Chapitre 2 : Évaluation
Elliot n'avait pas été formé pour ce genre de situations. Honnêtement parlant, il avait probablement séché le cours en question sans le savoir, pensant innocemment que cela aurait peu de conséquences sur son cursus — après tout, les crashs de vaisseau n'arrivaient que dans les films d'action —. Pour une fois, il avait eu tort, et jamais il n'avait eu autant envie de se fracasser le crâne contre un mur que maintenant.
Il fixa ses pieds pendant ce qui lui parut être une éternité: il n'avait plus le courage de regarder le vide intersidéral par la fenêtre du sas. L'idée d'être seul au monde faisait trembler ses mains de terreur, et un autre regard vers l'espace risquerait de le faire fondre en larmes, quelque chose qui n'arrangerait probablement pas la situation actuelle. Il leva les yeux vers la jeune femme en face de lui: elle n'avait pas dit un seul mot depuis le décollage, se contentant de garder son regard dans le vide en frissonnant. Elliot ne savait pas quoi faire: devait-il dire quelque chose pour la rassurer, se présenter pour désamorcer la pression, peut-être? Il était mort de trouille, et il craignait qu'un commentaire de sa part n'empire l'état de choc de sa comparse scientifique. Alors, la gorge nouée, il ne dit rien.
Les tremblements de la femme finirent par se calmer et elle tomba dans un sommeil lourd, la ventilation faisant ondoyer les sombres mèches bouclées sur son visage brun foncé et constellé de tâches de rousseur. Ses yeux fermés étaient humides et ses lèvres tremblaient, comme pour énoncer une prière inaudible. La vue le rassura presque: au moins n'aurait-elle pas à ruminer plus longtemps ses propres pensées. Son regard se posa sur sa propre jambe droite, qui remuait incessamment de haut en bas, et il ne put s'empêcher de soupirer. Apparemment, lui n'aurait pas le droit à cette chance: après le pic d'adrénaline de tout à l'heure, le sommeil n'était qu'un rêve lointain pour lui. Ne supportant pas l'atmosphère pesante du silence, ses doigts commencèrent à jouer avec les sangles de son siège, jusqu'à ce qu'elles soient toutes détachées. Il se leva, puis après avoir testé la stabilité de la navette, s'étira de tout son long avec un soupir. S'il ne pouvait pas dormir, au moins pouvait-il essayer de faire les cents pas pour se changer les idées.
Il en fut à son douzième aller-retour à observer la peinture de la coque quand son regard se posa sur le panneau de contrôle de la capsule, où plusieurs voyants jaunes clignotaient régulièrement. Il appuya sur le plus gros, celui avec le symbole communément utilisé pour les assistances numériques, et une dizaine d'écrans de chargements apparurent soudainement devant ses yeux. L'attente fut néanmoins rapide, et une sphère transparente fendue au centre par une ligne horizontale apparut sur les écrans. Elliot manqua de sauter au plafond quand une voix, féminine et synthétique, grésilla soudainement depuis l'interphone au-dessus du panneau.
— «Bonjour, Elliot Leroy.» La ligne horizontale sur l'écran s'étendait pour former un spectre sonore à chaque mot, telle une sorte de bouche virtuelle. «Je suis l'Assistance Neuroartificielle à la Navigation et à l'Exploration, et je vais vous accompagner durant toute la durée de votre excursion.
— A.N.N.E. ... l'intelligence artificielle de l'Icarus?
— Appelez-moi Anne, je vous prie.
— Que fais-tu ici? Ne devrais-tu pas être dans le vaisseau?
— Mon protocole d'urgence m'ordonne de transférer une copie de mes programmes et de ma mémoire à toutes les capsules de sauvetage si l'intégrité de l'Icarus venait à être compromise, afin d'assurer ma propre survie et d'aider les rescapés à naviguer vers un endroit plus sûr le temps que des secours arrivent.
— Je vois... peux-tu me faire un rapport complet de la situation, dans ce cas?
— Un défaut non corrigé de la propulsion PRL a fait rentrer l'ISS Icarus dans un champ de météorites. La collision avec les débris a provoqué des dégâts irréversibles au niveau du cockpit, provoquant une dépressurisation immédiate. Pilote Sanders et copilote Ejiri morts sur le coup.» Elliot jura que la voix d'Anne se fit plus hésitante quand elle énonça ces noms, et un blanc s'installa avant qu'elle ne reprenne son rapport. «Mon code ne m'autorise pas à prendre le contrôle direct d'un vaisseau sans l'autorisation explicite d'un supérieur. Il m'a fallu deux minutes, trente-deux secondes pour que je parvienne à relayer l'information à la commandante Lawrence et qu'elle accepte ma requête.
«Malgré mes efforts, le vaisseau n'a pas pu éviter le reste des débris et a subi des dégâts irréparables au niveau de l'aile ouest. Activation des protocoles d'évacuation et envoi d'un message d'urgence en direction de la Terre cinq minutes et trois secondes après le début de l'incident. Sur les trois-cent cinquante employés à bord de l'Icarus, deux-cent quatre-vingt dix-huit ont été enregistrés dans une capsule de sauvetage. L'explosion localisée de certaines régions du vaisseau a sévèrement compromis l'intégrité de quatre navettes peu après leur éjection. Nombre de survivants ré-estimé à deux-cent soixante dix-huit personnes, soit un taux de survie de 79,4285714%. Commandante Lawrence impossible à contacter.
— La vache...» Elliot jeta un regard anxieux vers la fenêtre de la navette avant de retourner son attention vers l'écran animé. «Où sommes-nous, exactement?
— Votre capsule fut la dernière à être éjectée avant l'extinction totale des propulseurs de l'ISS Icarus: nous sommes probablement dans la périphérie de la nébuleuse Nemesis, à présent.» Une carte de la Voie Lactée apparut sur un écran annexe, zoomant rapidement sur le bras d'Orion-Cygnus jusqu'à une zone cerclée de pointillés dans la nébuleuse en question. «Les environs sont encombrés de débris et mes scanners ne fonctionnent pas de manière optimale dans les nébuleuses. Il serait plus sûr de quitter les environs avant de malencontreusement percuter quelque chose. En prenant en compte la vitesse d'éjection de la navette et les autres forces rencontrées, je peux estimer avec une certitude de 91% le système le plus proche. Souhaitez-vous que j'oriente la capsule dans cette direction?
— Je, euh... ouais, pourquoi pas.» Le ronronnement des propulseurs s'intensifia à ses mots, et il dut s'appuyer sur le panneau de contrôle pour ne pas perdre l'équilibre. «Combien de temps nous faudra-t-il pour atteindre le système?
— Si aucun problème ne vient à être rencontré et que le fonctionnement des systèmes non-essentiels est gardé au minimum pendant tout le trajet ... deux mois.
— Deux mois?!»
Elliot avala sa salive de travers et fut pris d'une douloureuse quinte de toux. Ses mains moites serrèrent la rambarde du panneau de contrôle si fort qu'elles blanchirent. Il n'avait vu aucun compartiment de stockage en rentrant dans la navette, aucun aménagement de confort non plus: comment étaient-ils censés survivre deux mois dans un espace aussi exigu sans nourriture, sans couchette où dormir et sans aucun moyen de se distraire? Autant qu'ils ouvrent directement le sas, si c'était pour mourir de faim, de soif ou d'ennui.
— «Ne craigniez rien, monsieur Leroy. Cette capsule de secours a été spécialement conçue avec la possibilité de longs trajets à l'esprit, et contient tous les aménagements nécessaires pour une survie optimale de son équipage. Observez.»
A ces mots, un nouveau voyant éclaira le clavier du panneau de contrôle, indiquant 'VERROUILLAGE DES CHAMBRES ANNEXES'. Elliot s'empressa d'appuyer dessus: un tremblement presque imperceptible ébranla toute la navette et deux cloisons, situées de part-et-d'autre de la partie centrale du vaisseau, s'ouvrirent avec le sifflement caractéristique des portes pressurisées. Étonnamment, la jeune femme endormie sur le siège ne remua même pas un sourcil, bien que le courant d'air provoqué par l'ouverture remua les courtes boucles brunes sur son front.
— «Hé bien, tu as vraiment le sommeil lourd,» murmura-t-il, amusé.
Il suivit les voyants lumineux d'Anne et s'engouffra dans la pièce de gauche, dévoilant ce qui lui sembla être une copie miniature des laboratoires de l'Icarus, sans le désordre habituel. Les paillasses étaient fermement vissées au sol et impeccables, pas même une trace de marqueur indélébile laissée par quelqu'un qui ne savait pas lire les étiquettes. Le matériel et la verrerie étaient soigneusement stockés dans d'énormes boîtes rembourrées de mousse et attachées aux murs par d'épaisses sangles. Les frigos étaient, bien heureusement, débarrassés de tout repas et de matière organique en décomposition.
Cette absence de chaos le laissait amer: il avait toujours secrètement admiré le bazar que lui et ses comparses avaient laissé dans l'Icarus, car il laissait deviner les innombrables souvenirs qu'ils y avaient forgé. Souvenirs qu'il ne trouverait plus ici, entre ces murs froids et impersonnels sans aucun écriteau, sans aucune tâche d'acide, sans aucune note clairsemant les murs.
— «Cette pièce est équipée d'une partie du matériel trouvé communément dans l'ISS Icarus,» lui expliqua Anne. «Elle vous permettra de continuer vos recherches dans la possibilité que nous atterrissions sur une planète explorable en EVA.
— Attends.» Elliot fronça les sourcils et tourna son regard circonspect vers l'avatar de l'IA, qui avait migré vers le panneau de contrôle juste derrière-lui. «L'Icarus a explosé, et C-XES s'attend qu'on continue de travailler?
— Les clauses de votre contrat indiquent explicitement que vos devoirs d'employé ne sont pas révoqués tant que vous n'avez pas servi le temps de travail indiqué dans le contrat, même en cas de destruction totale de l'ISS Icarus. Vous avez signé un contrat de dix ans de travail actif. En enlevant le temps où vous êtes resté en cryo, il vous reste exactement six ans, deux-cent dix jours de travail avant de pouvoir considérer votre contrat comme clos.»
Voyant qu'Elliot la fixait avec de grands yeux, l'IA continua avec un ton moins formel, comme si la révélation la gênait autant qu'elle le gênait lui:
— «Bien sûr, les psychologues de C-XES ont aussi démontré que la présence d'un environnement familier dans les capsules de secours aiderait les scientifiques à se sentir chez-eux. Aucune dépense n'a été omise afin d'assurer votre bien-être pendant toute la durée de ce projet.
— Je vois...» murmura Elliot, peu convaincu.
— «Mon code me demande également de vous rappeler que l'utilisation de matériel dangereux ne peut se faire que sous mon autorisation explicite en tant que représentante de la commandante Lawrence, et que la création de composés psychotropes et d'explosifs artisanaux est formellement interdite dans l'enceinte d'un vaisseau de C-XES.
— ... J'avais pas l'intention de faire ça, mais maintenant je suis curieux.
— Oubliez ce que j'ai dit, monsieur Leroy.»
L'IA le guida vers une pièce exiguë à côté de la chambre de stockage, tout juste assez grande pour les cinq caissons de cryogénisation qui s'y trouvaient et toute la machinerie qui les gardait en bon fonctionnement. Elliot ne put s'empêcher de pousser un soupir de soulagement: au moins n'auraient-ils pas à attendre deux véritables mois avant d'atteindre un système plus sûr. Il ne savait pas s'il aurait eu assez de sujets de conversation pour durer tout le trajet.
— «J'ai déjà pris l'initiative de démarrer les processus d'initialisation des caissons: vous pourrez entrer en sommeil cryogénique dans une vingtaine de minutes. Je vous prierez jusque-là de rester à jeun et d'éviter de vous agiter inutilement, afin de limiter les désagréments lors votre prochaine décongélation.» L'IA se tut un moment, comme si quelque chose l'avait déconcentrée. «Votre comparse est en train de se réveiller. Je recommande d'aller la voir et de vous présenter: une interaction sociale régulière avec un membre de sa propre espèce diminue les chances de maladies cardiovasculaires liées au stress de 34% et les risques de neuropathies sévères de 56%. De plus, la formation rapide d'un lien fort est essentielle pour la bonne coordination d'une équipe en situation d'urgence.
— Merci du conseil... je suppose.
— Je ne fais que mon travail. N'hésitez pas à m'appeler en cas de problème.»
Quand il retourna dans la pièce centrale de la capsule, il vit que la jeune femme était bien réveillée et détachait ses sangles avec une lenteur appliquée. Ses yeux étaient brun chocolat, son nez droit et ses lèvres fines. Le tout était encadré par un visage plutôt anguleux et des sourcils droits, dont la position naturelle semblait être celle du froncement perpétuel; les rides du lion pouvaient déjà se lire sur ses traits tirés.
— «Euh... salut,» dit Elliot avant de poser son regard sur le sol près de ses pieds. «J'espère que t'as bien dormi.
— Pas vraiment,» répondit-elle simplement en s'étirant longuement, agitant ses cheveux bruns et bouclés. «Je crois que je me suis fait un torticolis.
— Ah. Euh...» Il tendit la main vers elle avec un sourire timide. «Je m'appelle Elliot, Elliot Leroy. J'habitais sur Mars avant d'être embauché par C-XES. Je travaille dans le département de botanique. Pas la xénobotanique, la botanique tout court, département génétique appliquée et agronomie: en gros, je détermine quelles plantes sont les plus propices à être plantées sur certaines planètes et je crée des variétés résistantes aux conditions extrêmes pour faciliter l'introduction de futurs colons.»
Elle considéra silencieusement son geste avec des yeux petits de fatigue, assez longtemps pour qu'Elliot, commence à se dandiner nerveusement sur ses pieds. Heureusement pour lui, elle finit par prendre sa main dans la sienne et lui donna une secousse peu énergique.
— «Elewen Walker, terrienne. J'étais au département de xénobiologie.
— Ah! J'avais jamais vu quelqu'un de ce département.» Il se frotta l'arrière de la nuque, embarrassé. «Soit l'Icarus est trop grand, soit vous êtes vraiment pas beaucoup.
— Disons que nous sommes plus un sous-groupe qu'un département à part entière... on était quoi, dix? Vingt à tout casser, si on compte les microbiologistes et les botanistes qui ont fait une thèse de xéno...?
— C'est compréhensible: vous êtes les pionniers dans votre domaine...» Ne sachant pas quoi rajouter à la conversation, il réitéra la poignée de main, plus vivement, et retira sa main. «En tout cas, je suis enchanté de faire ta connaissance. J'espère que cette petite... aventure nous donnera l'occasion de devenir bons amis.
— Hm hm.»
La voix d'Elewen était distincte, calme et professionnelle comparée à la sienne. Un peu trop froide, mais il ne pouvait pas vraiment la blâmer, vu la situation où ils se trouvaient. De toute façon, il avait l'habitude de travailler avec des gens peu bavards. Généralement, il suffisait de quelques discussions à sens unique pour les faire sortir de leur coquille et découvrir une toute nouvelle personne cachée juste en dessous. Mais ça, c'était dans un environnement contrôlé, où leur survie n'était pas potentiellement en péril et où il n'était pas le seul clampin à tenter d'arracher un sourire au loup solitaire de l'équipe.
Il ne savait pas s'il survivrait le voyage si la jeune femme restait fermée à ses conversations. Une pensée le fit frissonner: et si elle finissait par le trouver insupportable ou collant? Ça serait une catastrophe, surtout qu'ils n'étaient que deux dans la capsule. Peut-être devrait-il éviter de faire la parlote pour rien...
— «Ça... ça va?» En levant les yeux, il vit que la jeune femme avait les sourcils froncés d'inquiétude. «J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas?
— N-Non, pas du tout! C'est juste que tu es, euh... je suis...» Elliot pouvait sentir ses joues commencer à s'échauffer et il leva les mains vers son visage pour tenter de le cacher — probablement en vain, s'il en jugeait par l'expression d'Elewen —. «Oublie ce que j'ai dit, c'est stupide. Désolé.
— Tu n'as pas à t'excuser, surtout si c'est moi qui t'ai contrarié.
— Tu ne m'as pas contrarié, je suis juste...!» Il se frotta le visage avec un soupir frustré. «C'est la pire présentation que j'ai faite de ma vie. J'ai besoin d'un verre d'eau.
— Vous trouverez des poches d'eau dans le frigidaire du séjour,» dit Anne dans un élan salvateur.
Elliot saisit l'opportunité d'éviter un silence gênant et se laissa guider par les voyants de l'IA, Elewen sur ses talons. Il retint tout juste une exclamation de surprise quand il fut accueilli par une grande pièce à vivre. L'entrée donnait directement sur un long canapé brun et une table basse, orientés vers une fenêtre qui s'étendait sur toute la longueur du mur — bien qu'une épaisse cloison de métal en bloque la vue pour le moment —. A sa droite se trouvait une cuisine avec plusieurs plans de travail, des placards contenant de la vaisselle en plastique et en métal, ainsi qu'un frigidaire similaire à celui du laboratoire.
Enfin, derrière une autre porte, il trouva la chambre à coucher: cinq lits simples séparés par des tables de nuit prenaient la moitié de la place, le reste de la pièce n'étant occupé que par des étagères et de la moquette. La peinture beige clair et marron terre d'ombre apportait la touche finale et donnait aux lieux une ambiance chaude, presque douillette si ce n'était pour l'odeur insistante de produits de nettoyage et la climatisation qui gardait la température à un net dix-neuf degrés. Pour des raisons évidentes de sécurité, tout était fermement vissé au sol ou aux murs par d'épaisses plaques de métal.
— «J'aurais tué pour avoir un appart' pareil pendant que je faisais mon doctorat,» souffla Elewen, abasourdie.
— «Heureux de savoir qu'on est sur la même longueur d'onde,» répliqua Elliot en se servant un gobelet d'eau au frigo.
— «L'aile résidentielle contient tous les aménagements nécessaires pour un séjour prolongé sans ravitaillement,» énonça Anne avec le ton d'un agent immobilier qui avait préparé la visite à l'avance. «Les douches et toilettes sont communes et à usage limité, je vous prierai donc de nettoyer derrière vous à chaque passage. Des pyjamas et des habits de rechange sont disponibles dans les commodes, et les réserves de nourriture se trouvent dans le cellier de la cuisine.
«Enfin, un catalogue de films, séries, émissions, livres, bandes-dessinées et autres types de divertissements de tous les âges est disponible en libre accès dans ma base de données. Je possède également plusieurs téraoctets de musiques et chansons diverses que vous pouvez écouter à votre discrétion. Je vous prierai néanmoins de ne pas importuner vos compagnons de voyage avec un volume sonore élevé.
— C'est bon à savoir. Au moins, on ne mourra pas d'ennui,» commenta Elewen.
— «Vous sous-estimez mes capacités à faire de la parlotte, madame Walker. Mes bases de données contiennent plus de trois-cent mille moyens d'engager une conversation pertinente et instructive.» L'IA s'interrompit l'espace d'un instant, son avatar affichant un court temps de chargement avant de reprendre. «Les caissons de cryogénisation sont prêts à l'utilisation. Veuillez terminer vos occupations actuelles et vous préparer à la congélation.»
Elliot se hâta de terminer son verre et accompagna Elewen vers la salle de cryo, profitant du trajet pour lui expliquer ce qu'Anne lui avait dit pendant son sommeil, ce qu'elle accepta avec une mine pensive.
Après ses nombreuses séances de cryogénisation dans l'Icarus, il avait finit par apprendre le protocole de congélation par cœur et savait l'appliquer en conséquence: même le fait de s'enfoncer l'aiguille de l'intraveineuse sans l'aide d'un auxiliaire médical ne l'effrayait plus, si bien qu'il fût prêt bien avant Elewen, qui prenait son temps pour se déshabiller et se désinfecter. Elle lui fit signe du menton alors que ses mains gardaient son vêtement contre sa poitrine, dénudée si ce n'était pour son soutien-gorge. Elliot détourna poliment le regard et ferma son caisson pour lui laisser un peu d'intimité.
— Est-ce vraiment sûr de laisser le vaisseau voler sans la surveillance d'un humain?» demanda-t-elle à l'IA.
— «Ne craigniez rien, madame Walker. Le système de navigation de cette navette a été conçu pour un équipage de faible effectif. Tant que les systèmes non-vitaux restent hors-ligne, mes processeurs devraient être à la hauteur de la tâche même sans l'aide d'un copilote. Je vous promets que votre prochain réveil sera plus doux que celui de l'ISS Icarus.
— Disons que c'est difficile de faire pire,» soupira-t-elle en s'allongeant enfin dans son caisson.
— «Votre pessimisme est décourageant et risque d'affecter le moral de l'équipage, madame Walker. J'espère que vous serez de meilleure compagnie quand vous vous réveillerez. Injection des anesthésiants et des composés de congélation.
— Ma pauvre, tu m'as pas vue avant mon café.
— Je note: injection de cent-cinquante milligrammes de caféine dans l'intraveineuse d'Elewen Walker avant sa décongélation. Bonne nuit, madame.»
Au moins, contrairement à eux deux, l'IA prenait la situation avec une pointe de rigolade.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top