Chapitre 7 ✓

PDV Jack Frost:

Le soir, vers 21h, je vois Aurélien assis sur son lit en train de parler dans le vide.
Je toque à la fenêtre. Il sursaute et, totalement hésitant, il vient ouvrir. Je m'engouffre dans la chambre et m'assois sur le bureau. Aurélien revient sur le matelas.

-Tu es là... Je sais que tu es là... Je te sens...
-Tu m'entends?

Aucune réponse.
Il ferme les yeux et a l'air de se concentrer très très fort. Une ride apparaît sur son front.

-Aurélien?

Il frissonne.

-Si tu m'entends, hoche la tête.

Et c'est ce qu'il faut. Très lentement, il fait un mouvement de haut en bas avec sa tête.
Je plaque ma main sur ma bouche. Par la barbe du Père Noël, ça marche!

-Est-ce que tu es là pour me faire du mal?
-Non! Je veux seulement comprendre pourquoi ton chien peut me voir. Et pourquoi toi tu m'entends.
-C'est toi qui a inondé Flocon de gravier?
-Ouais, désolé pour ça...

Je me rapproche. Il se recule jusqu'à la tête de son lit, toujours les yeux fermés.

-Reste loin...
-Je ne veux pas te faire de mal.
-Comment je peux en être sûr?
-Si je voulais t'assomer, je l'aurai déjà fait.
-Et si tu voulais plus...?
-Plus?

Il prend une grande inspiration.

-Et si tu avais besoin de ma confiance pour t'emparer de mon corps?

Je ris tellement sa demande est grotesque.

-Ce n'est pas drôle!
-Tu es en train de me prendre pour un monstre. Je suis un adolescent, comme toi. Bon, pas totalement comme toi. Mais on doit avoir presque le même âge. J'en ai 16 et toi?
-17. 18 dans quelques mois.

Un silence.

-Est-ce que je peux savoir ton nom?
-Jack Frost.
-Comment se fait-il que personne ne te voit?
-Parce que personne croit en moi. Enfin, les enfants me voient. Mais après, une fois qu'ils ne croient plus au Père Noël, au Lapin de Pâques et a la Fée des Dents, ils m'oublient aussi.
-Je n'ai jamais entendu parler de toi.

Je soupire.

-Pourtant, sans moi, pas de neige en hiver !

Je m'assois sur le bout du lit. Il sursaute en sentant le matelas s'affaisser.

-Jack... Je peux t'appeler Jack au moins?
-Bien sûr.
-Est-ce que je peux ouvrir les yeux?

Je sens mon cœur se mettre à battre plus vite. Peut-être qu'il va pouvoir me voir...
La voix tremblante, je lui indique que oui.
Lentement, ses paupières s'écartent et j'aperçois ses deux iris noisette au travers de ses lunettes. Mais son regard transperce mon corps avec une certaine violence pour moi.

-Je... Je ne te vois pas!

Je baisse la tête et fixe mes mains comme pour m'assurer que je peux me voir.

-Ouais, j'avais remarqué...
-Tu es déçu ?
-Je pensais que tu pourrai me voir. Tu sais, j'apprécie beaucoup m'amuser avec des enfants. Mais parfois, discuter avec des personnes de mon âge me manque.

Il referme les yeux. Je lui demande:

-Pourquoi avoir acheté des lunettes aussi grosses?
-Généralement, j'attends de mieux connaître la personne avant de critiquer ses goûts.
-Désolé...
-C'est juste que je trouve mon visage trop fin.
-Et moi, je pense qu'il paraît encore plus fin avec ses lunettes. Elles sont tellement... grosses !
-De toute façon, ça ne fait pas si longtemps que ça que je les ai. Alors va falloir t'y habituer.

J'analyse ce qu'il vient de me dire avec surprise.

-Tu me proposes indirectement de devenir ton ami?

Il rougit.

-Ne va pas t'imaginer des choses... Spectre!
-Je ne suis pas un spectre.
-Pour moi, c'est tout comme!

Je m'avance jusqu'au milieu du lit.

-Aurélien, est-ce que je peux essayer quelque chose?

Il se crispe.

-Si tu veux rentrer dans mon cerveau, c'est non!
-Je veux juste te toucher.
-Me toucher?
-Tu n'as qu'à avancer ta main. Je vais essayer de te la serrer, comme tu fais avec tes amis.

Un peu tremblant, il me tend sa main droite.

-Je ne vais pas te la manger, t'inquiète pas.
-Trop rassurant, merci.

En tendant moi aussi la main, je me rends compte que je tremble aussi, mais pas pour les mêmes raisons.
Lentement, je me rapproche de sa peau. Je ne le touche pas encore, mais je sens déjà sa chaleur.
Je murmure:

-Tu es prêt?
-Oui...

Je prends une grande inspiration et franchis les quelques centimètres restant.
Mais ma paume ne touche pas la sienne. Elle ne fait que passer au travers.
Comme si je m'étais brûlé, je recule précipitamment.

-Je... Je devrai y aller.

Aurélien hoche la tête.

-J'imagine que tu reviendras demain?
-Peut-être, je ne sais pas encore. J'ai à faire.

Et sans un mot de plus, je m'échappe d'ici.

***
J'observe la rivière colorée passer dans le terrier de Bunny. Peut-être que si je mets un peu le bordel, ça le fera sortir plus vite de sa cachette ?
Je n'ai même pas le temps de glacer un seul brin d'herbe que le lapin me flanque un coup de patte dans l'épaule.

-Ne touche pas à ça!
-Je me demandais juste combien de temps il fallait à une cloche pour m'empêcher de faire une bêtise.
-Tu as assez de bêtises à faire à la surface. Pas besoin de venir les faire chez moi.

Il caresse une fleur du bout des doigts.

-Alors, que fait le bébé Jack Frost dans mon terrier? Tu t'es perdu?
-Je pense avoir un sens de l'orientation bien plus aiguisé que le tien.
-Est-ce que tu es venu pour me proposer un défi?

Je secoue la tête.

-Pas aujourd'hui non. En fait...

Je me pince les lèvres. Finalement, je ne sais pas si c'est une bonne idée que je sois venu. Mais j'ai besoin de réponses.
Bunny croise les bras et penche la tête de côté.

-Un soucis?

J'hésite encore un peu mais je finis par lui raconter tout ce qui s'est passé ces derniers temps. Il m'écoute jusqu'au bout sans me couper. Une fois que j'ai fini, il dit de manière sarcastique :

-C'est la première fois que tu me sors autant de phrases d'affilée. Ça doit vraiment te tracasser.
-Et donc, tu peux m'aider?
-Non.

Je baisse la tête.

-Bon, désolé de t'avoir dérangé.

Je commence à partir.

-La seule chose que je peux te dire c'est que, parfois, les animaux sont le relais entre le visible et l'invisible.
-Je n'ai pas envie de jouer aux énigmes.
-Alors tant pis.

Je sors d'ici. Ce kangourou m'est aussi utile qu'un couteau pour manger un yaourt.

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