Conscience et rendez-vous.

Pendant trois jours je n'ai pas pu la revoir. Et je ne savais toujours pas son nom. Les jours s'étaient déroulés de la même façon : université, université, université. Ainsi que quelques prises de becs avec mon « oncle » de substitution. Rien de transcendant si ce n'était un ennui quasi mortel. Les cours n'étaient pas intéressants et comme je savais que je n'allais pas m'éterniser ici, je ne prenais pas de notes.

Je séchais donc certains cours et en profitais pour me renseigner sur le monde dans lequel je me trouvais. J'avais quelques années de retard apparemment et je pus faire des recherches sur la grande nouveauté : Internet. De ce que j'avais entendu sur le nuage, c'était une encyclopédie qui regroupait des réponses à toutes les questions. Ce que personne ne m'avait précisé, c'est que cela ressemblait plus à une énorme encyclopédie bordélique où les réponses attendues étaient le reflet d'une société en plein chaos.

Pendant que je me renseignais sur le monde des humains, Réam assurait ses cours avec une grande satisfaction et passait le plus clair de son temps à demander des conseils à madame Lebrun. Il ressortait de son bureau avec un sourire niais plaqué sur son visage.

J'avais fait quelques rencontres dans ma classe, mais personne de vraiment fascinant comme moi. Malheureusement, je ne pouvais révéler ma véritable identité et même si parfois j'avais failli me trahir, je savais que personne ne m'aurait pris au sérieux. Les filles de ma classe ne me prêtaient pas attention et je n'allais pas vers elles. Je n'allais pas m'abaisser à leur courir après. J'étais le fils de Dieu, pas un vulgaire toutou à la recherche d'une aventure. J'avais aussi des difficultés à me lier avec les garçons de ma classe. Peut-être que mon air ténébreux en dissuadait plus d'un. Cela ne me dérangeait pas outre mesure.

Lorsque je serai amené à gouverner, je devrai prendre seul les décisions. Et la solitude ne me faisait pas peur. Au contraire, vu le peu d'intimité que j'avais sur le nuage, être seul me ferait le plus grand bien.

Un matin, ce devait être le jeudi matin, alors que je me rendais à un autre cours tout aussi inintéressant que ceux de la veille, je la vis. Enfin ! La faculté n'était pas bien grande mais les horaires différaient d'une filière à l'autre.

Elle était adossée au mur du couloir et lisait un énorme pavé qui, d'après le titre, traitait des phénomènes chimiques et des transformations des corps. Elle avait des écouteurs dans les oreilles et semblait totalement captivée par sa lecture. Elle hochait doucement la tête au rythme d'une musique inaudible pour moi. J'hésitai sur la conduite à tenir.

Je m'approchai et lui tapotai l'épaule. De surprise, elle lâcha son livre, les feuilles qu'elle tenait en dessous et son lecteur de musique. Le tout s'écrasa au sol.

Je me fustigeai intérieurement. Pour une tentative d'approche, c'était raté. Je me penchai et l'aidai à ramasser ses affaires.

- Salut, lui dis-je. Je ne voulais pas te faire peur.

Elle m'adressa un sourire étincelant et je notai avec un ravissement surprenant le pétillement dans ses yeux gris.

- Je sais bien. Merci, ajouta-t-elle lorsque je lui tendis son livre.

- Tu étudies les sciences ?

- Oui, j'aime beaucoup les sciences et le professeur de physique est génial. Il a un sacré humour et franchement, il a un charme fou.

Elle commença à rougir en me disant ça.

- Enfin, les filles de ma classe sont toutes intéressées par lui.

- Et pas toi ? lui demandai-je avec un léger pincement au cœur qui m'étonna.

Elle haussa les épaules, rejetant ses cheveux blonds dans son dos.

- Je crois oui, il me plaît, mais c'est mon professeur et puis, il y a quelque chose chez lui qui fait qu'il semble impossible à cerner ou à atteindre et ça doit être ça qui nous attire.

Elle me fit un nouveau sourire et changea de sujet.

- Et toi, comment se passent tes cours ? Enfin, tu fais quoi comme études ? C'est vrai qu'on n'a pas beaucoup parlé et du coup, je ne sais même pas comment tu t'appelles...

- Alors dans l'ordre, oui mes cours se passent bien, même si je m'ennuie totalement, je suis en licence journalisme et je m'appelle Athanios.

- Enchantée, moi c'est Saëlia. Mais on m'appelle Elia ou Eli.

- Ça n'est pas commun...

- Tu peux parler Athanios !

Elle commença à rire et je la rejoignis, chose rare, voire exceptionnelle, de ma part. Son rire était contagieux et puis, la voir avec ce sourire m'enchantait sans que je puisse l'expliquer.

Elle regarda derrière moi avant d'achever mon rire avec ses mots.

- Tiens, voilà mon professeur, celui dont je t'ai parlé. Monsieur Touar.

J'eus des difficultés à associer ce nom à mon oncle et lorsque je me tournai, la déception m'envahie. Ainsi, Elia était attirait par Réam. Non seulement, cette mission me restait en travers de la gorge mais si en plus, un dieu mineur avait plus de charme que moi d'après la gente féminine, alors mon envie de rentrer là-haut, n'en n'était que plus forte.

Elia sembla remarquer mon désarroi et ma déception.

- Ça ne va pas ? Tu as l'air...en colère.

- C'est mon oncle, dis-je d'un ton plus hargneux que je ne l'aurais voulu. Ton professeur, là, monsieur Touar, c'est mon oncle.

- Oh ! fut la seule chose qu'elle prononça.

Je la sentis gênée à mes côtés et cela m'insupporta d'être la cause de cette gêne. Je devais changer de conversation, la faire sourire à nouveau, l'amener à se confier afin de vérifier mes soupçons.

- Tu veux prendre un café après tes cours ?

Qu'est-ce qui m'avait pris de lui demander ça ? Un café ! Mais quel idiot ! Mes pensées tourbillonnaient dans ma tête et ma nature de fils de Dieu reprenait lentement son emprise sur ma vie d'humain. Enfin, cela ne faisait pas longtemps que j'étais ici, mais je sentais que j'avais changé. Avant, je ne me serais jamais posé autant de questions, j'aurais foncé tête baissée et j'aurais constaté les dégâts après.

Maintenant, j'avais besoin d'observer et de réfléchir pour arriver à mes fins.

- Oui.

Mes pensées arrêtèrent leur danse nocive et se focalisèrent sur la réponse de la jeune fille. Elle avait dit oui. Elle avait accepté.

- Super ! dis-je d'une voix mal assurée. Tu finis à quelle heure ?

- A 15 heures, on se retrouve à L'Océan vers 15h30 ? Je dois passer à la bibliothèque avant.

Voilà, son sourire était revenu et je ne pus qu'hocher la tête avant qu'elle n'entre dans sa classe. Je jetai un regard noir à mon oncle qui me regarda d'un air surpris. J'aurai sûrement le droit à des questions ce soir, mais ce qui m'importait, là, maintenant, c'était mon rendez-vous avec Elia.

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