chapitre 15 ✓

J'ai longuement hésité avant de faire ce point de vue différent. Je comptais écrire que sous le regard de Jack. Mais finalement, je reviens sur mon idée. J'espère que ça ne va pas vous déranger et que ça vous plaira.
Bref, bonne lecture!
...

PDV Aurélien :

Appuyé contre le plan de travail, j'observe mon frère en train de boire son verre d'eau. Je sens qu'il a encore envie de me taquiner parce qu'il ma vu jouer au pirate. C'est frustrant et déstabilisant. Je ne sais même plus où me mettre.
Je sursaute légèrement lorsqu'il prend la parole:

-Alors, la rentrée s'est bien passée ?
-Non.
-Laisse-moi deviner. Tu n'es pas dans la classe de ton amoureuse?
-Je n'ai pas d'amoureuse.
-Tu ne sors pas avec Charlotte ?
-Tu sais très bien que non.

Il rit. Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle.

-Alors un amoureux?
-Non plus.

Mais malgré moi, je rougis.

-Ah! Je le connais?
-Non.

Pour me donner une certaine contenance, je croise les bras.

-Comment va Annaële? Tu viens toujours avec elle d'habitude.

Il se lève brusquement, la mâchoire et les poings crispés.

-Je vais ranger ma valise.

Je fronce les sourcils alors qu'il s'en va. Il s'est passé un truc avec sa copine, c'est évident.
Je n'ai pas le temps de sortir de la cuisine que la porte d'entrée s'ouvre.

-Aurélien, on est rentrés! Mark est arrivé?

Je vois mes parents pénétrer dans la cuisine avec quatre poches.

-Vous avez dévalisé le magasin?
-Comme ton frère est là ce week-end, j'ai pris de quoi prendre l'apéro et demain je ferai une blanquette de veau comme je sais qu'il adore ça.

Justement, Mark revient sûrement en entendant mon père et ma mère rentrer.

-T'as pas besoin de t'embêter autant à chaque fois que je viens, maman.
-Mais ça me fait plaisir!

Nous l'aidons à ranger les courses.

-Au fait Mark, Annaële n'est pas avec toi? demande ma mère en mettant des quelques légumes dans le bac en bas du frigo.

Je jette un coup d'œil vers mon frère qui range des conserves dans le placard. Il ne dit rien.
Une fois les poches vides, ma mère se tourne vers nous.

-Bon les garçons, on mange à midi. Vous mettrez la table, comme d'habitude.

Je me tourne vers Mark qui me fixe.

-Dis, pourquoi...
-Tu n'as plus tes lunettes?
-Je les ai cassé. Mais...
-Je vais finir de ranger mes affaires.

Et voilà qu'il repart. Je soupire.
Je me retourne vers ma mère qui sort une grosse casserole.

-Tu as besoin d'aide pour quelque chose maman?
-Ça ira Aurélien. Merci. Tu peux aller regarder la télé si tu veux.

Je passe la tête par la porte et mes yeux se posent sur mon père assis sur le canapé.

-Papa a déjà la télécommande.
-Eh bien, tu peux lire.
-J'ai déjà fini mes livres. Mais ne t'inquiète pas, je vais trouver un truc à faire.

Je rejoins mon père sur le sofa, sors mon téléphone de ma poche et ouvre Wattpad. Je lis un moment jusqu'à ce que ma mère me rappelle. Je repars dans la cuisine, mets les couverts sur un plateau, vais dans la salle à manger et dispose la table.
Mark arrive lorsque j'ai fini.

-Mince, fallait me prévenir.
-Je voulais pas te déranger. T'as l'air préoccupé.

Il tente de me sourire pour me rassurer. Mais son visage est tellement tendu que ça fait l'effet inverse.
Ma mère nous rejoint avec un plat d'oeufs mimosa puis se tourne vers mon père.

-A table Philippe.

Comme à son habitude, mon père ne se lève pas tout de suite. Nous nous asseyons et commençons à manger. Mon père finit par nous rejoindre, quelques secondes après.
Le repas se passe tranquillement. Mark nous raconte comment se passe son nouveau boulot. Ma mère raconte pour la centième fois sa mésaventure à la boulangerie de la semaine dernière. Et mon père dit des choses de temps en temps.
Nous arrivons rapidement au dessert et je me lèche la langue en voyant arriver des éclairs.

-Je prends celui au chocolat!
-Comme d'habitude, dit mon frère en riant.

Mais son rire ne sonne pas joyeux. Il se force, c'est indéniable.
Ma mère semble le remarquer aussi. Elle a l'air prête à crever l'abcès.

-Du coup Mark, concernant Annaële, tu ne devais pas la demander en maria...

Elle n'a même pas le temps de finir sa phrase, mon frère explose en sanglot.
Je repose l'éclair que je viens d'attraper, la gorge serrée.
Je vais doucement chercher un paquet de mouchoirs que je pose à côté de Mark. Il en prend un.
Ma mère se penche en avant.

-Je suis désolée. Si j'avais su, je n'aurai rien dit... Elle a refusé ?

Il secoue la tête.

-Ce n'est pas du tout ça. Elle est enceinte...

Mes parents et moi fronçons les sourcils, tous en même temps. Il doit manquer un morceau de l'histoire.
Nous laissons Mark reprendre son souffle et, entre deux sanglots, il arrive à sortir :

-Je ne suis pas le père.

Sa voix brisée me fend le cœur. Ne sachant trop quoi faire, je pose ma main sur son épaule et envoie des signaux à mes parents avec mes yeux. Il faut lui dire quelque chose.
Mais personne n'a le temps de parler que Mark se met à nous raconter comment il l'a appris, le jour même où il comptait la demander en mariage.
Mon père prend alors la parole.

-Est-ce qu'elle sait qui est le père?
-Oui. Mais il ne vit pas ici. C'était lors de son stage en Australie, il y a deux mois.
-Quoi que tu décides de faire Mark, on te soutiendra. C'est à toi de prendre la décision. Mais n'oublie pas que si elle l'a déjà fait une fois, elle pourra recommencer. Et, personnellement, je ne pense pas pouvoir la voir rentrer dans cette maison. Elle t'a trompé. Que ce soit pour une nuit ou pour trois semaines, ça ne change rien à l'acte.

Il hoche la tête et prend un autre mouchoir.
Je demande tout bas:

-Qu'allez-vous faire du bébé ?
-On ne peut pas tuer un innocent. Mais je ne serai jamais son père.
-Vous avez mis au courant le... vrai papa?

Il hoche lentement la tête.

-Elle doit lui envoyer un mail... Je ne sais pas si elle l'a fait. Je ne veux pas lui parler.

Ma maman pose sa main sur la sienne.

-Tu peux rester ici autant que tu veux Mark. Tu devrai prendre quelques jours de repos.
-Je ne peux pas. Je suis nouveau dans l'entreprise et...
-Si ton patron a un minimum de cœur, il te laissera poser des jours. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, les patrons sont parfois difficiles à comprendre.

Je me lève de ma chaise en sentant mon estomac se serrer.

-Je vais aller... prendre l'air.

Je prends des plats sur la table, les amène dans la cuisine et sors dehors en prenant la laisse de Flocon.
En voyant le cuir rouge, mon chien se jette sur moi et me lèche les mains alors que j'essaie de l'attacher.

-Arrête de bouger! C'est dégoûtant!

Une fois la laisse mise, je m'engage sur la route avec Flocon en soupirant.
Je ne sais pas si j'ai bien fait de partir mais je ne savais pas quoi dire. Je ne me rappelle même pas avoir vu mon frère pleurer un jour. Comment étais-je censé réagir? Personne n'est prêt à recevoir ce genre de nouvelles, encore moins le jour de la demande en mariage. Cela faisait huit ans qu'ils étaient ensemble.
Je marche ainsi un moment jusqu'à arriver dans un petit parc. Je m'assois sur un banc et lâche Flocon qui se met à courir dans tous les sens. Il aboie après une abeille et poursuit des papillons. Il se jette ensuite dans un tas de feuilles et se frotte contre un arbre. Une fois lassé, il revient vers moi et s'assoit.

-Tu as fini? Tu veux qu'on rentre?

Mais Flocon ne m'écoute pas. Ses oreilles sont dressés vers l'avant comme s'il écoutait quelque chose.
Je me penche en avant.

-Qu'est-ce que tu regardes?

Je me lève et avance de quelques pas pour aller voir mais Flocon aboie.

-Quoi?

C'est alors que je le vois avec un petit garçon. Il est accroupi et fait apparaître un flocon dans sa main sous les yeux brillants de l'enfant.
La tête aux cheveux blancs se tourne par ici. Je me cache instinctivement derrière un arbre.
Non mais qu'est-ce que je fais au juste? Je viens de le croiser par hasard et j'ai l'air d'un suspect de première...
Je prends une inspiration et décide de sortir de ma cachette. Je sursaute en voyant Jack juste en face de moi.

-Bouh, dit-il tout simplement.

Un petit silence assez gênant s'instaure entre nous. Jack est le premier à le briser.

-Je suis désolé pour ce matin.
-Tu n'as pas à t'excuser. C'est moi qui ai commencé à jouer.

Son bâton est nonchalamment posé sur son épaule.

-Pourquoi tu n'es pas chez toi?
-J'allais rentrer.
-Ça ne répond pas à ma question.

Je soupire encore une fois.

-Mon frère a des soucis, c'est tout. Je savais pas comment réagir alors je suis allé faire un tour.
-Ça va aller pour lui?
-J'en sais rien.

Je vais me rasseoir sur le banc. Jack me suit.

-Si tu veux parler...
-C'est plutôt lui qui en a besoin.
-Alors tu devrai être avec lui, non?

Je pose ma main sur mon cœur et serre mon tee-shirt entre mes doigts.

-Je ne pense pas être un bon confident. Je ne pourrai pas lui donner de conseils. Et je vais sans doute me mettre à pleurer s'il pleure aussi.
-Mais au moins tu seras avec lui. Tu veux que je t'accompagne?

J'hésite avant de hocher très lentement la tête. Jack me tend la main et m'aide à me relever. Ses doigts sont froids et pourtant doux. Je ne pensais pas que la glace pouvait être douce. Pourtant, je ne vois pas pourquoi ça m'étonne. Jack peut être tendre aussi, ce qu'il vient de faire me le prouve encore une fois.
J'appelle Flocon et lui remet la laisse pour qu'on puisse partir.
Sur le chemin, nous ne parlons pas. Jack marche devant moi et fait tomber quelques flocons de neige malgré la période de l'année. Je frissonne alors que je sens une brise insupportable rentrer dans mes vêtements.
Jack jette un coup d'oeil par dessus son épaule.

-Tu as froid?
-Non ça va.
-Tu trembles.
-Je sais.
-Je sais que tu sais.

Je lui souris doucement.
Nous arrivons trop vite à mon goût chez moi. Alors que je pose la main sur la poignet de la porte, Jack pose la sienne sur mon épaule.

-Hey, ça va aller.
-J'aimerai être aussi optimiste que toi.
-Je te retrouve ce soir, d'accord?
-Je ne sais pas si c'est une bonne idée. Mon frère a sa chambre juste à côté de la mienne.
-Alors on sortira. Je t'amènerai de nouveau à mon lac.

Il ne me laissera pas seul. Cette simple pensée me réchauffe le cœur. Il se soucie de moi surtout parce que je suis son seul ami mais ça me fait plaisir.

-D'accord. Je serai à 22h à ma fenêtre.
-J'y serai aussi. Courage.

Il serre mon épaule dans sa main avant de s'envoler.
Je ferme les yeux et rentre dans ma maison, le cœur serré mais réchauffé.

...
Alors, ce changement de point de vue vous a plu? Je ne pense pas en faire souvent mais il me paraissait important.

Que feriez-vous à la place de Mark?

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