CHAPITRE 2 : des parents indignes et une première rencontre
« Maman, je suis rentré. Ah, enfin, tu es levée ! »
Levée était un bien grand mot. La jeune femme était affalée sur le canapé, en pyjama, les cheveux en désordre et le regard rivé à la télévision. Elle se poussa légèrement lorsque son fils qui rentrait des cours s'assit à ses côtés. Rémus jeta un regard à l'horloge : il était presque seize heures.
« Tu devrais peut-être t'habiller, non ? »
À son tour, Lisa jeta un œil à l'heure et soupira.
« T'as raison, j'ai une soirée chez Em', je dois me préparer. Je serai rentrée vers... euh... disons vingt heures, vingt heures trente ? »
Rémus ne dit rien. Il savait que ça ne serait pas le cas. Elle rentrait toujours entre trois et six heures du matin, saoule, et souvent avec un homme. Il avait l'habitude, mais cela le rendait toujours aussi triste. Elle allait encore passer toute la soirée dans la salle de bain, à se pomponner, puis elle allait partir en lui prodiguant divers conseils creux, tels que « ne te couche pas trop tard » ou « mange un fruit pour le dessert » avant de disparaître sur un « je t'aime » qu'il savait être faux. Ces paroles vides de sens ne servaient qu'à donner à Lisa l'illusion d'être une bonne mère, alors que son fils avait passé toute son enfance et son adolescence livré à lui-même... tandis qu'elle-même allait de soirée en soirée, de petit copain en petit copain. Elle était au chômage depuis des années et ils vivotaient avec l'argent mensuel envoyé par le géniteur de Rémus et les parents de Lisa.
Parfois, Rémus se sentait orphelin. Et il s'était toujours demandé pourquoi Lisa n'avait pas choisi d'avorter, lorsqu'elle s'était retrouvée enceinte du premier venu à seize ans.
À cette pensée, une vague de souvenirs le submergea.
« Tu n'es pas mon fils ! Je n'ai jamais voulu de toi, tu es un accident ! »
« Parce que tu crois que tu es ma mère ? Tu ne t'es jamais occupé de moi. »
« J'ai raté ma vie, par ta faute ! Tu m'as volé mon adolescence, je la rattrape. »
Il serra fermement les mâchoires et secoua la tête afin d'endiguer sa mémoire... et d'empêcher ses yeux de s'embuer. Désireux de s'éloigner de sa mère, il regagna sa chambre à l'étage.
Une demi-heure après, il avait repris sans grand enthousiasme ses révisions. Il aurait largement préféré retourner au rond-point pour se vider la tête, mais le bac était dans deux semaines et ce n'était pas le moment de se distraire. Il visait la mention très bien et n'avait pas l'intention de négliger ses efforts. Et au moins, bosser ses maths – il détestait ça – lui permettait de se vider la tête. C'était certes moins agréable que le funambulisme, mais il n'avait pas le choix.
Vers dix-huit heures, il rangea enfin ses cahiers dans l'intention de retourner au rond-point : sa mère était toujours dans le salon et il ne tenait pas à ce qu'elle le voit partir.
Il agit sans réfléchir, un peu pour rester discret sur sa passion, beaucoup pour se prouver à lui-même qu'il en était capable : il enjamba la fenêtre avec précaution, se percha quelques instants sur le rebord et, après avoir fermé étroitement les paupières, sauta. Avant même qu'il ait eu le temps d'avoir peur, il était quatre mètres plus bas, dans le jardin. L'avantage indéniable du funambulisme était que ça lui avait appris à ne plus craindre les chutes et à bien se réceptionner ; aussi il ne s'était pas fait mal.
Il s'assit quelques secondes dans l'herbe, pour calmer les battements frénétiques de son coeur, qui n'avait pas apprécié l'iniative de Rémus. D'un naturel très prudent et angoissé, jamais le garçon n'avait aimé les sursauts d'adrénaline comme le faisaient ses amis, et ce qu'il venait de faire se rapprochait beaucoup à ses yeux d'un saut à l'élastique. Sa confiance en lui boostée, Rémus se cacha derrière le mur lorsque que sa mère sortit enfin de la maison, ferma à clefs derrière elle, prit la voiture et se rendit à sa soirée. Alors, d'un pas joyeux et les mains dans les poches, il se dirigea vers le portail et s'engagea dans la rue.
C'est à mi-chemin qu'il se rendit compte, perdant d'un coup sa belle assurance, qu'il n'avait pas pris ses clefs.
Il continua sa route en soupirant. Même ce qu'il faisait de courageux, il le ratait.
~.°.°.°.°.~
La voiture freina en dérapant et se gara devant la maison de retraite. Il faisait nuit et les lumières du bâtiment étaient éteintes, sauf une au troisième étage. Claudine, installée sur le siège arrière, ne bougea pas lorsque Karine sortit de la voiture et courut jusqu'à la maison de retraite, l'air paniqué. Dominique, son père adoptif, lui fit signe de sortir ainsi qu'à Elisabeth et elle s'exécuta de mauvaise grâce.
« Bon, pouvez-vous me dire maintenant pourquoi on vient ici en urgence à vingt-trois heures, un vendredi soir ? », réclama Claudine, au bout de sa patience.
Dominique l'ignora et s'adressa à Elisabeth, la petite blonde, copie conforme de Karine, qui se trouvait être la sœur adoptive de Claudine.
« Ma chérie, la maison de retraite vient de nous appeler. Ils nous ont dit que mamie Claudine avait rejoint le ciel. Ce n'est pas grave tu sais, c'est le cycle de la vie... »
La petite fille de six ans acquiesça sagement et Claudine retint un sourire. Ainsi, sa « grand-mère » était morte. Elle avait toujours haï cette dernière, qui le lui rendait bien. Elle avait failli renier sa fille, Karine, lorsqu'elle lui avait annoncé qu'elle avait adopté un enfant noir. Lui donner son nom n'avait rien arrangé et la vieille avait toujours enfoncé la jeune fille, prenant ses origines comme prétexte. Alors oui, au risque de passer pour une sans-coeur, Claudine se réjouissait presque du trépas de la vieille femme.
Il n'était pas question qu'elle aille voir le cadavre ou qu'elle accompagnât Karine et Dominique à la morgue. Elle répondit à un sms qui lui demandait où elle était, puis elle laissa son père se débrouiller pour expliquer à Eli ce qu'était la mort, et elle s'éclipsa discrètement en direction du rond-point. Elle avait aperçu du coin de l'oeil que les installations de funambulisme étaient toujours là et elle avait très envie de les essayer.
Elle s'approcha de la corde et, avec un sourire ravi, fit rebondir sa main dessus. Elle chercha du regard le tabouret qu'elle avait repéré la veille afin de pouvoir grimper.
« Qu'est ce que tu fais ? »
Claudine eut un brusque sursaut et posa la main sur sa poitrine pour exprimer son trouble.
« Ah, putain, tu m'as fait peur ! », lança-t-elle au garçon qui s'approchait d'elle, l'air interrogateur.
« Désolé » dit-il, l'air contrit, en la fixant avec attention. Il fronça les sourcils, puis son visage s'illumina. « hé, mais, tu es la fille du balcon ! »
Claudine se souvint alors du jeune homme. C'était celui de la veille qu'elle avait regardé depuis la chambre de Claudine senior ! Elle sourit :
« Oui, c'est moi, et toi tu es le mec funambule ! »
« Euh, oui, c'est un bien grand mot. » répondit-il, en rougissant.
Sans s'attarder sur son langage plutôt ampoulé, Claudine eut un sourire joyeux. Quelqu'un pour se distraire ! Elle était très extravertie et elle adorait toujours faire de nouvelles rencontres. Visiblement, ce n'était pas particulièrement le cas du garçon, qui regardait autour de lui en ayant l'air de chercher un échappatoire. Elle le tira d'embarras :
« Tu t'appelles comment ? »
Cette question eut l'air de le gêner encore plus, si c'était possible. Cela ravit Claudine, il devait avoir un prénom vieillot ou laid. Pour des raisons évidentes, elle adorait les gens avec des prénoms ringards.
« Euh, je suis obligé de le dire ? » s'enquit-il en riant nerveusement.
« T'inquiète, j'ai un nom de merde moi aussi. »
Il parut hésiter.
« Alleeeez ! » supplia Claudine en laissant traîner la dernière syllabe.
« Rémus », finit-il par céder.
Claudine ouvrit de grands yeux tandis qu'un sourire incrédule se dessinait sur ses lèvres.
« Oui, je sais, je sais », s'empressa de reprendre Rémus. « Rémus et Romulus, tout ça, les loups, Mowgli, Baloo ? »
« Tu fais vraiment des associations bizarres » rit Claudine. « Mais non, je pensais plutôt à Remus Lupin. Harry Potter et tout, je sais pas si tu l'as lu... »
« T'as pas tort, c'est probablement grâce à ça que j'ai été nommé comme ça. Et donc oui je l'ai lu et vu » sourit Rémus. « mais c'était il y a au moins dix ans. »
« Dix ans ? » s'étonna Claudine. « Mais euh, t'as quel âge ? »
« Bientôt dix-huit ans », répondit Rémus avec une certaine fierté dans la voix.
Claudine essaya de ne pas trop montrer sa surprise, par politesse. Il ne faisait pas du tout son âge. Il était petit et maigre, ses cheveux châtains mi-longs encadraient un visage à la peau très pâle, et quelques boutons d'acné transparaissaient sur ses joues à la lumière blafarde de la lune. Il avait un visage banal, ni beau, ni laid, mais il est vrai qu'elle trouvait rarement les garçons beaux. Cependant, on pouvait constater que malgré les cernes qui les soulignaient, ses yeux gris brillaient d'intelligence derrière ses lunettes rectangulaires.
« Et toi, tu as quel âge ? » s'enquit-il.
« Bientôt seize ans. », répondit-elle en guettant sa réaction. Celle-ci ne se fit pas attendre. Un éclair de surprise passa dans ses yeux et il la regarda plus attentivement. Elle savait qu'elle paraissait beaucoup plus vieille et elle aimait en jouer.
« Mais, je ne t'ai jamais vue au lycée, tu es dans le privé ? »
« Non non, je suis au collège. J'ai redoublé. » ajouta-t-elle en réponse à son interrogation muette.
Il parut réfléchir puis hocha la tête, enregistrant cette information. Claudine lui en fut reconnaissante, elle n'aimait pas avoir à expliquer les raisons de son échec scolaire.
« Et au fait » ajouta-t-il « tu ne m'as pas dit comment tu t'appelais. »
Claudine rit doucement :
« Tu ne me l'as pas demandé, quand on a un prénom comme le mien, si les gens ne demandent pas directement, on évite de le dire. »
« Et comment tu t'appelles ? »
« ... Claudine. »
Elle se mordit les joues quelques secondes, puis n'y tint plus et éclata de rire. Se sentant ainsi autorisé à faire de même, Rémus la rejoint, et cette joie passagère scella leur complicité.
sjfksjgifkgn mes enfants sont beaucoup trop cutes ;;-;;
sinon rémus on dirait moi à faire un truc stylé et "en fait non lol dommage" c trist la vie de boulette ~
en vrai comme je connais la fin je peux pas m'empêcher de glisser des détails qui sembles inutiles mais qui auront leur importance plus tard hihi ~
bref allez j'ai suffisamment disserté i guess lol
beusous beusous, au prochain chapitre :D
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