Chapitre 7: Poursuite


 Les yeux rivés dans ses jumelles, Elewen devait se contenir pour ne pas s'exclamer de joie en voyant les silhouettes qui se dessinaient entre les vagues ondulantes des herbes.

Les créatures élancées devaient faire la taille d'un petit cheval — pas plus d'un mètre quarante au garrot —, et se tenaient sur six pattes taillées pour la course. Leur long cou portait une tête convexe terminée par un court bec rugueux recouvert de vibrisses frémissantes. Tout comme l'hexaptère, ils n'avaient pas d'oreilles externes ni de poils — seulement un cuir écailleux aux couleurs de la terre — et respiraient par des évents situés au bout du museau et derrière les pattes. Une longue queue épaisse et de longs ergots sur les pattes avants terminaient l'étrange portrait des animaux qui broutaient tranquillement à quelques dizaines de mètres de là, ignorant la présence de leurs deux admirateurs secrets malgré leurs trépignements enjoués.

— «Ces plaines sont fortement exposées et riches en plantes, il est donc raisonnable d'y trouver des herbivores grégaires... tu vois ça, Anne?» marmonnait-elle, s'assurant une énième fois que son casque enregistrait bien ce qu'elle voyait et disait. «J'en compte trente-et-un, je crois... non, trente-sept! Il y a des bébés au centre du troupeau!

— Je vais mourir, c'est beaucoup trop mignon,» dit Elliot avec un sourire niais entre deux coups de crayon dans son carnet.

Les jeunes étaient tout juste assez grands pour être remarqués au-dessus de l'herbe et étaient surveillés par un petit groupe d'adultes, qui leur donnaient des coups de museau quand ils s'éloignaient trop lors de leurs batifolages. Après quelques minutes, ces adultes étaient remplacés par d'autres et partaient brouter à leur tour, sans s'éloigner pour autant de la sécurité du troupeau. A la périphérie de la harde, quelques individus isolés ne mangeaient pas: à la place, ils plaquaient leurs pattes avants et intermédiaires contre leur corps et se perchaient sur leurs pattes arrières, leur queue leur servant d'appui supplémentaire pour ne pas tomber. Leur long corps perché vers le ciel, ils scannaient les environs avec leurs yeux perçants liserés de brun.

— «On dirait un suricate, celui-là,» commenta le botaniste en pointant un individu dont la peau avait la couleur du sable. «Ils servent de vigies pour détecter les prédateurs?

— Sûrement. Ce qui veut dire que nous devrions probablement mieux surveiller nos arrières. Tu penses courir plus vite qu'une de ces bestioles?»

Elliot secoua la tête et jeta un regard derrière son épaule après une légère appréhension. Heureusement, rien ne les traquait.

Après des jours à ne s'attaquer qu'aux plantes et aux petites créatures résidant dans les plaines rouges de Sion 97RV, ils avaient enfin décidés de prendre un peu de repos loin des analyses chimiques et anatomiques du laboratoire pour faire de l'observation de terrain sur les espèces plus imposantes de la planète. Il y avait quelque chose d'étrangement passionnant à étudier les animaux de loin, à essayer de comprendre leur fonctionnement sans chercher à les disséquer ou à faire des recherches au fin-fond de leur matériel génétique. La simplicité de n'avoir qu'à prendre un crayon et un carnet, l'exaltation quand on remarquait un nouveau détail dans le comportement qui rendait tout plus évident, la frustration quand un spécimen rare nous filait entre les doigts sans qu'on ait le temps de l'observer... cette xénobiologie, c'était celle qu'Elewen aimait le plus, malgré ses années passées dans les laboratoires de C-XES. Là, elle avait vraiment l'impression d'être pionnière, d'être l'exploratrice intrépide que l'on voyait dans tous les films de science-fiction qu'elle avait adoré quand elle était petite.

Bien sûr, elle savait bien qu'elle n'était pas dans un film. Elle était sur une planète inexplorée, où tout pouvait potentiellement être dangereux. Ils devaient être prudents et pas seulement s'émerveiller du monde autour d'eux, s'ils voulaient survivre ici, à son grand chagrin: elle serait restée là pendant des heures si elle le pouvait. Malheureusement, le ciel était sans nuages et le soleil brûlant arrivait à son zénith: ils allaient rôtir dans leur combinaison s'ils restaient plus longtemps, et la capsule était à quelques minutes de marche de là.

— «Je pense qu'on a assez d'extraits vidéos pour le moment,» dit-elle en rangeant ses notes dans un compartiment de sa combinaison. «Il nous faut juste les voir courir un peu et prendre à manger pour Milo, et je pense qu'on pourra rentrer au vaisseau.

— Tu veux leur faire peur?

— Juste un petit peu, pour voir comment ils réagissent.

— C'est pas un peu dangereux?

— Un peu, mais depuis quand la xénobiologie est-elle une science sûre?»

Elle jeta son stylo par dessus le rocher derrière lequel ils étaient terrés. Les vigies tournèrent immédiatement la tête dans leur direction et poussèrent une salve de cris stridents en contractant leurs évents les uns à la suite des autres. L'appel d'alarme ébranla le troupeau d'un même mouvement mécanique et le groupe détala loin à l'horizon avant même qu'ils n'aient le temps de bien se positionner pour voir la scène. Les animaux gardaient leur organisation serrée et protectrice même dans la fuite, les petits parvenant étonnamment à garder le rythme avec leurs congénères plus expérimentés et développés.

— «Zut, je n'ai eu que la fin,» grommela Elewen en partant chercher son stylo dans les broussailles. «Bon, c'est pas grave, on reviendra un autre jour: ça serait dommage d'effrayer le troupeau de manière permanente. On a déjà de la chance qu'il soit si près du vaisseau après notre atterrissage...»

Elle s'épousseta et regarda dans la direction où les animaux avaient fui, là où les plaines descendaient légèrement pour former une grande vallée luxuriante de végétation dans laquelle ruisselait le torrent d'une grande rivière. Baissant les jumelles de sa visière devant ses yeux, elle put voir les autres créatures qui y broutaient, certaines larges et ornées d'une immense voile dorsale qui traînait au sol quand elle était fermée, et d'autres se tenant sur leurs pattes arrières étrangement longues pour aller grignoter les feuilles des arbres les plus hauts.

Même les plantes étaient intéressantes à regarder, elle devait se l'admettre: les 'feuilles' de certains arbres se drapaient entre les branches comme des voiles de bateau en-dessous desquelles les animaux venaient prendre l'ombre, et d'autres avaient des racines épaisses qui sortaient de terre sur plusieurs mètres, formant des perchoirs improvisés que certains extraterrestres aviens semblaient apprécier. Tout être vivant avait un rôle précis dans cet écosystème, comme un engrenage dans une machine bien huilée. Elle avait beau mourir d'envie de descendre pour aller observer cette vie de plus près, elle savait qu'elle aurait de nombreuses occasions de le faire plus tard, à un moment où les températures seraient plus clémentes.

— «J'ai récupéré quelques acerdomes pour Milo,» dit Elliot en agitant les plantes en question pour attirer son attention. «Il faudrait vraiment qu'on essaie de les cultiver, j'ai pas envie qu'on déracine toutes les plantes de la région-

— Je détecte une entité non identifiée dans votre visuel, madame Walker,» l'interrompit Anne de son ton anormalement plat et neutre. «Pour votre sécurité, je recommande un retour imminent à la capsule EU-70.»

Le jeune homme se stoppa net, les bras figés en une posture qui semblait désagréable à garder longtemps. Elewen pouvait entendre sa respiration s'intensifier dans sa radio encore allumée.

— «C'est quoi?» demanda-t-il. «C'est derrière-moi...?»

Soufflant un bon coup pour calmer son cœur battant, elle se pencha sur le côté pour avoir une meilleure vue sur la créature terrée à quelques mètres de là. Malgré sa taille imposante, il fallait un bon œil pour pouvoir distinguer sa forme écailleuse entre les gerbes, les épines rigides le long de son dos ondulant à chacun de ses mouvements comme le ferait l'herbe au gré du vent. Néanmoins, ses quatre yeux perçants de la couleur du ciel ne pouvaient pas être ignorés alors qu'elle rampait silencieusement dans les broussailles. Ses six pattes musclées étaient massives, mais ce n'était rien face à la vue de ses mâchoires, qui s'écartelèrent en deux comme les mandibules d'un insecte géant pour dévoiler de longs crocs noirs et luisant de bave.
L'animal se figea en la voyant le fixer, le souffle de ses évents s'atténuant jusqu'à devenir totalement silencieux, si bien qu'Elewen ne put qu'entendre le battement du sang contre ses tempes et sa respiration bien trop tremblante à son goût.

— «Elliot. Tu vas faire exactement ce que je te dis de faire, d'accord?»

Elliot sembla vouloir hocher la tête, mais la terreur tendait tous ses muscles et il ne put émettre qu'un bruit étranglé entre deux inspirations paniquées. Elewen commença à se mouvoir avec une lenteur exaspérante, sans quitter des yeux le prédateur qui les fixait sans bouger d'un iota. Elle avait déjà vécu ce genre de situation sur Terre, quand elle était partie seule en randonnée: s'ils excitaient l'instinct de chasse de la créature avant d'être assez loin pour la semer, ils seraient morts avant de pouvoir dire 'ouf'. Elle espérait du plus profond de son cœur que la bête devant elle aurait la décence de penser comme un cougar surpris, et pas comme un extraterrestre deux fois plus gros qu'eux.

— «Viens vers moi, lentement. Quand tu seras à côté de moi, tu vas te retourner vers lui. Doucement.»

Alors que son comparse faisait ce qu'elle demandait en tremblant comme une feuille, l'animal tressaillant au moindre mouvement trop brusque, elle parvint à s'accroupir assez bas pour attraper une pierre qui tenait dans sa main — la moindre distraction pourrait aider en cas de problème —. Elle se releva en écartant les bras en grand au-dessus de sa tête, intimant à Elliot de faire la même chose, dans l'espoir d'être assez menaçante pour que le prédateur rechigne à les attaquer. Si la technique fonctionnait, elle l'ignorait, mais la créature ne semblait pas plus encline à les mettre pièce qu'avant, donc c'était au moins ça de gagné.

— «Ok, maintenant on recule, doucement, et on le quitte pas du regard.

— D'accord... d'accord... ok...»

Leur fuite, bien qu'atrocement lente, semblait être la marche à suivre: tant qu'ils gardaient leur regard rivé sur l'extraterrestre, celui-ci ne passait pas à l'attaque et se contentait de les sonder de ses yeux brûlants à la recherche d'un point faible. Néanmoins, pour chaque dizaine de pas hésitants en arrière qu'ils faisaient, il en faisait deux décisifs en avant et regagnait le terrain perdu. Une pensée éphémère donna des sueurs froides à Elewen: un animal territorial ou effrayé aurait foncé sur eux en grondant, mais aurait abandonné la poursuite dès qu'ils se seraient éloignés comme ils l'avaient fait. Celui-là était silencieux comme la mort et continuait de les traquer inlassablement telle une ombre.

Il était affamé et avait trouvé une proie potable.

Son cœur rata un battement quand elle trébucha sur une racine sèche et s'étala sur le sol avec un bruit lourd, lâchant sa pierre par la même occasion. La créature sembla plus imposante que jamais de cet angle de vue. Les muscles de son dos tremblant d'anticipation face à son instant de faiblesse, elle fit un large bond en avant, révélant ses griffes grandes comme une main d'homme. Mais avant qu'elle ne sente sa combinaison se faire déchirer sous le labour létal de la bête, un cri retentit derrière-elle et la pierre qu'elle avait fait tomber vint frapper le prédateur entre deux de ses yeux, lui arrachant un glapissement surpris et le faisant dévier sur le côté, hésitant.

Elliot lui attrapa le bras et la hissa sur ses pieds avec une aisance qu'elle n'aurait jamais pensé possible pour quelqu'un de sa carrure.

— «Cours, Elewen!» hurla-t-il en jetant une nouvelle pierre, qui atteint l'animal dans l'épaule, cette fois.

Elle fit sans réfléchir une seconde fois, serrant la main d'Elliot comme s'il s'agissait d'une corde de sauvetage. Ils n'eurent à faire que quelques mètres avant de pouvoir entendre les foulées lourdes et atypiques de la créature hexapède derrière-eux: son estomac vide devait peser plus lourd sur la balance que le danger potentiel d'une proie agressive. Elle n'osait pas regarder derrière-elle, de peur que la moindre distraction ne la fasse trébucher de nouveau. Elle ne pouvait que penser à courir, à retourner au vaisseau, à survivre.

La combinaison d'exploration était lourde et encombrante, peu adaptée à la course en somme. Elle pouvait déjà sentir l'épuisement lui échauffer les joues et les jambes, mais elle ne pouvait pas s'arrêter, pas si elle voulait voir un nouveau jour. Une petite voix dans sa tête lui murmura que les plaques de son attirail la protégerait des assauts de la bête; elle ne l'entendit pas sous le tumulte de son cœur et de sa respiration effrénée. La voix criarde d'Elliot et d'Anne grésillaient dans sa radio sans qu'elle ne puisse rien discerner, mais elle pouvait sentir le jeune homme lui tirer le bras pour la mener vers une région plus boisée, où la créature aurait plus de mal à les attraper. Elle comprit le message et sinua entre les arbres du mieux qu'elle pouvait malgré son esprit embrumé par la terreur. Cela devait fonctionner, car elle pouvait distinguer le fracas et la respiration frénétique du prédateur. S'ils continuaient ainsi, il abandonnerait la chasse!
Quelque chose lui happa les jambes et la fit plonger en avant, mais elle réalisa rapidement qu'elle n'avait pas de sol pour se rattraper. Elle hurla alors qu'elle chutait dans le trou qui s'ouvrait sous elle, suivie par Elliot, entraîné par son propre élan.

Un choc lui coupa la respiration et un autre lui fit cogner son front contre la vitre de son casque, y laissant une large fissure et une marque sanguinolente. Elle roula encore plusieurs fois avant de finir sa chute sur le dos et recouverte de poussière. Prenant une inspiration tremblante, elle ouvrit les yeux et vit la créature perchée plusieurs mètres au-dessus d'elle, en train de faire les cent pas autour du gouffre dans lequel elle était tombée. Elle battit furieusement de sa queue fine comme un fouet et poussa un cri perçant avant de disparaître d'un bond, probablement à la recherche d'une proie plus facile à attraper.

Alors que les battements de son cœur et que sa respiration commençaient à se calmer, Elewen entendit le crépitement de sa radio endommagée lui siffler dans l'oreille, accentuant l'affreux mal de tête qui se propageait le long de ses tempes.

— «Ici Anne à monsieur Leroy et madame Walker. M'entendez-vous?»

Le timbre aigu voix de l'IA traduisait une panique presque humaine, si ce n'était pour le grésillement artificiel de ses inspirations.

— «Je t'entends, Anne, mais difficilement,» dit Elewen entre deux souffles. Tournant lentement la tête sur le côté malgré son cou endolori, elle put voir Elliot, qui essayait tant bien que mal de se redresser. «Elliot est là, aussi. Tu nous entends, Elliot?

— ...Oui! Ouf, ma radio n'est pas cassée...» Le jeune homme parvint à s'appuyer sur ses bras et rampa vers elle, le souffle lourd. Son visage blanchit en la voyant. «Tu as une coupure sur le front...!

— Tout va bien, c'est superficiel,» le rassura-t-elle alors qu'il retirait le bris de verre cassé d'une main tremblante. «J'ai juste quelques contusions...» Elle siffla et serra sa main contre son flanc quand il l'aida à se redresser en position assise. «Aïe, j'ai les muscles en compote... mais rien de cassé, je crois. Et toi, ça va?»

La combinaison brune de terre d'Elliot avait été encore plus violentée que la sienne, avec une large ouverture au niveau de son épaule et de son flanc, et quand le jeune homme lui attrapa l'épaule pour l'aider à se mettre debout, elle remarqua qu'il peinait à la soutenir malgré ses meilleurs efforts et que chaque pas le faisait boiter.

— «Je crois que ma jambe a vu de meilleurs jours... heureusement qu'il y avait de la terre pour amortir notre chute, sinon je pense qu'on serait sorti en mille morceaux,» dit-t-il avec un sourire penaud, qui disparut rapidement quand il jeta son regard autour de lui. «Comment est-ce qu'on est censé remonter?

— Je détecte des brèches multiples dans vos combinaisons. Bien que l'atmosphère de Sion 97RV soit respirable, je recommande votre retour imminent à la capsule afin de procéder à une décontamination et une évaluation de vos blessures.»

Le gouffre dans lequel ils étaient tombés semblait avoir été formé par un affaissement de terrain. De nombreux arbres et racines pendaient précairement dans le vide créé au-dessus d'eux, mais rien n'arrivait assez bas pour leur permettre d'escalader la paroi abrupte et friable. Même si ça avait été le cas, Elewen doutait qu'ils seraient parvenus à remonter de cette façon dans leur condition actuelle. C'était un appel à se blesser gravement, voire se tuer.

— «Regarde, Elewen.» Elliot pointa un endroit où le gouffre s'ouvrait vers les profondeurs de la terre. «Une galerie. Tu crois qu'il y a une sortie par là?

— Je pense qu'on a pas vraiment d'autres choix.

— J'ai des difficultés à garder contact avec vos radios,» dit Anne d'une voix de plus en plus hachée et grésillante. «Nous risquons d'être coupés si vous continuez à vous éloigner. Madame Walker, monsieur Leroy, soyez prudents, je vous prie.»

Appuyés l'un sur l'autre pour tenir debout, ils boitèrent vers le tunnel et s'engouffrèrent dans ses profondeurs, leurs pas et leurs souffles résonnant désagréablement dans le lourd silence. La galerie était assez large pour laisser passer quatre personnes côte-à-côte et bien plus haute que nécessaire, si bien que le trajet fut relativement simple, si ce n'était pour la noirceur oppressante. Heureusement pour eux, ils découvrirent que leurs combinaisons étaient équipées de lampes et qu'elles n'avaient pas été trop abîmées par leur chute. Sous la lumière tremblante et pâlotte, Elewen remarqua enfin que le sol et les murs, composés d'une sorte d'alliage d'un bleu si sombre qu'il en était presque noir, étaient étrangement lisses. Elle tendit la main pour toucher les parois et sentit les aspérités qui les recouvraient du bout de ses doigts gantés, telles les sinuosités délibérées d'un serpent. Des gravures.

— «Ce n'est pas un tunnel naturel,» souffla-t-elle, le cœur battant. «Ces murs ont été façonnés et taillés par quelque chose. Ou quelqu'un.»

Ils n'eurent pas à marcher très longtemps avant de passer ce qui semblait avoir été une porte détruite par le passage du temps. Le tunnel s'élargit alors en une immense pièce de forme polygonale, qui aurait pu être encore plus grande si elle n'était pas en grande partie écroulée. Le plafond, s'élevant à plusieurs mètres et soutenu par de grandes colonnes, était en partie effondré, révélant la lumière salvatrice du soleil et recouvrant le sol de terre et de débris rocheux. Herbes, fleurs et arbres rampants avaient saisi l'occasion pour coloniser tout ce qui était un tant soit peu dans la lumière, fissurant les piliers de leurs racines envahissantes et remplaçant les couleurs sombres du souterrain par le tapis rougeoyant de l'extérieur.
Elewen ne parvint pas à calmer son cœur palpitant et un grand sourire étira ses lèvres, ignorant la douleur qui tiraillait chacun de ses muscles et l'essoufflait au moindre pas. Elle vérifia que sa caméra filmait bien ce qu'elle avait devant les yeux.

— «Les êtres qui ont créé cet endroit doivent être au moins aussi avancés technologiquement que nous... c'est une découverte majeure pour l'histoire de l'Humanité! Il faut que tout le monde puisse voir ça!» s'exclama-t-elle avant de faire un pas précipité vers l'avant, emportant Elliot avec elle.

— «Doucement, tu vas trop vite...!

Elle boitilla aussi vite qu'elle le pouvait au centre de la chambre, qui était légèrement surélevée par rapport au reste de la pièce, et s'arrêta devant la structure vaguement rectangulaire qui trônait en plein milieu. Deux fois plus longue qu'Elewen n'était grande et fabriquée dans le même alliage sombre et sans imperfection que le reste de la chambre, elle sonna creux quand elle tapa dessus. La partie supérieure, bien qu'elle fusse recouverte par la terre, semblait faite d'une paroi épaisse de verre, laissant entrapercevoir l'éclat faible d'une lumière à l'intérieur.

— «Qu'est-ce que c'est, une boîte?» demanda Elliot en approchant. «Est-ce que c'est censé contenir quelque chose...?»

La caisse était horriblement simple comparée au reste de la pièce gravée, ayant l'empiétement progressif des végétaux comme unique décoration. Et pourtant, malgré la beauté froide et mystérieuse de la chambre autour d'elle, Elewen se retrouva dans l'impossibilité de quitter le caisson des yeux, la bouche entrouverte en une exclamation perdue.

Car quand elle se pencha dessus et écarta la crasse d'un coup de sa main, elle remarqua que quelque chose bougeait à l'intérieur de la boîte.

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