PDV Jack Frost:

Du haut de l'arbre, j'observe Aurélien nettoyer son chien avec un tuyau d'eau. Flocon secoue ses longs poils ce qui arrose son maître sans se rendre compte que ça l'énerve.

-Arrête de bouger!

Croyant que c'est un nouveau jeu, Flocon tente de prendre le tuyau dans sa gueule. Aurélien coupe l'eau.

-Ça suffit! On va dire que tu es propre. Et tu ne rentres pas de suite dans la maison, tu vas tout salir! Je vais aller me changer.

Il rentre.
Je remarque alors qu'il n'a pas fermé la fenêtre toute à l'heure.
Je ne devrai peut-être pas...
Oh et puis zut! Je m'introduis dans la maison. Je suis Aurélien jusque dans sa chambre. Il prend des affaires et ressort. Je profite d'être seul pour observer les lieux.
C'est une chambre assez sobre avec un lit double, une armoire, un bureau, une bibliothèque. Il a mis quelques photos ça et là sur le mur. Je m'approche pour les observer. On peut le voir avec ses parents ou ses amis.
Je m'assois sur le lit et prends le coussin noir dans mes bras. Tout paraît normal ici.
Je penche la tête pour lire le titre des livres remplissant la bibliothèque. Fantasy et science-fiction ont l'air de s'y mêler.
J'entends une porte s'ouvrir. Je repose le coussin puis sors.
Je ne trouverai absolument rien en restant ici. Je dois me changer les idées. Et je sais exactement vers qui me tourner.

***
J'attends que quelqu'un ouvre la porte pour me faufiler à l'intérieur de la maison de retraite. Ce qui est fabuleux, c'est que presque personne ne me voit ici.
Je vais dans la salle commune et cherche un visage familier. Je le trouve rapidement et fais signe au papi qui hoche la tête. Il se lève, dit quelque chose aux personnes autour et part. Je le suis jusque dans sa chambre. Il s'assoit dans le fauteuil et je prends place sur le lit.

-Salut Jamie.
-Bonjour Jack.

Malgré les années, Jamie ne m'a jamais oublié. Parmi tous ses amis, c'est le seul qui croit encore en moi.
J'amorce la conversation :

-Alors comment tu vas?
-Tu sais, à partir d'un certain âge, tout se dégrade. Les os, la vessie, la mémoire...
-Non je ne sais pas vraiment. Mais je veux bien te croire!

Il rit.

-Et ici, tout va bien? Vous avez l'air de vous... éclater dans la salle de jeux.
-Loto, bingo, jeux de société... Malgré les règles simples, il y en a toujours un qui comprend pas. Ma voisine de chambre croit encore qu'il faut crier "quine" à chaque fois qu'un numéro sort et qu'elle le trouve sur son carton... si elle le trouve. Elle a la même vu qu'une taupe.

Il soupire d'un air exaspéré.

-Ce n'est pas trop long d'être ici?
-Ça va. Mes enfants et petits enfants passent me voir de temps en temps. Ça fait du bien.
-Comment vont-ils?
-Très bien. Camille a eu son bac. Elle rentre à la fac d'ici quelques jours.
-C'est une bonne nouvelle!

Il hoche la tête, le regard rempli de fierté.

-Et toi alors Jack, tout va bien?

Je pince les lèvres. Jamie lève un sourcil.

-Ça fait 70 ans que je te connais. Et depuis tout ce temps, tu n'as jamais fait cette tête. Que se passe-t-il?
-Rien de bien important.
-Mais assez important pour te contrarier.
-Un chien arrive à me voir.
-Bunny te voit.
-Oui mais là c'est différent. Le Lapin est spécial. Flocon est juste un chien normal. D'habitude, les animaux sentent juste ma présence. Lui, il me fixe dans les yeux.
-Ça te tracasse tant que ça?

Je me lève et me mets à faire les cents pas dans la petite pièce en faisant tourner mon bâton.

-Bien sûr que ça me tracasse! Ce n'est pas habituel! Quand je suis seul avec Flocon, rien ne se passe. Mais quand Aurélien est dans les parages, le chien pose son regard sur moi.
-Aurélien?
-C'est le garçon qui s'occupe de la boule de poil.
-Son âge?
-J'en sais rien. En tout cas, il doit être au lycée.
-Donc il ne te voit pas.
-Non. Mais ce n'est pas lui le soucis, c'est le chien!

Un silence.

-Pourquoi tu ne demandes pas à Bunny? Il pourrait peut-être savoir.
-Sérieusement ? Il va me taquiner pendant des lustres! Hors de question que j'aille le voir.
-Comme tu voudras.

Il ferme les yeux quelques instants comme s'il réfléchissait. Lorsqu'il les ouvre à nouveau, la porte fait de même. Un homme rentre.

-Bonjour Monsieur Bennett, comment vont vos articulations aujourd'hui ?
-Douloureuses, comme d'habitude. Mais moins que hier.
-On va continuer les séances alors. Allongez-vous sur le lit.

Jamie se lève en expirant puis va se placer sur le lit. L'homme attrape une des jambes pour la plier lentement puis la ramène contre le matelas. Alors que je sors, mon ami prononce en un souffle le prénom d'Aurélien qui me poursuit même quand je m'envole.

...
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