PDV Jack:

Les jours suivant passent sans accroc. Aurélien a préféré prendre des lentilles en remplacement de ses lunettes. Et j'approuve totalement son choix.
Ainsi, de fil en aiguille, on en arrive aux premières vacances de l'année: les vacances de Toussaint. Du coup, j'ai le droit de passer le dimanche entier avec Aurélien que j'ai réussi à trainer dehors.

-Tu faisais des jeux avec Flocon quand tu étais petit?

Aurélien se met à rire.

-Oh que oui! C'était un excellent acteur pour jouer aux pirates!

Flocon lui saute dessus et mon ami lui attrape les pattes avant. La queue toute poilue balaie les feuilles qui reposent sur le sol.
Je regarde autour de moi.

-Tes parents ne sont pas là?
-Ils sont allés faire les soldes.
-Tu ne les suis pas?
-Je vais pas acheter des vêtements si j'ai déjà ce qu'il me faut!

Il repose doucement au sol les coussinets de son chien qui lui saute à nouveau dessus la seconde d'après.

-Flocon! Tu es lourd!

Je m'approche.

-Ça te dirait de rejouer aux pirates?

Il tourne la tête vers moi avec un air incrédule.

-Je crois que j'ai passé l'âge de faire des jeux de rôle.
-Allez! Il n'y a personne! Ça te rappellera de bons souvenirs.

Je fais une énorme boule de neige que je prends dans les bras.

-Alors cap'taine, je le mets où ce boulet? dis-je en roulant de manière abusive les R.

Aurelien explose de rire.

-C'est quoi cet accent de vieux paysan?
-Hey! Ne te moque pas!

Il donne un coup de pied dans mon boulet de canon qui explose entre mes doigts.

-De un, pas d'accent bizarre. De deux, je ne jouais pas à la guerre des pirates. J'incarnais un pirate qui recherchait un trésor sur une île perdue!
-Comme c'est original, m'exclamé-je d'un ton ironique.
-Arrête de te moquer! me lance Aurélien en même tant que des feuilles mortes.

Flocon se met à aboyer et à nous courir autour. Son maître me pointe du doigt.

-C'est un traître! Attrapons-le!

Le chien bondit vers moi. Je m'envole dans les airs.

-Un sorcier! Nous devons remonter dans la Sirène et fuir!

Aurélien court vers la table de jardin qu'il renverse. Il saute par-dessus avec son compagnon et attrape un bâton au sol qu'il utilise comme rame.

-Attendez! Je ne veux pas vous faire de mal!

Je m'approche du navire.

-Il faut lancer un sortilège de protection! Vas-y Flocon!

Comme si le chien avait compris, il se met à aboyer. Rentrant totalement dans le jeu, je fais comme si le sortilège m'avait touché et je tombe au sol.

-Oh non! Je ne peux plus m'envoler!
-Bien joué Flocon! Allons le chercher, il sera notre prisonnier!

Aurélien saute par-dessus bord avec un tuyau d'arrosage dans les mains.
Je m'éloigne en rampant.

-Non! Ne me faites pas de mal!

Il me relève et me lie les poignets en arrière.

-Tu vas être mon esclave.

Il me fait avancer jusqu'à son bateau et me fait asseoir par terre.

-Que sais-tu faire d'utile?
-Je peux glacer la mer.
-C'est pas en glaçant la mer qu'on va arriver plus vite à l'île secrète.
-Comment comptes-tu trouver l'île secrète si elle est secrète?
-En suivant mon instinct et mon cœur! En suivant l'étoile polaire!

Je ris.

-C'est tellement cliché!
-Tais-toi esclave! Je vais te détacher. Maintenant que nous sommes en mer, tu ne peux plus t'échapper.

Il détache mes poignets. Je pointe une direction.

-Il y a un bateau qui approche.

Flocon pose ses pattes sur le bord du bateau en remuant la queue et en aboyant. Aurélien prend un pot de fleur et l'utilise comme longue-vue.

-C'est un bateau ennemi! On va l'attaquer pour récupérer leur nourriture! Rame esclave!

Il me lance la branche d'arbre que j'utilise pour faire avancer le navire. Et d'un coup, Aurélien hurle:

-A l'abordage!

Il saute par-dessus bord armé d'une pelle, Flocon sur ses talons.
Et d'un coup, une voix incrédule s'élève:

-Aurélien ?

Mon ami se tourne avec une infinie lenteur vers le garçon qui vient de l'appeler.

-Mark? Tu... Tu ne devais pas arriver que cet après-midi?
-J'ai prévenu maman que je venais manger à midi. Tu fais quoi?

Le fameux Mark regarde la pelle de manière appuyé. Aurélien tente de la cacher derrière son dos.

-Euh... Tu es là depuis longtemps ?
-Depuis le merveilleux "à l'abordage" que tu as hurlé avec beaucoup de passion.

Je vois les joues d'Aurélien se teinter de rouge.

-Eh bien... On a qu'à rentrer... Tu as beaucoup de bagages?
-Juste ma valise et une poche. Allez moussaillon, aide-moi à décharger.

Mon ami marmonne un truc dans sa barbe, me lance un regard indescriptible et commence à s'éloigner.

-Eh Aurélien! Maman t'a déjà dit plein de fois de ranger ton bordel une fois que t'as fini de jouer. Tu t'en rappelles? Tu devais avoir 7 ans quand tu as enfin compris ce que signifiait le mot "ranger".
-Tu sais quoi? Débrouille-toi avec tes affaires. T'as deux mains et deux sacs, ça devrait suffire.

Rageusement, Aurélien revient vers moi. Je me décale alors qu'il remet sèchement la table à sa place. Il range ensuite le tuyau, le pot de fleur et la pelle. Et sans me jeter un regard, il rentre chez lui.

...
Je me suis beaucoup amusée à écrire ce petit chapitre!

Je suis totalement crevée. J'étais à une fête d'anniversaire et j'ai fait nuit blanche. Je vous laisse imaginer mon état ! Mais au moins, je me suis éclatée, vous pouvez pas vous imaginer!