CHAPITRE 3 : deux cigarettes et un paquet de biscuits
« En fait », lui demanda la jeune fille, « pourquoi t'es là ce soir ? »
Rémus eut un sourire contrit, un peu embarrassé de devoir aborder le sujet.
« Eh bien, je voulais venir pour m'entraîner sur mon fil..? », dit-il sans rentrer dans les détails.
Le visage de Claudine s'illumina :
« Cool ! Tu pourrais pas me montrer ? »
Il sourit, soudain joyeux. Enfin quelque chose qu'il savait faire ! Il acquiesça.
« Bien sûr ! Je vais prendre le tabouret, attends une seconde. »
Puis il s'éloigna à grands pas vers le cabanon abandonné, de l'autre côté du rond-point. C'était là qu'il stockait ses affaires de funambulisme pour les abriter de la pluie, et son tabouret s'y trouvait. En outre, il était ravi de trouver une excuse pour s'éloigner un peu de la fille. Malgré son jeune âge, elle l'impressionnait beaucoup. Elle avait l'air tellement à l'aise en société ! Elle était vraiment jolie, sociable et elle avait de la répartie. Il se sentait à la fois flatté et mal à l'aise qu'elle s'intéresse à lui. Mais il ne se faisait pas d'illusions : les filles populaires comme elle ne faisaient pas attention aux garçons comme lui ; elle ne lui parlait probablement que parce qu'elle n'avait rien d'autre à faire.
Le cabanon sentait le bois moisi et la terre humide. Des toiles d'araignées pendaient dans les coins de l'unique pièce, et quelques vieux râteaux prenaient la poussière. Cet endroit avait dû servir de cabane de jardinier, mais cela remontait à longtemps. Quelques bouteilles de bière et mégots jonchaient le sol : les jeunes du coin aimaient à traîner ici.
Il attrapa son tabouret, caché par une bâche qui soustrayait son matériel aux regards des squatteurs. Parcourant une dernière fois la pièce du regard, il retourna dehors.
« Ah, putain ! »
Claudine n'arrivait toujours pas à faire plus de trois pas d'affilée sur le fil. Rémus lui avait fait une démonstration (en pulvérisant son record), puis la jeune fille avait voulu essayer. Mais elle ne pouvait rester concentrée assez longtemps, et s'énervait de plus en plus à mesure que les minutes - et les essais - défilaient.
Il était bientôt minuit, mais Rémus ne ressentait pas la moindre fatigue. En fait, il se sentait bien. La nuit était noire, un croissant de lune éclairait d'une lumière blafarde les bâtiments environnant. Plus aucune voiture ne passait, la maison de retraite dormait, et seuls le vent qui passait bruyamment entre les arbres et les jurons de Claudine brisaient le silence environnant.
La jeune fille s'avèrait être très sympathique, quoiqu'un chouïa trop énergique pour Rémus. Elle menait la conversation, parlait de son collège, de ses amis. Le seul sujet qu'elle évitait d'aborder était sa famille. Rémus lui en était reconnaissant : il ne voulait pas avoir à embrayer sur sa relation avec sa mère.
Claudine finit par abandonner ses essais infructueux. Elle descendit et s'assit, en équilibre sur le fil. Rémus la rejoignit. La jeune fille sortit de sa poche un paquet de cigarette et un briquet, et commença à fumer avec désinvolture. Son ami la regarda avec surprise. Surprenant ses yeux posé sur elle, elle lui tendit son paquet :
« T'en veux une ? »
Rémus s'apprêtait à refuser, n'ayant jamais fumé, mais il se ravisa. La colère qu'il ressentait contre sa mère était toujours présente en lui, et l'idée de faire quelque chose d'interdit lui faisait soudainement très envie. Sans dire un mot, il se contenta d'un sourire timide et attrapa maladroitement la cigarette que lui proposait Claudine. Elle en alluma le bout, et avec appréhension il l'approcha de sa bouche. Le goût amer du papier roulé sur ses lèvres, il aspira avec force une bouffée. L'acidité de la fumée lui piqua les yeux et les larmes montèrent, tandis qu'il toussait de tout la force de ses poumons. Pendant ce temps, Claudine le fixait d'un air amusé.
« C'est la première fois que tu fumes ? », s'enquit-elle.
Rémus hocha la tête en signe d'approbation. Avec un petit rire, la jeune fille se mit à lui tapoter le dos avec bienveillance.
« T'aurais dû me le dire, je ne t'aurais pas proposé ! J'espère que je ne vais être tenue responsable de ta chute dans le monde de la cigarette. »
« T'inquiète pas », répondit-il péniblement, entre deux quintes de toux. « Je finis celle-ci et je ne recommencerai plus jamais. »
Claudine secoua la tête, incrédule, pendant que Rémus remettait la cigarette entre ses lèvres. Il se sentait satisfait, comme si il avait fait un bond dans la vie d'adulte.
Pendant quelques instants, on n'entendit plus que le vent. Au milieu de l'obscurité de cette chaude nuit de juin, deux petites taches rougeoyantes se détachaient.
~.°.°.°.°.~
« Bon. », dit Rémus en se levant. « Je crois que je vais aller me préparer un lit dans le cabanon. »
Claudine le regarda, étonnée.
« Un lit ? Mais pourquoi ? »
Son ami se gratta la tête, gêné.
« Eh bien... en partant de chez moi, il est possible que... j'aie oublié ma clef ? »
Claudine sentit un sourire se dessiner sur ses lèvres. En tentant de contenir un éclat de rire qui serait malvenu, elle demanda :
« Mais... y'a personne chez toi ? »
En se renfrognant brusquement, le jeune homme secoua la tête, les lèvres pincés. Claudine, qui sentait qu'elle avait touché un point sensible, estima préférable de ne pas insister.
« Ma mère est en soirée. », expliqua toutefois brièvement Rémus.
Claudine fronça les sourcils. Elle sentait qu'il y avait anguille sous roche sur le sujet maternel. Mais, sagement, elle ne dit rien ; elle était vraiment mal placée pour donner des conseils en matière de relations parents-enfants.
Son estomac gargouilla bruyamment. Elle soupira en se tournant vers Rémus.
« T'aurais pas quelque chose à manger ? » demanda-t-elle, avec des accès de supplication dans la voix.
Rémus se pencha vers son sac, qu'il avait ramené du cabanon, et en sortit un paquet de biscuits. Avec un sourire reconnaissant, elle s'en empara. En enfournant un gâteau dans sa bouche, elle écouta Rémus lui expliquer qu'il gardait toujours de la nourriture sur lui pendant ses séances de funambulisme.
Après avoir mangé la moitié du paquet, une vague de culpabilité la submerga. Elle ne devrait pas manger autant, elle allait grossir. Elle jeta un regard à ses jambes dénudées par un short. Ses cuisses lui semblèrent tout d'un coup énormes. Sa conscience la taraudait et elle rendit le paquet de gâteaux à Rémus, qui l'interrogea du regard. Elle haussa les épaules.
« Je n'ai plus faim. », mentit-elle. « Et puis, je suis au régime. »
Elle sentit le regard stupéfait du garçon sur ses jambes, puis sa taille.
« Tu n'as pas besoin de maigrir ! », s'exclama-t-il.
Sa voix avait des accents de sincérité. Mais Claudine n'y prêta pas attention : un seul regard vers ses cuisses suffit à asseoir sa certitude : elle devait perdre du poids.
Son téléphone sonna dans sa poche et, avec un sourire d'excuse, elle ouvrit le sms qu'on venait de lui envoyer. Cette distraction était bienvenue, mais son soulagement se mua vite en exaspération tandis qu'elle lisait le texto. Elle pianota une réponse à toute vitesse.
noah (23:02) : bb t ou ?
claudine (23:03) : au rond point de la rue després, près de la maison de retraite
claudine (23:03) : viens me chercher quand tu pourras stp
noah (00:32) : jarrive
noah (00:32) : dsl pr le retard
claudine (00:33) : en fait c'est bon, te dérange pas, j'ai trouvé une occupation
noah (00:34) : trop tard jarrive
Au moment où elle lisait ces mots, Claudine entendit une voiture s'engager dans la rue. Un lourd soupir lui échappa et elle se tourna vers Rémus en lui désignant la voiture du menton.
« Ça, c'est mon copain, un con possessif et jaloux qui écrit en langage texto. Ne dis rien, laisse-moi parler. »
« Pourquoi tu restes avec lui ? »
« Il a de bons contacts quand on veut faire des conneries. »
La jeune fille fouilla quelques instants dans sa poche et en sortit un vieux bic rouge mâchouillé au bout.
« Ton numéro ? » s'enquit-elle.
Rémus rougit violemment. Claudine le regarda, sans comprendre. Après quelques bafouillements dont elle avait pris l'habitude au fur et à mesure de leur conversation, il lui dicta son numéro qu'elle inscrivit sur son bras.
« Je t'enverrai un texto. », promit-elle.
Au même moment, la portière de la voiture s'ouvrit. Noah fit un grand signe à Claudine qui pesta intérieurement.
« C'est qui, lui ? », cria Noah, ce qui réveilla probablement toute la maison de retraite.
« Mon cousin, on s'est vus par hasard, il passait par là. », mentit Claudine avec un grand sourire innocent.
Noah hocha la tête sans plus s'occuper de Rémus. Claudine adressa au jeune homme un sourire navré.
« On se reverra. À d'autres cigarettes ! » lui lança-t-elle alors qu'elle montait dans la voiture de son petit-ami.
keskispasse avec mon inspi, j'ai jamais autant carburé sur une histoire :'))
je viens de finir le chapitre cinq, du coup je poste celui-ci, ce n'est que justice 0:)) ah et, c'est le dernier chapitre (pour le moment) où tout va bien héhé >:)) même si ça commence aussi à sentir le roussi
ok je viens de me rendre compte que je me réjouis presque du malheur de mes bébés, genre ça me suffisait pas de leur donner des prénoms pourris hihi ~
how to save a life; the fray : aka. la chanson qui m'inspire comme jamais pfiouu (surtout pour les moments tristes lol, j'avoue)
sinon, ce chapitre, vous le trouvez comment ? est-ce que ça va trop vite, ou au contraire trop lentement ? parce que je ne suis pas archi-sûre de moi sur le coup, même si je l'aime toujours bien ;;-;;
bref je ferme ma gueule, mais je suis très contente d'écrire autant en ce moment !!
des bisouuus :)
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