Episode 2 partie 1. Trouble nocturne
Impossible de m'endormir. J'avançais comme une automate jusqu'à la fenêtre que j'ouvris à la volée. La lune me toisait de son œil rond. Je me perdais dans sa contemplation. Un sentiment étrange m'oppressait. À chaque pleine lune, c'était la même chose. J'avais l'impression d'étouffer. J'avais besoin de respirer. Je me penchai à l'extérieur, mais rien à faire, l'air me fuyait.
Il était tard, mais tant pis. Je m'habillai à la va-vite et sortis. Il ne faisait pas encore trop froid en cette nuit d'automne. Je marchai jusqu'au pont tout proche pour m'accouder devant la rivière calme. L'onde cristalline ruisselait avec un doux clapotis. Des arbres, non loin, trouaient la ville de leur feuillage touffu. Cet îlot de nature me soulageait en général. Le vent s'engouffra dans mes cheveux lâchés, caressant ma nuque comme des doigts amoureux.
Oui, cet endroit m'apaisait. Mais il m'évoquait toujours cette soirée fatidique. La lune, l'eau, les arbres. Il ne manquait qu'un homme. Cet homme.
Depuis trois mois, je m'efforçais d'oublier la chaleur de son étreinte, ses bras épais, le poids de son corps sur le mien, la douceur de ses mains, le plaisir intense qu'il m'avait procuré. Ce n'était qu'un rêve. Le coup de folie de deux personnes qui n'en pouvaient plus.
En réalité, j'ignorais tout de cet homme, de sa vie jusqu'à son nom, mais il avait une compagne. Il avait dû, lui aussi, être à bout pour se jeter de cette façon sur une inconnue. Ça avait été mon cas.
Mon téléphone sonna.
Je soufflai de dépit face au message affiché.
Will :
Salut ma chérie. Tu me manques. On peut encore tout recoller, s'il te plait.
Moi :
Tu as de nouveau bu ?
Will :
Un peu. J'ai envie de te voir.
« Un peu ». Mon œil. Il devait être rond comme une queue de pelle.
Moi :
On en a déjà parlé. Je veux vivre ma vie.
Will :
Je ne t'en empêcherai pas. Je t'en prie. Tu ne peux pas jeter trois ans à la poubelle comme ça.
Nous y voilà. Nouvelle dispute en perspective. Au bout de trois mois, il continuait encore à me courir après. Chaque fois qu'il buvait, j'avais droit à ses remords et ses suppliques. Il ne manquait jamais de s'excuser après avoir décuvé. D'autant que ça lui permettait de me rappeler qu'il était malheureux, qu'il ne pouvait pas vivre sans moi, etc. Pourtant, il se passait très bien de ma présence quand on était ensemble. Il pouvait bien essayer de me dépeindre notre couple de façon idyllique, me dire qu'il avait changé, il était hors de question que je retombe dans ses filets. Les gens ne changent pas. J'avais aimé cet homme, mais c'était terminé. Les caresses d'un inconnu m'ont rappelé que j'étais désirable et que je ne méritais ni d'être délaissée ni d'être méprisée. J'avais droit au respect, comme tout un chacun. Je tâcherai de ne plus jamais l'oublier.
Pourtant, certains soirs, comme à ce moment, la solitude m'oppressait.
Will :
Je t'aime toujours.
Oui. Il aurait été facile de retourner vers lui. D'autant plus facile qu'après trois ans de vie commune, tout mon être me hurlait d'aller l'aider. Il était probablement dans un bar ou dans la rue, trop alcoolisé pour conduire. Depuis notre rupture, il travaillait moins et cela s'en ressentait sur ses relations avec son patron. Aucun doute, son chagrin était réel, mais je n'étais pas prête à lui redonner sa chance.
Mes instincts protecteurs m'avaient déjà poussée à lui céder. Une autre soirée, un autre endroit, les mêmes mots, plus d'une fois. J'étais allée le chercher. Il m'avait remerciée, puis m'avait embrassée. Il avait tenté de m'entraîner dans ce qui avait été notre lit. Quand j'avais refusé, il était parti dans une nouvelle crise de jalousie. Il allait recommencer.
Je me préparai à l'orage avant de taper le message suivant.
Moi :
Ça ne change rien, Will. Tu le sais.
Will :
T'es encore avec ton putain de rugbyman, c'est ça ?
Et voilà...
Moi :
Arrête. Je suis seule.
Malheureusement. J'aurais pu garder contact avec mon inconnu, mais j'avais besoin de me retrouver. En plus, il avait une copine, ou une femme, et je refusais d'être sa maîtresse. Notre relation avait juste été une bêtise dans les bois.
Will :
Mon œil ! C'est ce bellâtre qui t'a éloigné de moi.
Moi :
N'importe quoi ! Notre couple n'allait pas bien, c'est tout. Les seuls responsables, c'est toi et moi. Regarde-toi dans une glace avant d'accuser les autres. Et maintenant, lâche ta bière et rentre chez toi ! Je ne répondrai plus à tes messages.
Tendue comme un arc, j'appuyai sur le bouton silencieux et fourrai l'appareil dans ma poche avec une pointe de culpabilité.
Une dispute de plus. Je ne les comptais même plus. Quand allait-il enfin accepter la fin de notre relation ? J'inspirai profondément l'air parfumé de la nuit. Débarrassés de vapeurs d'échappement, les effluves clairs de la rivière se mêlaient à ceux plus boisés du bosquet.
Je me perdis dans la contemplation du reflet de la lune sur les flots pour tenter de calmer mon mal-être.
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