étranger sur un coup de tête, elle m'a dit qu'elle avait besoin de vacances et malgré le fait que je sois un connard, j'étais quand même un bon père.
- Je suis heureux de savoir qu'elle est toujours avec toi.
Un court silence s'installa brutalement durant lequel Felix et Samuel se regardèrent dans les yeux, sentant cette once de joie et d'amour qui les avait auparavant liés avec tant de force et de sentiment.
Samuel jeta un coup d'œil aux pieds du garçon puis lui demanda l'autorisation de soigner de nouveau ses pieds. Le jeune homme aux cheveux rouges accepta, il se laissa aider à s'assoir de nouveau sur le lit, promettant au brun de ne pas fuir.
Felix ne comptait pas partir pour le moment, car il se sentait en paix avec lui-même auprès de Samuel, même s'il savait que tout cela n'allait être que passager.
Alors que les deux jeunes hommes étaient assis sur le lit, un silence assez oppressant les entourant, Felix se sentit tout à coup trahi et malchanceux, comme si la vie misérable qu'il avait eu depuis plusieurs semaines lui avait été imposée et qu'il aurait pu éviter toutes ces peines et douleurs indélébiles.
- Est-ce que tu serais revenu me chercher à un moment ou un autre ? Ou est-ce que tu serais passé à autre chose ?
- Je serai revenu vers toi, pour voir si tu étais passé ou non à autre chose, s'il y avait encore une chance que tu m'aimes encore.
La réponse fit plus de mal que le garçon aurait pu penser. Il essuya les larmes qui roulaient silencieusement sur ses joues, puis parla d'un ton complètement détaché.
- Il n'y a que toi Sam. Il n'y avait que toi que je pouvais aimer, je ne pourrais jamais passer à autre chose.
Le jeune homme pouvait sentir les yeux noisette sur lui, il ressentait que Samuel était tout ouïe, qu'il attendait patiemment la suite. Il savait malgré tout que la suite n'allait pas être joyeuse, mais seulement la fatalité de la réalité.
- Mais tu devrais passer à autre chose, tu peux trouver quelqu'un de bien avec qui construire ta vie. Quelqu'un de stable, qui pourrait vivre une vie avec ta fille et toi. Tu le mérites, de vivre ta réalité, ta vraie nature sans que rien ne puisse entacher ton futur à peine éclot.
- Qu'est-ce que tu racontes Felix ? Je sais que je t'ai repoussé, mais j'avais besoin de réfléchir, de remettre les choses en ordre. Mais je sais ce que je ressens, tu es toujours la seule et unique personne que je n'ai jamais aimé dans ma vie. Et ce futur que tu me décris, c'est avec toi que je veux le partager.
Le jeune aux cheveux colorés se mit à rire jaune. Il frotta les bras, là où il pouvait deviner les bleus causés par les mains puissantes d'Alessandro. Puis il ferma les paupières en rassemblant tout son courage.
- Ça aurait été possible si tu étais revenu vers moi avant, même hier matin. Tout aurait pu être différent, ça aurait été plus facile pour moi de me reconstruire. Mais maintenant je ne peux plus.
- Pourquoi ça ? Qu'est-ce qui a changé ?
Samuel marqua une pause, puis posa la question qui mourrait à cause de n'avoir reçu aucune réponse jusque-là.
- Qui t'a fait du mal Felix ?
Le garçon soupira.
Il ne voulait pas le dire à voix haute, cela rendrait sa situation encore plus compliqué. De toute façon sa gorge semblait totalement fermée, comme si elle n'autorisait pas les mots à s'échapper.
Pourtant une partie de lui voulait en parler, il voulait se débarrasser du poids qu'il avait dans son estomac, de cette peine qui lui déchirait les boyaux, broyait l'esprit et lui réduisait son cœur en cendre.
Alors Felix se tourna légèrement vers Samuel et murmura.
- Est-ce que tu as ton téléphone sur toi ?
- Il est dans la salle de bain. Pourquoi, tu veux appeler quelqu'un ?
- Non. Juste, donne-le-moi s'il te plait...
Samuel ne comprenait pas pourquoi le garçon voulait son téléphone portable tout à coup, mais il ne posa pas plus de question. Il se leva vers la salle de bain et revint rapidement, surement par peur de voir le jeune homme s'envoler en le laissant trop longtemps seul.
Il tendit son téléphone à Felix puis reprit place sur le lit, un silence cette fois-ci assez sécurisant les entourant.
Le garçon prit une grande inspiration, puis ouvrit les notes de Samuel. Il ferma les paupières, mais réalisa que les images de la veille revenaient avec trop de force en mémoire. Alors il ouvrit les yeux et commença à taper sur l'écran.
Il écrivit tout ce dont il se souvenait, il ne laissa aucune détail passé, il parla de sa peine, de la douleur physique et mental. Il insista sur l'alcool qu'il avait ingurgité, sur le fait qu'il avait dit oui à Alessandro, sans savoir qui il était. Il laissa passer l'idée qu'il était sans doute responsable de la situation, qu'il n'avait jamais dit non à aucun moment. Puis finalement il parla de sa souffrance actuellement, du sentiment immense de désespoir qui hurlait dans sa poitrine, et du vide qu'il ressentait. Il conclut sur le fait qu'il n'était plus rien, qu'il était complètement détruit à présent.
Samuel lu toute la note avec une grande attention, son visage se déforma à cause de la haine, de la tristesse et enfin à cause culpabilité.
Il finit par laisser tomber le téléphone sur le lit, puis tourna la tête vers Felix, les yeux emplis de larmes.
- Felix mon dieu j-
- Non. S'il te plait ne dis rien. Je ne veux pas en parler, pas maintenant. Je ne veux pas donner plus d'importance à ça.
- Mais c'est important, on ne devrait pas rester là et aller à la police.
Felix secoua vivement la tête, il rapprocha ses jambes de son torse puis s'exclama avec une peine clairement perceptible dans la voix.
- Non, arrête. Je ne veux pas, je ne veux pas faire ça, pas maintenant. S'il te plait n'en parle pas, ne dis rien.
- D'accord Felix, d'accord.
Samuel se mit face au jeune homme, il essaya de croiser son regard, puis posa ses mains sur les épaules du plus jeune après avoir reçu son autorisation. Il hocha doucement la tête et tenta de l'apaiser.
- J'arrête. S'il te plait calme-toi, dis-moi ce que je peux faire pour toi. Je ferais tout ce dont tu as besoin, si tu veux rester avec moi, si tu veux que je te redépose chez toi ou n'importe où.
Felix prit une grande inspiration, essayant de se calmer. La sensation des mains de Samuel sur lui l'apaisèrent légèrement, assez pour pouvoir parler d'une voix tremblante.
- Reste avec moi ce soir.
- Bien sûr, je-
Alors que le brun était en train de répondre il fut tout à coup interrompu par des petits coups à la porte. Il tourna la tête, puis jeta de nouveau un regard au garçon alors qu'une petite voix s'élevait derrière la porte.
- Papa ?
Samuel ne prononça aucun mot, mais il n'eut pas à le faire, car Felix comprit rapidement ce qu'il voulait demander. Alors le garçon lui fit un signe de la tête, lui disant qu'il pouvait l'abandonner pour s'occuper de sa fille.
Le brun sourit doucement, puis se leva vers la porte pour l'ouvrir.
Alors que Felix avait pensé que Samuel allait le garder comme un secret dans sa chambre, le père de famille ouvrit la porte en grand, exposant le jeune homme aux cheveux rouges à la petite fille.
Felix accorda un sourire à Lana, puis s'exclama tout à coup.
- Tu es réveillée mon cœur, tu aurais dû m'appeler je serai venu te chercher.
La fillette ne répondit pas à son père, mais elle se tourna vers Felix, un air inquiet sur son visage, le même air inquiet qui se dessinait sur le visage de Samuel.
Puis elle s'exclama de sa petite voix.
- Le monsieur va mieux ?
- Oui, il s'appelle Felix, tu t'en souviens ? Tu as déjà joué avec lui.
- Oui.
La petite s'avança vers Felix, qui restait muet devant l'enfant. Puis il fut surpris quand elle lui tendit la main et prit tout à coup la parole avec assurance.
- Bonzour.
Le garçon se mit naturellement à sourire, puis attrapa la petite main dans la sienne avant de secouer doucement et de parler à son tour.
- Bonjour Lana. Désolé de t'avoir emprunté ton père.
- Pas grave.
La petite fronça les sourcils en regardant tout à coup les pieds du jeune homme, puis elle se tourna vers son père en déclarant d'une voix un peu triste.
- Il saigne papa.
Samuel vint s'assoir de nouveau sur le lit, il porta sa fille pour la placer à côté de lui, puis répondit à sa remarque.
- Je sais, je l'ai soigné mais il a encore un peu mal.
- Tu veux un bisou magique ? Papa il me fait toujours des bisous magiques quand j'ai mal. Papa, fais un bisou.
Lana pointa Felix du doigt, adressant un regard assez menaçant à son père. Samuel se mit à sourire, puis leva les mains en signe d'abandon alors qu'il s'exclamait.
- Très bien. Felix, tu es d'accord ?
- Oui, seulement si c'est bel et bien un bisou magique.
Le brun sourit un peu plus puis se pencha légèrement pour déposer un baiser sur le front du garçon.
C'était agréable, Felix ne se sentit pas salie de ce geste, mais un peu plus réconforté, même si une voix chuchotait qu'il ne méritait rien de tout ça. Alors il soupira d'aise et dit à Lana à quel point il se sentait mieux à ce moment précis.
- Papa j'ai faim.
- Oui, on va aller déjeuner. Tu te joins à nous Felix ?
- Avec plaisir.
Felix jouait un peu, il faisait semblant que tout allait bien. A vrai dire il essayait de faire semblant pour se convaincre aussi lui-même. Il se leva avec un peu de difficulté, ses pieds lui faisant mal. Alors Samuel s'approcha rapidement de lui, puis le prit sur son dos après lui avoir demandé l'autorisation.
Puis tous les trois s'en allèrent vers la cuisine, pour commencer une journée à la maison.
Felix resta toute la journée avec Samuel et Lana, ils jouèrent d'une façon naturelle si bien que le garçon se sentit à sa place. Lana l'appréciait beaucoup, qu'elle avait même passé un long moment allongée avec Felix à lire des histoires, refusant d'avoir son père avec eux.
Ils dépeignaient un tableau de famille parfaite, ce qu'ils auraient pu devenir si Samuel n'avait pas jugé de laisser Felix seul, si le garçon s'était montré plus fort et s'était efforcé à garder la tête hors de l'eau.
Cependant ça n'avait pas été le cas. Tout s'était effondré. Et une journée dans la peau d'une personne sans problème ne suffisait pas à Felix pour tout oublier.
Surtout quand l'heure de dormir arriva de nouveau. Dans un premier temps le garçon s'endormit dans les bras de Samuel, essayant de se convaincre que sa soirée au King's Heart n'allait pas tout gâcher.
Mais ce n'était qu'illusion.
Car Felix se réveilla en sursaut, les larmes roulant sur les joues, la sensation brûlante des mains d'Alessandro sur son corps, et la confirmation qu'il était complètement bousillé, bien plus qu'avant.
Il comprit qu'il n'était pas à sa place, il savait que faire semblant n'était pas une bonne idée, que ça n'allait pas fonctionner, surtout sur le long terme. Il avait perdu Samuel et ne voulait pas détruire la vie de l'homme, bien plus qu'il ne l'avait déjà fait.
Alors le garçon prit une décision. Il se leva avec peine du lit, serrant la mâchoire pour encaisser la douleur sous ses pieds. Il attrapa ses affaires, puis quitta la maison de Samuel sans faire un bruit. Il avait en tête de laisser une chance au brun de vivre une vie heureuse et comblée, avec une personne saine d'esprit et sans bagages émotionnelles.
Il partit de la maison un poids énorme dans la poitrine, car à ce moment il comprit que c'était la dernière fois qu'il venait à cet endroit, la dernière fois qu'il s'était laissé aller dans les bras de Samuel, dans les bras de son seul et unique amour. Il avait conscience de ne pas être à sa place, et c'était pour cela qu'il partait avec confiance et dignité. Il avait pris une bonne décision, sans doute la meilleure et la moins égoïste de sa vie. Car il pensait à Samuel avant de penser à lui.
Felix s'en alla avec la claire intention de disparaître et cette fois-ci il partait en sachant que Samuel l'aimait. Et cela valait bien toutes les douleurs du monde.
Plus qu'un seul chapitre avant la fin de cette histoire,
AudreyPh18
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