❦ Chapitre 11. ❦
« Je t'assure que tu n'as pas de fièvre... »
Kakashi voulait juste partir. Maintenant. Il voulait prendre son sac et partir, marcher sans jamais s'arrêter. Après sa rencontre avec Obito, il ne se sentait pas capable de rester au lycée où il pourrait facilement le croiser. Même ses amis l'effrayaient. Alors il avait pris sur lui et s'était rendu à l'infirmerie en espérant qu'elle le laisse rentrer chez lui. Danzo serait furieux et peut-être qu'il le frapperait au visage et qu'il l'empêcherait de venir pour le reste de la semaine.
Cependant, la jeune femme était la jeune remplaçante de l'infirmière Tsunade, qui était actuellement en cours. Évidemment, comme elle venait d'arriver, elle hésitait dans tout ce qu'elle entreprenait. Elle avait beau voir sa maigre carrure, ses yeux épuisés et sa pâleur, elle disait qu'il n'était pas malade. Eh bien, il aurait dû lui vomir dessus au lieu de courir aux toilettes...
« Je vous assure que je ne me sens pas bien, il assura pour la troisième fois.
-J'ai bien compris mais si je n'ai pas de raison valable de te faire rentrer à la maison, je n'ai pas le droit de te laisser partir... »
Le gris soupira. Le sort s'acharnait contre lui. Il avait les yeux plus humides qu'à l'accoutumé parce qu'il sentait les larmes aller et venir sans arrêt. Il regrettait trop sa décision envers Obito pour aller bien. N'était-ce pas visible sur sa gueule ? Exténué, il inventa des symptômes et une histoire à dormir debout. Il avait beau menti la moitié de sa vie, il n'avait parfois aucune inspiration mais elle n'était pas censée savoir qu'il n'avait pas été malade la semaine passée.
A force de persévérance, elle accepta finalement d'appeler son tuteur. Il était soulagé mais moyennement seulement. Il fallait déjà que Danzo réponde et qu'il accepte de venir. Ce qui n'était pas gagné, il pouvait le dire. Il y avait aussi les répercussions mais il pourrait les supporter. C'était le dernier de ses soucis pour une fois.
L'homme ne répondit pas sur le numéro de téléphone de la maison. Soit il l'ignorait, soit il était sorti. Les deux étaient probables. L'apprentie infirmière était prête à s'excuser et à le renvoyer en cours quand il lui rappela qu'il y avait un deuxième numéro de téléphone inscrit dans son dossier. Elle lui jeta un regard en coin mais l'essaya aussi.
Cette fois, Danzo répondit. Avec ses fils dehors, bien sûr qu'il serait joignable. Ce qui le dérangeait était qu'il ne savait pas quand c'était pour eux ou pour Kakashi. Il regrettera d'avoir répondu aujourd'hui.
La conversation allait bon train en face de lui. L'infirmière le regardait de temps en temps mais restait surtout focalisée sur son ordinateur. Il semblait que l'homme ne voulait pas se déplacer mais heureusement pour lui, la femme comprenait enfin qu'il ne voulait pas attendre. Quand elle raccrocha enfin et lui demanda de retourner dans la salle d'attente, il savait qu'il avait gagné.
Comme il s'y attendait, Danzo était furieux, cela se voyait dans ses yeux même s'il essayait de garder un visage neutre, limite aimable. Il échangea très peu de mots avec l'infirmière et lui ordonna de le suivre, ne s'inquiétant pas de son état. Asuma se tenait adossé contre un mur dans le couloir vide. Kakashi s'en étonna mais fit mine de ne pas l'avoir remarqué alors qu'ils lui passaient devant.
Le brun barbu plissa des yeux en les regardant s'éloigner. Son père le rejoignit du couloir adjacent qui donnait sur le hall du lycée.
« Nous avons l'air sur la même longueur d'onde, marmonna Hiruzen.
-Ce type est bizarre. Kurenai l'a vu à la réunion parents-profs. C'est pas Kakashi le problème.
-J'aimerais que tu le surveilles. Si tu vois quelque chose, fais m'en part. »
Asuma hocha simplement la tête et partit en cours.
*
Comme il s'y attendait, Danzo était énervé contre lui et le disputait sur le long trajet qui les menait à la voiture d'un ami. Ce dernier attendait tranquillement en écoutant une musique agressante très fort. Quand ils s'installèrent, le type la baissa et salua Kakashi et levant la main. Les amis de Danzo n'échangeaient pas vraiment avec lui. C'était juste le « petit boulet de Danzo. »
« Ça va, t'as pas l'air si mourant que ça, dit-il d'un seul coup sans trop écarter les lèvres pour ne pas faire tomber sa cigarette.
-C'est ce que je me disais. »
Kakashi se retint de lever les yeux au ciel. Il pourrait être couché avec quarante de fièvre et Danzo ne le croirait toujours pas. Alors il resta silencieux en regardant la ville passer devant ses yeux. Il avait rarement eu l'occasion de se promener en ville le jour et dans une voiture. Il faisait chaud et c'était relativement confortable, comme il l'avait imaginé.
Le chemin pris n'était pas du tout celui de la maison et il regretta presque d'avoir voulu partir du lycée. Il préférait ne pas demander où ils allaient, il en avait une petite idée. La voiture quitta la route principale pour se faufiler dans de petites ruelles jusqu'à ce qu'elle ne s'arrête sur un petit parking vide. Ils étaient bien au bar, comme il le pensait.
Les deux hommes sortirent du véhicule sans lui adresser un regard. Il ne savait pas s'il devait suivre mais quand l'étranger se tourna vers lui pour hausser un sourcil, il se risqua dehors. Danzo ne tilta pas et continuait de marcher.
« Ça fait longtemps que tu n'es pas venu ! Alors, tu trouves que ça a beaucoup changé ? »
L'adolescent fixa l'homme avant de regarder autour de lui. Des bouteilles de bière vides reposaient partout autour de la porte avec du verre brisé, des déchets étaient collés au pied des murs et une forte odeur d'urine lui retournait l'estomac. C'était exactement comme dans ses souvenirs.
« Pas vraiment, » il marmonna et l'autre rit.
Il les suivit docilement à l'intérieur du bar miteux. L'intérieur partait aussi en ruine et il y régnait une odeur absolument atroce. Un mélange de sueur, d'alcool et autre chose qu'il ne pouvait pas identifier. Pas étonnant que Danzo parte en vrille après avoir passé tant de temps ici. L'odeur lui montait à la tête et il ne serait pas capable de penser de façon juste. Combiné à l'alcool, Kakashi comprenait enfin comment l'homme pouvait être aussi violent.
« Ne t'inquiète pas, l'homme l'appela depuis le comptoir où il avait pris place, on se fait vite à l'odeur. »
Le gris rougit pour avoir été pris si facilement en train de grimacer de dégoût. Il n'avait pas pu s'en empêcher, il sentait la nausée pointer le bout de son nez et il ne savait pas comment la combattre.
Il approcha le bar lentement en vérifiant son environnement. L'intérieur ressemblait à un chalet à trois pièces avec le bar, la pièce principale et les toilettes. De grandes poutres usées bloquaient la vue de certaines tables, idéal pour venir ici en toute discrétion. Le carrelage était blanc cassé, voire beige mais il lui était impossible de dire si c'était la couleur d'origine ou non.
« Tu vas travailler, » dit Danzo quand il arriva.
Il hocha seulement la tête et suivit l'homme à l'arrière, dans la cuisine qui était aussi sale que le reste de l'endroit. Le frigo fermait à peine, la lumière clignotait et une grande pile de vaisselles trempait dans l'évier. Vu les tâches répandues à la surface de l'eau, il devait y avoir de la graisse. Quand il pensait que des gens venaient manger ici... Même si c'étaient des habitués peut-être peu fréquentables, Kakashi les plaignait. Il n'y avait rien de tel pour attraper des maladies.
« Commence par nettoyer la vaisselle, tu la mettras sur la table, l'homme mal tenu désigna un chariot taché, ma copine te dira où la ranger après. »
Avec ça, l'homme sortit, le laissant seul avec ses démons. Il n'avait cependant pas le temps de penser à Obito ou la vie idéale dont il rêvait, plus vite il terminerait, moins Danzo n'aura de reproches à lui faire. Il retroussa les manches de son sweat en parcourant la pièce du regard. Le seul tablier qu'il trouva était noir de graisse. Il devrait s'en passer et faire attention. Il soupira et se mit au travail, débouchant l'évier en retenant un haut-le-cœur quand ses doigts touchèrent une matière visqueuse.
Il chercha le liquide vaisselle, en vain. Ce type était vraiment répugnant ! Comment se faisait-il qu'il ait encore son établissement après tant d'années ? L'État faisait mal son travail, c'était certain. S'ils venaient visiter l'endroit aujourd'hui... Ce serait la fermeture immédiate. Kakashi serait même d'avis de le brûler sur le champ.
Il frotta tant bien que mal les tâches des plats et des assiettes, au rythme des gargouillis de son ventre. La vue et l'odeur le dégoûtaient mais il ne pouvait pas nier qu'il mourrait de faim. Il regrettait encore de ne pas avoir accepté une petite bouchée de ce que la grand-mère d'Obito avait préparé...
Immédiatement, il pensa au téléphone caché dans son sac à dos, lui même collé au bar sous les pieds de Danzo. S'ils décidaient de le fouiller pour s'amuser et qu'ils tombaient dessus... Il était mort. Enfin, peut-être pas véritablement mort mais son tuteur ferait tout pour que personne n'entende plus parler de lui à part au lycée. Et encore, il devrait agir comme une ombre parfaite. Il frissonna malgré lui.
Il avait décidé de rompre avec son brun mais il ressentait l'envie de lui parler. Il avait été intérieurement heureux quand il lui a rendu l'appareil parce que cela signifiait que s'il voulait lui parler ou voir des photos de lui le soir, il pourrait. Cela l'avait beaucoup calmé jusqu'à aujourd'hui, il n'y avait pas de raisons pour que cela ne fonctionne plus maintenant.
« Tu y arrives ? »
La voix le fit sursauter et il dut garder toute sa maîtrise de soi pour ne pas faire tomber le plat en verre qu'il tenait. Il se tourna vers la femme qui venait d'arriver. Elle était grande et fine, trop plate pour être agréable à regarder. Ses cheveux étaient d'un orange criard et laid, tellement frisés sur le haut de sa tête qu'ils ressemblaient à un gros nœud. Son maquillage, une tonne de bleu pailleté sur les yeux et du rouge bavé sur les lèvres, était trop épais et ses vêtements trop extravagants. Quant à sa voix, elle était crue par la cigarette et d'autres choses qu'il préférait ne pas connaître.
Elle respirait la vulgarité et était parfaitement écœurante, il ne voulait pas la croiser avec son mari, de l'autre côté. Le pire, se dit-il, est que des hommes accourent vers ce genre de femme lorsqu'ils sont en manque de sexe. Kakashi espérait ne jamais en arriver à cet extrême, quitte à s'user la main droite. Malgré tout, la femme semblait se plaire dans son métier .
« Oui, oui, » Kakashi bégaya tant bien que mal, essayant de ne pas montrer qu'il la trouvait ridicule.
La femme hocha la tête et appuya sa hanche légèrement vêtue contre l'un des comptoirs sales. Elle le jaugea ouvertement de la tête aux pieds, s'arrêtant parfois de longues secondes dans des endroits embarrassants. L'adolescent faisait tout ce qu'il pouvait pour ne pas avoir l'air déstabilisé devant la vaisselle qu'il essuyait mais c'était difficile. Un bruit d'accord traversa sa gorge détruite alors qu'elle se redressait.
« Quel âge as-tu, gamin ?
-Quinze ans, madame, » il répondit avec hésitation.
Il n'aimait pas la direction que cela prenait. Les yeux jaunis de la rousse se levèrent au plafond comme si elle réfléchissait. Il espérait qu'elle ne voudrait pas l'approcher en sachant qu'il était bien en dessous de la majorité.
« Je n'ai jamais eu personne d'aussi jeune, dit-elle enfin alors qu'il sentait un frisson désagréable lui parcourir le dos, mais seize, ce n'est pas loin de quinze. »
Elle s'approcha de lui d'une façon qu'il pensait être sensuelle même si cela ne l'allumait pas du tout et il fit un pas en arrière dès qu'elle en faisait un en avant, jusqu'à ce qu'il se retrouve coincé contre le chariot et qu'elle ne le rejoigne. Elle se colla tout contre lui, l'obligeant à porter le plat sur le côté pour ne pas l'abîmer.
Elle lui attrapa le col de son pull et le tira vers elle jusqu'à ce qu'elle puisse glisser son nez dans son cou sans effort. A partir de là, il sentit quelque chose de chaud et d'humide se glisser sur la peau. Il connaissait cette sensation pour l'avoir vécue avec Obito. Elle était en train de le lécher ! C'était complètement différent de ce qu'il avait ressenti la première fois que ça lui était arrivé. Il se sentit rougir sans qu'il ne puisse rien y faire mais cela n'avait rien à voir avec du plaisir. Il avait une forte envie de rire et d'aller se cacher dans un coin en même temps.
Quand elle se détacha enfin assez, le gris recommença à respirer mais à peine. Elle sentait atrocement mauvais.
« Si l'envie te prend, dit-elle en jouant sur sa pomme d'Adam avec sa langue, viens me voir. Je promets que je serai gentille... »
Kakashi déglutit bruyamment et elle se dégagea enfin avec un sourire satisfait. Elle marcha jusque la porte en bougeant ses hanches de façon exagérée. Son string rose fluo dépassait tellement qu'il lui arrivait presque au milieu du dos.
Quand elle fut enfin dehors, la tension retomba illico et l'adolescent dut se retenir plus fermement pour ne pas rire. Qu'est-ce qu'il venait de se passer ? Il devait rêver, c'était ça. Si seulement Danzo avait été là, sa tête aurait été à mourir de rire, il en était sûr.
Il finit d'essuyer la vaisselle comme il le pouvait avec un torchon déjà mouillé et regarda autour de lui. La femme du gérant était partie sans lui avoir dit où tout ranger. Il vérifia chacun des placards avec le plus de discrétion possible. Les assiettes disparurent bientôt du chariot avec les couverts et quelques verres. Ceux qui restaient allaient évidemment du côté bar. Il pourrait en profiter pour demander où allaient les plats.
Les bras chargés, il fit de son mieux pour rejoindre le bar rapidement sans rien faire tomber. Quand il poussa la porte qui menait à la salle principale par contre, une bouffée de chaleur l'envahit subitement avec l'odeur nauséabonde de l'endroit. Il se sentit soudainement mal et anormalement chaud. Son front devint humide en à peine quelques secondes et il tremblait tellement qu'il devait s'arrêter pour respirer. Heureusement, de là où il était, les adultes ne pouvaient pas le voir. Il espérait qu'aucun d'entre eux ne viendrait par ici et le verrait dans cet état minable.
Ses jambes se dérobèrent sous lui, il tomba à genoux alors qu'une chope de bière se libérait de son étreinte et se fracassa sur le sol. Il jura et posa les autres sur la table contre laquelle il venait de s'effondrer avant de ramasser les plus gros débris. Il pouvait déjà entendre des pas venir à lui alors que la conversation avait pris fin au moment de l'impact.
Le grand homme, la cigarette au bec, apparut pour regarder. Non loin, Danzo suivait avec une mine renfrognée dont il avait le secret.
« Qu'est-ce que tu as encore fait ? Il grogna en boitant sur sa canne. Même pas foutu de porter des verres sans en faire tomber.
-C'est bon, dit le gérant en haussant les épaules, j'en ai d'autres. Ça arrive, il avait sûrement la tête ailleurs. Tu sais comment sont les gosses de nos jours. »
Danzo lança un regard mauvais au gris qui continuait de ramasser le plus de débris possible puis retourna à sa place sans se retourner.
« Je suis désolé, dit faiblement Kakashi, j'ai été maladroit. »
Il allait attraper un éclat de verre quand la grosse main de l'homme se referma sur la sienne, l'immobilisant. Le gris mit un moment avant de lever les yeux vers lui, tendu par la peur de représailles. Bien que Danzo s'en chargerait à la maison.
« J'ai dit que ce n'était pas grave. Par contre, tu devrais faire attention à ne pas mettre de sang partout. »
Kakashi le regarda sans comprendre et suivit son regard sur leurs mains. Celle avec laquelle il tenait les éclats de verres était devenue rouge de sang, il n'avait pas sentit l'humidité et la chaleur lui couvrir les doigts. Il ne s'était même pas rendue compte de la morsure du verre dans la peau fine de sa paume.
Il ouvrit doucement la main pour ne pas rajouter de pression et détourna le regard par gêne. C'était un idiot, le type allait le détester pour mettre du sang partout. Non seulement ils perdaient du temps ici mais en plus, ils devraient encore nettoyer. Enfin, Kakashi soupçonnait qu'il allait le faire tout seul.
« Je vais jeter ça, je reviens pour ramasser le reste et nettoyer. »
L'adulte hocha simplement la tête et se redressa pour partir. Quant à l'adolescent, il se dépêcha de tout jeter dans la poubelle de la cuisine et de se passer la main sous l'eau froide. Il commençait à redevenir complètement maître de son corps et les tremblements avaient presque complètement disparu, à l'exception de son membre meurtri. Il n'arrivait pas à croire qu'il n'avait senti aucune douleur. En fait, c'était bien la première fois qu'il faisait une crise aussi forte.
Oui, il avait déjà eu la tête qui tournait et oui, il tremblait beaucoup et devait s'asseoir pour se calmer mais il ne s'était encore jamais effondré. Satané Danzo et sa punition. Comme pour acquiescer à ces propos, son ventre gargouilla fortement et il dut se retenir de gémir pitoyablement. Il avait faim, il était fatigué, physiquement et émotionnellement et son cœur était en pièce pour avoir rompu avec Obito. Pourquoi le sort s'acharnait-il sur lui ? Il ne lui arrivait que du malheur. Dès que quelque chose de bien se passait dans sa misérable vie, on le lui retirait en le faisait doublement souffrir.
Il soupira et retira sa main de l'eau. Le sang continuait de couler, peu importe le nombre d'essuie-tout qu'il pressait contre les plaies. Il allait danser quand il mettrait ses mains dans les produits ménager.
« Pourquoi tu ne t'arrêtes pas de couler..? » Il gémit d'une voix craquelée.
S'il avait été seul dans sa chambre, il aurait permis aux larmes de couler librement sur ses joues. Il en avait tellement marre de tout. Ses nerfs voulaient juste lâcher. Une petite main chaude se pressa dans son dos sans qu'il n'ait entendu quelqu'un entrer et il se retint de sursauter.
« Oh, petit chat, ce n'est pas grave, la femme du gérant lui susurra, ça arrive à tout le monde. Laisse moi prendre soin de ça pour toi. »
Kakashi hésita à cause de la proposition qu'elle lui avait faite plus tôt mais, se sentant de plus en plus mal, il la laissa s'en occuper. Elle tira un vieux tabouret en bois d'un coin et le fit s'y asseoir avant d'enrouler les plaies dans un torchon et de sortir une petite trousse d'un placard. Dedans, il y avait de petits ciseaux, des pansements, de la crème et d'autres choses qu'il ne connaissait pas.
Elle prit place en face de lui, retira le torchon tâché et se mit au travail en désinfectant la paume et les doigts. Le gris grimaçait mais ne bougeait pas. Maintenant qu'il s'était calmé, il ressentait la douleur de façon aiguë. Elle mit un moment pour finir mais réussit à se dépatouiller dans le sang qui continuait de couler et, bientôt, il eut l'intérieur de la main couverte de pansements.
« Je ne sais pas si ça va tenir, » dit-elle en regardant son travail.
Elle tira une petite bande roulée et déroulée beaucoup de fois vu son état et lui enroula sur la main. Il avait l'air ridicule avec ce pansement mal réalisé mais c'était mieux que rien. Il la remercia et se leva pour reprendre ses activités mais elle le retint encore pour le forcer à manger une clémentine.
« Tu as besoin de force, » avait-elle dit avant de se sauver en emportant les plats propres.
Kakashi vérifia les mouvements qu'il pouvait faire sans que cela ne tire ou ne fasse mal et sortit à son tour avec une serpillière qui traînait et une balayette. Plus personne ne faisait attention à lui maintenant, ce qui le soulageait vraiment.
Il passa le reste de l'après-midi à faire des tâches par-ci, par-là sous la direction du gérant du bar en particulier. Les habitués commençaient à arriver après la tomber de la nuit en fin d'après-midi et l'endroit était devenu bien plus bruyant. Danzo n'avait pas quitté sa chaise depuis l'incident du verre brisé. De son côté, Kakashi espérait qu'il déciderait rapidement de rentrer. Il était épuisé d'avoir travaillé si longtemps et savoir qu'il devrait recommencer à la maison le démoralisait encore plus.
Cela faisait à peine dix minutes qu'il était dehors, dans le froid d'un soir d'hiver, à nettoyer la petite cour mais cela lui parut être bien plus long que ça. Il avait froid et tremblait comme pas possible et tous les habitués du bar le saluaient un peu trop chaleureusement à son goût. Certains l'approchaient même de trop près mais il n'osait rien dire à cause de son tuteur. Il détesterait que l'adolescent lui fasse honte en public, surtout devant ses « amis. »
Alors quand il eut terminé sa tâche, il fut plus qu'heureux de rentrer, même si l'air était devenu irrespirable à cause des fumées de cigarettes. Ils ne connaissaient apparemment pas les nouvelles clauses de sécurité.
Un peu avant vingt-deux heures, Danzo se leva enfin de sa chaise et salua les connaissances qui l'entouraient. Kakashi en profita pour s'éloigner des tables qu'il venait de servir et le rejoignit. Il avait hâte de quitter l'endroit. La femme du gérant le salua avec une mine boudeuse mais retourna au travail. Les autres hommes présents lui sourirent simplement ou ne faisaient pas attention du tout.
« Eh bien, merci pour ton aide, gamin, dit l'homme en lui serrant la main. Le gris hocha la tête.
-Tu l'aideras davantage pendant les vacances, Danzo l'informa. Tu vas travailler pour lui. »
Évidemment surpris, Kakashi retint à peine un gémissement. Non, il ne voulait pas revenir ici, dans cet endroit sale et rempli de pédophiles. Il était déjà mal quand il ne voyait que Danzo et ses fils, il ne voulait pas en rajouter. Il n'y aurait pas de contrat, il travaillerait au noir et ce ne sera pas lui qui percevra l'argent, mais son tuteur.
Il y avait de quoi être dégoûté et ne pas vouloir y aller.
Un autre ami de Danzo, encore plus louche que le précédent, les raccompagna à la maison. L'adolescent ne traînait pas en chemin et retint de justesse un soupir de soulagement. Tout était calme, Fû et Torune devaient être dans leur chambre. Il se déchaussa rapidement et se pressa dans l'escalier quand une voix autoritaire le fit s'arrêter.
« Tu n'oublieras pas de nettoyer cette maison, aussi. »
C'était le moment ou jamais. S'il voulait ne pas aller au lycée pour ne pas croiser Obito et les autres, il devrait faire en sorte d'être frappé au visage, qu'il soit marqué. Bloqué, l'homme serait obligé de le laisser à la maison. Respirant aussi profondément que possible pour essayer de garder son calme, il se força à prendre une pose détendue pour cacher ses tremblements. Les secondes devinrent de plus en plus longues dans ce silence et l'homme commençait à s'éloigner. Il ne pouvait pas attendre plus longtemps.
« Non, » dit-il, aussi fermement que possible.
S'arrêtant net, Danzo prit son temps pour se tourner vers lui, certainement le temps qu'il trouvait juste pour vite changer d'avis et accepter. Les entrailles du gris étaient du même avis, son instinct de survie le poussant à se conformer et à s'excuser. Cependant, il était impossible qu'il recule maintenant. Il avait du caractère, il était temps de l'utiliser et de lui montrer qu'il ne s'écraserait pas toujours devant lui.
« Excuse-moi ? »
Le tension était palpable et le ton, meurtrier. Eh bien, il était sur la bonne voie pour se prendre un poing dans la figure, au moins... Les tremblements gagnaient peu à peu ses jambes et il lui restait peu de temps avant qu'elles ne se dérobent sous lui. Prenant une profonde inspiration qu'il voulut discrète, il garda la tête haute.
« Je ne nettoierai pas la maison à cette heure. J'ai travaillé tout l'après-midi, je suis fatigué. Je veux aller me coucher. »
C'était un miracle que sa voix n'ait pas flanché une seule fois, surtout devant le regard que l'homme lui lançait. Sa mort potentielle approchait à grands pas et il se sentait soudain moins prêt à lui faire face.
« Je ne pense pas que tu aies bien compris. C'est moi qui dicte les règles. Si je te dis de faire quelque chose, tu t'exécutes. Il s'approcha des escaliers en boitant peu. Personne ne te demande ton avis ici et jamais ça n'arrivera ! »
En utilisant la poignée de sa canne, il réussit à le tirer au bas des escaliers par le col. Son pull ne serait pas déformé mais sa nuque avait ressentie la brûlure. Son sac tomba sur le sol avec fracas et lui-même eut du mal à atterrir sur ses pieds. Voilà, il y était. Danzo ne serait plus patient. Il rassembla le peu d'énergie qu'il lui restait de cette journée pour être courageux.
« Mais je ne veux pas ! »
Le temps sembla soudainement s'arrêter et il regretta presque d'avoir utilisé un ton si colérique. C'était un miracle qu'aucun des garçons ne soit encore descendu. Les battements de son cœur étaient si forts qu'il n'entendait que ça. Même la grosse horloge qui trônait dans la salle ne faisait pas le poids. Les yeux de Danzo, des yeux aussi noirs que la nuit, pleins de colère, le perçait directement jusque l'âme.
« Je me fiche de savoir si tu le veux ou non, la vieille voix était sèche et tranchante, tu as une dette envers moi, tu m'obéiras jusqu'à ce que tu l'aies remboursée ! Et ne t'attends pas à un traitement de faveur parce que tu joues au malade ! »
Kakashi garda le silence. L'homme était plus proche qu'avant, lui criant dans la figure. Il le connaissait bien maintenant. Les coups pleuvraient bientôt. C'était même étonnant que ce ne soit pas déjà en train d'arriver. Pour l'instant, il essayait de l'intimider. Le gris n'aura qu'à faire demi tour et se mettre au travail. Ne sachant pas quoi répondre, il resta simplement sur place, refusant de se soumettre.
Cela devenait plus long que prévu et sa motivation diminuait. Danzo n'attendait jamais aussi longtemps pour le frapper. Est-ce qu'il voyait dans son petit jeu ou avait-il un minimum de compassion pour lui et sa « maladie » ? Non, bien sûr, cette dernière hypothèse était à jeter à la poubelle. Danzo restait Danzo, un homme seul et égoïste, sans cœur, ne jurant que par ses fils et ses soi-disant amis.
Enfin, le premier coup l'atteignit au visage. Il avait à peine eu le temps de voir la poignée de la canne arriver vers lui avant que la douleur ne lui traverse la mâchoire. Il gémit fortement en sentant la douleur gagner peu à peu une grande partie du tronc. C'était tellement douloureux mais en même temps, c'était le signe de sa libération. Il n'aurait pas à voir Obito de la semaine, ni personne d'autre. Les seuls problèmes dont il aurait à se soucier étaient ici, dans cette maison.
Dans un coin de son esprit, il se sentait pathétique comme jamais il ne l'avait ressenti auparavant. Il se sentait malade, il ne voulait en rien ressembler à ces masochistes qui bordaient le bar où ils étaient aujourd'hui. C'était malsain, ça lui donnait envie de pleurer. Comment pouvait-il espérer s'en sortir alors qu'il se servait de cette souffrance, qu'il l'acceptait pour arriver à ses fins ?
Le calme revint soudainement. Il ouvrit les yeux et essaya de se concentrer sur son environnement. Il faisait sombre, une lumière était allumée plus loin. Danzo avait finalement arrêté de le frapper. Il était allongé sur le sol, il ne s'était pas senti tomber, il n'avait pas senti de douleur non plus lorsqu'il s'est retrouvé par terre. Il se releva lentement, douloureusement. Le sang battait fortement dans son crâne, l'homme ne s'était pas retenu. Cela pourrait expliquer qu'il n'ait pas tout vu. Il ne serait même pas étonné de s'être évanoui quelques secondes.
De longues minutes défilèrent entre eux sans qu'aucun ne parle. Kakashi avait abandonné l'idée de se lever tout de suite et attendait sagement assis par terre. Il espérait vite entendre les mots qui le libéreraient du lycée pour la semaine mais l'homme prenait son temps, il restait silencieux. La panique remonta davantage et l'adolescent se sentit suffoquer. Ce n'était pas normal, il devrait parler. Il devrait lui dire de rester ici pour le reste de la semaine.
Est-ce qu'il ne l'avait pas frappé assez fort ? Il avait réussi à éviter les marques ?
Les tremblements revinrent de plus belle. Il était terrifié, non pas qu'il le batte de nouveau mais qu'il le laisse ici sans rien dire. Il devrait affronter le monde extérieur, les adolescents qui avaient presque son âge au lycée et les professeurs. Il ne voulait pas revoir son professeur de mathématiques ni celui de français. L'un le détestait trop et l'autre l'aimait trop. C'en était presque affolant.
« Tu n'iras pas en cours demain, dit Danzo en le regardant de haut, toujours essoufflé, mais j'ai d'autres projets pour toi. »
Et avec ça, il disparut. Enfin... Enfin ! La délivrance... Kakashi était pathétique, à genoux sur le sol froid, en soupirant de soulagement mais il s'en fichait pas mal pour le coup. Il n'avait pas besoin de plus de précision pour savoir qu'il devrait se lever à l'heure habituelle et s'occuper de ses tâches jusqu'à ce que l'homme lui dise quoi faire d'autre.
Il se leva doucement sur ses jambes encore flageolantes et le corps douloureux mais la paix régnait pour l'instant en lui. Il avait enfin obtenu ce qu'il voulait, même s'il s'en souviendrait pendant des jours. La douleur dans la mâchoire l'incitait à la garder fermée et une douleur pulsait autour d'une orbite. Sans parler du reste de son corps.
Il respira profondément et le regretta aussitôt. Sa tête tournait et son environnement tanguait. Ce n'était pas le moment de s'effondrer, il avait du travail qui l'attendait encore. Danzo était assez fou pour se lever en pleine nuit et vérifier que l'endroit luisait de propreté.
Quand tout redevint plus ou moins stabilisé, il essuya d'un revers de la main le sang qui coulait de son nez. Il était épuisé, peut-être à cause de toutes les émotions qu'il avait ressenties pendant la journée, l'effort, la faim ou la douleur... Peut-être même tout mélangé... Mais il s'en fichait. Il était temps qu'il se reprenne et lance le mode automatique. Plus tôt il aurait terminé, plus tôt il irait se coucher. Le reste n'avait pas d'importance pour l'instant.
*
Dans sa vie, Kakashi n'avait pas passé beaucoup de réveillons de Noël joyeux. Il se souvenait à peine de ceux qu'il passait avec son père et avec Danzo, c'était comme si ce jour n'existait même pas. Ils faisaient la même chose qu'un jour ordinaire de l'année. Les trois membres de la maison s'étaient achetés des cadeaux qu'ils s'offriraient en cinq minutes à peine le vingt cinq au matin et ça s'arrêtait là. Pas de repas, pas de sapin, pas une seule décoration ou message pour souhaiter ce jour de fête.
C'était seulement plat, triste.
Il savait aussi qu'il n'aurait aucun paquet à déballer et à l'heure d'aujourd'hui, cela ne lui faisait plus rien. C'était devenu une normalité. Banal. Personne ne lui dirait ce qu'il avait reçu et personne ne lui renverrait la question. De toute façon, il n'avait rien à répondre. Dire qu'il ne recevait jamais de cadeau le ferait davantage sortir des normes.
La meilleure chose qu'on lui ait jamais offert était toujours enfermée dans son sac, n'ayant pas bougé depuis une semaine. Le téléphone qu'Obito lui avait offert devait être éteint maintenant à cause d'une batterie vide. Cela ne le dérangeait pas, ça l'empêcherait au contraire de le vérifier toutes les heures en espérant recevoir ne serait-ce qu'un message de la part du brun.
Cependant, il n'avait pas le droit d'être triste ou du moins d'espérer quoi que ce soit. Il avait mis fin à cela, lui et lui seul, alors il ne pouvait s'en prendre qu'à lui. Obito et sa grand-mère avaient été extrêmement gentils avec lui et il leur avait tourné le dos. Tout ça à cause de la peur qu'il arrive quelque chose à son brun. Il se détestait d'être aussi faible mentalement.
Physiquement, il n'était pas mieux. Cela faisait plus d'une semaine que Danzo lui faisait sauter des repas et son corps avait du mal à suivre. Il était très fatigué au début mais au fil des jours, le peu de gras qu'il avait réussi à emmagasiner disparaissait, ne laissant ses os que dans un sac de peau. Il était laid, horrible à voir. Sans parler de l'œil au beurre noir qu'il arborait et le bleu qui courait le long de sa mâchoire.
Il était donc évident que Danzo ne l'envoie pas au lycée avant la rentrée en janvier. A la place, il avait commencé à travailler plus tôt au bar de son ami, Mukade. La seule chose appréciable était les pourboires qu'il recevait de tous les clients. Ils lui sautaient tous dessus comme des carnivores affamés de chair fraîche. Il supportait les petits surnoms qu'on lui donnait, même les plus explicites sexuellement, ainsi que les sifflements ou même les regards affamés qu'il préférait ignorer, mais le plus dur était de rester neutre devant les attouchements.
Ils n'étaient pas appuyés, juste dans des endroits inconvenants. De plus, Kakashi n'aimait pas être touché, c'était une répulsion naturelle. Peut-être que le fait qu'il soit physiquement battu régulièrement y était pour quelque chose.
Alors ce soir, vingt deux heures, le vingt quatre décembre, il n'en pouvait plus. Cela faisait plusieurs heures déjà qu'il travaillait mais le bar ne désemplissait pas. Au contraire, il se remplissait ! Est-ce que tous ceux de la ville qui ne fêtaient pas Noël venaient ici ? Il ne savait pas s'il devait être triste pour eux ou absolument content. Après tout, c'était du pourboire en plus pour lui. Pour une fois que travailler valait vraiment la peine... Danzo ne pouvait pas le suivre pour savoir combien ces hommes lui donnaient exactement.
« Eh, ici gamin ! »
Kakashi se dirigea vers l'homme qui levait la main dans sa direction sans trop faire bouger son plateau. Les commandes s'enchaînaient tellement que Mukade l'avait envoyé dans la salle avec un plateau plein de boissons. Inutile de préciser que c'était compliqué de bouger librement.
Tout le monde était excité par l'alcool et l'ambiance. L'humidité régnait en maître alors que tout le monde transpirait buvait, bavait... L'adolescent essayait de ne pas trop les fixer longtemps pour ne pas se dégoûter seul. Heureusement, Danzo n'était pas venu ce soir. Il était apparemment trop fatigué mais Kakashi était persuadé qu'il attendait derrière la porte pour s'assurer qu'il rentre à l'heure. Au moins, il ne le surveillait pas alors qu'il travaillait.
Il tendit une choppe de bière au type qui l'avait interpellé et, après avoir pris l'argent tendu, il se faufila jusqu'au bar. Le gérant ne chômait pas non plus de son côté, les verres sales s'empilaient sur le comptoir tandis que d'autres, plus ou moins propres, partaient à la chaîne. Quant à sa femme, impossible de dire où elle était, bien qu'il avait une petite idée après l'avoir vue passer la soirée avec trois types. Bruh, il préférait ne pas y penser.
« Tiens, l'interpella Mukade en le voyant arriver, vas vite donner tous ces verres à ce crétin d'apprenti et ramène moi ceux qui sont propres. Celui là... Il marmonna surtout pour lui-même. Même pas foutu de suivre la cadence. »
Kakashi empila les verres sur son plateau et fila en cuisine où une pagaille incroyable occupait la place. Le pauvre Kankuro, un étudiant en restauration qui avait absolument besoin d'argent, était largement dépassé par les événements. Comme les fours ne fonctionnaient pas et que l'isolation était médiocre, l'air froid entrait dans la pièce à sa guise. Pourtant, la sueur coulait le long du front du brun qui s'efforçait d'accélérer le rythme.
La tête qu'il tira en le voyant arriver avec un plateau plein lui déchira le cœur. Il semblait au bout du rouleau. Peut-être que travailler dans un endroit comme celui-ci n'était pas pour lui... Un seul plongeur et cuisinier ne suffisait pas pour un soir comme celui-ci. Mukade s'en fichait royalement du moment qu'il pouvait faire des économies.
« Le patron a besoin de nouveaux verres... Dit-il en déposant le plateau sur un chariot libre.
-Il y en a quelques-uns sur l'îlot central... »
En fait, il y en avait bien moins que le nombre qu'il venait lui-même de ramener. Il soupira et remonta ses manches, assuré que le froid ne l'atteindrait plus une fois qu'il commencerait à l'aider.
« Continue de nettoyer, dit-il en attrapant un torchon, je vais essuyer. »
Il alourdissait lui-même sa charge de travail et risquait de se mettre le patron à dos mais le regard de reconnaissance que l'étudiant lui lançait valait le coup. A deux, ils s'empressèrent de tout nettoyer et de ramener les verres en salle quand Mukade leur poussait une gueulante de la porte. Quand Kakashi dut revenir en salle, Kankuro avait réussi à trouver le bon rythme pour les suivre. Il ne lui en voulait pas d'être aussi dépassé par les événements, lui-même avait du mal à servir tout le monde rapidement.
Quand le service fut enfin terminé et qu'une majorité des clients quitta l'endroit, le gris ne sentait que de la douleur dans ses jambes. Il était là depuis ce midi et ne s'était assis que pendant une courte pause, juste avant l'heure du dîner. Heureusement pour lui, la femme de Mukade lui avait fourni de la nourriture en cachette. Il était certain de tomber dans les pommes sinon.
Le seul point positif de tout ça était qu'il s'était fait une jolie somme en une soirée et qu'il n'avait pas eu une seconde à lui pour penser à Obito.
« A demain, gamin ! »
Kakashi fit un simple geste de la main et se pressa dehors. Il faisait froid et il avait un peu de marche avant d'arriver à la maison. Il n'aimait pas traîner si tard dans les rues mais il ne se voyait pas non plus demander à quelqu'un de le ramener. On n'était jamais trop sûr, les amis de Danzo, tous ceux qui fréquentaient ce bar, étaient louchent.
Il marchait rapidement jusqu'à la rue principale. Elle n'était pas plus fréquentée que les ruelles à cette heure mais sa taille plus large lui donnait un sentiment de sécurité légèrement plus grand. Il avait déjà fait la moitié du chemin quand des ombres lui attirèrent le regard. C'étaient deux hommes, complètement bourrés, bouteilles de bière encore en main, qui l'observaient en riant.
Évidement, idiot comme il était, il fit la seule chose qu'il ne fallait pas faire dans ces cas là. Il les a regardé.
« Eh, viens voir, petit ! On a quelque chose à te montrer ! »
Bien sûr, il fallait qu'ils soient sur le même trottoir que lui. Se retenant de soupirer, l'adolescent ne ralentit pas le pas et passa à côté d'eux, espérant qu'ils le laissent tranquille.
« Tu m'écoutes ? Pourquoi tu m'ignores ? »
Il allait accélérer davantage quand une main lui saisit fermement le bras et le tira en arrière. Pour un ivrogne, il avait une sacrée poigne ! Il n'eut d'autre choix que de se tourner vers l'homme qui l'appelait depuis tout à l'heure alors que son ami ricanait encore.
« Lâchez-moi s'il vous plaît, je n'ai pas le temps de m'arrêter. »
Il ne savait pas d'où lui venait le courage de parler alors que le froid et la peur le tétanisaient presque complètement mais il se félicitait mentalement. L'autre le regardait bizarrement un moment avant de rire de nouveau, d'une voix grasse, humide et complètement écœurante. Kakashi en avait eu son compte pour la journée, il ne voulait pas en plus l'entendre de nouveau.
« Tu verras, t'en redemanderas. »
Il le tira avec lui dans une ruelle sombre où les lampadaires ne fonctionnaient pas, comme par hasard. Soudain pris de panique, Kakashi essayait de reculer et de récupérer son bras de son emprise mais son copain vint l'aider à l'immobiliser avec un coup de poing bien placé dans l'estomac. Déjà faible par le manque de nourriture et la journée passée, l'adolescent ne savait pas quoi faire.
Il était inenvisageable qu'il les laisse faire, il devrait puiser dans les dernières forces qu'il avait. De plus, Danzo l'attendait sûrement. Est-ce qu'il s'inquiéterait s'il ne revenait pas à l'heure ? Non, bien sûr. Il irait se coucher, fou de rage et attendrait patiemment qu'il rentre. Sauf qu'à ce moment là, il sera trop tard. Dire qu'il ne pouvait même pas compter sur lui pour sa sécurité... Enfin, c'était lui-même un danger, de base.
Les deux autres le plaquèrent ensemble dos au mur, le retenant de leurs deux corps réunis. Kakashi avait beau réfléchir, il ne savait pas comment s'en sortir. Une main sur chaque torse, il essayait de les repousser mais avec sa force de crevette, c'était à peine s'ils le sentaient. Il entendit clairement le son des fermetures éclairs et se figea. La douleur de son dos qui râpait contre les briques était partie aux oubliettes, vite remplacée par une peur glaçante.
Il n'en revenait pas, il allait se faire violer ici, dans la rue, comme une victime... Il n'était même pas foutu de se protéger seul. Quel bel abruti il faisait...
Un poing heurta sa mâchoire et le sortit de sa rêverie. Ils pensaient apparemment qu'il serait plus docile à moitié assommé, qu'il se débattrait moins. Ce qui était plutôt logique. Vaincu, il ferma les yeux aussi fermement que possible pour ne rien voir de la suite. Il était habitué à recevoir des coups sans les voir venir et il refusait catégoriquement de les voir se faire plaisir sur lui. Il entendit à peine le bruit sourd non loin avant que les corps pressants ne disparaissent et le laissent dans un froid soudain.
Tout était redevenu calme. Il se força à ouvrir un œil pour savoir ce qu'il se passait quand on l'attrapade nouveau par le bras et qu'on le tira de nouveau dans la rue principale, pleinement éclairée. Les deux ivrognes étaient assis par terre, visiblement sonnés et les regardant avec colère et crainte mélangées. Il leva timidement le regard vers l'homme baraqué qui le tenait contre lui et fut surpris en le reconnaissant.
« N'essayez même pas de l'approcher de nouveau, » l'homme gronda.
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