"Rival !"

Kakashi cligna des yeux plusieurs fois pour s'assurer que c'était bien lui que Gai appelait. Il était un peu plus loin dans le couloir et agitait les bras en l'air alors qu'il le regardait. La rougeur prit vie sur ses joues alors que tout le monde les regardaient. Quelle idée de l'appeler à travers le couloir...

Il soupira sans bouger de sa place assise. Le brun accourait littéralement à lui.

"J'ai eu un treize en histoire ! Cria-t-il.

-Et moi, dix-sept et demi," répondit Kakashi en haussant les épaules.

Il aurait pu avoir plus mais il ne voulait pas que tout le monde voit ses facilités. Il préférait largement "oublier" quelques mots-clefs pour éviter les questions.

Le grand brun perdit son enthousiasme et souffla. C'était la deuxième fois que Kakashi le battait lors d'un devoir surveillé. Même s'il ne le montrait pas, ce dernier était amusé. Ils n'avaient eu que deux notes depuis qu'il lui avait proposé cette petite compétition et il adorait le visage décomposé du brun.

Au loin, il pouvait voir Obito avec tout son groupe d'amis. Il souriait comme s'il venait de rire mais gardait les yeux rivés vers eux. Kakashi soupçonnait qu'il était curieux de leurs résultats. Lui aussi, parfois, lui en faisait part. Ils révisaient ensemble, il pouvait ainsi savoir s'il lui donnait de bonnes méthodes et elles avaient l'air de payer. La dernière note que le Uchiha a obtenue était au dessus de la moyenne.

Inutile de dire qu'Obito était aussi joyeux qu'un enfant devant ses cadeaux de Noël en lui disant. Rin lui avait parlé en début de semaine durant leurs heures de travaux pratiques des problèmes qu'il avait à se concentrer et ne comprenait pas comment il avait réussi à lui faire retenir le cours. Le gris n'avait pas envie de parler de cela avec elle alors il l'avait gentiment faite dériver vers un autre sujet.

Elle n'était pas méchante mais les habitudes avaient du mal à le quitter. Il aimait encore ses petits moments de solitude. Ce serait peut-être différent si Obito ou Gai étaient en cours avec lui. Il n'osait pas accepter la compagnie des autres, certainement parce qu'il les verrait davantage et qu'il serait plus facile pour eux d'en apprendre plus sur lui.

Avec les deux grands bruns, comme il les voyait à peine une fois par jour, c'était plus simple de ne pas avoir à parler de soi.

"Si je me souviens bien, vous allez récupérer vos copies en français ?"

Kakashi cligna des yeux sur Gai. Il avait complètement oublié les dissertation et rédaction qu'ils avaient eu à rendre peu de temps après la rentrée. Son professeur était exigeant avec eux mais mettait de longues semaines à les corriger. C'était tellement long qu'il l'avait oublié, alors qu'ils le voyaient plusieurs fois dans la semaine.

"C'est ce qu'il nous a dit hier. Et vous ?

-On les aura juste avant. J'espère bien te battre cette fois !"

Le gris sourit malgré lui au garçon. C'était anormal d'avoir autant d'énergie. Lui, au contraire, avait seulement hâte de retrouver son lit. Le week-end commençait enfin ce soir et à part des devoirs, il n'avait pas grand chose à faire. Danzo arrivait au bout de ses idées, il avait passé l'été à lui demander des tâches complètement incongrues et comme tout était propre, il n'y avait plus rien à faire.

Il allait enfin pouvoir se reposer.

Il attendait ça avec impatience. Son être entier était tendu par la fatigue et l'appréhension. Il avait sport cet après-midi et allait assister pour la première fois au cours complet. Il priait pour qu'on ne le force pas à pratiquer ou, au moins, se changer. Montrer son corps était la principale raison pour laquelle il était dispensé.

De plus, il n'avait pas d'affaires de sport et se sentait davantage malade à l'idée de porter des vêtements sales déjà portés plusieurs fois. Il ne manquerait plus que ce soient un short et un T-shirt et ce serait le pompon.

Son niveau de stress état plus élevé que lorsqu'il passait un oral et dieu savait qu'il détestait ça. Il se sentait plus pâle que d'habitude depuis qu'il avait quitté la maison. Tout le monde était si détendu, seules quelques filles appréhendaient aussi ces heures de sport. Sauf qu'elles avaient une bonne raison.

Lui aussi, il en avait mais il ne pouvait pas en parler. Comme les autres n'étaient pas au courant, il n'avait aucune raison de s'inquiéter. Il passait encore pour le garçon bizarre de la classe.

Il soupira alors qu'il se levait pour entrer en classe. Ce n'était pas comme si c'était la première fois que ça lui arrivait.

*

Ce midi là, Kakashi avait réussi à presque oublier les heures de sport qui arrivaient à grande vitesse. Il tenait fermement ses copies de français dans les mains, incapable d'en détourner son attention. Heureusement, il ne voyait pas Obito le vendredi midi. Il ne pouvait se concentrer sur rien d'autre de toute façon, l'aider à réviser aurait été impossible.

Il avait eu de bonnes notes, il n'était pas surpris par ça. Il avait dépassé la moyenne de classe haut la main. Non, ce qui le perturbait, c'était le commentaire de son professeur, le pervers Jiraya, comme ils l'appelaient.

Il lui avait tendu ses copies avec un sourire doux et sincère, comme il en voyait rarement, il avait même pris quelques unes de ses citations pour la correction orale sans mentionner son nom.

Dans la cartouche, il ne lui avait écrit que des encouragements pour continuer de la sorte. Alors Kakashi l'avait observé durant toute l'heure, presque fasciné par le personnage. C'était le premier professeur à ne pas juste réagir à ses résultats ou son apparence. Quand il le regardait ou lui parlait, ça semblait tellement sincère et chaleureux qu'il sentait quelque chose se réchauffer dans sa poitrine, comme quand il parlait avec Obito.

Il ne s'était pas du tout inquiété de son cas quand il lui avait demandé de rester à la fin du cours. De ce fait, il était maintenant là, assis à sa place en lisant les remarques constructives dans les copies.

"Tu m'as épaté sur ce coup, Kakashi."

Le-dit garçon leva les yeux sur le professeur à côté de lui. Il souriait toujours mais d'une façon plus tendre.

"Cela fait un moment que je n'ai pas lu une copie si constructive, au moins pour les secondes, il continua. Est-ce que tu en as fait avant ?"

Le gris secoua négativement la tête avec surprise. Il s'était aidé du cours pour former le plan mais n'avait utilisé que ce qu'il leur avait donné et quelques exemples qu'il avait déjà lus pour l'aspect personnel du travail. Etant donné que ce n'était pas juste un devoir où il fallait recracher ses cours, il ne s'attendait pas à avoir de tels résultats.

Jiraya rayonnait à côté de lui alors qu'il relisait certains passages de sa rédaction.

"Outre la dissertation, je trouve que tu as aussi beaucoup d'imagination ! En comptant le fait que tu écrives convenablement, sans faute à chaque phrase, je dois avouer que c'est très agréable à lire !"

Kakashi rougissait sous le flot soudain de compliments. Il n'en avait jamais reçu autant en si peu de temps. Pour être honnête, cela faisait un moment qu'il n'en avait pas reçu.

L'adulte continuait à le féliciter et l'encourager jusqu'à ce qu'il le relâche enfin, après plus d'une demie heure, se pliant d'excuses pour l'avoir retenu aussi longtemps. C'était la première fois que Kakashi se sentait si joyeux après un cours depuis que son père était parti.

Il tenait fermement la petite liste de livre que Jiraya lui avait donnée. C'était ses œuvres, un peu matures apparemment, mais il pensait qu'il serait capable de les comprendre facilement. Il attendait aussi qu'il lui dise ce qu'il en pensait avec impatience. Il ne savait pas pourquoi il lui faisait autant confiance puisqu'il avait avoué ne jamais en avoir parlé à aucun élève sauf exception mais il prendrait sa tâche à cœur et irait à la bibliothèque dès que possible.

C'est avec un léger sourire qu'il déambula dans les couloirs le reste de la pause déjeuner. Il lui avait aussi proposé d'écrire quelques histoires et de les faire lire pour voir s'il aimerait en écrire davantage. C'était étrange de voir son professeur autant enthousiaste pour une simple rédaction. Peut-être qu'il ne réussirait pas les autres. Au collège, il avait de bonnes notes parce qu'il lisait beaucoup et que le niveau était plus bas.

Il se promit d'essayer. Cela ne coûtait rien, même si personne ne les lirait, ça lui ferait passer le temps, les week-ends où il n'avait plus de livres.

*

Techniquement, Kakashi aurait pu se détendre. Non, il aurait dû se détendre. Il était actuellement assis sur un vieux petit banc en bois, dans le gymnase, à tous les regarder escalader le grand mur. Le professeur de sport, après une longue discussion où il le faisait passer pour un idiot fini, avait finalement cédé et ne lui avait demander que de s'occuper de sortir le matériel pendant que les autres s'échauffaient.

Maintenant, il les regardait. Ils étaient par petits groupes de trois, un qui monte, un qui l'assure et le dernier qui observe le tout pour la sécurité. Une pauvre fille avait absolument peur de monter ne serait-ce qu'à un mètre du sol et le professeur lui hurlait presque dessus. La pauvre, elle était au bord des larmes. Il tremblait rien qu'en la voyant trembler aussi.

Mais ce n'était pas ce qui le perturbait le plus. Non, non.

Ce qui était le plus perturbant, c'était de voir Obito dans de légers vêtements, se balancer d'une prise à l'autre en riant. Kakashi ne savait pas qu'ils étaient dans le même groupe, le brun non plus d'ailleurs, il avait été surpris en le voyant. Cependant, il ne lui avait pas adressé la parole et ne le regardait pas. Il se contentait de rire avec ses amis et de prendre les couloirs les plus compliqués.

Son cœur faillit s'arrêter en le voyant sauter littéralement, c'est-à-dire sans se tenir au mur, pour atteindre une prise trop haute. Tout le monde applaudissait alors qu'il restait figé sur le banc. Il était heureux de ne pas pouvoir pratiquer, il n'oserait jamais faire une telle chose.

Voilà pourquoi il se tenait à l'écart, aussi tendu qu'au petit matin.

"Bien, c'est fini pour aujourd'hui, intervint le vieux prof, vous allez pouvoir y aller. N'oubliez pas que la première évaluation se fera dans moins de trois séances ! Et rangez bien le matériel !"

Les élèves étaient déjà en train de relever les matelas et de se débarrasser de leurs baudriers avant qu'il ait terminé. Kakashi était raide près de l'ouverture qui menait au couloir des vestiaires. Plus vite il partirait, plus vite il s'éloignerait des gens et rentrerait chez lui.

Malgré l'envie, il ne se retourna pas pour avoir un dernier aperçu d'Obito avant le week-end.

Il ne traînait pas sur la route, Danzo était déjà de mauvaise humeur le matin même. Son ventre gargouillait au moment où il passa la porte et il dut se tenir au mur alors que sa vision se troublait. Plus il grandissait, moins il supportait le manque de nourriture dans la journée. Il était encore en pleine croissance et avec les hormones, son corps réclamait plus d'aliments qu'avant. C'était déjà un miracle qu'il n'ait pas eu de problèmes aux articulations encore.

Il se redressa quand Fû arriva soudainement de l'étage et le regardait de haut en bas. Il s'empressa de se déchausser pour ne rien laisser paraître et grimpa les marches deux par deux pour vite rejoindre sa chambre. Il n'avait absolument pas envie que les autres lui tombent dessus maintenant. Il se laissa tomber sur le lit dur et ferma les yeux un instant.

Il n'avait rien fait de sa journée, il ne faisait presque jamais rien, et il se sentait toujours si fatigué. Gai faisait beaucoup de sport, Obito aussi et il sortait avec ses amis. Ils n'avaient jamais l'air épuisés comme il l'était. Il avait juste une tête de cadavre.

Il passa une main tremblante sous son œil et soupira en sentant la boursouflure. Les poches violettes étaient vraiment laides. Ça allait parfaitement avec son teint gris et ses joues creuses.

En bas, Fû l'appela vivement, répétant son nom jusqu'à ce qu'il lui réponde. Le gris se retint de gémir et descendit de nouveau. Danzo dormait dans le salon tandis que le brun grignotait dans la cuisine. Apparemment, il n'avait pas prévu de sortir, ce soir.

"J'ai envie de crêpes, il lui dit sans le regarder, faisais-en pour ce soir."

Avec ça, le plus vieil adolescent quitta la pièce. Kakashi souriait malgré tout. Il aimait faire des crêpes parce que ça lui rappelait son enfance, quand son père en faisait les soirs d'hiver. De plus, il pouvait facilement en manger pendant qu'il les faisait. Son estomac gronda encore rien qu'à l'idée.

Il s'empressa de dépoussiérer les meubles de la maison et de balayer avant de se mettre au fourneaux. Ce soir là, il s'était couché de bonne heure et le ventre plein. Ses hématomes presque complètement disparus, il se laissait dériver tranquillement vers l'inconscience.

À son réveil, Kakashi était surpris de se sentir presque en forme. Il avait dormi de longues heures et n'avait mal nul part. Ses ecchymoses étaient presque guéries et les courbatures avaient disparues. Malgré l'heure matinale à laquelle il devait se lever, il se sentait bien.

C'est avec le sourire qu'il s'occupa de ses corvées, pour une fois. Heureusement que Danzo ne faisait que le regarder et qu'il ne disait rien.

*

"Hey, Kakashi !"

Le gris se raidit à l'entente de son nom. Il ne pensait pas qu'Obito viendrait ce midi, cependant, comme il l'avait parfaitement ignoré durant le cours de sport, il pensait qu'il avait changé d'avis sur les révisions communes. Il savait comment faire, après tout, Kakashi ne servait qu'à l'aider à restituer les connaissances.

Il se redressa lentement et croisa son regard joyeux. Sa poitrine se serra sans qu'il ne sache pourquoi et de nombreuses questions le tarodaient. Pourquoi faisait-il semblant ? D'ailleurs, quand avait-il fait semblant ? Avec lui ?

Face au manque d'enthousiasme, Obito baissa la main qu'il tenait en l'air en guise de salut et perdit son sourire. Il passait pour un idiot à longueur de temps mais il savait reconnaître quand quelque chose n'allait pas.

Il s'assit à sa droite comme d'habitude et se contenta de le fixer un moment, dans l'espoir de voir jaillir la raison du mal-être.

Se sentant observé, Kakashi tourna enfin le regard vers le sien et le soutint un moment avant de céder. Il ne comprenait pas pourquoi il était toujours là, à l'observer si longuement à chaque fois qu'ils se voyaient. Cela le rendait mal à l'aise et ne l'aidait pas à se calmer.

"Quoi ? Il céda enfin.

-Qu'est-ce qui ne va pas ?"

Le ton d'Obito était sincère et curieux mais Kakashi ne pouvait pas se résoudre à parler.

"Rien."

C'était plus sec qu'il ne l'aurait voulu et il se retenait de s'excuser platement. Le brun se pencha sur lui jusqu'à ce que leurs épaules se touchent. C'était léger mais le gris pouvait sentir son souffle à la base du cou et sur la joue.

"Aller, je sais que quelque chose cloche chez toi, tu ne parles pas de toi et tu restes seul. Dis moi."

La pression dans la poitrine se fit plus forte. Alors lui aussi le trouvait bizarre. Il devait le prendre pour un jouet, il ne restait là que parce qu'il voulait savoir pourquoi il était si baisé dans sa tête. Il avait été bien idiot de penser qu'ils pourraient juste être amis. Après tout, le brun avait suffisamment d'amis parmi le lycée. Il n'avait pas besoin d'un gosse comme lui.

"Je n'ai pas envie d'en parler. Jamais."

Son ton acerbe le dégoûtait de lui-même. Au final, Obito avait été gentil et ouvert avec lui et il n'était pas capable de lui rendre la pareille. Être méchant ou effacé avec les autres était tout ce qu'il savait faire. Il avait l'impression de ne pas faire d'efforts au final. C'était égoïste de sa part, il ne pouvait pas se plaindre de sa condition s'il ne faisait rien pour en sortir. Il n'avait que ce qu'il méritait.

"D'accord, désolé de t'avoir poussé," la voix d'Obito le sortit de ses pensées sombres.

Kakashi tourna les yeux vers lui une fois sûr de pouvoir retenir des larmes traîtresses. Il le regardait toujours mais avec plus d'inquiétude. Kakashi soupira, il se sentait soudainement épuisé.

"Non, c'est à moi de m'excuser.

-Ne t'inquiète pas, on me dit souvent que je suis trop curieux et trop bavard, dit Obito avec un léger rire. Est-ce que je peux quand même poser une question ? Une seule, promis."

Le gris hocha lentement la tête sans réfléchir.

"Pourquoi tu ne manges pas le midi ?"

Kakashi ne savait pas quoi répondre. Il pouvait inventer un mensonge rapidement mais la sincérité du brun l'en empêcha. Ce serait injuste. De plus, il ne pourrait jamais avoir la confiance de quelqu'un s'il se permettait de mentir à tout bout de champ. Ce n'était pas si intime que ça, en plus.

"J'ai été habitué comme ça.

-C'est-à-dire ? Obito le regardait avec de grands yeux.

-Je ne peux pas rentrer et je n'ai pas d'argent.

-Comment ça se fait ? Même pas pour la cantine ? Un paquet de gâteau ? Comment tu fais, alors ?

-Je pensais que tu avais dit une seule question, dit taquinement Kakashi.

-Ah... C'est vrai, pardon, Obito rougit en détournant les yeux, c'est juste que tu es plutôt maigre, j'ai toujours l'impression que tu vas faire un malaise ou quelque chose."

Kakashi s'en doutait, ce n'était pas le premier à lui faire la réflexion. Il se contenta d'hausser les épaules et de fixer ses genoux.

"Je sais, tu n'es pas le premier à me le dire. J'ai l'habitude.

-Tu devrais vraiment manger un peu, je suis pas trop calé en santé mais je sais que ce n'est pas bon.

-Ouais... Ça tourne un peu parfois mais ça va, ne t'en fais pas. Alors, tu as besoin de réviser aujourd'hui ?"

Obito plissa des yeux sur sa tentative pour changer de sujet mais ne dit rien de plus et sortit ses cahiers à son tour. Pour une fois, le plus jeune se sentait un peu plus léger après avoir un peu parlé de lui sans qu'on ne lui force la main. Il sourit doucement, Obito était... Quelqu'un de bien. Il était idiot de se méfier de lui, parfois.

Il était plus calme quand il déambulait dans les couloirs après cette petite réunion. Obito avait toujours un effet apaisant sur lui.

"Ah, Kakashi ! L'interpella le professeur de français alors qu'il passait devant la classe. Alors, tu as pu tu procurer l'un des livres ce week-end ?"

Le gris cligna des yeux en se remémorant leur discussion de la semaine passée.

"Oh, non... Je n'ai pas eu le temps de passer à la bibliothèque encore..."

Il avait eu tout le week-end, en fait, mais Danzo l'avait privé de sortie parce qu'il avait fait des crêpes sans lui demander l'autorisation.

"Je vois. Ne t'inquiète pas, j'ai ce qu'il faut !"

Il disparut un instant dans la salle et revint avec un bouquin orange dans les mains. C'était le premier tome de sa trilogie, si Kakashi se souvenait bien. Il le lui tendit avec un air fier sur le visage.

"Voilà ! Prends-le, je te l'offre. Dis moi ce que tu en penses dès que tu l'auras lu, ne t'en fais pas, j'ai déjà eu de très mauvaise critiques. J'espère juste que tu as meilleur goût que ton père...

-Mon père ?"

Jiraya lui souriait tristement alors qu'il était surpris. Comment ça, son père ?

"Vous le connaissez ?"

Ce fut au tour de l'adulte de le regarder avec surprise. Kakashi était déstabilisé. Il ne comprenait pas ce soudain changement d'humeur.

"Oui. Tu ne le savais pas ?

-Non, je n'ai jamais rencontré les amis de mon père. Il fronça les sourcils. Je ne sais pas pourquoi."

C'était mesquin d'utiliser l'accusation dans sa voix mais il était encore trop surpris. D'ailleurs, il n'en revenait pas, il comprenait enfin pourquoi l'homme était si gentil avec lui. La colère passa sur le visage du plus vieux avant de rapidement disparaître dans un soupir.

Et dire qu'à peu de choses près, il aurait pu échapper au supplice de vivre avec Danzo et ses fils. Ses yeux s'humidifièrent à la simple pensée. Il était tellement faible.

Des bras chauds l'entourèrent soudainement et il fut tiré dans la salle de classe à l'abri des regards. C'était à la fois humiliant et réconfortant. Son sac s'échoua sur le sol et une grande main chaude frottait de doux cercles dans le dos. Cela faisait des années qu'on ne l'avait pas touché comme ça.

"Quelque chose ne va pas ? Demanda Jiraya sans le lâcher.

-Non... Non. Ça va."

Il s'éloigna de lui et l'évita du regard. Il sentait ses joues rouges de honte. Il allait parler après un moment de silence quand un coup retentit à la porte. Ils se tournèrent en synchronisation pour trouver le vieux Sarutobi, le proviseur, debout près de l'ouverture. Kakashi se sentit encore plus embarrassé et s'empressa de sortir en les saluant tous les deux et en disparaissant dans le couloir sous le regard des adultes.

Ces deux derniers restèrent sur place à le regarder jusqu'à ce qu'il ne soit plus en vue.

"Il a bien grandi, dit le vieil homme au bout d'un moment.

-Quelque chose cloche, dit illico Jiraya.

-Tu parles de son côté rachitique ? L'autre hocha la tête.

-Il ne nous connait pas. Je m'en doutais déjà parce qu'il n'a jamais régi en me voyant mais il vient de le confirmer.

-Je pense qu'il est grand temps de rendre visite à Danzo, dans ce cas."

Jiraya ne pouvait qu'hocher la tête en accord. Ce salopard leur devait des explications.

De son côté, Kakashi souffla de soulagement quand il était enfin à l'abri des regards. Sa classe était déjà devant la porte. Il rangea rapidement le livre offert dans son sac à dos et s'adossa au mur en attendant le professeur. Ils avaient un devoir en maths, tout le monde s'empressait de se rappeler les formules de chaque exercices vus. C'était pire que mieux, à moins de les noter de suite sur leur brouillon, ils auraient du mal à s'en rappeler devant la feuille.

Monsieur Namikaze leur fit séparer toutes les tables avant de distribuer les sujets et de réclamer le silence. Ce n'était pas difficile, une fois qu'on savait quelle formule utiliser, les points tombaient facilement.

Kakashi avançait tranquillement dans ses exercices quand son voisin de gauche l'appela sans vraiment de discrétion. C'était Deidara et le grand colosse de Kisame, assis devant lui, le regardait.

"Eh, toi, c'est quelle formule pour l'exo trois ?"

Le gris fronça les sourcils. Il ne comptait pas les aider. Donner des réponses pour un devoir maison passait, cependant, il ne voulait pas tricher en classe et se faire prendre.

Il baissa les yeux sur sa copie et reprit le calcul qu'il effectuait avant d'être arrêté une seconde fois. Deidara l'appelait de plus en plus fort et il avait l'impression que toute la classe pouvait les entendre. La plupart s'était tournée vers eux, plus ou moins amusé. Seul l'adulte blond restait impassible sur des copies qu'il corrigeait.

"Débrouille toi," il souffla simplement.

Kisame riait alors que l'autre chouinait. Son image se dégradait de seconde en seconde mais il s'en fichait. Pendant l'évaluation, c'était du chacun pour soi. Deidara pourrait être remplacé par Obito, ça ne changerait rien.

Deidara décida de l'appeler sans pause alors. Le gris se demandait comment leur professeur ne pouvait pas l'entendre. Agacé, il lui demanda de se taire, soudainement de mauvaise humeur. Il y eut quelques ricanements avant un profond silence. Quand il leva une nouvelle fois les yeux de sa copie, il se trouva nez-à-nez avec le jeune professeur.

"Est-ce que tu veux que je t'aide à tricher pendant le devoir ?"

Le ton était sec et le fit grimacer. Il était tombé dans le piège des garçons et maintenant, il prenait tout. Il tenta gentiment de se défendre en expliquant qu'il ne trichait pas, qu'il pouvait demander à ceux qui les entouraient s'il le fallait.

"Je ne veux pas le savoir, il le coupa, vous n'avez pas à parler pendant un devoir. Est-ce que c'est si compliqué que ça ? Je vous avez prévenu en début d'année."

Il lui prit la feuille de la table et partit à son propre bureau où il tira son stylo rouge et nota la copie.

"Pense à réviser pendant ton heure de colle, ça t'aidera à rattraper ce zéro."

Kakashi se sentait assommé tandis que Rin essayait de le défendre en vain. Minato leur avait parlé de la sanction en cas de triche en septembre. Il se sentait dégoûté, son estomac était vide mais il ressentait une violente envie de vomir. Il devait vraiment lui en vouloir, tout le monde avait entendu Deidara l'appeler et il n'avait même pas réagi.

Il ignora les ricanements autour de lui et le regard désolé que portait Rin et blottit sa tête dans ses bras croisés sur la table. Il voulait disparaître. Ce genre de chose n'arrivait qu'à lui, il n'avait rien demandé, il essayait de tout faire comme il le fallait... Tu parles. Le résultat était toujours le même. Il avait pris beaucoup trop d'espoir avec Jiraya plus tôt, il avait déjà oublié que le monde était contre lui.

De plus, l'homme pouvait paraître attentionné envers lui et gentil, cela n'empêchait qu'il n'avait pas essayé de le joindre après la mort de son père. Il l'avait laissé pourrir entre les mains de Danzo. Il frissonna et retint un sanglot en y pensant. Il allait le tuer.

*

Minato regardait ses élèves maintenant concentrés sur le devoir. Kakashi s'était avachi sur la table et s'il ne le voyait pas trembler, il aurait pu penser qu'il dormait. Quel idiot, n'avait-il rien écouté des conseils qu'il lui avait donnés l'autre jour ? Eh bien, il lui ferait comprendre de la manière dure.

A la sonnerie, l'adolescent maigre était le premier à être sorti de la salle. Pas une salutation ni même un regard. Il souffla quand il fut seul. Ce garçon était un cas compliqué. Il avait rapidement regardé ce qu'il avait écrit et tout semblait juste. Il se demandait pourquoi il se donnait tant de mal pour être désagréable. Il espérait surtout que ses élèves chéris seraient assez intelligents pour ne pas se laisser entraîner dans ses habitudes.

Un élève qui se droguait était déjà difficile à contrôler, alors plusieurs dans une même classe... C'était impensable. Il pensait à leur réussite, il ne supporterait pas de les voir sombrer. Il devrait surveiller Rin, aussi. Elle s'intéressait visiblement à ce genre de garçons. L'année allait être éprouvante.

Il regroupa les copies et les rangea dans sa sacoche avant de quitter la salle et de rejoindre la salle des professeurs. Jiraya était là, tout sourire, alors qu'il corrigeait des copies lui aussi.

Jiraya avait été son maître de stage et son mentor durant des années avant qu'il n'obtienne enfin son diplôme et son autorisation à enseigner. Il l'avait fait rentrer dans ce même lycée où il avait pris ses cours. Il l'avait toujours soutenu dans tout ce qu'il faisait, si bien qu'il se sentait plus proche de lui que de son propre père. Que le pauvre homme repose tout de même en paix.

"Vous m'avez l'air de bonne humeur, dit-il en s'approchant pour s'asseoir à côté.

-Oui, je vais bientôt avoir un nouvel avis critique !

-Sur l'un de vos livres ? Le plus âgé hocha la tête. Mais, Jiraya, il y en a une centaine sur internet !

-Oui mais c'est l'avis d'un proche, cette fois, ça compte plus que tout ce qui est dit sur internet, pour moi."

Minato haussa les épaules et se mit au travail. Le premier trimestre se terminait déjà et il fallait vite boucler les bulletins pour les envoyer. Après presque une heure de travail, le plus vieux s'étira bruyamment puis rangea ses affaires.

"Aller viens, je te paie un bon café."

Le blond hocha la tête et le suivit. Ça lui permettrait de se changer les idées. Kushina le trouvait moins supportable à chaque fin de trimestre. Il fallait qu'il trouve vite quelque chose pour le détendre ou il entendrait parler du pays. Sa fiancée était peut-être belle et gentille, elle pouvait facilement ressembler à un monstre quand elle était en colère. Heureusement, la plupart du temps, c'était sur leur fils Naruto qu'elle se déchaînait.

"Naruto est fou de la peluche que vous lui avez offerte pour son anniversaire, dit Minato une fois qu'ils étaient servis, il ne la lâche plus d'une semelle, même pour aller à l'école.

-Tu verras que du jour au lendemain, il ne voudra plus la prendre, rit l'homme, il jouera au crack à l'école et une fois rentré, il se jettera dessus. Ah, ce que j'aimerais retourner à cette période de ma vie...

-Pas de problèmes ni de tâches trop importantes.

-Exact. Tu ne faisais que jouer et raconter tout ce que tu faisais aux parents. Regarde nous maintenant, à devoir supporter des ados à longueur de journée..."

Minato était toujours amusé par Jiraya. Il avait toujours quelque chose de drôle ou d'agréable à dire. Naruto le considérait comme un membre à part entière de leur famille. C'était un peu son papy pas si vieux que ça.

"D'ailleurs, cela fait un moment que vous n'êtes pas venu manger à la maison. Venez donc samedi soir ! Kushina serait heureuse de nous préparer son fameux hachis-parmentier.

-Ah... Je suis désolé, j'ai déjà quelque chose de prévu ce soir-là.

-Un rendez-vous galant ?"

Minato rit presque au visage rouge que Jiraya arborait. C'était tellement simple de le faire rougir ! Il lui suffisait juste de parler de femmes et le tour était joué.

"Non, malheureusement... Je vais manger avec de vieilles connaissances. Il faut que l'on discute de certaines choses. Tiens, comment se débrouille Hatake Kakashi dans ta matière ? Je crois me souvenir que tu l'as comme élève."

Le blond se figea et grimaça intérieurement. Il avait enfin réussi à l'oublier.

"C'est compliqué. Physiquement, il est présent mais mentalement il est complètement ailleurs. Il a les capacités pour réussir mais n'a pas l'air de se soucier des règles qui l'entourent.

-Comment ça ?

-Vous ne voyez pas dans quel état il est ? Minato vérifia autour d'eux avant de se pencher pour chuchoter. Il est complètement dépravé. Il a une tête à faire peur, comme s'il était constamment malade. Il se drogue, je le sais.

-Attends, quoi ? Tu sais, c'est une grave accusation, Minato.

-Je le sais ! Je n'ai fait que le mettre en garde, ne vous en faites pas. Je suis attaché à mes élèves."

Le plus vieux souffla et s'adossa au dossier de sa chaise. Rien ne prouvait ce qu'il avançait mais son état physique dépravé n'était pas à prouver. Ils pourraient programmer un rendez-vous avec l'infirmière du lycée pour un rapide bilan de santé, histoire d'être sûr que tout allait bien. S'il se souvenait bien, Hiruzen avait parlé de son dossier médical. Il n'y avait rien à signaler, ce qui était contradictoire avec l'image physique qu'il renvoyait.

"Prends soin d'eux," dit simplement Jiraya avant de poser l'argent sur la table et de partir.

Minato le regardait partir sans comprendre le soudain changement d'humeur. Il pouvait se tromper mais Jiraya semblait attaché au garçon. C'était sans doute le fils d'un de ses nombreux amis. Il en avait tellement ! Il ne devait pas se sentir coupable de l'état dans lequel le garçon était.

S'il voulait s'en sortir, il lui suffisait de demander de l'aide, après tout.