Kakashi fila dans un coin pour attraper son sac et sortit de sa chambre en claquant la porte dans la foulée. Il ignora tout le monde autour et alla s'enfermer dans la salle de bain, heureusement vide. Il s'adossa quelques secondes contre la porte pour reprendre son souffle. L'image de Fû et de l'autre type lui brûlait encore les rétines. Il n'était pas certain de l'oublier de sitôt.

Le garçon semblait tellement... Masculin et odieux... Il parlait toujours de jolies filles et se vantait de ce qu'il faisait avec elles. Il se moquait même de ceux qui se battaient contre l'homophobie ! Si Danzo le savait, il mourrait sur le coup. Kakashi aimerait voir ça, si seulement cela ne risquait pas de nuire à sa vie. L'homme deviendrait fou de colère et ne s'occuperait certainement pas de ceux qui seraient autour.

Savoir qu'il avait ce genre de relation... En ayant cette position au lit, c'était presque impensable.

Le gris soupira et se détacha de la porte pour faire les cents pas. Ils étaient sur son lit, il ne pouvait pas y retourner maintenant. Il posa les yeux sur son sac. Il était seul, les autres étaient trop occupés à faire la fête. Il pouvait tout aussi bien en profiter, non ?

Il fouilla la poche cachée pour en sortir le téléphone. Il avait eu la bonne idée de le recharger complètement dans l'après-midi. Il envoya un message à Obito pour savoir quand il serait disponible et attendit sagement. La réponse tardait. Il avait besoin de parler, de raconter à quelqu'un ce qu'il avait vu.

Il n'était plus avec Obito, ils n'avaient jamais vraiment été amis alors il avait arrêté de se livrer depuis un moment. Il n'osait plus le faire parce qu'il ne voulait pas l'ennuyer non plus mais, pour cette fois, c'était nécessaire. Hey, son beau frère, masculin au possible, se faisait baiser par un autre mec ! Dans la maison de Danzo ! Alors devoir attendre encore plus pour le partager avec quelqu'un, ça le tuait.

Quand ses yeux tombèrent sur la baignoire, il eut l'idée de se faire couler un bain. Il n'avait jamais l'occasion d'en prendre à cause de son tuteur. Motivé par cette idée, il rinça la baignoire et fit couler l'eau pendant qu'il se déshabillait. Au moment de se plonger dans l'eau, Obito l'appelait.

Il soupira face au sentiment agréable d'être entouré d'eau chaude et décrocha.

"Mec, je crois que tu n'imagineras jamais ce que je viens de vivre."

A l'autre bout, Obito riait doucement avant de lui demander ce qu'il se passait. Kakashi pouvait sentir une légère tension, comme s'il s'attendait à ce qu'il se soit de nouveau fait battre.

Enthousiasmé par l'idée de pouvoir en parler à quelqu'un, il lui raconta tout, du début de sa journée éprouvante jusqu'à maintenant, plongé dans l'eau chaude d'un bon bain relaxant. Le brun était agréable parce qu'il l'écoutait attentivement et faisait quelques commentaires de temps en temps. Il avait même éclaté de rire lorsqu'il lui dit que son lit était souillé de la pire des manière.

"Tu sais, dit doucement Obito, lorsque tu seras dans la même position que lui, tu ne seras pas aussi écœuré par ton lit ensuite.

-Je le sais bien mais là, c'est de Fû dont on parle. Je ne supporte personne dans cette famille. Il vient de ruiner mon lit ! Même après avoir changé les draps, je ne dormirai pas bien..."

Et il le pensait vraiment. Pour que tout aille mieux, il faudrait qu'il puisse changer de couette et de matelas, ou au moins les faire aérer. A cette heure-ci et avec le froid de canard qu'il faisait dehors, il préférait éviter. Il devrait donc se contenter de draps propres, ce qui était déjà beaucoup. Il n'allait pas rechigner pour ça.

"Je suis content que tu m'en aies parlé, dit Obito après presque une heure de discussion. J'aime bien quand tu me parles un peu de ton quotidien.

-Tu veux plutôt dire que tu aimes être rassuré, non ?"

Le silence gêné qui suivit fut la réponse attendue. Kakashi soupira.

"Je ne voulais pas ruiner l'ambiance.

-Non, c'est moi, intervint le brun, je suis désolé. Ce que j'ai dit est plutôt égoïste, c'est vrai mais je ne peux pas nier que c'est vraiment ce que je ressens.

-Ce n'est rien, il sourit, je mentirais si je disais que ça ne me ferait pas plaisir que quelqu'un se fasse du soucis pour moi.

-Tu sais que notre porte est toujours ouverte pour toi."

Avec l'absence de Danzo et ses fils occupés avec leurs amis, Kakashi était tenté d'accepter l'invitation. Rassembler ses affaires serait simple. Il en avait tellement peu qu'un seul sac suffirait pour tout. Pour la première fois de sa vie, il se sentait prêt à claquer la porte et à affronter Danzo. C'était juste dommage qu'Obito soit chez sa famille, si loin.

"Ne me tente pas, j'en serais capable," dit-il en riant.

Personne ne saurait qu'il le pensait vraiment. Un bruit fort et soudain à l'extérieur de la pièce attira son attention. Fû hurlait tellement fort que les murs de la maison tremblaient. Le gris soupira. Son instant de détente prenait fin maintenant. Il s'excusa auprès d'Obito qui lui demandait de l'appeler si jamais quelque chose de mal se produisait et raccrocha. Il ne prit pas le temps de se savonner, il semblait que son beau-frère était devenu fou de l'autre côté.

Les bruits sourds et les cris ne s'arrêtaient pas. Cela suffisait pour l'angoisser alors il se dépêcha de se sécher et de vider la baignoire avant de pratiquement sauter dans ses vêtements et de sortir. Comme il s'y attendait, un Fû à moitié débraillé était en colère et avait renversé plusieurs objets sur son passage. Il descendait les marches avant que Kakashi n'ait pu le rattraper et en passant devant sa chambre, il dut se retenir de gémir.

Il l'avait complètement retournée, tout était sans dessus-dessous. Puisque la fenêtre était ouverte, il imaginait que certaines affaires avaient volé dans le jardin. Heureusement pour lui, il n'y était pas attaché alors il n'avait pas à pleurer leur perte. Le seul problème était qu'il devait aller les chercher et les laver. Il était bien content de voir que son oreiller était toujours à sa place.

Il se dépêcha de suivre l'adolescent énervé, écoutant les autres chuchoter chacun dans leur coin. C'était drôle de voir qu'ils étaient à peine surpris. Peut-être que certains n'y pensaient même pas à cause de l'alcool. Il finit sa course dans la salle. Tout le monde s'était écarté pour former un cercle autour des deux frères : l'un complètement ivre, à moitié nu et énervé ; l'autre essayant de raisonner le premier. Torune était plutôt comique dans un rôle d'autorité comme celui-ci.

Il était au moins soulagé que quelqu'un essaie de le calmer. Ce n'était pas leurs amis qui se bougeaient, en tout cas. Ils parlaient tous mais personne ne levait le petit doigt. Kakashi préférait rester dans sa situation, n'avoir aucun ami plutôt que d'en avoir des faux comme ceux-là.

Il allait se détourner d'eux pour commencer le nettoyage quand son regard rencontra celui de Fû. Les prunelles dorées se mirent à briller encore plus si c'était possible et s'adoucirent presque. Presque. Son visage s'éclaira si soudainement que le gris fit un pas en arrière. Il ne l'avait jamais regardé comme ça. D'habitude, c'était méchant ou moqueur. Là, il ne savait pas vraiment qu'elle émotion c'était mais ce n'était ni l'une ni l'autre.

L'autre jeune homme, au contraire, fit un pas en avant, puis deux, puis trois, se débarrassant lentement de la prise de Torune sur ses biceps. Le groupe autour, comme des aimants se repoussant, reculait de façon à lui ouvrir la voie. Kakashi se sentait comme un cerf pris dans les phares. Subir la colère de cette famille était déjà éprouvant physiquement et mentalement, il ne voulait pas non plus qu'il y ait des témoins. Il appréhendait déjà d'aller au lycée, il ne voulait pas en plus que les terminales se moquent de lui.

"Toi..."

Le pauvre adolescent maltraité déglutit bruyamment en reculant toujours plus jusqu'à ce qu'il se retrouve coincé contre la rambarde des escaliers. Fû le rejoignit rapidement et l'empoigna par le devant de son maillot et le tira vers lui. Kakashi paraissait tellement petit contre lui d'un coup que ça l'effrayait. Il regrettait d'être sorti de la salle de bain. Le garçon devait lui en vouloir pour l'avoir surpris avec un mec alors qu'il devait servir les invités et surveiller la soirée.

Avant qu'il ne puisse bégayer quoi que ce soit ou même fermer les yeux, le plus grand se mit en mouvement. Tout se figea soudainement quand, au lieu de le frapper, il l'approcha plus près et l'embrassa à pleine bouche. Le garçon était tellement choqué qu'il ne pouvait pas bouger et encore moins réfléchir.

De toutes les personnes, Fû faisait ça ? A lui ? Danzo le tuerait si son fils avait bu énormément d'alcool. Il le tiendrait pour responsable et irait plutôt apaiser la gueule de bois de son fils adoré. Mais qu'il fasse ça était tellement impensable qu'il en restait sur le cul.

Les bruits environnant le ramenèrent dans la réalité comme s'il s'était jeté dans un bain d'eau glacée. De ses bras maigres, il essayait de repousser Fû. Heureusement, bourré comme il l'était, il était un peu moins résistant que d'habitude et se recula assez pour lui libérer la bouche mais ses mains restaient agrippées à lui. Malgré lui, il sentait une petite panique s'insinuer dans ses veines. Ce n'était pas normal, quelque chose n'allait pas. Soit il l'aurait déjà frappé soit il s'éloignerait.

Quand il restait agrippé à lui, Kakashi essayait de gesticuler un peu plus pour lui faire lâcher prise.

"Fû, lâche moi !

-Ferme-la ! Tu laisses bien l'autre plouc le faire, je vois pas pourquoi moi je pourrais pas."

Le gris se figea. Lui aussi les avait vu ? Il était au courant depuis le début et n'avait rien raconté à Danzo. Cela le laissait bouche-bée une nouvelle fois. L'autre garçon en profita pour essayer de se faufiler à nouveau sur sa bouche mais Kakashi se reprit assez vite pour le repousser davantage. Fû fit claquer sa langue contre son palet alors qu'il s'énervait de nouveau.

"Bordel mais arrête de bouger ! T'es capable d'obéir qu'à mon père ou quoi !"

Kakashi ne pouvait s'empêcher de grimacer et d'essayer de s'écarter sur un côté. Il ne savait pas ce qu'il lui prenait d'un coup mais il ne fallait pas être une flèche pour comprendre que ce n'était pas bon. Il regrettait d'avoir raccroché avant de sortir de la salle de bain. La présence d'Obito, même à travers le téléphone, aurait suffi à le rassurer un peu, voire à lui donner du courage. Comme il ne voulait pas risquer de l'abîmer ou de se faire prendre avec par les garçons, il avait décidé de le ranger dans son sac.

Maintenant, sa conversation tranquille avec le brun semblait bien lointaine.

Il sursauta en sentant les mains baladeuses de Fû se faufiler sous ses vêtements. Il essayait de se sauver mais l'adolescent était trop fort comparé à lui. Il était bien nourri et plein de muscles alors qu'il n'était qu'une brindille. Le peu de muscle qu'il avait emmagasiné était parti pendant son jeûne forcé.

Avec les caresses qui se faisaient de plus en plus insistantes, les images des deux hommes dans la ruelle l'autre jour lui revinrent en mémoire. Il se voyait exactement de la même façon, démuni dans sa propre faiblesse. C'était d'autant pire qu'ils étaient entourés de beaucoup de monde. Il ferma les yeux fortement en souhaitant que tout cesse. Il en avait marre, il était épuisé et cette vie n'était plus possible.

"Fû, arrête de déconner sérieux !"

Les touches et la chaleur du corps du garçon disparurent soudainement. Kakashi se sentit frissonner de l'air frais et d'effroi. Il ouvrit les yeux pour voir que Fû était maîtrisé à quelques pas de là par d'autres garçons aussi robustes. Il hurlait et pestait contre eux, contre lui, et les esprits commençaient à s'échauffer.

Le gris savait que les laisser boire de l'alcool était une très mauvaise idée et il en payait le prix maintenant. Certes, les autres avaient enfin bougé pour le sortir de ce mauvais pas mais en même temps, Fû se faisait ridiculiser devant ses amis et Danzo allait le tuer. Il devait s'assurer que la soirée se passe bien, pas qu'elle dégénère en bagarre générale.

Heureusement, Torune décida enfin d'intervenir et de les calmer. Il envoya son frère à l'étage avec quelques difficultés mais réussit finalement à le convaincre qu'il était l'heure pour lui de dormir. Les autres se calmèrent d'eux-mêmes ou avec leurs amis. Kakashi les voyait sortir dans le jardin ou partir directement. Il soupira.

Ce n'était pas ce qu'il avait voulu. Il ne supportait pas ses beaux-frères mais il ne voulait pas non plus ruiner leur soirée, surtout que c'était l'une des rares occasions que Danzo leur laissait la maison. Ils seraient de très mauvaise humeur dans les semaines à suivre. En tout cas, il se sentait suffisamment honteux pour vouloir se cacher dans sa chambre jusqu'au lendemain.

Il soupira de nouveau et s'afféra à faire un peu de rangement. Plus il en ferait maintenant, moins il aura besoin de se presser avant le retour de Danzo. Il regroupa les bouteilles en verre dehors dans le jardin et les canettes et les gobelets dans un sac de tri. Plus personne ne faisait attention à lui et avec tout un groupe déjà parti, il s'y retrouvait mieux.

Lorsque Torune descendit, il lui lança un regard mauvais avant de retourner avec ses amis. Il était clair qu'il lui en voulait déjà. Il n'osait imaginer dans quel état Fû serait le lendemain. Il préférait se vider la tête pour ne pas y penser. Il le vivrait de toute façon, pas besoin de se triturer l'esprit avec ça maintenant.

Quand il eut terminé de nettoyer tout ce qu'il pouvait, il fila dans sa chambre pour ranger le bazar. L'autre n'y était pas allé de main morte. Il commença par récupérer les affaires qui avaient volé dans le jardin avant que quelqu'un ne les lui prenne. Trois types bourrés avaient l'intention de s'essuyer avec ses vêtements. Il avait de la chance d'être arrivé à temps.

Il lui fallut presque une heure pour mettre le linge sale à laver, refaire son lit, nettoyer ses tiroirs et les ranger. La nuit était bien avancée et il se sentait lessivé. En bas, la fête battait son plein. Les gens avaient recommencé à rire et, vu les cris de joie, s'amusaient avec un jeu. Il bâilla en s'installant sur son lit avec son téléphone. Obito lui avait souhaité la nouvelle année ainsi que deux autres numéros qui n'étaient pas enregistrés. Il se dépêcha de répondre à Obito et de le rassurer quant aux cris de plus tôt et se concentra sur les autres.

Il leur souhaita à son tour une bonne année en demandant gentiment qui ils étaient. Il n'avait donné le numéro à personne et on ne le lui avait pas demandé non plus. C'était excitant de savoir que quelqu'un d'autre voulait lui parler en dehors du lycée. L'adolescent attendait sagement une réponse. Quand il commençait à somnoler, il se décida à dormir un peu. Il régla le réveil pour qu'il sonne dans une heure et se plongea sous les couvertures. Il aurait le temps de nettoyer d'ici le retour de Danzo et puis il ne pouvait rien faire tant que les autres seraient là.

Éteignant la lumière, il soupira et se laissa sombrer dans le sommeil.

*

Quand Kakashi se réveilla, le volume de la musique avait considérablement baissé. Il entendait toujours quelques personnes rire et parler mais il semblait qu'une bonne moitié était partie. Il bâilla bruyamment et s'étira de tout son long. Cela faisait du bien de pouvoir étirer ses muscles sans ressentir la douleur de contusions. Il faisait en sorte d'en profiter au maximum. Il était fatigué, il aurait aimé dormir sans interruption mais il avait du travail.

Dans l'obscurité de la pièce, il vit la petite lumière verte de son téléphone clignoter près de sa tête. Il se dépêcha de le déverrouiller pour lire le message.

- Merci ! Excuse-moi, c'est Jiraya. J'avais oublié que je ne t'avais encore jamais rien envoyé. Repose-toi bien pour la rentrée ! -

Kakashi était surpris. Son professeur de français avait réussi à se procurer son numéro de téléphone alors que seul Obito était au courant. Ses organes se tordirent agréablement à la pensée de quelqu'un s'intéressant à lui. Il se leva avec un peu plus de facilité grâce au message et cacha l'appareil dans son sac de cours. Il avait du travail, il était temps de se mettre en action.

L'étage était étrangement calme. Il descendit vérifier combien de personnes il restait et prendre un peu de nourriture. Il profitait de l'absence de son tuteur pour faire le plein d'énergie parce que le connaissant, il le priverait de nourriture demain. Il n'était pas bête, il savait qu'il en profiterait. Il ne vérifierait pas si c'était vrai, par contre, alors autant prendre les devants et être puni pour quelque chose qu'il avait vraiment fait.

Comme il s'y attendait, il ne restait qu'un petit groupe avec Torune dans le salon. Ils ne faisaient pas attention à lui, visiblement trop plongés dans leur jeu. Cela ne le dérangeait pas. Il réunit tous les produits ménagers dont il avait besoin et retourna à l'étage. Le plus urgent était la salle de bain. Miraculeusement, il n'y avait pas trop de dégâts. Il fallait surtout désinfecter toutes les surfaces.

Lorsque tout était récuré, il passa au pallier puis à la cuisine, en bas. Quand il eut terminé, les personnes restantes partirent. C'était un timing parfait, pensait-il. Il profita que son demi-frère restait dehors avec les autres pour vite débarrasser la salle à manger et le salon. Quand l'autre revint, il lui lança un regard mauvais. Kakashi ne le craignait pas autant que Fû mais il ne l'appréciait pas pour autant. Il était inutile de rappeler que ce n'était pas réciproque.

Le brun ne dit rien et monta à l'étage sans même s'occuper du nettoyage. Il savait que Kakashi était là pour ça. Ce dernier haussa les épaules par habitude et continua sur sa lancée. Il finit de passer la serpillière vers quatre heures du matin. Comme il n'avait rien à faire en attendant que tous les sols de la maison sèchent, il rassembla toutes les bouteilles en verre dans un sac cabas et alla sur la place du marché près de la maison, où il y avait un conteneur exprès.

L'endroit était complètement désert. Rien d'étonnant à cette heure. Quelques voitures passaient de temps à autre mais les rues restaient silencieuses. Il semblait que plus personne ne faisait la fête dans le quartier. Devant le grand conteneur, il prit un moment pour réfléchir. Il ferait un boucan inimaginable s'il jetait les bouteilles une par une mais il ne pouvait pas les laisser à côté. C'était plutôt irrespectueux pour les travailleurs qui nettoieraient la ville.

Il réfléchit un instant mais opta quand même pour la deuxième solution. Il valait mieux que ces gens se baissent plutôt qu'il ne réveille tout le quartier. Il sortit les bouteilles du sac une par une et les disposa comme il le pouvait tout autour. Les gens pourraient croire qu'un groupe bourré serait passé par là et ce serait amusé à les caler de la sorte.

Il admira son travail à la fin et sourit de satisfaction avant de faire demi-tour. La maison était enfin propre, il ne restait que les meubles à bouger, chose qu'il ne pouvait pas faire seul. Il pourrait enfin aller dormir. Il espérait qu'on ne le réveillerait pas trop tôt demain, pour une fois qu'il n'était pas obligé de mettre un réveil...

Soudain, sans qu'il n'ait le temps de le voir venir ou de l'entendre, un bras fort et épais lui entoura les épaules et lui serra fermement le cou. Kakashi avait resserré le sac de Danzo dans ses mains tout en sursautant. Son cœur battait la chamade et il avait l'impression de n'entendre que son sang se précipité dans ses oreilles. Il lui avait fait tellement peur ! Heureusement, il s'était retenu de crier de surprise.

L'homme était très facilement reconnaissable. Toujours en T-shirt, même les nuits d'hiver, le bras complètement tatoué avec un immense serpent qui l'entourait et cette voix très grave à force de beaucoup fumer et boire. Il s'agissait d'un ami de Danzo et accessoirement l'un de leurs voisins. Lors de sa première et seule fugue, il y a de cela plusieurs années déjà, c'était lui qui l'avait retrouvé. Avec son chien, ils lui avaient clairement retiré l'envie de réitérer l'expérience. C'était la principale raison pour laquelle il n'osait pas demander de l'aide.

Avec le réseau que Danzo s'était construit dans la ville, le moindre de ses faits et gestes étaient observés. S'il faisait un pas de travers, ils seraient tous là pour le remettre à sa place.

Le chien qui tournait autour d'eux d'un air menaçant n'était pas le même qui l'avait sévèrement mordu à l'époque. Kakashi avait entendu qu'il avait été tué lors d'un combat de chiens. La pauvre bête avait dû en baver avec ce monstre comme maître. S'il avait un chien, il le chérirait. Il se promenait aujourd'hui avec un grand rottweiler agressif. La peau détruite autour du museau, des flancs et les oreilles à moitié arrachées étaient des preuves suffisantes pour savoir que lui aussi avait été entraîné pour participer à des combats.

Le gris avala difficilement sa salive. La morsure du premier, avec sa forte mâchoire, avait pleinement suffit. Il ne voulait pas se faire mordre de nouveau par une bête entraînée à tuer. Cela devait être horrible de se faire déchiqueter vivant.

"Alors petite merde, on essaie de se faire la malle ?

-Non, bégaya-t-il avec peine. Il ne pouvait pas s'empêcher de trembler de froid et de peur. Je suis juste venu jeter des bouteilles en verre."

L'homme regarda le sac vide qu'il serrait dans ses mains avec un haussement de sourcil et regarda par dessus son épaule pour voir les-dites bouteilles. Il cracha par terre juste devant eux et s'éloigna de lui. Kakashi se retint à peine de soupirer de soulagement.

"T'es vraiment chiant, râla l'autre, on se fait chier, merde. J'ai besoin de me défouler."

L'adolescent se tendit immédiatement. Le jour où il avait fait l'affront de quitter Danzo, ce dernier l'avait laissé à ses amis en tant que punching-ball. Ces types étaient certes plus drogués et bourrés que sobres mais ils étaient très forts. Quand ils tapaient, il le sentait, encore plus que lorsque Danzo se défoulait complètement.

Il regardait tous les faits et gestes de l'autre adulte pour s'assurer qu'il n'avait pas l'intention de le toucher davantage. Il voyait dans ses yeux que cela le démangeait mais en pleine rue et sans l'autorisation du tuteur, il se retiendrait. Il lui fit un geste brut vers la maison et Kakashi se dépêcha de la rejoindre.

L'homme ne le quittait pas du regard et le chien le suivait lentement. Cette image, taillée dans le noir de la nuit, était sacrément flippante. Une fois à l'intérieur, il verrouilla tout. Les amis de Danzo étaient encore plus flippant que lui. Certains regardaient des films d'horreur pour mal dormir la nuit mais lui, il avait juste à les regarder.

C'était une chance qu'il soit trop fatigué pour y penser longtemps ce soir.

*

Le réveil était assez sombre dans la maisonnette le lendemain. L'ambiance était électrique et tout le monde y participait. Torune était de mauvaise humeur parce qu'il était fatigué, Danzo avait toujours cette mine renfrognée sur le visage et Fû, lui, était d'une humeur massacrante. Kakashi faisait tout ce qu'il pouvait pour se tenir le plus loin possible de lui. Il faisait aussi attention à ne pas se retrouver seul dans la même pièce que lui parce qu'il sentait que cela pourrait partir en cacahuète. Quant à lui, eh bien, c'était comme d'habitude. Il en avait marre de cette vie merdique.

Donc l'année commençait très mal pour tout le monde. L'esprit des fêtes de Noël n'était pas là non plus. L'ambiance morne pesait sur le moral de Kakashi. Plus que jamais, il aurait aimé revoir son père et revivre ces matins joyeux qu'ils partageaient. Il n'aurait jamais imaginé à cette période qu'il finirait comme ça.

Aux informations, ils ne parlaient que des fêtes qui avaient eu lieu la veille. Il semblait que tout le monde s'était amusé. Après avoir remis les meubles à leur place dans un silence de mort, Kakashi s'était réfugié dans sa chambre.

Depuis la veille, il discutait avec Gai par message. C'était le deuxième contact sans nom. Il lui avait raconté qu'il avait presque harcelé Obito pour obtenir son numéro et cela le fit rire. Il ne connaissait pas le garçon personnellement mais il savait quelle personnalité il avait. Il imaginait très bien le brun suivre Obito partout en lui réclamant le numéro. Endurant comme il était, il n'aurait jamais lâché l'affaire. Il était très gentil mais aussi très borné quand il le voulait.

Il lui racontait la soirée qu'il avait passé avec son groupe d'amis. Ils s'étaient tous retrouvés chez le proviseur parce que Asuma avait la plus grande maison. Kakashi trouverait ça bizarre de se retrouver chez le vieux Hiruzen Sarutobi pour faire la fête. C'était un homme gentil, compréhensif et prévenant mais il restait le proviseur.

De son côté, Obito avait passé une soirée tranquille. Ils s'étaient couchés relativement tôt, juste après avoir souhaité la bonne année à leurs proches, pour être plus précis. Le pauvre garçon aurait préféré rester à Konoha avec ses amis mais son oncle ne l'aurait jamais laissé faire. Il avait beaucoup de libertés mais elles se restreignaient toutes lorsqu'il était question de sa famille.

Alors il avait passé une bonne partie de la nuit à traîner sur son téléphone. Aujourd'hui, ils faisaient un dernier grand repas et il serait de retour à Konoha dans la nuit. Le gris aimait penser qu'il ferait ça plus tard, avec une vraie famille. Il avait déjà prévu de s'occuper d'enfants abandonnés pour en sauver quelques-uns. Il ne voulait pas que d'autres enfants subissent le même sort que lui depuis près de dix ans.

Malheureusement, il ne pouvait pas tous les sauver et cela lui fendait le cœur. Alors quoi de mieux que de passer les fêtes avec des enfants seuls, sans famille ? S'il ne trouvait pas de compagnon pour le partager avec lui, ce ne serait pas grave. Il pouvait en profiter et se débrouiller seul. Il ferait en sorte d'avoir un métier qui lui permettrait de leur acheter des cadeaux, même si ce serait de petites choses. Cela faisait toujours chaud au cœur de recevoir quelque chose de la part de quelqu'un.

Il savait déjà qu'il garderait le téléphone qu'Obito lui avait offert, peu importe ce qu'il pourrait lui arriver et dans quel état il serait. A ses yeux, c'était inestimable.

"Espèce de sale teigne. Kakashi ! Descends tout de suite !"

Kakashi sursauta et cacha vite le téléphone. Danzo semblait plus énervé que d'habitude et il ne voulait pas empirer son état. Il inspira profondément pour prendre un peu d'assurance et dévala les escaliers. Assis sur le canapé, les trois mâles avaient des mines renfrognées. Le tableau aurait pu être comique s'il n'était pas d'aussi mauvaise augure pour lui.

"Qu'est-ce que tu as encore fait ?" L'homme grogna.

Kakashi était perplexe parce qu'il ne savait pas vraiment de quoi il parlait. Cependant, plus il attendait, plus la colère de l'homme grandissait. Quand il ne dit rien, l'adulte se leva pour le regarder de toute sa hauteur.

"Tu as ruiné la soirée de mes fils pour te faire valoir auprès de leurs amis ! N'essaies pas de faire l'innocent avec moi, tu sais comment ça finira."

Le gris était tellement surpris que ses yeux s'agrandirent. Ruiner était un bien grand mot. S'il se souvenait bien, tout le monde avait recommencé à rire juste après pendant plus de deux heures. Il était aussi étonné que les garçons lui en aient parlé alors que tout cela avait commencé avec un Fû en train de se faire prendre par un autre adolescent puis essayant lui-même de lui faire des avances.

En parler à un homophobe comme Danzo était impensable. Il se demandait bien ce qu'ils avaient pu lui raconter.

"Leur soirée allait très bien, dit-il avec une petite voix et un froncement de sourcil, ils ont beaucoup ri et sont partis tard. Je ne faisais rien d'autre que de les servir et de débarrasser.

-Les garçons, dit Danzo à l'attention de ses fils après un petit moment de silence, laissez-nous s'il-vous-plaît. J'ai deux, trois choses à lui dire."

Les deux idiots ne dirent rien mais les regards et les sourires qu'ils s'échangèrent étaient suffisants pour montrer leur appréciation. Ils attendaient depuis le début qu'il se fasse punir. Kakashi ne comprenait toujours pas comment il pouvait avoir de la compassion pour eux parfois.

Le silence qui régnait après leur départ était lourd. Le gris était mal à l'aise et pouvait à peine s'empêcher de gesticuler sur place. Il n'avait pas du tout envie de se retrouver en tête à tête avec l'homme qui était en colère contre lui. Ce dernier s'avança en boitant, la canne oubliée contre le canapé.

Il aimait lui rappeler qu'il était un ancien combattant, l'un des meilleurs dans sa catégorie, et qu'aujourd'hui il était réduit à l'état d'handicapé à cause de son père. C'était un souvenir douloureux pour eux deux mais il aimait s'en servir contre lui. Son père avait ruiné sa carrière et sa vie civile alors Danzo s'efforcerait de détruire sa vie. Il se plaignait toujours de lui mais s'il pouvait le garder prisonnier ici après ses dix-huit ans, il en serait heureux.

Kakashi avait toujours peur de finir séquestré à la cave.

Malgré sa carrure plus rabougrie que dans le temps, Danzo lui décocha un coup rapide et violent dans le ventre sans qu'il n'ait pu l'éviter. Il ne l'aurait pas fait de toute façon. Il ne voulait pas l'énerver davantage.

L'air quitta ses poumons précipitamment et la douleur qui lui traversa les tripes était fulgurante. Il ne put s'empêcher de gémir et de frotter l'endroit meurtri pour l'apaiser un peu. En quelques temps seulement, il avait perdu l'habitude de recevoir des coups. C'était douloureux et désagréable à souhait. Il espérait qu'il n'y en aurait pas beaucoup plus derrière ce premier.

"Quand est-ce que tu comprendras enfin que tu dois t'écraser ! Peu importe la situation, fais-toi petit et lèche le sol."

L'homme s'accrocha fermement à ses épaules et lui donna un coup de pied qui le fit tomber à terre. Danzo faillit tomber aussi mais malgré sa condition physique et sa jambe invalide, il réussit à se rattraper de justesse.

"Tu n'es rien et tu ne seras jamais rien alors il est temps que tu agisses comme tel !"

Un nouveau coup de pied l'agressa au torse.

"Apprend ta place ! Mes fils s'amusaient et tu as encore tout gâché ! Tu devrais t'estimer heureux d'avoir un toit sur la tête !"

Tandis qu'il parlait, les coups pleuvaient toujours, même si le rythme variait parfois. Par terre, Kakashi souffrait le martyr et n'arrivait presque plus à respirer. Il lui était impossible de reprendre sa respiration quand il le frappait au ventre. Il épargnait le visage mais le garçon espérait qu'il finisse par l'y toucher. Peut-être qu'il trouverait le courage de parler à l'infirmière du lycée à la rentrée, comme ça.

Une main lui attrapa les cheveux et d'un geste, il fut tiré sur ses genoux, incapable de suivre à temps. Il avait l'impression qu'on lui arrachait la peau du crâne. Danzo s'abaissait juste assez pour être à sa hauteur. Kakashi s'attendait à ce qu'il continue de le critiquer mais à la place, il lui cracha dessus.

L'adolescent eut un haut-le-cœur mais la prise sur ses cheveux ne faiblissait pas. Il craignait qu'il finirait par les perdre à ce rythme. Cela n'arrangerait pas sa gueule immonde. Pour la suite, il avait perdu la notion du temps. Il ne pouvait même plus réfléchir, les coups pleuvaient de nouveau. Tout ce qui occupait ses pensées, c'était l'image pitoyable qu'il devait renvoyer. Il ne pouvait pas tomber plus bas, n'est-ce pas ?

*

Cela faisait près d'une heure que Kakashi se tournait et se retournait dans son lit. Malgré la fatigue, il n'arrivait pas à dormir. Minuit était déjà passé et son temps de sommeil se réduisait considérablement mais il avait beau y penser, ça ne changeait rien. Au contraire, cela rajoutait au stress qu'il ressentait.

A chacun de ses mouvements, il serrait les dents pour ne pas gémir. Le simple contact du matelas appuyant sur la peau lui donnait envie de pleurer. Cela faisait un mal de chien. Danzo, aussi vieux et détruit que l'alcoolique dépressif qu'il était, l'avait massacré. C'était une façon de parler, bien sûr, puisqu'il était encore en vie mais pour l'instant, il préférerait être mort.

Il avait mal, il ne supportait plus Danzo et, pire, il ne voyait pas ce qu'il pourrait faire de plus dans cette foutue vie. Il devait sérieusement résister pour ne pas céder à la tentation et courir dans la cuisine piocher dans le tiroir à couteaux.

Il avait aussi pensé parler avec Obito ou Gai mais il ne voulait pas risquer de se faire prendre et de subir davantage. Maintenant, tout le monde devait dormir.

Son ventre gargouilla et il gémit en se roulant en boule. Il avait mal, il était fatigué et il avait faim mais il devait travailler son masque pour tromper les gens demain. Les vacances étaient déjà terminées et il n'en avait pas vu grand chose. Il avait travaillé jusqu'au nouvel an et après ça, il subissait les coups de Danzo chaque jour. Il s'était évanoui trois fois déjà, s'il avait bien compté. Bien qu'il était souvent assommé pendant plusieurs minutes et déconnecté de la réalité ensuite, il pouvait avoir quelques doutes.

Honnêtement, il ne savait pas comment il pourrait jouer le garçon qui allait bien. Il était revenu à un état presque squelettique, les cernes de plusieurs mètres de longs ne pouvaient pas simplement s'expliquer par des vacances festives et surtout, il ne pouvait pas marcher sans boiter ni retenir une grimace à chaque mouvement. Il avait plus de courbatures que s'il avait repris un programme complet et intensif de sport.

Faire un mouvement lui prenait déjà toute son énergie.

Et surtout, Obito ne tomberait pas dans le panneau. Il avait eu l'excellente idée de lui confier ce lourd secret et maintenant, cela le mettrait dans la merde. En le voyant comme une épave vivante, il ne le laisserait jamais rentrer chez lui sans en parler à son oncle. Oui, il était vraiment dans la merde.

Il soupira et se tourna de nouveau. La journée promettait d'être longue.

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Kakashi ne savait pas s'il réussirait à atteindre le lycée. Il venait seulement de terminer de se débarbouiller et il n'en pouvait déjà plus. Il arrivait à peine à garder les yeux ouverts et il se traînait plus qu'il ne marchait. Il était épuisé et n'avait pas la tête à voir des gens. Il pourrait très bien vouloir s'évader le temps d'une journée mais il était tellement fatigué qu'il voulait rester tranquillement dans son coin.

Il se tendit quand Danzo passa derrière lui. Ces derniers jours, il se sentait constamment angoissé et même compressé intérieurement quand il voyait l'homme. Il avait trop peur qu'il le frappe de nouveau alors qu'il avait autant mal.

Il se força à respirer lentement pour rester calme et ne rien laisser paraître quand il s'arrêta derrière lui. Son cœur battait la chamade, c'était tellement fort qu'il pensait qu'on pourrait l'entendre de loin. De plus, le flux sanguin dans ses oreilles couvrait tous les autres bruits de la télévision. Danzo resta plusieurs secondes immobile derrière lui avant de parler enfin.

"Tiens-toi bien aujourd'hui, tâche de rentrer à l'heure."

Kakashi hocha seulement la tête et l'homme partit. Il expira doucement puis alla se préparer pour partir. Il espérait que le sweat trop grand qu'il avait mis cacherait un maximum de peau. Il ne voyait pas comment il pourrait écrire sans sortir sa main de la manche mais il découvrirait une fois sur place. La journée promettait d'être longue et éreintante.