Chapitre dix-neuf

Bring Me The Horinzon-Can You Feel My Heart ?

Le téléphone vibre encore alors je me contente de le mettre sur silencieux. Je bouillonne intérieurement car c'est un numéro inconnu, encore. Il n'y a que des "encore" car tout se répète et continue.

- Tu ne réponds pas ? me demande Jawad, intrigué.

- Non, ça doit être une erreur.

- T'es sûr ? Ça fait depuis lundi que c'est comme ça. Tu devrais peut-être répondre.

- Je te dis que c'est une erreur. Arrête d'insister, ça me saoule.

Je ne devrais pas le rembarrer tel quel, mais en ce moment, j'étouffe. Je passe mes soirées avec des clients et à travailler mes cours, Anna ne parle plus du tout et Arthur n'est pas en cours depuis que la photo a été diffusée, soit trois jours. Jawad semble surpris de ma réaction et descend du lit pour s'assoir à côté de moi au sol.

- Hé, qu'est-ce qui se passe, Kian ?

- Rien.

Il ne me croit pas, autant que je ne me crois pas moi-même. L'écran de mon téléphone s'allume à nouveau et Jawad décroche sans que je n'ai le temps de réagir. Il écarquille les yeux quelques secondes puis raccroche très rapidement. Je ne dois pas pleurer. Je suis un homme, je suis fort. Les hommes ne pleurent pas, me disait mon père.

- Comment ils ont ton numéro de téléphone ? Et c'est qui ces mecs chelou ?

- C'est rien, je contrôle.

Je me mords la lèvre tant je, je ne sais même pas en fait. Je suis complètement perdu. Je me sens lessivé. Je ne sais même plus qui croire. Je ne me crois plus moi-même à vrai dire.

- Kian.

- Arrête ! je crie, tout en commençant à trembler légèrement. Laisse-moi, je me calme.

Il s'approche davantage de moi et me prend dans ses bras. Je me laisse faire et le sers fort.

- Je suis là, bébé. Je suis là, répète-t-il.

- J'en ai marre, Jawad, j'en peux plus. 

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Je, je-

Je ne trouve même pas les mots alors je lui montre le "fameux" message. Aussitôt son visage s'assombrit et il beugle :

- C'est quoi ça ? ! Qui t'a envoyé ça ? !

- Je n'en sais rien. Tout le monde l'a reçu à la fac.

Jawad accuse le coup et semble perdre tous ses moyens. Il expire et inspire quelques fois avant de me redemander, tout en essayant de rester calme :

- Tu sais qui c'est ?

- Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr.

J'ai la voix qui tremble. J'aimerais tellement me tromper, mais tout semble concorder. La photo, sa non-présence à la fac depuis la diffusion du message et son silence par la même occasion, notre rupture. C'est Arthur. Ça me tue de l'admettre, mais ça ne peut être que lui. J'ai trouvé la photo qui était jointe au message une fois dans son portable en regardant ses photos. J'ai pensé qu'il y avait une raison. Que c'était lorsqu'il voulait me repérer au début pour son ami Étienne. En réalité, je voulais m'éloigner des problèmes, mais j'aurais dû me méfier. Jawad avait sûrement raison à propos de lui.

- Qui ?

- Je ne suis pas sûr.

- Qui ? il répète, prêt à frapper qui que ce soit.

- Arthur.

Je n'ai jamais vu mon ami tel quel. Furieux ne serait même pas assez pour le décrire. Il est hors de lui et pète littéralement un câble. Je ne le reconnais plus. Habituellement, il m'aurait épaulé et réconforté, mais il agit juste comme un débile énervé.

- Je vais le tuer. Je vais le tuer, répète-t-il plusieurs fois à la fois.

Il se lève et marche comme un fou dans l'appartement. Il s'énerve davantage et fini même par balancer une assiette qui s'éclate en morceaux au bar. Je sursaute et me colle contre la table de nuit, au plus loin de lui. J'ai peur. Vraiment, il me fait peur. Jawad est toujours calme, jamais énervé et encore moins comme ça.

- Je vais tuer ce petit fils de pute et le traîner jusqu'à la morgue !

- Jawad.

Il ne m'écoute plus. Il est dans ce monde rempli de rouge et noir. Loin de moi et même de lui-même. Les larmes coulent sans que je ne le contrôle et je me sens comme lorsque j'étais petit et que mon père se mettait en colère. Toutes ces fois où je me faisais engueuler et traiter comme la pire des merdes. Tout ça parce que j'étais homosexuel, parce que j'aimais les hommes, parce que j'aimais écouter du Mika, parce que je pleurais tout le temps ou même parce que j'aimais dessiner et pas faire du football. Je ne peux pas croire que Jawad puisse me faire ressentir ça. Ce n'est pas lui.

- Ja'.

Il se tourne vers moi et son regard me glace sur place. Rempli de haine et de violence. Seulement ça et ça a le don de me provoquer des frissons tout le long de la colonne vertébrale. Il me regarde quelques instants puis semble prendre conscience de l'état dans lequel il s'est mis. Subitement, il se calme et se laisse glisser au sol, entre les débris de l'assiette. Il se prend la tête dans les mains et tremble. Je ne suis plus le seul dans ce cas. Je m'approche doucement de lui, mais il me pousse pour que je m'éloigne.

- Va t'en.

Je ne l'écoute pas et réduis l'espace entre nous deux pour le prendre dans mes bras et le serrer malgré ses débats. Il finit par exploser en sanglots et je maintiens mon emprise.

Je crois que c'est là où l'Enfer a commencé.

  *

Au bout d'une semaine, les appels et les commentaires se sont estompés. J'avais juste été un scoop et un effet de mode auquel on ne s'intéressait plus ce qui n'était pas pour me déplaire.

J'essaye de rester fort et d'avoir la tête haute, mais honnêtement ce n'est pas simple. Je suis complètement seul à la fac, et même si on ne m'interpelle largement moins ou autre, les regards sont assez suffisants et en disent long sur les pensées. Anna ne m'adresse même plus la parole et baisse la tête ou fait mine d'être occupée dès lors qu'on se croise. J'ai également croisé quelquesfois Arthur et il avait toujours la tête baissée. Peut-être qu'il regrette, mais ça n'efface rien.

Ja' est chez le kinésithérapeute tandis que je suis dehors pour aller faire les courses. Je pense à Jawad et à ce qu'il est devenu. Il est vraiment étrange depuis son hospitalisation. Je sais qu'il souffre physiquement, et sûrement  même mentalement, mais je ne comprends pas vraiment.

Je reçois un SMS de Connor qui veut me voir et me menace si jamais j'avais la connerie de ne pas venir. Je ne sais pas ce qu'il me veut puisque je l'ai payé. Je fronce les sourcils et range mon portable à l'abris. J'arrive à notre ruelle et trouve deux des chiens de mon vendeur. Le genre costaud et imposant et où tu te fais tout gentil et t'aplatis comme une merde. Je m'approche vers eux et je me doute qu'ils ne sont pas venus pour simplement discuter.

- Kian ?

- Oui, je murmure.

Je me fais plaquer contre le mur directement. Bonjour à vous aussi les gars.

- Je pense que vous faites erreurs.

Je me prends un poing dans le nez, mais il me tient tandis que je pisse le sang et que je suis carrément sonné.

- On fait jamais erreur. Tu nous dois six cent balles et si à la fin de la semaine c'est pas réglé, attends-toi à plus reconnaître le visage de ton colocataire.

Je les déteste. Putain que je les déteste !

- J'ai payé en début de semaine et j'en avais pour moins que ça ! je tente, en me débattant inutilement.

- Sauf que ton copain à minerve est revenu. parle le second homme, derrière.

Je fronce les sourcils. Comment ça ? C'est quoi le problème ?

- Une semaine et pas plus, petite merde.

Il me lâche et je suis étonné d'en sortir presque indemne lorsque je me prends deux coups dans le ventre. Ils disparaissent et je reprends ma respiration. Je vais vraiment devoir m'expliquer avec Jawad. Je ne prends même pas la peine de faire les course et rentre sur-le-champ à l'appartement.

- Jawad ?

J'entends du bruit dans la salle de bain et il sort tout pâle, comme s'il me cachait quelque chose. Je suis tellement choqué et énervé que je m'en fous complètement.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? s'étonne mon colocataire, en remarquant le sang sur mes vêtements.

-Plutôt à toi de me le dire. C'est quoi cette histoire de drogues achetées et pas payées ?

- Oh ça, il s'appuie contre la porte de la salle d'eau.

- Ouais, ça, je croise les bras.

- C'est un pote qui en avait besoin pour des révisions alors je l'ai dépanné, mais il va me rembourser.

- Ouais, bah qu'il se dépêche parce que cette fois c'était moi, mais peut-être pas la prochaine fois.

- Tu as combien de temps ?

- Une semaine et pas plus.

Il se mord la lèvre et passe une main embarrassée dans sa nuque avant de demander, tout timide :

- Tu pourrais pas l'avancer ?

- Pardon ? ! Je me tue tous les soirs pour nous deux et tu veux en plus que j'aide un de tes potes ? Tu ne trouves pas que tu pousses un peu là ? !

- Ouais, je sais, désolé.

Il soupire et va s'asseoir dans le canapé, la douleur perceptible sur son visage pas complètement guéri.

- Repose-toi, je vais me doucher.

Et c'est ce que je fais en allant immédiatement me déshabiller puis en passant sous la douche. Il ment. J'en suis persuadé. Il y a quelque chose qui cloche. Je sors, vêtu d'une serviette autour de la taille et me remémore lorsque je suis arrivé à l'appartement. Je ne devrais pas faire ça ni être obligé de le faire, putain.

Je fouille les placards et finis par trouver un sachet. Je glisse au sol et l'observe. Nom de Dieu ! Mais pourquoi ? Pourquoi il fait ça ? Je suis sûr que c'est de la cocaïne et ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas à moi et que Jawad tente de me la cacher. Je sors de la petite pièce et pointe le sachet à mon ami que je ne reconnais plus.

- C'est quoi ça ?

Il lève la tête, quelque peu livide et sort :

- C'est pour mon pote, je te dis. Il n'a pas son vendeur habituel.

- Mais vas-y, continue. Tu ne fais que mentir, Jawad.

- Quoi ? Qu'est-ce que tu crois ?

Il est sur la défensive et je décide de me calmer. S'énerver et l'accuser ne sert à rien.

- Si tu as un quelconque problème avec les drogues, tu peux m'en parler.

- Quoi ? Mais c'est n'importe quoi. Puisque je te dis que c'est pour un pote. Puis qu'est-ce que ça peut te faire de toute façon ? T'es jamais là.

Mais de quoi il parle ?

- Comment ça "je ne suis jamais là" ?

- Avoue-le, Kian.

- Mais bordel, Jawad. Tu sais ce que je fais pendant que je ne suis pas là ? Je fais tout pour qu'on est de quoi vivre. En plus, tu me ramènes un pote que je dois avancer. Mais tu sais quoi ? Je m'en fous de ton pote, ouais, je m'en tape carrément. Tu crois pas que c'est assez dur de nous assumer tous les deux déjà ?

Il me regarde, mais ne dit rien. Très bien. S'il ne veut pas parler, c'est son problème.

Je me brosse les dents et pars me coucher, le plus loin possible de Jawad. Je le sens s'approcher et m'encercler de son bras, mais je l'enlève. Personne ne réagit et ne parle. Mais parfois, le silence fait plus mal.

Can you hear the silence ?
Peux-tu entendre le silence ?
Can you see the dark ?
Peux-tu voir l'obscurité ?
Can you fix the broken ?
Peux-tu réparer la fissure ?
Can you feel... can you feel my heart ?
Peux-tu ressentir... peux-tu ressentir mon cœur ?

Can you help the hopeless ?
Peux-tu empêcher le désespoir ?
Well, I'm begging on my knees,
Eh bien, je t'en supplie à genoux,
Can you save my bastard soul ?
Peux-tu sauver mon âme bâtarde ?
Will you wait for me ?
M'attendras-tu ?

I'm sorry brothers,
Je suis désolé frères
So sorry lover,
Si désolé amour,
Forgive me father,
Pardonne-moi père
I love you mother.
Je t'aime mère.

I'm scared to get close and I hate being alone.
J'ai peur de me rapprocher et je déteste être seul.
I long for that feeling to not feel at all.
J'aspire à ce sentiment de ne rien sentir du tout.

Hey tout le monde ! Petit chapitre en avance étant donné que ce sont les vacances 😄

J'espère que vous avez prévu des trucs cools et qui vous font plaisir pendant ces deux semaines😉

En tous les cas, j'espère que le chapitre vous a plu et je vous dis à bientôt 😬

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