Chapitre vingt-quatre

Slimane-À Fleur De Toi

Je pensais avoir tout fait pour être enfin mieux, enfin heureux, mais rien ne chasse ma peine.

Le matin, je me réveille en voulant déjà me rendormir. Le midi, je rêve du soir. Le soir, j'ai déjà peur d'aller dormir. Et la nuit, je dors seulement quelques heures par-ci par-là.

Avec Arthur, nous vivons l'amour paisible et sans ennuis. Il n'y a pas de disputes ni de colère. C'est simple, on vit ensemble, on s'aime. C'est simple, je me prostitue moins, on s'aime. C'est simple, je suis triste, on s'aime.

Je ne fais rien de mes vacances tandis qu'Arthur tente de me faire bouger avec lui. Il n'est pas aveugle. Il sait et sent qu'il a quelque chose qui ne va pas. Nous avons beau en parler, il ne comprend pas plus que moi. Je l'aime Arthur, vraiment, mais il semblerait que ce ne soit plus suffisant. J'ai perdu le goût de tout, de rien. Je pourrais résumer mes journées depuis que j'ai frappé à cette porte qui était censée être la porte du Bonheur, du Paradis.

Je me lève, je déprime, je regarde la télévision pendant qu'Arthur part courrir, nous mangeons ensemble et parlons mais je ne fais que feindre, il veut que je sorte mais je refuse et il cède en promettant des "demain", nous mangeons le soir ensemble et parlons mais je ne fais que feindre.

Il n'y a que le soir où juste avant de dormir et comme j'ai peur de sombrer dans le sommeil, je ne feins plus, je suis. Souvent, je finis par pleurer dans ses bras et lui me consoler. Tous les deux, nous pensons que c'est juste une petite déprime passagère. Rien de bien méchant, rien de bien sévère, rien de bien important. Il y a aussi parfois où nous nous abandonnons dans les bras et le plaisir de l'autre. Et à la fin, le vide est encore plus présent.

Arthur fait les courses et je suis adossé contre la fenêtre à regarder les gens passer dans la rue. Je m'imagine leurs vies et à chaque fois j'en arrive à la même conclusion : elle est forcément meilleure. Mon téléphone sonne et brise ma bulle. Je grogne et reste concentrer sur le monde extérieur qui me semble irréel presque fictif. Mon portable sonne une seconde fois et je profère des insultes qui n'ont aucun sens pour ensuite aller chercher l'objet bruyant dans la chambre.

"- Quoi ?"

Je suis sec, même si je ne sais pas qui est à l'autre bout de l'appareil. Pour tout dire, je m'en fiche. Comme de tout en ce moment.

"- Kian."

Un mot et je sens mon cœur pulser comme jamais. Je reste complètement bloqué, n'y croyant pas, n'y croyant plus. J'ai la gorge serrée, mais parviens à articuler :

"- Jawad."

J'ai juste le temps de murmurer son prénom que je l'entends exploser en sanglots. Je ne peux pas m'empêcher d'avoir les larmes aux yeux et de me laisser glisser le long du mur pour m'adosser à celui-ci une fois au sol.

"- J'en peux tellement plus."

Et je me lâche aussi et réplique face à son désarroi :

"- Moi aussi si tu savais.

- Tu avais raison le dernier soir. J'ai un problème. J'ai un putain de problème avec la drogue."

Ses pleurs s'accentuent et je me sens déchirer de l'entendre, mais de ne rien pouvoir faire. Je ne veux plus qu'il reparle de ce soir, du dernier soir. Il avait complètement dégénéré et je l'avais mis à bout. Je n'aurais pas dû. Je lui murmure alors :

"- Chut. C'est oublié, Jadou. On s'en fiche maintenant.

- Mais putain, dis pas ça, Kian. C'est comme avec ton père, je suis comme ton père. Je t'ai touché, je t'ai frappé... Tu ne peux pas dire qu'on s'en fiche... Je m'en veux tellement. D'être tombé aussi bas.... Tu étais tout ce que j'avais besoin pour être quelqu'un. Et j'ai, j'ai tout gâché."

Je me mets moi aussi à pleurer à mon tour. J'ai la vois toute tremblante tout comme mon corps pris de spasmes. J'articule alors difficilement :

"- Tu n'es pas mon père. Personne ne pourra être comme mon père."

Nous pleurons tous les deux et c'est un vrai supplice de ne pas pouvoir le voir, le consoler, le toucher. Je finis par tenter de calmer mes sanglots et lui demande, la voix tellement tremblante que c'est flippant :

"- Comment tu vas ?"

Il met quelque temps à répondre. Lui aussi, doit se calmer avant de parler. Il finit par déclarer :

"- Je ne sais pas. Je ne sais plus. J'ai fait une... un trop plein de drogues et j'ai été envoyé à l'hôpital. Ils ont compris que ce n'était pas "juste une fois" et m'ont orienté vers des aides psychiatriques et des groupes d'aide. Les médecins m'ont même dit que je pouvais être envoyé dans un centre de désintox'. Je crois qu'ils voulaient juste me faire flipper ces cons."

J'entends le rire de Jawad et je pourrais en pleurer tellement ça m'avait manqué et que ça me fait du bien. Je me joins alors à lui et nous rions tous les deux.

"- Et toi ? Tu fais quoi sur Paris ?

- J'ai quitté l'appartement."

Je l'entends renifler avant de me questionner, même s'il se doute un peu de la réponse :

"- Tu vis où ?

- Chez Arthur."

Je ne sais même pas pourquoi je dis "chez Arthur" et pas "avec Arthur". Parce que j'ai voulu être ici, avec lui et pas être un colocataire. Je voulais de lui et maintenant je me demande où en est le sens.

"- Vous êtes heureux ensemble ?

- Oui. Il m'aime.

- C'est bien ça.

- Je l'aime aussi."

Nous sommes ridicules et je continue en reposant la même question sans m'en rendre compte :

"- Et toi, comment ça va sur Caen ?

- Ça fait du bien d'être avec sa famille et les anciens. Ça nous arrive de parler de toi avec eux, tu sais."

Les "anciens" sont nos anciens amis de lorsque nous étions encore lycéens.

"- Tout va bien. Comme toi."

Nous nous mentons l'un à l'autre et c'est juste une horreur. Lui, parce que je suis sûr que ce qu'il vit est pire que dur et qu'il me fait croire que tout va bien. Et moi, parce que je lui dis que je file le parfait amour avec Arthur sans tristesse, sans larmes et que je lui fais croire que tout va bien. Nous sommes deux débiles, deux gros débiles et nous l'avons toujours été lorsqu'il s'agissait de nous deux.

"- Je vais te laisser. Désolé de t'avoir appeler. Je voulais avoir de tes nouvelles, voir comment ça allait de ton côté et tout. C'est bête, désolé.

- Ça me fait plaisir.

- Je veux que tu sois heureux, il me lâche spontanément.

- Moi aussi, Jawad. C'est tout ce que je te souhaite."

Un silence prend place. Gênant et rempli de mots silencieux que nous n'osons pas nous dire. Je ne peux faire semblant et agir tel quel. Pas après tout ce que nous avons vécu et été ensemble. Ça serait tout gâcher, tout renier, tout effacer. J'entends sa respiration, pas tout à fait régulière encore, tout comme la mienne, et je déclare :

"- Je t'-"

Je n'ai pas le temps de finir qu'il a déjà raccroché. Je regarde le téléphone comme si je n'y croyais pas et le balance furieusement sur le lit. Je n'y crois pas. Je n'y crois pas. Je n'y crois pas ! Je me sens rempli de colère et la tristesse du début s'atténue pour faire de la place à ses amies, les autres pourritures.

Je me prends la tête dans les mains et me calme. C'est comme si cet appel m'avait enfin procuré autre choses que de la tristesse. Au fond, je pensais qu'il était mieux sans moi. Au fond, c'est peut-être vrai. Qu'est-ce que j'aurais dit s'il n'avait pas raccroché ? J'ai le cœur qui bat à toute vitesse en y repensant. Allais-je vraiment le dire ? Après toutes ces années ? Est-ce que c'est vraiment vrai ? Je me sens complément perdu et Arthur revient à ce moment précis.

- Tu as pleuré ?

Je lève la tête et il comprend directement que oui. Il vient s'assoir en face de moi, son dos calé contre son lit et m'observe. C'est comme s'il sentait que c'était différent des dernières fois.

"Je veux que tu sois heureux".

Ça repasse dans ma tête.

"Je veux que tu sois heureux".

Je m'approche de mon copain et vais me blottir contre son corps. Il m'enlace tendrement et murmure :

- T'es sûr que ça va, amour ?

- Je dois être heureux.

J'ai les larmes qui perlent au coin de mes yeux et je jette mon dévolu sur le sol qui est intéressant pour une fois à regarder.

- Je dois être heureux.

- J'aimerais, oui. Et si, c'est sans-

Je le coupe, ne voulant pas entendre la suite de sa phrase qui s'annonçait mal :

- C'est avec toi que je veux et que je le serai.

Il me serre d'avantage contre son corps musclé et je finis par l'embrasser avant de lâcher :

- Je t'aime.

Pourtant, j'ai l'impression que cette fois il n'a plus de sens. Comme s'il avait perdu sa couleur, son éclat et qu'il pouvait remplacé un "bonjour" ou un "au revoir".

"Je veux que tu sois heureux"

Moi aussi, Jawad, moi aussi.

Les jours passent mais ça ne compte pas
J'ai tellement du mal à vivre
Ivre, de ce parfum si différent du tien

Comme si j'étais mon propre prisonnier

Souvent je me demande où j'en serais sans toi

Sors de mes pensées

J'ai fait semblé d'avoir trouver la force
Je garde au plus profond de moi
Tout ce que tu m'as laissé
J'essaye de t'oublier avec une autre
Le temps ne semble pas gommer tes fautes
J'essaye mais rien y fais
Je ne peux pas, je ne veux pas, je n'y arrive pas
Je ne l'aime pas comme toi
J'essaye de me soigner avec une autre

Elle a tenté de me consoler
Même si
Elle n'a pas tes mots ni ton passé

Elle a séché toutes tes larmes tu sais
Elle a ramassé tes pots cassés
Et elle a réglé tous tes impayés, tes impostures, tes ratures
Tout ce que tu m'as laissé

Hey tout le monde ! Je vous avoue que j'avais zappé de poster hier alors je le fais aujourd'hui !😅😂

J'espère que le chapitre vous a plus ! Je vous préviens, c'est l'avant dernier donc plus qu'un chapitre avant la fin et ça me fait bizarre de me le dire !

En ce qui concerne l'après de ce livre, je suis encore complètement indécise. Je ne sais pas vraiment quel livre parmi ceux que j'écris j'ai envie de publier et de m'investir d'avantage. Je suis bloquée au fait que je ne sais pas encore les fins :/

Bref, bonne fin de semaine à vous et bon WE. Bisous😘

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