❦ Chapitre 16. ❦
Si Kakashi n'avait pas été aussi énervé et bouleversé, il aurait été incroyablement surpris de voir avec quelle énergie il courait jusque chez lui. Enfin, jusque chez Danzo. Lire les messages de son père lui avait fait le plus grand bien et l'avait motivé à retrouver son tuteur pour des explications.
Même après tout ce temps, son père avait pu affirmer que ce n'était pas Kakashi qui lui répondait mais bien un imposteur. C'était la preuve qu'il tenait encore à lui et qu'il l'aimait. Peu importait l'amour des autres, celui de son père était le plus important à ses yeux. Le savoir en vie et de nouveau près de Konoha lui donnait une toute nouvelle perspective du futur, bien différent de tout ce qu'il avait imaginé ces dix dernières années.
Dix ans punaise, ils avaient perdu dix ans ! Cependant, ce n'était rien. Ils avaient certes perdu beaucoup de temps mais, dans un autre sens, il préférait ça plutôt que l'idée de ne jamais le revoir parce qu'il était décédé. Oh, comme il avait hâte de le revoir ou au moins de lui parler !
Ses muscles fonctionnaient à peine tant il souffrait mais il les forçait à se détendre. Il avait besoin de rentrer. Il n'arrivait pas à croire que Danzo avait pu lui cacher une telle chose. Il aurait dû être content au contraire, plus vite Sakumo s'en remettrait, plus vite il se débarrasserait de Kakashi. Tout le monde était gagnant dans l'histoire. La pension que l'armée lui versait était très maigre, ils pourraient survivre à trois sans elle.
La maison était silencieuse à son arrivée, l'air était déjà lourd comme si Danzo, présent parce que ses chaussures étaient dans l'entrée, savait ce qu'il allait se passer. Il ne prit pas la peine de l'appeler. Il allait directement dans la salle qui menait au salon. Il ne quittait presque jamais son fauteuil quand les garçons n'étaient pas là.
Il le trouva debout devant le buffet à regarder les photos. Il tenait à deux mains celle où sa femme apparaissait. Il était indéniable que c'était sa photographie préférée parmi celles qu'il y avait dans la maison. La jeune femme était assise dans l'herbe en été, habillée d'un robe ample, et souriait de joie.
Kakashi n'avait jamais compris comme une aussi jolie femme avait pu se marier à Danzo. Il n'y avait que deux possibilités à cela : soit c'était un mariage forcé, soit Danzo était un homme complètement différent. C'était étrange d'imaginer l'homme vivre aussi heureux. Honnêtement, l'adolescent pensait que c'était plutôt la mort de la jolie femme qui l'avait changé radicalement. Il aurait juste aimé vivre avec ce couple tranquille plutôt qu'avec cet ivrogne.
"Tu es là de bonne heure, dit l'homme handicapé sans lever les yeux de la photographie, il est trop tôt pour que tu viennes de sortir de cours et trop tard pour que tu rentres immédiatement après avoir quitté le lycée."
Il releva enfin les yeux pour les poser sur lui. Ils étaient aussi froids et dédaigneux que d'habitude. Kakashi fit tout son possible pour cacher le frisson d'effroi qui lui parcourait le corps.
"J'espère que tu as une excellente explication à cela."
Le ton était menaçant mais l'adolescent fronça les sourcils. S'il y avait bien un moment où il devait être courageux, c'était maintenant.
"Peut-être que l'on devrait demander à mon père. Vous avez beaucoup de choses à lui dire, apparemment."
Voir Danzo se raidir, même un tout petit peu, était très satisfaisant. Kakashi savait qu'il avait touché en plein dans le mille et que le vieillard bouillonnait. Il n'avait plus d'excuse, il avait intérêt à tout lui raconter. Cependant, au lieu de tout avouer, il continuait de feindre l'ignorance, l'énervant davantage.
"Je suis navré de te le rappeler, mon garçon, mais ton père est déclaré mort depuis des années. Il y a bien longtemps que j'ai arrêté de parler aux morts."
Si Kakashi n'était pas au courant des faits, il aurait pu y croire mais son ton doux était une preuve suffisante pour affirmer qu'il mentait. S'il disait la vérité, il l'aurait fait avec colère et méchanceté. Le garçon n'en pouvait plus. Il secoua la tête et s'approcha de lui, jubilant alors que l'autre faisait un pas en arrière. Maintenant, Danzo avait peur de lui ? Comme c'était ironique. Cela ne l'arrêtait pas.
"Pourquoi vous vous acharnez autant sur moi ? Pourquoi vous vous comportez comme un connard pareil..?"
Il avait énormément de questions en tête qu'il voulait poser mais il n'arrivait pas à s'arrêter sur l'une d'elles. Cela semblait logique que la première chose qui sorte de sa bouche porte sur tout ce qu'il avait dû supporter jusque là. Il voulait courir retrouver son père, se sauver de cette maison, s'éloigner de ce fou... Mais en même temps, une partie de lui-même voulait comprendre pourquoi tout cela était arrivé, il voulait savoir pourquoi Danzo avait tant changé. Tout le monde pourrait le traiter de fou masochiste mais il ne pouvait pas lutter contre le besoin de savoir.
De son côté, l'homme adulte n'appréciait guère ce nouveau ton. Le gamin s'était déjà rebellé contre lui mais il l'avait vite regretté. Il avait apparemment oublié où était sa place et il se ferait un malin plaisir à la lui rappeler. Il posa soigneusement la photo avant de se tourner vers lui avec un froncement de sourcils.
"Fais attention à ce que tu dis, râla-t-il en desserrant à peine les dents, je te rappelle que tu es toujours sous mon autorité. Tu ferais mieux de te calmer et de t'excuser comme il se doit."
Kakashi se figea complètement. Son instinct lui hurlait de courir se réfugier dans sa chambre mais son cœur avait besoin que les choses changent enfin. Cela faisait dix ans qu'il attendait d'avoir assez de courage pour lui faire face et maintenant qu'il avait commencé, il ne pouvait pas reculer. Il savait depuis le début qu'il le regretterait après mais s'il en apprenait plus, cela valait le coup.
De toute façon, cela ne pourrait pas être pire et il avait la possibilité de bientôt rejoindre son père. Il se ressentait mentalement revigoré et retrouvait l'énergie nécessaire pour supporter sa vie jusque là. Il avait un nouveau but à atteindre et il avait hâte de le vivre.
Il prit une profonde inspiration pour essayer de calmer les battements de son cœur et rester sur place sans gesticuler.
"J'ai le droit de savoir."
C'était évident. Il fallait simplement que Danzo s'en rende compte et accepte de lui expliquer. Évidemment, il était trop fier pour ça. Il ne le considérerait jamais comme quelqu'un qui en vaille la peine. Pour lui, il était juste le gosse de l'homme qui avait ruiné une partie de sa vie et qu'il pouvait manipuler comme il le voulait. Il n'était qu'un objet ou encore un animal domestique apprivoisé.
Alors il n'attendait pas de réponse parce qu'il savait qu'il ne le lui en donnerait pas et, une fois encore, il avait raison. Danzo s'approcha en boitant tandis qu'il levait sa canne dans les airs. Kakashi voulait esquiver, il voulait pouvoir se défendre mais son corps, ce lâche, l'abandonnait à nouveau. Il n'avait qu'à reculer de quelques pas pour être épargné mais ses jambes raides refusaient de bouger. Il paniquait malgré lui, sans qu'il ne s'en soit rendu compte.
Ses yeux s'agrandirent alors que la canne retombait vivement en direction de sa tête. Le reste était devenu noir.
*
Le bruit le dérangeait. Il ne savait pas ce qu'il se passait autour de lui mais il y avait des gens et ils faisaient trop de bruit. Il essayait d'ouvrir les yeux mais la lumière lui brûlait les rétines. Quand il s'y habitua enfin, des mains fortes le tirèrent du coin où il était allongé pour l'emmener dans les escaliers. Il vit à peine son lit avant que tout ne devienne flou.
Il détestait avoir des sensations de vertiges, elles le rendaient toujours malade. Le fait qu'il soit malmené et secoué dans diverses directions ne l'aidait pas à calmer la nausée. Il ne pensait plus pouvoir se contrôler quand tout se calma enfin. Il était tombé, il reconnaissait cette sensation. Son corps entier le brûlait sans qu'il ne sache pourquoi.
Les dernières contusions dont il se souvenait ne lui donnaient pas ce genre de sensations. Maintenant, c'était plus douloureux mais en même temps, il ressentait moins de battements. C'était moins insupportable.
"Le gamin respire toujours ? Il entendit à quelques mètres.
-Ouais, il est increvable," termina en riant une deuxième voix qu'il pensait reconnaître.
Savoir qu'il connaissait ces voix ne le mettait pas du tout en confiance. Il se força à ouvrir les yeux dont il ne s'était pas rendu compte qu'il avait refermés. L'endroit était bien plus sombre que sa chambre et sa nausée l'avait quitté, rendant plus facile pour ses yeux de s'adapter à l'environnement.
Il se frotta rapidement les paupière pour se dégager la vue. Il se figea quand il aperçut enfin le monde autour de lui. Du moins, devant lui. L'énorme colosse noir du voisin se dressait devant lui, la langue pendante et la bave coulant. Quand il remarqua le changement d'expression chez le petit homme, il serra la mâchoire et grogna, attirant l'attention de son maître.
Ce dernier arriva en grandes enjambées à peine enregistrées par Kakashi. La mâchoire forte était si près de son visage que son corps était tendu par la peur. En un coup de dents, il pouvait le défigurer salement.
"Eh bien, ça y est, t'as bien dormi princesse ?"
Le jeune homme ne se concentra sur son voisin qu'une fois l'animal éloigné de lui. Il soupira de soulagement lorsqu'il fut sorti de la pièce. Il se racla la gorge, désagréablement sèche, pour parler.
"Où est-ce qu'on est ?
-Ah ça, même si je te le disais tu ne saurais pas le situer sur une carte."
Le garçon fronça les sourcils. Il était inutile de lui en demander davantage, il ne ferait que le mettre en colère. Le type lui posa une bouteille d'eau sur le sol et partit en fermant la porte derrière lui. Ses pas résonnèrent à l'extérieur dans un bruit métallique avant de s'évanouir complètement. Au moins, le chien n'était plus là. Il frissonna en sachant que la bête le surveillait en train de dormir. Qui savait ce qu'il aurait pu se passer s'il avait dormi plus longtemps.
Il profita de la solitude pour faire le tour de la pièce. Il n'y avait aucune fenêtre, la seule lumière jaune sombre provenait de l'halogène qui clignotait au dessus de sa tête. Cela n'éclairait pas grand chose mais c'était mieux que rien.
Le petit matelas sur lequel il était assis n'amortissait pas le sol du tout, cela fournissait juste une couche protectrice entre son corps et le plancher pourri. Il y avait de vieux draps qui dégageaient une drôle d'odeur et il n'avait aucune envie de savoir pourquoi. Il y avait certainement pas mal de punaises et d'autres insectes là-dedans.
Le reste de la pièce était encombré. Cela ressemblait à un dépotoir où on avait tout calé contre les murs pour dégager le centre. La poussière était en suspension partout dans l'air. C'était écœurant. Heureusement, il n'y avait pas d'odeur de pourriture ni de champignons sur le plafond craquelé. Il y avait juste la preuve d'un grand dégât des eaux passé, certainement à cause d'un trou dans le toit.
Kakashi soupira et s'adossa au mur. Si Danzo l'avait fait venir ici, c'était pour une bonne raison et il soupçonnait que c'était sa petite crise de colère. Dès qu'il l'avait frappé et assommé au sol, le garçon avait perdu toute notion de temps. Il s'était à peine réveillé jusqu'ici donc il ne savait pas où ils étaient ni pourquoi précisément.
La douleur qui battait dans son corps l'incitait à ne pas bouger. Il était tenté de rejoindre la vieille porte en fer mais ses jambes étaient trop molles pour le soutenir. D'ailleurs, il commençait sérieusement à avoir faim. Son ventre gargouillait bruyamment dans l'espace clôt. Il soupira à nouveau et ferma les yeux, soudainement trop fatigué pour supporter la lumière.
Il se sentait doucement repartir dans le sommeil quand il entendit un bruit. Il ouvrit péniblement les yeux pour vérifier si l'un des hommes était revenu mais la pièce était toujours vide et la porte fermée. Il fronça les sourcils et se redressa vers l'avant. Il n'avait pas rêvé, il avait vraiment entendu quelque chose et c'était proche. Donc, ça ne pouvait pas être à l'extérieur. Il vérifia sous la porte mais il n'y avait aucune ombre qui montrait que quelqu'un se tenait derrière.
Il plissa les yeux pour les adapter davantage à l'obscurité. Il espérait qu'il n'y avait pas de rats, c'était dégoûtant et qui savait quel genre de maladies il pourrait attraper s'il se faisait mordre. Une masse sombre bougea soudainement sur la droite. Kakashi sursauta et se recula autant que possible contre le coin du mur. Il y avait autre chose avec lui mais il n'arrivait pas à voir ce que c'était.
La chose bougeait lentement en grognant de temps à autre. Le gris soupçonnait que c'était un chien mais avec les types bizarres dehors et leurs manies étranges, il pouvait très bien être aussi dangereux que l'autre. Ses muscles se tendirent douloureusement à cause de la peur et des différents sursauts à chaque petit mouvement de l'animal.
Quand une grosse tête avec des yeux tombants lui fit face, son cœur s'arrêta presque. C'était un énorme chien aux babines pendantes et aux muscles saillants. S'il l'attaquait, il était foutu. L'animal, roulé en boule de façon à lui tourner le dos, se leva et s'assit pour lui faire face. En fait, il avait un petit air... Idiot. Il ressemblait à un chien de race croisé avec une tête de bulldog et la taille d'un gros Saint-Bernard.
Il inspira et expira profondément pour calmer sa peur et reprendre le contrôle de son corps. Le chien pencha la tête d'un côté, visiblement dans l'incompréhension de la situation. Rien ne bougea entre eux, il n'y avait que la forte respiration de l'animal qui avait la langue pendante.
La porte s'ouvrit soudainement pour laisser paraître son voisin, un plateau à la main.
"Tiens gamin, c'est l'heure de graille. Ah, t'étais là toi," dit-il en s'adressant au chien à la fin.
Le type prit un élément du plateau et le lui lança. Il ne mit pas longtemps à engloutir le morceau de viande. Kakashi attrapa à son tour le plateau et regarda l'homme partir.
"Vous ne le prenez pas avec vous ?"
Il ne voulait pas paraître angoissé mais sachant qu'il entraînait des chiens de combat, il n'avait aucune envie de faire confiance à la bête, peu importe à quel point il aimait les animaux.
"Nan. Bull est un trouillard, il a peur de son ombre. Pas besoin de s'inquiéter."
Le gris ne rata pas le ton de déception. Apparemment, il avait échoué à en faire un bon chien de combat. Les cicatrices que la bête arborait provenaient donc de combats dans lesquels il ne se défendait pas.
La porte se ferma et les emprisonna une nouvelle fois ensemble. Le chien s'allongea de nouveau même s'il lui faisait toujours face. Quand il posa sa lourde tête sur le sol, Kakashi comprit qu'il le laisserait tranquille. Il se laissa alors absorber par son plateau de nourriture et ses pensées. Ailleurs, un petit chiot l'attendait aussi. Depuis le temps, il devait avoir bien grandi. A ce rythme, Pakkun serait adulte quand il le reverra. Il espérait au moins que cela ne dérangeait pas Jiraya qui l'avait pris dans l'idée de lui offrir, certainement pas de le garder si longtemps.
En y pensant, il s'en voulait d'être sorti si brusquement de sa classe. Après tout, grâce à lui, il connaissait toute la vérité sur son père. Il aurait espéré, finalement, passer plus de temps avec lui.
Ses yeux se posèrent sur son sac de cours près de la porte. Il était bombé, sûrement à cause des affaires qu'ils y avaient rangées à la va-vite. Il était surpris qu'ils aient même pris la peine de lui prendre des vêtements mais ils devaient avoir une bonne raison. Il jeta un coup d'œil au chien qui semblait dormir et s'étira pour attraper la poche avant. Il le tira vers lui avec une grimace mais essaya d'ignorer la douleur au maximum. Ses muscles brûlaient à chaque étirement.
Comme il s'y attendait, il y avait quelques vêtements en boule et une brosse à dents. Danzo ne voulait apparemment pas qu'il rentre à la maison et cela l'inquiétait un peu. Il ne savait toujours pour pourquoi il avait été emmené et connaissant la bizarrerie de ces hommes, il ne pouvait pas baisser sa garde.
Ses mains ont automatiquement tâtonné le côté du sac, à l'endroit où il y avait la petite poche, et expira de soulagement. Ils n'avaient pas trouvé le téléphone ! Il le sortit et l'alluma pour vérifier la batterie. Il grimaça en voyant qu'il n'en restait plus tant que ça mais s'il l'économisait, il pourrait la garder longtemps. Il s'en voulait de ne pas l'avoir rechargé davantage mais au moins, il avait eu l'excellente idée de le remettre dans son sac plutôt que sous son matelas, comme d'habitude.
De forts coups à la porte retentirent.
"T'as fini ?
-Presque !" Bégaya Kakashi.
Le plateau était peu garni, il ne mettrait pas longtemps à terminer de manger sa nourriture. Il se retourna pour se mettre davantage à l'aise quand une masse noire près de lui le fit sursauter. C'était le chien, Bull, qui s'était approché pour s'asseoir à côté de lui sur la paillasse de fortune. Kakashi se figea malgré lui. Peu importe ce que le type disait, il préférait rester sur ses gardes. S'il lui avait appris à mordre, il y avait de grandes chances pour qu'il l'attaque s'il faisait un mouvement brusque.
Ils se regardaient dans le blanc des yeux quelques secondes, l'adolescent prêt à sauter sur ses pieds, quand le chien lui lécha le visage d'un long coup de langue. Son premier réflexe fut de crier et de se protéger le visage à l'aide de ses bras. Il était prêt à recevoir les morsures qui lui broieraient la peau mais tout ce qu'il pouvait sentir était de l'humidité chaude. Après quelques secondes, il comprit qu'il ne s'agissait pas de sa gueule, juste de sa langue.
La porte s'ouvrit à la volée mais il était encore trop surpris par Bull pour réagir tout de suite.
"Dégage de là sale bête !"
Avec un coup de pied au visage, l'animal fut contraint de retrouver sa place au fond de la pièce en chouinant. Kakashi reprit ses esprits avant que l'homme ne le batte davantage.
"Arrêtez, il n'a rien fait !"
Le type baraqué s'arrêta dans son mouvement pour le regarder. Le temps resta suspendu pendant quelques secondes avant qu'il ne soupire et ne fasse demi-tour. Kakashi était au moins rassuré de savoir que s'il se faisait attaquer, ils viendraient l'aider. Il regarda le coin de la pièce qui était redevenue calme. Il détestait ces méthodes d'éducation, un animal méritait mieux que de ne vivre que pour se battre. Bull n'était pas agressif alors le type le laissait de côté.
Eh bien, cela le confortait dans l'idée d'adopter un chien abandonné ou maltraité plutôt qu'un chiot d'élevage. Ces petites bêtes méritaient aussi de l'amour dans ce monde cruel et il était heureux de leur en donner. Pour cela, il devait d'abord sortir d'ici.
Il mangea le reste de la purée dans son assiette et avala plusieurs gorgées dans sa bouteille d'eau. Ce n'était pas forcément appétissant mais il ne laisserait pas un repas lui passer sous le nez.
Pour se lever, il s'aida du mur. Comme il s'y attendait, ses jambes tremblaient trop pour rester sur place longtemps. Il rejoignit la porte avec le plateau à la main et jura dans sa tête pour sa démarche étrange. Ses genoux étaient faibles, dès qu'il les pliait un peu, sa jambe se dérobait. Il ressemblait à ces pauvres personnes handicapées motrices alors qu'il n'avait aucun problème à ce niveau là. Danzo était vraiment un connard pour le rendre dans cet état.
Il utilisa la poignée et sourit en victoire en voyant que la porte n'était pas fermée à clé. Il avait au moins un minimum de liberté. Comme il s'y attendait, ils étaient dans de vieux locaux abandonnés. Les bureaux avaient fait place à un squat plutôt sale au rez-de-chaussée et à des salles libres à l'étage. Il n'osait imaginer ce qu'il s'y passait lorsqu'elles étaient occupées.
L'étage consistait en un couloir rectangulaire qui faisait tout le tour du bâtiment et qui était ouvert au milieu, laissant une vue imprenable sur ce qu'il y avait au rez-de-chaussée. Cela ressemblait un peu aux prisons qu'il avait pu voir dans les films américains. Les deux hommes qu'il avait vus plus tôt étaient allongés dans de vieux canapés et ricanaient devant leurs téléphones. Le gros chien d'attaque, lui, dormait sur le sol, à côté de son maître.
Bien, s'il s'y prenait intelligemment, il pourrait explorer les pièces de l'étage sans qu'ils ne le remarquent. Le seul problème venait de leurs visites, ils tâcheraient sûrement de le surveiller comme ils l'avaient fait jusqu'à maintenant.
Avant qu'il n'ait pu réfléchir davantage, Bull passa près de lui en trombe et descendit les marches de métal dans un vacarme pas possible. Immédiatement, l'attention des hommes était dirigée sur lui. Il soupira et descendit prudemment. Ses genoux supportaient encore moins la pression exercée sur eux lorsqu'il fallait descendre marche par marche. Quand il arriva en bas, il transpirait et se sentait essoufflé comme s'il venait de courir. Bien sûr, les deux autres se contentaient de le regarder.
Il leva le plateau et s'appuyant sur l'une des tables disposées comme à la cantine.
"J'ai besoin d'aller aux toilettes."
Ce n'était qu'une demande innocente et normale venant d'un adolescent qui avait beaucoup dormi le jour passé. Cela lui permettrait de se rafraîchir un peu et de s'occuper de lui personnellement. Personne ne l'aiderait à soigner les contusions, il pouvait bien observer les dégâts et les soulager avec un peu d'eau froide. C'était précaire, pas forcément très efficace mais c'était toujours mieux que rien.
Sans rien dire, le deuxième homme qu'il ne connaissait qu'à peine de vue lui pointa la direction du doigt. Kakashi le remercia vaguement, plus par obligation que par reconnaissance réelle, et suivit le petit dédale de couloir qui menait à une cuisine et aux toilettes en face. Quand il arriva devant le miroir sale, il ne put s'empêcher de se moquer de lui-même. Il semblait totalement pitoyable.
*
"Comment ça, parti ? Pour aller où ?
-Comment puis-je le savoir ? Il s'est énervé et est parti en claquant la porte. J'ai à peine eu le temps de réagir quand il a pris ses affaires."
Si Obito n'avait pas été au courant de la situation entre Kakashi et ce Danzo, il aurait pu croire à son manège innocent. Cependant, il était évident que ce type était un danger autant pour lui-même que pour les autres. La forte odeur d'alcool en disait long sur ses habitudes de dépendances.
Sur sa droite, Jiraya fulminait comme s'il savait pertinemment qu'il jouait la comédie. Il se demandait si Kakashi s'était aussi confié à lui. Après tout, il y avait un lien indéfectible entre eux dû à l'amitié qu'il entretenait avec son père. Même s'il essayait de se tenir à l'écart, l'homme réussissait à l'apaiser, il le voyait bien.
Aujourd'hui cependant, quelque chose n'allait pas. Ils l'avaient harcelé d'appels en venant et tous tombaient immédiatement sur la messagerie vocale.
"J'espère sincèrement que tu ne mens pas," dit Jiraya d'un ton amer avant de retourner à la voiture.
Obito le suivit en écrivant un message détaillé à son oncle. Il refusait de le laisser s'en tirer. Si Kakashi avait vraiment fugué, Danzo était obligé de contacter la police. Sachant qu'il ne le ferait pas, le brun s'en occuperait à sa place. A cette heure, Madara travaillait toujours et pourrait organiser une visite d'ici quelques heures.
Dans la voiture, le silence et les appréhensions devenaient étouffants. Même une fois déposé chez lui, Obito ne se sentait pas bien. Fuguer sans venir le voir lui ? Rien ne serait plus blessant. De même, sa grand-mère lui avait ouvert grand la porte, il savait qu'il serait accueilli s'il le demandait. Dans un sens, peut-être qu'il les évitait comme il l'avait fait après avoir rompu pour la même raison sordide. Il devait avoir peur des retombées, non pas pour lui-même mais pour Obito et sa famille.
Il soupira en se laissant tomber sur son lit. Tout était toujours trop compliqué. Il voulait entrer dans les forces de l'ordre à son tour mais s'il se retrouvait face à ce genre de situation, il ne savait pas s'il pourrait garder son sang-froid. Pour l'instant, il espérait surtout que Madara puisse agir.
*
Le réseau était tellement faible qu'il lui pompait une grande partie de sa batterie. En remontant dans sa chambre de fortune, Kakashi avait décidé de parler à quelqu'un. Il devait avouer que rester seul dans un bâtiment abandonné avec deux hommes suspects l'effrayait. Il se sentait idiot d'avoir pensé toutes ces années qu'il n'y avait pas pire endroit pour lui que chez Danzo.
L'odeur des drogues qu'ils fumaient remontait jusque dans sa pièce, même avec la porte fermée. Bull était venu se réfugier avec lui en chouinant. Avec son odorat sur-développé, ses sinus devaient être plus douloureux que les siens. Cependant, ce n'était pas ce qu'il appréhendait le plus. En effet, s'ils continuaient de fumer ainsi, ils pourraient facilement entrer dans un état second et, les connaissant, ils s'énerveraient facilement.
Il essayait de ne pas y penser alors qu'il épluchait tous les appels manqués. Jiraya et Obito essayaient désespérément de le joindre mais il ne pouvait ni écouter les messages vocaux, ni les rappeler. Tout ce qu'il pouvait faire était d'envoyer des messages et d'espérer qu'ils passeraient malgré le réseau pourri qu'il y avait ici.
En parlant de ça, il recevait petit à petit ceux d'Obito. Il était fou d'inquiétude mais Kakashi ne comprenait pas pourquoi puisqu'ils ne s'étaient pas parlés depuis un moment. Peut-être qu'il avait remarqué son absence au lycée et se demandait si Danzo avait encore attaqué. Si c'était le cas, il n'était pas loin de la vérité.
Son regard se perdit au plafond. Il devait réfléchir à une façon d'engager une conversation normale sans l'inquiéter. Il savait d'avance que revenir parler tranquillement après des jours de silence serait suspect mais il avait besoin d'être occupé et de parler à quelqu'un, peu importe le sujet. Dieu, même discuter de la pluie et du beau temps lui allait.
Il inspira profondément et commença à taper sur le clavier tactile. Avec un peu de concentration, il oublierait les voix criardes des hommes en bas. Ils chantaient des chansons paillardes en ajoutant le nom de filles entre deux puis riant comme des porcs. Il n'osait imaginer comment ils traitaient les pauvres filles qui se laissaient aller dans leur lit.
Bull était venu se blottir contre lui entre deux et gémissait dès que le son montait. Tout comme lui, les savoir dans cet état ne le rassurait pas. Kakashi voulut rire de la situation. Le gros molosse était plus effrayé que lui par ce qu'il pouvait arriver. Puisqu'il connaissait mieux son maître que lui, cela signifiait que l'adolescent devait aussi s'attendre au pire. Il soupira. Il aimerait tellement être avec Obito en ce moment, chez lui, à rire comme des enfants comme ils le faisaient avant qu'il ne gâche tout... Mais c'était pour son bien, il le savait.
Il secoua la tête et se concentra sur les messages de Gai après avoir envoyé le sien au beau brun.
*
"Vous êtes certains de ce que vous me rapportez là ? Demanda Madara d'un air sceptique.
-Parfaitement, monsieur."
L'air supérieur qu'affichait Danzo était loin du comportement qu'aurait un adulte face à la disparition d'un enfant, surtout celui duquel on s'occupe depuis si longtemps. En soit, il n'avait pas l'air affecté du tout. Il essayait de paraître inquiet mais cette façade ne lui allait pas du tout. Ses traits étaient trop froissés pour cela maintenant.
Le chef policier le remercia et sortit rejoindre sa voiture. L'air frais lui apaisait les nerfs et calmait l'agitation de sa cervelle. Le gosse dont Obito tenait avait disparu depuis la veille au soir, c'est-à-dire déjà presque vingt-quatre heures. Il avait fait de son mieux pour intervenir plus tôt mais son supérieur avait été réticent à l'idée d'intervenir sans que l'avis de disparition ne leur soit parvenue.
Madara le comprenait, s'ils dépêchaient une équipe de recherche pour un gamin qui pourrait revenir d'ici peu, le conseil pourrait les convoquer pour leur rappeler qu'il y avait des recherches plus importantes à mener qu'un début de fugue.
Il avait au moins la satisfaction de voir que ses collègues doutaient aussi de la version du blessé de guerre. Il était presque amorphe, insensible quand il répétait mot pour mot la version des faits.
"Il s'est énervé contre moi, je ne savais pas comment me défendre mais j'ai essayé de lui montrer que ses intimidations ne m'atteignaient pas. Puis il a renversé le premier cadre photo venu, s'est précipité dans sa chambre et en est ressorti quelques minutes plus tard avec un sac. Il est parti sans un mot et en claquant la porte."
C'était trop scolaire, comme s'il récitait par cœur une poésie apprise. Les familles étaient généralement inquiètes, bégayaient, montraient leur agacement en répétant encore et toujours ce qu'ils savaient. La différence était qu'ils changeaient les mots, buttaient parfois ou soupiraient devant la perte de temps. Ils voulaient que la police agisse au plus vite pour retrouver leur enfant.
Ici, il n'y avait que le calme. Aucun sentiment ne semblait traverser Danzo, il n'y avait que de l'agacement mais seulement parce qu'il préférerait être seul chez lui ou devant la télévision. De plus, il lui montrait qu'il ne l'aimait pas et Madara s'était fait un devoir de lui montrer que lui non plus ne l'appréciait pas.
"Ce type est louche, dit Hashirama en l'approchant, je vais faire quelques recherches sur lui.
-J'en ai déjà fait. Madara soupira. Une bonne partie est classée par l'Etat. Il semble qu'ils ne veulent pas qu'on s'occupe de son cas.
-Je déteste ces affaires d'Etat. On permet aux criminels de se balader à l'air libre sans rien leur reprocher juste parce qu'ils connaissent des secrets défense.
-Comment peux-tu savoir qu'il a quelque chose à se reprocher ?"
Madara n'était pas du genre à aimer parler avec cet idiot de Senju mais ce qu'il disait l'intéressait.
"Je crois avoir vu son nom à mes débuts, quand mon référent travaillait sur des cas domestiques. Je vais voir si je ne peux pas retrouver ce dossier."
S'il y arrivait, ils pourraient changer complètement la donne. Il avait à cœur de sauver le gamin et de rendre Obito aussi jovial qu'il l'était au début de l'année scolaire. De plus, il pourrait mettre en prison un connard qui n'avait pas le courage de s'attaquer à des gens de son calibre. C'était facile d'utiliser un enfant sans défense comme souffre-douleur et de le conditionner dans la peur au fil du temps. Il détestait ce genre de lâche.
*
Obito pensait qu'il pouvait pleurer de joie quand il reçut un message de Kakashi. Il avait été tellement content qu'il s'était levé de son lit et avait fait le tour de la chambre en levant les bras et en chantant silencieusement. Après tant de temps sans nouvelles, il faisait enfin savoir qu'il était vivant !
C'était une simple excuse pour l'avoir ignoré si longtemps et il lui demandait simplement s'il allait bien. Le jeune Uchiha ricana. Avec tout le stress que la situation de Kakashi engendrait, il ne pouvait pas être aussi bien qu'il l'était il y a quelques mois de cela.
- Je t'avoue que ça ne va pas trop. Je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour toi et je suis constamment rongé par le stress. Dis moi plutôt si toi tu vas bien ? -
Il espérait sincèrement que le gris lui dirait qu'il était juste sous sa fenêtre et qu'il aimerait rentrer secrètement le voir. Ils n'avaient pas passé autant de temps que ça chez lui finalement lors du trimestre dernier mais cela lui manquait. Aller au cours de sport lui donnait une étrange sensation dans le ventre. Il savait qu'il ne l'y verrait pas et qu'il ne sécherait pas pour passer du temps avec lui.
Il garda les yeux collés à l'écran jusqu'à ce qu'il reçoive la réponse.
- Je ne veux pas que tu t'inquiètes, désolé. Je suis juste un peu fatigué. -
Obito rit sans humour. Juste fatigué ? Un adolescent en fugue n'est pas juste fatigué.
- Où est-ce que tu es ? -
- Chez moi. -
- Arrête tes conneries, Danzo nous a dit que tu avais fugué. Alors, t'es où ? -
Il avait été un peu rude mais il ne supportait plus de devoir lui courir après. Il se faisait énormément de sang d'encre et Kakashi se permettait de lui mentir comme si de rien n'était. C'était plutôt blessant. Il ne lui faisait apparemment pas assez confiance pour lui dire où il se cachait sans qu'il ne le répète à Madara. Il avait été idiot de s'attacher à lui. Il était évident depuis plusieurs semaines que le gris ne ressentait pas le même attachement que lui.
Il grogna quand le téléphone vibra. Il hésitait entre essayer de dormir et lire le message. Il savait parfaitement qu'il n'arriverait pas à fermer l'œil avant un moment mais il se sentait vexé. Vexé que le garçon duquel il était amoureux décide de l'ignorer puis de revenir vers lui pour se payer sa tête. Obito n'était pas à sa bonne.
Quand il vit le message cependant, tous ses sentiments devinrent contraires à ce qu'il ressentait au préalable.
- Je ne sais pas. -
- Comment ça ? -
Il ne perdit pas une seconde pour essayer de l'appeler mais Kakashi raccrochait toujours immédiatement.
- Je ne peux pas parler à haute voix, il faut garder le secret du téléphone. -
Cela ne signifiait qu'une chose : il n'était pas seul. Quel adolescent aurait l'idée de fuguer avec quelqu'un en qui il n'avait pas confiance ? Danzo n'aurait pas pu le cacher chez lui, la police avait fouillé la maison de fond en comble. Madara avait même été étonné de voir le peu de possessions qu'avait le gris. Cela signifiait qu'il était en compagnie d'un des proches de l'homme pour le surveiller.
Il sortit de sa chambre inconsciemment et s'arrêta aux escaliers. Il avait besoin de bouger, son corps était tiraillé par tous les sentiments qui l'avaient traversés. Il avait d'abord était joyeux, puis en colère et maintenant il appréhendait quelque chose qu'il ne connaissait pas. Il avait peur que Kakashi disparaisse pour toujours dans un endroit inconnu, que son cadavre ne soit jamais retrouvé. Pire, il pourrait être séquestré sans que personne n'en sache rien.
- Comment ça ? Qui est avec toi ? -
Il enfilait son sweat-shirt tandis que l'appréhension grandissait. Il était dans l'entrée en train de se chausser lorsqu'il reçut la réponse.
- Je ne sais pas, ce sont deux mecs bizarres, l'un d'eux est un de nos voisins. Son chien de combat me fait peur. -
Obito traversait déjà la rue au pas de course pour rejoindre le commissariat de police. Il n'y avait pas pensé avant et il s'en voulait pour ça. Ils pouvaient utiliser la géolocalisation qu'il avait programmée avant de lui offrir le téléphone. Maintenant qu'il était allumé, Madara pourrait facilement le trouver.
- Quoi qu'il arrive, n'éteins pas ton téléphone. -
Plus vite ils le retrouveraient, plus vite il sera en sécurité.
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