Chapitre 32 ✓

PDV Jack Frost:

Le lundi matin, le réveil d'Aurélien nous fait sursauter. Je grogne et resserre ma prise sur mon adolescent alors qu'il gigote pour sortir du lit.

-Eh, je dois aller en cours. Si tu ne me relâches pas, je te laisserai plus dormir avec moi. D'ailleurs, je ne me rappelle pas m'être endormi dans tes bras.

Je rougis et me tourne de l'autre côté en lâchant Aurélien.

-Boude pas Jackounet.

Je me redresse d'un coup.

-Comment tu m'as appelé là?
-Ça ne te plaît pas? rigole Aurélien avec un sourcil relevé.
-Tu veux que je t'appelle Auréliennounet peut-être ?
-Tu trouves pas ça un peu long? me demande-t-il en faisant semblant de réfléchir.

Il se penche au-dessus de moi et dépose un bisous sur ma joue.

-Allez, je vais me préparer. Tu veux dormir encore un peu?
-Moui...
-Alors bonne fin de nuit... Mon Ange... rajoute-t-il en un timide souffle tellement discret que je ne suis pas sûr de ce que j'ai entendu.

Il sort de la chambre pour aller se changer et déjeuner. Je reste totalement alangui dans le lit. Hier soir, avec Aurélien, on a discuté très tard. On a notamment parlé de nous deux. Mon cœur se réchauffe à cette simple pensée. Il m'a appelé son petit ami. C'est bête, bien sûr que je suis son copain, mais je n'avais jamais posé de mots sur ça jusque là. Et aujourd'hui, il m'a donné un surnom. Je ne pensais pas que c'était possible d'être autant guimauve.
Au bout d'une vingtaine de minute, mon petit ami revient dans la chambre.

-Je vais y aller. On se voit ce soir?
-Comme tous les soirs.

Il vient m'embrasser, prend son sac et s'en va. Je me rendors peu de temps après.

***
Lorsque je me réveille pour de bon, il est déjà 10h. Je me dépêche de me lever et vais dans la cuisine en sentant mon ventre gargouiller. J'ouvre le frigo et mes yeux tombent sur un pot de confiture à l'abricot. Je l'attrape et le pose sur la table avant de chercher une cuillère et un morceau de pain. Après avoir tout trouvé, je m'assois sur une chaise et m'empiffre en prenant à peine le temps de respirer si bien que je finis par avoir le hoquet.
Je pose ma main sur mon torse alors qu'une douleur pinçante me secoue. C'est vraiment désagréable.
J'attrape un verre que je remplis d'eau et bois goulûment en espérant que ça passe. Malheureusement, ça n'a pas marché.
En soupirant, je nettoie et range tout en essayant d'oublier la douleur qui me triture à chaque fois.
Je reviens ensuite dans la chambre et observe les photos contre le mur. Je caresse du bout des doigts le visage d'Aurélien souriant au côté de ses amis. Ses yeux noisettes ont l'air de m'observer.
Je me fige. J'ai compris ce qui cloche : c'est ses yeux.
Je me rue vers la fenêtre que j'ouvre sans me soucier du fait qu'elle va rester ouverte un moment. Sans perdre de temps, je file vers le lycée et me pose au milieu de la cour. Toutes les têtes se tournent vers moi. Un frisson d'horreur me traverse.
Dès que je vois l'adolescent que je cherche, je me précipite vers lui.

-Aurélien!

Il se tourne vers moi avec un air surpris.

-Jack? Qu'est-ce que tu fais là?

Je l'attrape par les épaules et sonde son regard. Ses iris noires me transpercent.

-Depuis quand as-tu les yeux aussi sombre? lui chuchoté-je à l'oreille.
-De quoi tu parles?

Je ne lui réponds pas. Je me rends compte que ses amis m'observent. L'un d'eux est livide.

-Tu... Tu es tombé du ciel?!

Ses yeux sont légèrement noirs. Je croise le regard de toutes les personnes proches de moi. Chaque œil possède une touche sombre mais pas aussi ténébreuse qu'Aurélien.

-Ils te voient tous! s'exclame mon petit copain.
-Oui mais personne ne me reconnaît.
-Tu crois?
-J'en suis sûr. Écoute, je peux pas rester. On discutera ce soir. En attendant, je vais aller en parler avec les autres.

Je m'élève dans le ciel. Avant de partir, je baisse tout de même la tête. J'aperçois alors le sourire triomphant d'Aurélien. Un mauvais pressentiment m'assaille.

***
Je me retrouve assez vite au Palais de la Dent. Mon amie vient de suite vers moi.

-On a un soucis. Tous les adolescents du lycée ont un soupçon de noir dans les yeux. Sauf Aurélien qui les a totalement sombre. Et le pire, c'est qu'ils me voient tous.
-Tout le monde n'a pas pu être en contact avec les fleurs. Quelque chose doit nous échapper. Et pourquoi ton petit protégé serait plus touché que les autres? Tu n'as rien remarqué d'anormal en plus de ça ?

Et là j'y repense.

-Au lac, il a eu une réaction bizarre. Il était attiré par les roses noires. Et il a ri.
-C'est tout ? Il a juste ri?
-Il m'a fait peur. Vraiment peur. Ça m'a terrifié.

Elle semble réfléchir un instant.

-Tu sais ce qu'on va faire, Jack? A minuit, tu le ramènes au lac. J'y serai avec les autres Gardiens. On verra bien ce qui se passe.
-Tu crois que Nord va venir?
-Oh que oui, je suis prête à le parier.
-Merci.

Elle me fait un mince sourire et un signe de tête. Je les lui rends puis repars à la maison.

***
Le soir, lorqu'Aurélien a fait ses devoirs et a mangé, je lui explique ce que nous allons faire. Il hoche lentement la tête.

-Est-ce que c'est grave que mes yeux soient comme ça ?
-En fait, on ne sait pas. Ce qui est bizarre, c'est que tous les lycéens ont subi un changement à ce niveau-là.
-Comment on a pu ne pas s'en rendre compte? Toi, moi, mes parents et mes amis... Personne ne l'a remarqué.
-Je ne sais pas.

Il se laisse tomber en arrière sur le lit et pose son bras sur ses yeux.

-Je devrai m'inquiéter et, pourtant, la seule chose à laquelle je pense c'est à la tête que j'aurai demain matin à cause du peu de sommeil que j'aurai.
-C'est peut-être mieux comme ça.

Vers 23h, mon ventre se remet à se tordre de faim.

-Tu veux manger?
-Ça ne te dérange pas? En vrai, ça commence à me gêner de manger dans le dos de tes parents...
-Tu veux que je dise à ma mère que je nourris Jack Frost, un garçon farceur qui prépare l'hiver pour le Père Noël? me demande-t-il ironiquement.
-Vu comme ça...
-Je vais te chercher à manger, reste là.

Il s'en va cinq petites minutes et revient avec une assiette de tomates farcies. Je mange avec délectation le repas. Une fois fini, je m'essuie les lèvres et repousse la vaisselle.

-Elle ne va pas se rendre compte que des choses disparaissent du frigo?
-Tu sais, elle en a fait tellement de ces tomates qu'elle ne verra rien. A chaque fois, j'ai l'impression qu'elle va inviter du monde. Mais non. Du coup, on mange la même chose pendant trois repas.

Pour la première fois depuis longtemps, je repense à ma maman. Un petit sourire nostalgique étire ma bouche alors que je repense à ses plats.

-On va pas tarder à y aller, me dit Aurélien ce qui a le don de me sortir de mes pensées.
-Je vais aller nettoyer ça avant.
-Laisse, t'en fais pas.
-Bon, d'accord.

J'ouvre la fenêtre et m'envole avec Aurélien sur le dos. Lorsque nous arrivons au lac, les Gardiens sont déjà là. Je nous pose sur une branche d'arbre.
Je n'ai même pas le temps de saluer mes anciens camarades que Aurélien tombe déjà. Aucun de nous n'avons pu le rattraper.
Face contre terre, il commence à être recouvert par les roses.

-Aurélien!

Je me précipite sur lui avec la Fée des Dents. Nous tentons de le sortir mais il est fermement maintenu. Et les épines ne nous facilitent pas la tâche.
Bunny tente de le récupérer par ses tunnels mais les racines l'empêchent de passer. Les sabres de Nord coupent toutes les tiges mais d'autres les remplacent. Et lorsque Sam tente une percée avec ses fouets, les fleurs se mettent à cracher du pollen cendré qui se mêle à son sable et remonte vers ses mains. Le Gardien lâche ses armes et recule hors de danger.
Nord passe son index sur un des pétales puis frotte son doigt avec son pouce.

-Ça ressemble à du pollen mais ça a la texture du sable.
-On s'en fiche! Viens nous aider! crié-je en essayant de tirer le bras encore visible de mon adolescent.

Mais avant que Nord ait fait le moindre mouvement, Aurélien disparaît. Je hurle et tente d'arracher tout ce que je peux mais plus le temps avance et plus les roses s'entortillent entre elles pour ne pas me laisser passer.
Fou de rage, je tente de lancer de l'eau bouillante sur les fleurs en espérant les brûler. Mais seul une vapeur ardente sort de mon bâton. Un épais brouillard se forme sur le champs de rose. Nous nous écartons tous pour éviter de nous cramer.
Il ne se passe rien pendant plusieurs minutes. Personne n'ose s'approcher.
Et puis au bout d'un moment, un énorme cri retentit. Je me précipite vers la voix puis repars dans les airs une fois que j'ai mon petit ami dans les bras. Il est trempé des pieds à la tête et tremble de froid. Je vais le poser plus loin et les Gardiens me suivent.

-Que s'est-il passé ? demandé-je en le tenant fermement entre mes bras.
-Il... Il...

Je me rends compte qu'il ne tremble pas seulement de froid. Il est aussi tétanisé par la peur.
Ses yeux se plongent dans les miens. Ils ont repris leur teinte marron mais des taches noires y persistent, comme celle des autres lycéens.

-Prend ton temps, inspire.
-Il est sorti de... de ma bouche.
-Qui ça?
-Le Croque-mitaine ! sort-il en un cri angoissé qui se coince presque dans sa gorge.

D'un coup, il n'y a plus un bruit.

-Comment est-il revenu? Pourquoi ?

Mais Aurélien ne me répond pas. Il est secoué de spasmes et de lourds sanglots remplissent le silence.
Je me tourne vers les Gardiens.

-Qu'allons-nous faire? Il va nous menacer à nouveau.
-Pour l'instant Jack, me dit Nord, amène Aurélien chez lui. Reste avec lui jusqu'à ce qu'il aille bien. Nous, on va chercher Pitch. Et puis, tu n'es plus un Gardien, tu n'as plus à t'occuper de ça.

Je serre les dents.

-Merci de me renvoyer ça en pleine face. J'apprécie.

Amèrement, je prends le garçon dans mes bras et m'en vais. Au loin, j'entends la Fée des Dents réprimander son compagnon.
Le plus rapidement possible, je rentre chez Aurélien. Je le pose sur le lit de peur qu'il ne tienne pas sur ses jambes.

-Tu devrai aller prendre un bain chaud, ça te ferait du bien.

Il secoue la tête. Il a l'air visiblement traumatisé et ça me fend le cœur.

-Si, tu vas aller le prendre ce bain.

Je passe son bras autour de mes épaules et l'aide à se relever. Je le traine jusqu'à la salle de bain et ouvre les robinets d'eau de la grande baignoire. Je vérifie la température puis me tourne vers Aurélien.

-Tu te débrouilles ?

Aucune réaction.
Nous restons comme ça jusqu'à ce que la baignoire soit remplie. Lorsque je ferme les robinets, je soupire.

-Ecoute Aurélien, je ne sais pas ce que t'as vécu sous terre. Je ne sais pas comment tu t'es retrouvé dans l'eau. Mais j'ai envie de t'aider. Si tu veux parler, tu peux tout me dire. Tu le sais?

Je jette un coup d'oeil derrière moi. Il hoche imperceptiblement la tête.

-Je vais t'attendre dans ta chambre. Détend-toi, pense à autre chose. Et après, tu dormiras. D'accord?

Un autre hochement de tête.
Je pose ma main sur l'épaule de l'adolescent avant de sortir, en guise de soutien. Puis comme prévu, je vais dans la chambre.
J'entends une porte s'ouvrir et des bruits de pas. Quelqu'un toque à la porte.

-Aurélien, tout va bien?

Je me fige. Sa mère est réveillée.

-Aurélien?

Hésitante, elle ouvre la porte. Elle jette un coup d'œil au lit et semble désappointée lorsqu'elle ne le voit pas dedans. Ses yeux se posent alors sur moi. Elle pousse un cri.
J'entends alors des bruits de pas précipités et le père rentre avec un fusil de chasse. Je lève les mains.

-Ne tirez pas!
-Qui êtes-vous? Qu'avez-vous fait de mon fils? hurle sa mère presque hystérique.

Sûrement alerté par le bruit, Aurélien sort de la salle de bain avec une serviette.

-Je suis là.

Il a la voix faible, des cernes, les yeux rouges et le teint livide.
Le père baisse son arme.

-Mon dieu! Que t'est-il arrivé?
-Rien de grave...

Il a l'air de faire des efforts pour ne pas inquiéter ses parents.

-Qui est ce garçon?
-C'est... un ami.
-Que fait-il ici?!

Je me ratatine contre la fenêtre.
Le père s'avance vers moi totalement menaçant.

-Ne me faites pas de mal! Je...

Je dis alors la première chose qui me passe par la tête.

-Je voulais faire une surprise à Aurélien parce que... euh... c'est mon anniversaire. Et donc, je l'ai amené au lac. Sauf qu'il est tombé et je tenais à le ramener et à... euh... m'assurer qu'il aille bien.

Les parents ne savent pas comment prendre la nouvelle. D'ailleurs, je ne suis même pas sûr qu'ils me croient.
Le père attrape la mère par le bras.

-Nous allons nous recoucher. Aurélien, on parlera demain. Et toi, dit-il en me fixant d'un œil mauvais, tu rentres chez toi.

Je me retourne pour passer par la fenêtre. Je vois alors Sam. Surpris, je sursaute et fais un demi-tour. Personne ne semble l'avoir remarqué.

-Et la sortie, c'est là-bas, me fait signe le père.
-Pardon...

Tête basse, je passe devant eux et sors de la maison. Je fais quelques pas dans l'allée avant de bondir vers le toit. Sam me rejoint.

-Qu'est-ce que tu fais ici?

Au-dessus de sa tête apparaît Aurélien puis un lit.

-C'est pour l'aider à dormir?

Il hoche la tête.

-C'est super gentil, merci Sam.

Il tente alors de me dire quelque chose à propos de Nord mais je ne comprends rien aux signes. Il finit par laisser tomber.
Après un petit moment, nous revenons dans la chambre d'Aurélien. Il est assis sur son lit, en pyjama.

-Ça va?

Il ne me répond pas. Ses joues ont tout de même repris quelques couleurs.

-Du coup, tu n'as pas pris ton bain...

Il secoue la tête.

-Tes parents sont repartis au lit?

Il fait signe que oui.

-Tu devrais te coucher aussi.

Je l'aide à se glisser dans ses draps. Je me mets en face de lui et embrasse son front.

-Ça va aller, je suis là.
-Est-ce que... Tu crois qu'il va revenir?
-Je ne sais pas. Mais je ne pense pas que c'est après toi qu'il en veut. Tu n'as pas à t'en faire. Dors maintenant, on parlera de tout ça plus tard.

Je jette un coup d'oeil à Sam. Il hoche la tête puis souffle doucement du sable sur Aurélien qui s'endort de suite. Des petits flocons apparaissent au-dessus de sa tête.
Je ne dors pas de la nuit. Je n'arrête pas de penser à Pitch. Son retour ne fait aucun doute. Mais que veut-il exactement ? Écraser les Gardiens? Ramener la peur? Et surtout, comment va-t-il s'y prendre?

...
2605 mots, un des chapitres les plus longs!

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