Chapitre 24 ✓
PDV Jack Frost:
Nous nous retrouvons encore une fois devant la fleur. Tout autour d'elle, le sol est tapissé de pollen doré.
-Ça va aller Jack? me demande la Fée des Dents.
-Il le faut bien. On appelle Nord et Sam peut-être ? On aura plus de chance ensemble.
-J'y vais, nous annonce Bunny.
La seconde d'après, il a disparu dans un de ses tunnels.
Je m'assois sur un rocher avec mon amie.
-Alors comme ça, tu veux aller de l'avant? Tu ne veux pas y réfléchir un peu?
-J'y réfléchirai ce soir. Mais dans tous les cas, l'Homme de la Lune va vite comprendre. Il a voulu me mettre en garde mais je ne l'ai pas écouté alors voilà le travail! Je n'ai plus de glace en moi, c'est terminé.
-Ne dis pas ça Jack. Rien n'est terminé. C'est peut-être même que le début.
-Le début de quoi?
-Ce n'est pas à moi à trouver cette réponse. Mais réfléchis bien avant de te lancer à corps perdu dans une aventure quelconque. Je ne veux pas que tu le regrettes.
-Ce ne sera pas une aventure quelconque, dis-je en me levant. Et puis, je suis inutile maintenant. Jack Frost est l'incarnation de l'hiver. Sans ma glace, je ne suis plus rien.
J'essuie mes fesses alors que Nord, Sam et Bunny arrivent. Chacun dégaine ses armes de prédilection: sabres, fouets et boomerangs. La Fée des Dents nous rejoint avec des petites fées autour d'elle.
Nous nous tournons tous vers la cible.
-Eh bien, dit Bunny, c'est une fleur bien tardive. La pollinisation des roses se fait au printemps.
-Elle est née tard de toute façon, rajoute la Fée des Dents. Je ne pense pas qu'on peut la comparer à une vraie plante.
-Pourtant elle a grandi lorsque Jack l'a gentiment arrosé, fait remarquer Bunny en me faisait un grand sourire.
Je lève les yeux au ciel et Nord m'observe.
-Tu as pris des couleurs, remarque-t-il.
Je plante mes yeux dans les siens sans répondre. Nous nous fixons jusqu'à ce que l'un de nous détourne le regard. Lorsque Nord se tourne vers la plante, je lâche un petit soupir. Le Gardien demande :
-Alors, on adopte une stratégie? Je propose qu'on fonce dans le tas!
-C'est vrai que ça avait tellement bien marché la première fois, s'exaspère Bunny.
-Mais la première fois, je n'y étais pas! rigole Nord.
Sans un mot de plus, il part en hurlant vers la plante. Pris de court, les autres Gardiens lui emboîtent le pas. Je reste là, les bras ballants, et les suis du regard. Que puis-je faire de toute façon? Mon pouvoir nourrit la rose, je suis inutile.
Je shoote dans un caillou puis m'assois par terre en soufflant. Au-dessus de ma tête, l'Homme de la Lune nous observe.
-Tu pourrai pas être utile au moins une fois dans ta vie? le sermonné-je. Tu es là, à nous dire ce qu'il ne va pas, mais tu pourrai pas juste t'en occuper?
Je ne reçois aucune réponse, comme d'habitude. En revanche, il y a quelque chose de différent. Le soleil se fait couvrir par des nuages. Un simple rayon de lune vient éclairer la terre. Plus précisément, il illumine mon être. Je ne comprends pas.
-Tu ne pourrai pas parler? M'expliquer un peu? Qu'attends-tu de moi aujourd'hui ?
Le raie de lumière glisse jusqu'à la plante avant de se laisser engloutir par le Soleil qui sort de sa cachette.
Je crois que j'ai une idée.
-Je reviens! crié-je aux autres en m'envolant au-dessus de la plante.
Je fonce chez Aurélien et fais claquer les fenêtres en rentrant. L'adolescent se redresse d'un coup et se tape la tête sous le bureau.
-Aïe!
-Qu'est-ce que tu fais là-dessous?
Il ouvre la bouche pour répondre quelque chose mais je ne lui en laisse pas le temps.
-Tout à l'heure, tu as dit que tu voulais nous aider. Tu le penses toujours ?
-Bien sûr que oui!
-Tu sais faire un feu?
-Je dois pouvoir trouver un briquet dans la cuisine.
-Je ne veux pas une minuscule flamme. Je veux un énorme brasier.
Aurélien réfléchit quelques instants.
-Si on avait un dragon...
-Ça n'existe pas.
-Le Lapin de Pâque existe.
-Tu crois vraiment qu'un animal qui crache du feu peut exister?
-Tu craches bien de la glace toi.
-De un, je ne crache pas. Et de deux, je n'ai plus que de l'eau tiède. Mais c'est pas pareil.
-Si tu le dis.
Aurélien se glisse derrière moi et saute sur mon dos. Je glisse mes mains sous ses cuisses et fais un petit bon pour bien le mettre.
-Il nous faut de l'essence et une torche.
-Une torche?
-C'est comme une allumette mais en plus gros.
-Je sais ce qu'est une torche. Mais où va-t-on en trouver une?
-Je ne sais pas. Je vais appeler Charlotte, elle doit avoir une idée. Pour l'essence, passe dans le garage. On doit avoir un bidon plein.
Je sors dehors et vais dans le petit garage ouvert. Aurélien me montre du doigt un baril alors qu'il parle avec son amie au téléphone. Je l'attrape d'une main et resserre l'autre contre la cuisse de l'adolescent de peur qu'il tombe. Comme par automatisme, les jambes d'Aurélien se croisent et se serrent contre mes hanches. Je sens son bras gauche se glisser inconsciemment devant ma gorge et sa main se poser sur mon épaule droite. Sa position a rapproché son torse. Je sens toute sa chaleur passer de son corps au mien.
Je ferme les yeux et tente de contrôler mon rythme cardiaque. Ma respiration s'est emballée sans même que je m'en rende compte.
La voix du garçon dans mon dos me tire de ma torpeur :
-On peut en trouver dans un magasin de feux d'artifice.
-On est dimanche, ce sera fermé.
-Et bien je vais en chercher d'occasion sur internet.
Il pianote un peu sur son téléphone. Peu de temps après, il m'indique une direction que je suis. Nous nous retrouvons dans une ville à quelques kilomètres de là. Je dépose Aurélien devant une maison. Il sonne.
Un monsieur d'un certain âge ouvre.
-Bonjour. Que puis-je faire pour vous?
-J'ai vu que vous vendez un flambeau sur internet. Vous l'avez toujours?
-Oui! Rentrez!
Aurélien me jette un coup d'œil avant de disparaitre dans la maison. Il ressort cinq minutes après avec une énorme torche.
-On l'allume comment ton truc?
-Avec un briquet.
-Tu vas te cramer les doigts.
-Mais non, tu vas voir.
Il me donne le flambeau que je tiens penché. Il ouvre le baril et verse un peu de gasoil dessus. Il sort ensuite un briquet de sa poche et l'approche de la torche. Lorsqu'elle s'embrase, il lâche le briquet en poussant un petit cri de douleur.
-Tu t'es brûlé, dis-je simplement.
-Je me suis brûlé, confirme-t-il en portant son pouce à sa bouche.
-Il faut y mettre du froid dessus.
-On a pas le temps. Allons d'abord aider tes amis.
Il remonte sur mon dos et je m'envole, les bras chargés, en faisant attention à la flamme.
Une fois arrivés au lac, je crie à mes compagnons en bas:
-Poussez-vous!
Le temps que tout le monde se mette hors de danger, je remarque que la fleur est toujours fièrement dressée mais sévèrement amochée.
Je donne la torche à mon ami pendant que je dévisse à nouveau le bouchon du bidon puis que je verse son contenu. Une fois vidé, je jette un petit coup d'oeil derrière moi. Avec Aurélien, nous hochons la tête en même temps et le flambeau tombe. Il atterrit au milieu des pétales qui s'enflamment instantanément. La fleur se tord pour tenter de faire tomber l'objet mais ça ne change rien. Ses mouvements ne font qu'exciter les flammes qui prennent un plaisir de damné à grignoter la plante.
La fumée monte dans le ciel. Je vais nous poser plus loin avec Aurélien pour éviter d'inhaler les toxiques.
Nous observons tous ensemble la fleur s'effondrer à terre et brûler.
Je sens la main d'Aurélien chercher la mienne. Je l'attrape, me moquant du regard inquisiteur de l'Homme de la Lune.
La chaleur se fait très vite oppressante. Une goutte de sueur coule contre ma tempe alors que la paume de ma main devient toute moite.
J'attends encore quelques instants avant de pointer mon bâton en avant. De l'eau en jaillit et va éteindre le brasier étouffant. Il ne reste ensuite que des cendres noires.
Nord tape dans ses mains.
-Voilà une bonne chose de faite!
Il s'approche ensuite de nous. Ses yeux glissent de nos mains jointent à mes yeux puis à ceux d'Aurélien.
-Vous avez franchi la limite, n'est-ce pas?
Sa question ne sonne pas comme une question.
-C'est à cause de ça que tu n'arrives plus à utiliser tes pouvoirs. L'amour t'a réchauffé le cœur.
-Pourquoi l'amour des enfants n'a pas la même conséquence ?
-Les enfants te réchauffent le cœur, certes, mais l'amour de ce jeune homme te réchauffe tout entier. Et puis, il n'y a pas de danger avec les choses pures.
Je fronce les sourcils.
-En quoi les enfants sont plus purs?
-Ne fais pas l'innocent, Jack.
Je baisse les yeux puis les relève pour observer les iris noires d'Aurélien. Je finis par pousser un long soupire.
-J'imagine que mon titre de Gardien va m'être retiré.
Je sens la puissante aura de l'Homme de la Lune au-dessus de nous.
-Les règles sont les règles Jack. Il t'avait prévenu.
-Que vais-je devenir?
-Tu vas perdre ton statut de Gardien car on ne t'estime plus digne de protéger le bonheur des enfants. Ça ne veut pas dire qu'ils vont t'oublier ni que tu vas perdre tes pouvoirs. Mais très sincèrement, nous ne savons pas exactement ce qu'il pourra t'arriver. Jamais personne n'avait perdu son statut jusqu'à aujourd'hui.
Je hoche lentement la tête, la gorge serrée. Lorsque je reprends la parole, ma voix est faible :
-Je vais... Je vais ramener Aurélien chez lui. Il doit reprendre les cours demain.
Les Gardiens hochent la tête.
Aurélien monte sur mon dos et je nous amène loin du lac.
Je savais ce qui allait arriver. C'était beaucoup trop évident. Et même si j'avais commencé à m'y préparer en disant que j'irai de l'avant, la dureté de la réalité s'est imposée en moi. Je me sens vide. J'ai l'impression d'avoir perdu quelque chose d'important et je me demande enfin si je n'ai pas commis une erreur.
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