J'avais la tête engourdie et mes muscles étaient endoloris. Je n'arrivais pas à les bouger. J'ouvris difficilement les yeux. Une lumière m'aveuglait. Où est ce que je suis ? Je ne suis plus dans la forêt ? J'entendais des murmures dans l'endroit où je me trouvais. Ma vision était trouble... Je me redressais mais trop brusquement car je sentis ma tête me tourner.

« Oh restez allongé jeune homme ! Le Tigref ne vous a pas raté !
- Un Tigref ? Mais qu'est-ce que...
- Oh d'ailleurs je ne me suis pas présentée ! Je m'appelle Rosalia ! »

La dénommée Rosalia avait un carré court brun cendré avec des mèches roses pastels. Ses yeux étaient bleus et elle portait un blush très prononcé sur les joues. Mon regard s'attarda sur ses oreilles qui partaient en pointe. Est ce que ce serait une elfe ?

« Euh, où suis-je ?
- Tu es dans l'arbre des archers. Notre repaire en quelque sorte !
- Hein ? Je suis à Cybéria ?
- Oui. Tu es un voyageur ? Tu n'as pas l'air du coin si tu ne connais pas les Tigref.
- Euh oui, je viens d'Aglia.
- Eh ben ! Maintenant que tu le dis... Tu ressembles drôlement au prince !
- C'est par ce que c'est moi.
- Attends, tu es Ash ? Prince d'Aglia ? Demande-t-elle surprise
- Oui.
- Ça alors Votre Altesse ! Et que fait un prince ici, perdu dans la forêt ?
- C'est une longue histoire.

Elle hocha la tête ;
- Je comprends oui. Repose-toi, Lya passera te voir après sa patrouille.
- Attends ! Je dors depuis combien de temps ?
- Depuis hier après-midi. Je te laisse ! »

Elle ferma la porte derrière elle, me laissant seul ici. La pièce était grande, elle devait faire cinq mètres de longueur. La salle ressemblait à une infirmerie en vue des lits et de l'armoire à médicaments. J'étais le seul blessé dans cette pièce. Pourtant, si j'étais arrivé dans le repaire des archers, ils devaient souvent se blesser. Les archers chassent les bêtes dangereuses de la forêt et aident à combattre contre eux et contre des Furies grâce à leurs arcs . Les archers les plus aguerris enchantent leurs armes avec des sorts de feu ou d'eau. Ça les rend plus puissants. La porte s'ouvrit de nouveau sur un jeune garçon de mon âge. Il avait des cheveux bruns qui lui retombaient un peu sur les yeux. Ses iris étaient d'un brun profond et il avait de fines lèvres.

Il se tenait le bras droit, sans doute était-il blessé. Il sembla me remarquer après quelques secondes. Il me jeta un regard dédaigneux avant de dire :

« T'es qui toi ? Et elle est où cette connasse d'infirmière ?!
- Euh je m'appelle Ash...
- Non ta gueule, m'en fous. Elle est où l'infirmière ?
- Je ne sais pas je te dis ! » M'agaçais je

Il me lança un regard surpris. C'est vrai que je n'avais pas l'habitude de m'énerver et cela pouvait contraster avec mon visage, dit angélique. Mes boucles noires mettant en valeur mes yeux verts pétillants.

« Je sais pas t'es qui, mais va falloir te calmer.
- Et toi alors ? Je peux savoir qui tu es ?
- Bien sûr, fit-il d'un ton sarcastique. Je me nomme Théo, archer depuis mon enfance. Et toi ?
- Ash.
- Oh ! Mais ne serait ce pas notre cher prince ? Que fait donc une figure emblématique perdu dans une forêt ?
- Rien qui ne te concerne, grognais-je.
- C'est vrai que je dois avoir l'air d'un gueux pour toi. Regarde-moi ! Bottes crottés, le visage couvert de boue et de sueur, le bras en sang, les cheveux pleins de poussières... Je ne dois sûrement pas être à ton goût, railla-t-il.
- Ça n'a rien à voir ! Ce sont juste des affaires privées !
- Si tu le dis. » Il conclut ses paroles en levant les yeux en ciel.

« Eh bien, je vois que tu as fait la connaissance de Théo ! Lança une voix douce. Tu aurais pu lui faire un meilleur accueil.
- Tch. Et puis quoi encore...
- Enfin bref ! Je me nomme Lya. C'est moi qui faisais partie de la patrouille qui t'a sauvé hier. Tu as été attaqué par un Tigref. Un croisement entre un tigre et un cerf, précisa-t-elle devant mon air ahuri.
- Et il y a beaucoup d'animaux de ce genre dans le coin ?
- Eh bah dans l'endroit où tu étais,oui.
Tu as eu de la chance qu'on passe par là ! »

Super, pensais je. Un peu plus et je me serais fait bouffé par d'autres animaux sanguinaires.

« Je suis bel et bien à Cybéria donc ?
- Ah oui ! D'ailleurs demain, il faudra qu'on t'amène au roi.
- J'espère qu'il le chassera, marmonna Théo »
Je lui lançai un regard noir avant de reporter mon attention sur Lya.
« Et maintenant, je peux partir ?
- Je suppose. Mais il va falloir que je fasse mon rapport au chef, et que tu lui expliques les raisons de ta présence ici. Suis moi »

Je me levai de mon lit et suivit ma guide. Je sentais le poids du regard du jeune archer sur moi, mais je n'y prêtai pas attention. Elle poussa la porte de chêne et on se retrouva directement dehors. Le spectacle que je vis m'impressionna. Des dizaines de petites cabanes étaient perchées dans un grand arbre relié par des passerelles de bois. Des guirlandes lumineuses étaient suspendues au-dessus de nous.

« J'espère que tu n'as pas peur du vide, lança Lya, malicieuse.
- Je ne pense pas. Mais c'est vrai que c'est impressionnant. Vous vivez tous ici ?
- Eh bien comme tu peux le voir, ici il y a les deux plus grands arbres de la région. C'est donc le repaire principal où vit notre chef. Mais il y a d'autres archers qui vivent dans la forêt, pas beaucoup, mais il y en a. »

Je hochais la tête. Les longs cheveux châtains de Lya ondulaient à chaque mouvement qu'elle faisait. Elle me fit monter un escalier en bois grinçant. Je n'avais pas tellement envie de m'y engager mais je me forçai à la suivre. Voyant qu'on montait toujours de plus en plus haut, je demandai à ma guide :

« On est bientôt arrivés ?
- Tu vois la grosse cabane là-haut ? Eh bah, c'est là. Encore deux escaliers et c'est bon. »
Je soupirai. Comment pouvaient-ils vivre ici ? On avait emprunté tellement de cabanes, d'escaliers et de passerelles que je ne savais même pas où je me trouvais. Je faillis rentrer dans mon hôte quand elle s'arrêta brusquement. On était devant une cabane en bois, mais qui semblait plus robuste que les autres. La porte était en chêne et avait un heurtoir en métal. Des torches étaient accrochées aux murs de devant. La jeune femme frappa à la porte et quelques instants plus tard, un homme d'une cinquantaine d'année lui ouvrit.

« Alors c'est lui notre rescapé ? Bienvenue Ash, me dit-il chaleureusement.
- Euh bonjour.
- Je m'appelle Unroch. Je suis le chef de la tribu des archers. Entre, nous allons discuter. Lya, tu peux disposer.
- Bien... »

L'homme avait des cheveux courts et une barbe grise. Ses yeux étaient bleus aciers et il portait un croc de requin autour du cou. Malgré la froideur de son visage, il ne me semblait pas antipathique. Plutôt bienveillant. La pièce principale était un grand salon chaleureux. Une cheminée de pierre trônait sur le côté gauche de la pièce. Les canapés beiges avaient des coussins et des plaids confortables. Une table basse ronde se trouvait au milieu, une bouilloire remplie de thé posée dessus.
Le parquet grinçait légèrement aux pas du chef. Une porte se trouvait au fond de la pièce. Des étagères remplies de livres habillaient les murs. Unroch me regardait d'un air bienveillant.

« Assied toi, je t'en prie.
- Merci, lui répondis-je »
Il s'assit en face de moi et me servit une tasse de thé.
« Alors, explique-moi. Que nous vaux la visite du prince d'Aglia ?
- Je suis ici en mission, en quelque sorte.
- Et quel est cette mission ?
- Je ne suis pas sûr de pouvoir vous le dire... Je préférerais en parler au roi de Cybéria, M'excusais-je
- Je comprends, je comprends. Est-ce qu'il s'est passé quelque chose à Aglia ?
- En quelque sorte, grimaçais je
- Ton père est tombé malade ?
- Non, il est mort.
- Ça alors ! Toutes mes condoléances. »

Le chagrin me frappa de nouveau et une douleur s'installa dans ma gorge.

« Que fais-tu ici si ton père est décédé ? Me demanda doucement Unroch.
- C'est confidentiel. Je dois parler au roi.
- Oui bien sûr. Je t'accompagnerai demain pour le voir » Voyant qu'un silence pesant s'installait, il reprit : « Que dirais-tu de visiter notre repaire ? J'ai entendu dire que tu avais fait la connaissance de Théo. Quel est ta première impression de lui ?
- Euh et bien je le trouve un peu arrogant. Et froid.
- C'est normal, ria t-il. Il n'aime pas beaucoup les nouveaux. Passe un peu de temps avec lui. Tu verras, malgré son air de loup solitaire, il est adorable. »

J'haussai les épaules. Qu'est-ce que ça pouvait bien me faire ? Ce garçon ne me semblait pas très amical et il ne voulait visiblement pas être ami avec moi.
« Je vais te conduire à ton dortoir. Vous ne serez que deux, ne t'en fais pas, me rassure-t-il en voyant ma mine inquiète. »

Il se leva et abandonna sa tasse vide sur la table. Je finis la mienne d'une traite, laissant le liquide chaud et sucré glisser dans ma gorge. De nouveau dehors, l'air glacial me fit frissonner. Unroch passa par un escalier à l'opposé de celui que j'ai pris pour venir. Je passais devant des centaines de visages curieux. Je me perdais dans la contemplation du lieu et ne remarqua même pas que j'étais arrivé au dortoir. Il ressemblait à toutes les autres cabanes en tout cas. Comment j'allais faire pour me retrouver ?

« Voici ton dortoir pour cette nuit, m'annonce Unroch. Théo partageait cette chambre avec un autre camarade auparavant, mais il a eu... Des petits problèmes. Signale-moi si jamais il aurait un comportement déplacé. »

Je hochais la tête et il referma la porte derrière lui. J'esperais que ce jeune archer ne m'en veuille pas de partager sa chambre... Je me doutais bien que Théo n'était pas un Saint, mais je ne pensais pas qu'il aurait eu des altercations avec ses camarades. Peut-être s'est-il bagarré avec lui ? La pièce était assez petite, tout juste assez large pour accueillir deux lits superposés avec un bureau en dessous. Une grande armoire se trouvait au fond de la pièce et sur le côté gauche, une porte, que je supposais être la salle de bains.

Les murs et le sol étaient fait en bois. C'est assez rustique mais cela donne un aspect chaleureux à la pièce. Un tapis rond et gris est posé au centre. Les murs sont dénués de décoration. Mon colocataire ne doit pas être très créatif et personnel. Dans ma chambre au palais, j'aimais beaucoup remplir mes murs de posters et de photos. Je mettais aussi beaucoup de néons, de LED et de plantes. C'était mon cocon à moi. Ici je commençais à me sentir mal à l'aise. Je déposai mon sac sur le bureau inoccupé et je montai l'échelle du lit. Les draps étaient assez épais et doux. Ils sentaient bon la lavande par ailleurs. Je fouillai la pièce du regard et tomba sur une étagère avec des livres. Que peut bien lire mon étrange coloc' ?

Je redescendis finalement et parcourus du regard les tranches des livres. Certains parlaient de chasse, d'artisanat pour le bois, de couture -ce que j'ai d'abord trouvé surprenant, mais je me suis dit que peut être qu'ils devaient recoudre leurs vêtements seuls-, et j'en ai trouvé un parlant de Cybéria. Ce que je cherchais. Je voulais trouver une carte. A Cybéria, on raconte qu'il y coule une source sacrée, et que quiconque la trouverait pourra y faire un vœu qui sera immédiatement exaucé. Évidemment, cette légende a attiré bon nombre d'amateurs. Mais jamais personne ne l'a trouvée. Cela peut sentir gros le piège cette histoire, mais je voulais tenter ma chance. Qu'avais je à perdre ?

Le bruit de la porte qui claque me fit relever le nez de mon bouquin. Théo me regardait avec dédain. Il finit par prononcer :

« Qu'est ce que tu fous là ?
- Je... Commençais je.
- Nan m'en fous en fait. Dégage de là. »