Chapitre sept

ZAYN-It's You
The Weeknd ft. Ed Sheeran-Dark Times

I won't, I won't, I won't
Je ne, je ne, je ne
Cover my scars
Couvrirai pas mes cicatrices
I'll let them bleed
Je les laisserai saigner

Les essuies glaces passent et repassent sur mon pare-brise sans arrêt étant donné la pluie qui s'abat à l'extérieur de ma petite voiture. Je regarde l'heure sur ma montre ; 18:35, puis me tourne vers ma sœur qui dort à mes côtés. Je la secoue gentiment pour la réveiller et elle semble petit à petit sortir de sa bulle. Elle s'étire sans m'épargner d'un coup dans le menton sans même s'excuser, mais je me contente de lancer un "fais gaffe" pas très convaincant.

- Pourquoi tu m'as réveillé ? grogne-t-elle.

- Parce que nous sommes bientôt arrivés.

Aussitôt que je prononce cette phrase, je réalise que nous sommes effectivement plus qu'à une quinzaine de minutes de chez nous et je sens instantanément une boule se creuser dans mon estomac. C'est comme ça à chaque fois de toute façon. Elle revient à chaque fois que je suis de retour chez moi. Et je sais très bien pourquoi.

- Tu aurais pu attendre qu'on arrive, râle-t-elle, en croisant les bras et en allongeant ses jambes sur le tableau de bord.

- Désolé, je lâche dans un murmure.

Ma sœur tend ensuite son bras vers ma radio et change de station. Pour mon plus grand malheur, elle choisit du Rap, musique que je n'affectionne pas particulièrement ce que je lui fais remarquer :

- Mets autre chose s'il te plaît.

- Non, c'est très bien, rétorque-t-elle.

Je pousse un petit soupire las et me concentre sur la route tout en essayant de ne pas penser à mon arrivée dans ma maison d'enfance. Chose vraiment pas simple, car je reconnais chaque endroit que l'on dépasse et qu'ils me rappellent tous des souvenirs. Des bons comme des mauvais.

Nous finissons pas arriver dans notre quartier et je me gare sur le parking, se situant à une cinquantaine de mètres de la maison. Je sors du véhicule et avale un grand bol d'air frais avant de sortir le fauteuil roulant de ma sœur et de le déplier. Je l'apporte ensuite à côté de la porte d'Amandine et lui ouvre la portière. Elle a les yeux baissés par la honte d'être incapable de faire cette petite action si banale pour n'importe qui, mais plus pour elle. Je passe alors un bras sous sa nuque et un autre sous ses cuisses pour la transporter sur le siège du fauteuil, non sans difficulté tant je n'ai pas de force. Ma sœur ne dit pas un mot et part directement vers la maison, son sac posé sur ses genoux. Après avoir fermé la portière, je me saisis à mon tour de mon sac et ferme ma petite voiture avant de rejoindre ma sœur qui est embêtée pour ouvrir le portail. Je le lui ouvre alors et la laisse passer avant de m'engouffrer à mon tour dans la petite allée menant à la porte d'entrée.

Et je sens déjà que mes mains sont moites et que mon cœur bat plus vite. Ça me fait mal de me dire que j'ai tant d'angoisse à revoir ma famille. Tous ces mensonges de mon quotidien me bouffent la vie et cette peur que je ressens envers mon père n'est également jamais partie. Je frappe à la porte et ma mère vient m'ouvrir avec un grand sourire au visage. Je le lui rends et la sers dans mes bras, un peu puis plus longuement lorsqu'elle prolonge notre étreinte.

- Tu m'as manqué, mon chéri. avoue-t-elle, heureuse de me retrouver.

- Toi aussi, Maman.

Et c'est vrai, parce qu'une Maman ça manque toujours. Quelque soit l'âge, quelque soit la distance, quelque soit le temps séparé. Et je n'échappe pas à la règle. C'est pourquoi, c'est vraiment dur de lui mentir constamment. Elle, qui croit que je travaille en tant que serveur dans un un petit restaurant correct. Si seulement elle savait... Je n'imagine même pas la honte et le dégoût qu'elle ressentirait. Son petit fils tout gentil qui, pour gagner sa vie, fait les trottoirs. Ça ne sonne pas vraiment bien.

- Entrez, il fait froid. finit par nous inviter notre mère.

C'est ainsi que nous entrons tous les trois dans la maison. Et nous ne mettons pas longtemps à être cinq, vite rejoint par mes deux petits frères et sœurs jumeaux : Julia et Gaëtan.

- Kiki ! s'exclament les deux gamins de dix ans, en même tant avant de me serrer dans leurs bras à hauteur de ma taille, tant je suis plus grand qu'eux.

Je les étreins à mon tour, heureux de les retrouver après ces mois passés sans les voir. Ils vont ensuite faire de même sur ma sœur et l'accable de phrases, l'une sur ses genoux et le deuxième qui pousse le fauteuil jusqu'au salon. Ma mère me fait signe de la suivre à la cuisine, alors je lui emboîte le pas et ferme la porte derrière moi.

- Comment ça va, mon grand ? Tu m'as l'air bien fatigué et amaigri depuis là dernière fois. s'inquiète-t-elle avec tendresse.

Que répondre à ça ? Bien-sûr que c'est vrai, mais que dire ? Alors je fais comme depuis un certain temps et mens, ne voulant ni l'inquiéter ni l'embêter avec mes problèmes :

- Tu trouves ? Pourtant tout va très bien ! m'enthousiasmais-je, tout en faisant attention de ne pas en faire trop, mais en étant convaincant.

- Mm, réfléchit-elle, dubitative, je

Elle n'a pas le temps de finir sa phrase que mon père fait irruption dans la pièce et glace l'ambiance par la même occasion.

- Bonjour, je lance, peu sûr de moi comme à chaque fois que je lui fais face.

- Bonjour, répond t-il froidement, indifférent de ma présence.

Il passe ensuite à côté de moi sans m'épargner d'un léger, mais dur coup d'épaule puis se positionne à côté de sa femme.

- Je vais mettre mes affaires dans ma chambre, je préviens, la tête baissée.

- Je t'appelle pour manger, sourit ma mère.

Je lui rends son sourire en hochant la tête puis sors de la pièce avant de me saisir de mon sac et de monter l'escalier. Je passe la porte beige et rentre dans ma chambre d'enfance. Je pose ensuite mon sac et je m'allonge directement sur mon lit une place, après avoir fermer ma porte.

Ça fait du bien d'être chez soit mine de rien. D'être dans un endroit qu'on connaît. Je soupire d'aise et reste à fixer mon plafond, soulagé d'être loin d'une partie de mes problèmes qui se trouvent à Paris.

Je tends mon bras vers la table de nuit et ouvre le premier tiroir pour en sortir mon ancien portable. C'est un vieux BlackBerry, mais ça fera largement l'affaire le temps que j'en rachète un autre. Une fois les cartes Sim et SD insérées, j'allume mon ancien portable et découvre par la même occasion mes appels et messages manqués, tous venant de ma mère ou de Jawad. Je m'empresse d'envoyer un SMS à mon métisse :

"Salut Jadou, je suis bien arrivé et j'ai pu récupéré mon ancien portable, donc plus de soucis de communication. Je t'embrasse et te souhaite un bon week-end. À dimanche."

J'envoie ensuite le message et attends une réponse qui mettra près d'une demi-heure à arriver :

"Salut, cool que tu es pu récupérer un téléphone. Je passe le week-end chez un ami finalement et reviens dimanche soir. À dimanche."

Je relis le message, déçu, et réalise que j'avais bien tout lu la première fois ce qui accroît ma déception. Il m'en veut, je le sais et du coup, je m'en veux. Et je me demande de quel "ami" il parle, car je suis clairement un peu jaloux même si je ne le devrais pas.

- À table, entendis-je ma mère crier d'en bas.

Je range mon ancien/nouveau portable dans ma poche de jean noir puis descends rejoindre ma famille autour de la table de la cuisine, où nous attend un bon plat de pâtes, cuisiné par ma mère. Les deux plus petits ne font que parler ce qui me fait sourire et me réchauffe le cœur. Ça m'attendrit toujours cette innocence et cette croyance qu'ils ont tous deux du monde extérieur.

- Et toi, Kian ? Comment ça se passe la colocation avec Jawad ? demande Amandine, un air espiègle accroché au visage.

Je lève la tête de mon assiette et la regarde arborer un sourire de petit démon sur son visage. Elle sait très bien, et tout le monde autour de cette table le sait d'ailleurs, que mon père n'aime plus entendre parler de lui depuis cette soirée en première.

- Bien, je t-

- Et tes études, tu travailles ? me coupe mon père, avant que je n'ai le temps de finir ma phrase.

- C'est dur, mais je m'accroche.

- Je ne sais vraiment pas ce que tu avais dans la tête en entrant en médecine. Ce n'est pas dans tes compétences.

Un grand silence s'en suit et je sens mon cœur pulser contre mon torse. Toujours les mêmes mots blessants, toujours ce dégoût dans sa voix, toujours ce regard hargneux qui m'est adressé.

- Tout comme toi, je souhaite protéger la population et même la sauver, me défendais-je, pas très sûr de moi et en évitant son regard dur.

- Ne me compare pas à toi, rétorque-t-il, comme si je venais de l'insulter, je suis militaire et pas une petite chose comme toi, lâche-t-il un petit rire amer.

- Je crois que c'est bon, George. intervient ma mère, légèrement gênée.

Je baisse la tête, le cœur au bord des lèvres. Les mots repassent dans ma tête et je n'ai même plus envie de manger. Le silence qui nous accompagne tous les six accentue encore plus mon malaise.

- Je suis fatigué, je vais me coucher. Bonsoir. je déclare, en me levant de table et en débarrassant mon assiette.

Je remonte à ma chambre et décide de me mettre un ancien album de musique que je trouve sur mes étagères. À cette période, j'étais fan de Mika. Je trouvais qu'il avait quelque chose d'humain, de joyeux et de nouveau, comme un bol d'air frais qu'on aurait besoin. Je vais à ma fenêtre et l'ouvre, avant de m'asseoir dans un fauteuil, juste en dessous. J'allume une de mes cigarettes et laisse la nicotine parcourir mes veines et me détendre par la même occasion. On frappe à ma porte alors je m'empresse d'éteindre ma fumée.

- Oui.

Ma mère fait irruption dans ma chambre et me lance un petit sourire.

- Je sais que tu viens de fumer, tu peux continuer.

Je souris et m'en rallume une. Ma mère vient prendre une chaise, après avoir mis sur "pause" ma musique. Elle s'assoit à ma gauche et me prend ma cigarette pour prendre une latte.

- Alors toujours pas de petite amie ? m'interroge-t-elle, en me rendant ma cigarette.

Ma mère est au courant que je suis homosexuel, tout le monde le sait en fait, mais elle l'ignore, comme le reste aussi. Ils font tous comme si de rien n'était et que nous vivons dans le meilleur des mondes où Kian va ramener une ravissante jeune fille à la maison. Mais non, ça n'arrivera définitivement jamais, en tous les cas pas une fille.

- Rien à dire là-dessus, je lâche.

- Si tu as besoin, tu peux tout me dire, mon chéri.

- Je sais, Maman. je mens, même si je sais que c'est tout le contraire.

- Je vais m'occuper de ta sœur, repose-toi bien.

- Merci, toi aussi.

Ma mère sourit avant de sortir de ma chambre. J'en profite pour remettre ma musique et me laisser me perdre dans mes pensées, en observant la nuit déjà tombée. Je finis par me lever et coupe mon poste de radio. Je termine ensuite ma cigarette puis me mets en boxer avant de me brosser les dents et de me glisser sous ma couette. Je profite d'être ici pour me coucher tôt, même si je sais que je vais certainement me réveiller durant la nuit.

*

Et c'est ce qu'il se passe puisque lorsque j'ouvre les yeux et regarde l'heure de mon téléphone, je lis "01:34". Je soupire et passe une main dans mes cheveux. Je reste dans mon lit à ruminer, sans parvenir à retrouver le sommeil.

C'est seulement vers trois heures du matin que je sors de mon lit une place et me réhabille. Je prends mon sachet d'herbes que je m'étais préparé la veille, à Paris, et mon briquet puis quitte ma chambre, mes chaussures et clés de maison à la main. Je mets mes Converses une fois en bas et me saisis des clés de voiture de mon père. S'il savait, il me haïrait, enfin encore plus que actuellement, mais il ne l'a jamais su.

Je sors de la maison, après avoir fermé à clé puis rentre dans la Duster grise. Sa hauteur et son moteur sont nettement meilleurs que ma petite voiture d'étudiant. J'enlève la radio et mets ma musique avec mon téléphone, en veillant à bien mettre fort puis je démarre.

Je sais où je veux aller. J'y retourne toujours. C'était mon sorte de "repère" avant, mon endroit. Enfin je suis sûr que je ne devais pas être le seul à venir m'évader là-bas. Au fond, je me planquais plus qu'autre chose. Je voulais, et je veux toujours, juste échapper à ma famille qui ne m'a jamais compris et qui n'a jamais essayé d'ailleurs.

J'arrive à la boîte de nuit. Cette boîte de nuit qui a brûlé un soir d'été, qui est maintenant vide et désertique, qui a seulement des murs et quelques bouts de toits qui tiennent encore le coup. J'ai toujours aimé cet endroit à partir du moment où il a brûlé, je ne sais pas pourquoi. On venait tout le temps là avec Jawad et notre clique. Jawad. Tellement de choses me ramènent à lui depuis qu'on se connaît, en troisième, après que j'ai emménagé ici, à Caen.

Cette voiture aussi que je conduie, c'est comme un souvenir de nous deux. Un sourire se dessine sur mon visage en repensant à cette nuit unique en son genre. Je me gare et m'extrais du véhicule. Je marche quelques mètres et entre dans la vieille bâtisse en ruine. Et ça fait du bien de savoir qu'on est pas le seul dans cet état là. Je m'assois dans mon coin d'autrefois, contre un mur qu'on avait tagué, une sortie toute proche au cas où que des personnes arrivent et veuillent nous dégager. On avait tout prévu, on était jeunes, insouciants et un peu cons aussi.

Je sors mon sachet d'herbes et me roule un joint que j'allume après. Je laisse la drogue me transporter, comme elle le fait si bien et pose ma tête contre le mur. Un craquements vient me sortir de mes pensées et je reste sur mes gardes, méfiant d'une quelconque présence inconnue.

- Kian ? !

Je tourne la tête vers la gauche et regarde, surpris et heureux, Ben.

- Putain, mec, ça fait un baille ! je lance, en me levant. Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je te retourne la question. Ça fait six mois que j'étais pas vu et je te retrouve là, tu parles d'une trouvaille !

Il s'approche et vient m'entourer de ses bras musclés en me tapotant le dos. On se défait l'un de l'autre et on vient s'asseoir où j'étais à peine une minute auparavant.

- Comment ça va depuis ? me questionne, Ben. Je peux ? désigne-t-il mon joint.

Je hoche la tête et m'empresse de répondre en mentant :

- Tout va bien, Paris est géniale.

- Ah ouais ? Raconte-moi ça.

Et c'est comme qu'on part dans un dialogue qui n'en finit plus tant le plaisir de se revoir nous envahit tous deux. Ben est un de mes vieux potes de lycée. Grand, basketteur, peau foncé, yeux caramels. Il faisait craqué toutes les filles avec sa musculature de rêve et que j'enviais. Nous continuons de parler et je lui transmets des nouvelles de Jawad et lui de mes autres anciens potes avec qui j'ai perdu tout contact, étant trop occupé.

- En tous les cas, ça fait plaisir de te revoir, mec.

- Oui, moi aussi. Ça faisait longtemps. je réponds, honnêtement en lâchant un petit rire.

J'écrase notre second joint et me lève doucement, les pieds pas très stables. Ma vie se trouble dans un premier temps et du bleu apparaît devant moi avant que je ne distingue mon ami se mettre debout à son tour.

- C'était cool de te revoir. N'hésite pas à me parler par texto.

- Et toi à passer à l'appart' si tu viens sur Paris, je propose avec un sourire débile collé au visage.

- Pas de soucis et passe bien le bonjour à Jawad.

- Ça serait fait, compte sur moi.

Nous marchons, un peu chancelants, et on se fait une accolade avant de partir chacun dans deux directions différentes, moi vers ma voiture. Je pose mes mains sur mon volant et regarde l'heure sur mon portable : cinq heures passées. Je soupire et démarre, en essayant d'être vigilant malgré la drogue qui coule dans mon sang et me fait sentir complètement ailleurs.

J'arrive chez moi et peine à me garer droit. Je rentre ensuite dans la maison, en essayant de faire le moins de bruits possible, sachant qu'Amandine dort dans le bureau, aménagé en chambre, au rez-de-chaussée.

Je suis soudainement pris d'une envie de lait, alors je me dirige rapidement vers la cuisine. Je tente d'être le plus discret possible et ne prends pas la peine d'allumer la lumière lorsque je me dirige vers le réfrigérateur. J'y sors la bouteille de liquide blanc, mais la fait tomber dans un bruit monstre ce qui me fait glousser devant ma bêtise sans raison apparente. C'est marrant, je trouve, là, maintenant, tout de suite. Décidément, le lait c'est pas mon truc. Je bois une gorgée et je sens que ça me fait du bien alors je finis la bouteille qui était déjà entamée. Je n'ai le temps de rien comprendre lorsque la lumière s'allume et que mon père se trouve devant moi en peignoir. Je reste le regarder, tout penaud et désemparé, tandis qu'il me toise du regard.

- Je peux savoir ce que tu fais ici, à cette heure ci ? me demande-t-il, d'un ton qui m'en fait frissonner tant il est rempli de sévérité.

- Je..euh... balbutiais-je, avant de pouffer et de lui montrer ma bouteille vide de lait, je buvais.

- Et ça te fais tant que ça marrer ?

Et je ne sais pas pourquoi, mais je suis pris d'un courage qui m'est inconnu et je lui réponds, bien droit dans les yeux :

- Faut croire que oui. Tes questions sont finis ? C'est bon ?

- Je te demande pardon ? s'offusque-t-il, surpris en s'avançant dangereusement vers moi. Répète un peu, pour voir.

- C'est une menace ?

- Mais pour qui tu te, il s'interrompt, les yeux écarquillés, mais tu es défoncé ? s'énerve-t-il. Tu te fiches de moi, pas vrai ?

- Quoi ? Qu'est-ce que ça peut te foutre ? je rétorque, sur la défensive. Qu'est-ce tu en as faire de moi de toute façon ?

- Ne commence pas, Kian.

- Sinon quoi ? C'est pas parce que je suis PD que je suis une tapette. lui gueulais-je dessus.

Et puis c'est parti, le premier coup. En plein dans le nez. Tellement fort que je tombe à terre, la tête contre le mur. Il me regarde de sa hauteur, rempli de haine et me jette à la figure :

- Je t'interdis de dire ça.

Je me relève, non sans peine, et articule chacun de mes mots pour qu'ils comprenne bien malgré le sang que je sens couler jusqu'à ma bouche :

- De dire quoi ? Que je préfère me faire prendre par l'arrière ? Que j'aime les bites ? Que

Et c'est reparti, un coup dans ma pommette qui me fait taire. Je veux me relever mais un coup dans le ventre m'y en empêche. Puis j'en reçois un autre au visage, puis encore dans le ventre, et je me mets à chialer. Je me prends un autre coup puis ça s'arrête lorsque ma plus grande de mes sœurs hurle "MAMAN" d'en bas.

Vingt secondes plus tard, ma mère est dans la cuisine sans que ni moi, ni mon père n'eûmes eu le temps de réagir. Ma mère me regarde, même pas étonnée de mon état, mais lassée. Ouais, lassée que son fils de vingt ans se soit encore fait frappé par son père. Mais elle a aussi les larmes aux yeux, sûrement déçue que ça est recommencé. Elle continue de nous regarder tous les deux un à un, et je me sens le plus con de la terre, encore au sol. Le silence se brise et ma mère déclare sévèrement comme à deux gosses qui auraient fait une grosse bêtise :

- Filez tous les deux de ma vue et tout de suite !

Mon père sort de la pièce, suivi de ma mère et je reste au sol, encore un peu sonné. Je les entends monter les escaliers et je pousse un long soupire de soulagement. C'est bon, c'est fini. J'essuie mes larmes, mon nez et me relève avec difficultés. Après être sorti, je me dirige vers les escaliers, mais j'entends ma sœur m'appeler. Je me rends alors aussitôt dans sa chambre. Il fait noir et je ne vois rien.

- Qu'est-ce qu'il y a ? je chuchote.

- Ça, ça va ?

Je m'approche immédiatement de son lit lorsque je perçois sa voix tremblante. J'ai à peine le temps de m'asseoir, qu'elle se retourne et vient me prendre dans ses bras. Je reste un instant figé, surpris de cette tendresse soudaine, puis la sers à mon tour dans mes bras.

- Tout va bien, c'est rien. je la rassure.

- J'ai tout entendu.

- Oh... fus tout ce que je trouve à répondre.

On reste dans mes bras l'un de l'autre quand je sens son souffle se calmer et qu'elle est sur le point de s'endormir.

- Bonne nuit.

- Bonne nuit, Ki'.

Je la repose doucement dans son lit et m'en vais dans ma chambre. Je ne prends même pas la peine de soigner mes "blessures" que je me mets en boxer et me glisser sous la couette, à bout de force et de nerfs.

*

Je me réveille seulement deux heures après, en sueur et le corps endolori. Un gémissement s'échappe même de ma bouche tant la douleur est forte. Super réveil, j'ai vraiment connu mieux et puis je déteste dormir seul. Je suis vraiment de mauvaise humeur. Je n'ai même plus envie de rester après ce que mon père m'a fait. Je crois que c'est ce que je vais faire, partir. Mais avant, un bon bain me fera du bien. Déjà, parce que je n'en ai pas un dans mon petit appartement et aussi pour soulager un peu mes douleurs physiques.

Je m'extirpe alors de mon lit et après avoir saisi mon paquet de cigarettes et mon briquet, je me rends à ma salle de bain. Je fais couler l'eau puis ferme à clé avant de me déshabiller. Une fois la baignoire remplie, je me glisse à l'intérieur. Une grimace de douleur se forme sur mon visage au contact de l'eau chaude qui brûle ma peau, mais surtout mes blessures. J'examine alors mon corps, à la recherche des violences causées par mon géniteur. Déjà, je suis sûr d'avoir le visage amoché, même si  je n'ai pas pris la peine de regarder dans le miroir, je le sens et le ressens bien assez. Je remarque alors qu'un nouveaux hématome a prit forme sur mon ventre à côté de deux autres. Un de plus, un de moins, qu'est-ce que ça change au fond ?

J'essaye d'arrêter de penser à toutes ces merdes et tente de me détendre, comme j'avais imaginé le faire. Je me laisse alors aller au bruit de mes respirations et par ma cigarette que je me suis allumée. Ça fait du bien de lâcher prise, pour une fois.

- Kian ?

Ça n'a pas duré longtemps, comme d'habitude.

- Oui ?

- J'ai besoin de la salle de bain d'ici quinze minutes, s'il te plaît. me prévient ma mère.

- D'accord.

- Merci.

Je soupire, dérangé de devoir sortir après seulement vingt minutes de détente. Je finis alors ma cigarette avant de la jeter dans la poubelle qui est à ma gauche. Je cale ensuite ma tête contre le rebord de ma baignoire blanche et ferme les yeux. Et tout ce que je vois ce sont toutes mes erreurs, alors je me laisse glisser contre la paroi en plastique et engouffre ma tête sous l'eau. Et ça aussi, ça fait du bien.

J'arrête de respirer, complètement, et laisse le noir et le silence m'envahir. Je suis resté tellement longtemps que lorsque je retourne à la surface, j'ai le souffle saccadé. Mais punaise, qu'est-ce que ça faisait du bien de ne plus être là, d'être ailleurs et de ne plus être vivant.

Waking up, half past five
Je me réveille, il est cinq heures et demie
Blood on pillow and one bruised eye
Du sang sur l'oreiller et un œil au beurre noir

This ain't the right time for you to fall in love with me
Ce n'est pas le bon moment pour tomber amoureux de moi
Baby I'm just being honest
Bébé je suis simplement honnête
And I know my lies could not make you believe
Et je sais que mes mensonges ne pourraient te convaincre
We're running in circles that's why
Nous tournons en rond, c'est pourquoi

Don't think my mother could love me for me
Je ne pense pas que ma mère pourrait m'aimer pour ce que je suis

Light one up, let me bum a smoke
J'en allume une, laisse-moi fumer
Still calming down, dripping throat
Ça me détend toujours, ça enrobe ma gorge

Chapitre un peu bateau, mais qui aide à mieux comprendre la famille de Kian et leur relation.
En vous souhaitant une bonne journée😀

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