Chapitre 11 ✓
PDV Jack Frost :
La fenêtre est ouverte quand j'arrive ce soir-là. Je reste debout sur le rebord.
-Ça te dirait d'aller quelque part?
-Où ça ?
-Je sais pas encore. Mais j'ai envie de m'amuser un peu.
Je lui tends la main. Il jette un coup d'oeil à la porte puis à son lit.
-On rentre pas tard, d'accord ?
-Promis.
Il attrape ma main et monte sur le rebord en béton.
-Je vais te montrer ce qu'est mon quotidien. Tu n'as rien contre le fait de faire un peu de route?
-Euh... Non. Enfin, je suppose... On y va comment?
-En volant bien sûr !
Je me retourne. Hésitant, il se pose sur mon dos et j'attrape ses jambes alors qu'il passe ses bras autour de mon cou.
-Prêt?
Je n'attends pas sa réponse et saute de la fenêtre. Le vent nous soulève. Aurélien pousse un cri de surprise.
-Si jamais tu ne te sens pas bien, préviens-moi.
-Pourquoi je me sentirai mal?
Sans attendre, je fais un looping dans les airs. Je sens Aurélien affermir sa prise autour de mes épaules. Sa main empoigne mon sweet.
-Evite d'arracher mes habits. J'y tiens à ce haut.
-Et toi, dit-il en reprenant son souffle, évite de me faire vomir.
-Alors comme ça, on a l'estomac sensible?
-T'imagines même pas l'état de mon ventre quand on fait de la voiture en montagne avec mes parents. Toutes ces routes sinueuses...
Il soupire. Sa main n'a pas lâché pour autant mon vêtement. Je la sens légèrement trembler.
-Jack?
-Oui?
-On arrive bientôt?
-Ça va? Tu vas pas me vomir dessus, hein?
-Non non. Mais je ne suis pas très à l'aise.
-Je vais accélérer pour qu'on arrive plus vite. Dis-moi dès que tu te sens mal.
Je le sens hocher la tête.
Le vent nous propulse un peu plus fort. Je nous fais descendre dans une ruelle peu passante. Aurelien pose ses pieds à terre et prend un grand bol d'air. Puis il rit nerveusement.
-Je ne savais pas qu'on pouvait avoir le mal de l'air.
Il regarde la ruelle.
-Alors on fait quoi ici?
-On va s'amuser!
-Oui c'est ce que j'avais cru comprendre.
-Suis-moi.
Je me mets à courir. Il me suit comme il peut en évitant les passants.
Je l'amène jusqu'à un cinéma. Les personnes sont là pour les séances de 21h.
Je ne regarde pas si Aurélien est arrivé. Je commence de suite mon travail. Je glisse sur le sol avec mon bouton sous les pieds. Trois personnes qui passaient par là tombent en arrière. Je saute dans les airs puis redescends en faisant tomber quelques flocons. Des exclamations de surprise fusent de toute part. Et sans plus attendre, je fais des boules de neige.
J'en attrape une et tire sur le visage familier qui me fait face. Surpris, Aurélien s'écrase au sol.
Il prend une des boules sur le sol et me vise. Mais je me décale et il touche une adolescente derrière moi qui lui fait les gros yeux.
Derrière Aurélien, je vois une fillette blonde qui me fixe. Je fais un salto arrière et lui tire dessus. Elle se prend la neige en pleine tête. Puis ses yeux s'illuminent. Elle se met à lancer les boules que je façonne pour la bataille à venir. Elle rit aux éclats alors que d'autres enfants la rejoignent. Aurélien se retrouve au milieu de toutes cette agitation. Il est totalement pris au piège par tous les bambins qui l'assaillent de neige. Il finit par lever les mains en l'air.
-C'est bon, c'est bon! Je me rends!
Il est mort de rire. Je m'approche de lui et l'aide à se relever.
-Eh regardez, c'est Jack Frost!
Tous les petits s'approchent.
Je mets mon bâton sur mon épaule.
-Alors, ça vous a plu?
Ils hurlent tous que oui. Evidemment, la neige c'est toujours mieux qu'un film dans le noir.
Les parents des enfants viennent les chercher en les réprimandant plus ou moins. Certains sont juste heureux que leur fils ou leur fille se soit amusé.
Avec Aurélien, nous revenons dans la petite ruelle. Il secoue ses cheveux plein de neige en riant.
-Tu as fait tomber de la neige en été !
-T'as vu ça!
Je l'observe amusé alors qu'il tente de reprendre une expression faciale moins niaise. On dirait un enfant qui s'est amusé dans la neige pour la première fois.
-Pourquoi tu m'as amené ici?
-Je te l'ai déjà dit. Pour qu'on s'amuse et que tu vois ce que je fais d'habitude.
Il replace ses lunettes.
-En gros, tu voulais me montrer que tu es un vrai gamin. Mais je le savais déjà.
Je m'offusque.
-Je te rappelle que j'ai 16 ans!
Il lève les mains en l'air.
-Ne te vexe pas. C'était pas méchant.
Nous restons là, debout, sans parler. Il finit par se racler la gorge.
-Du coup, on fait quoi?
Il regarde sa montre. Je lui fais une petite proposition :
-Si tu veux, on peut faire une petite balade avant de rentrer. Tu comptes te coucher tôt?
-C'est dimanche demain alors je peux me coucher tard.
-Je croyais que tu voulais rentrer tôt.
Il hausse les épaules.
-J'ai juste dit ça comme ça.
Je me retourne.
-Tu montes?
Il hésite un peu.
-Tu ne refais pas de looping, hein?
-Promis.
Il vient sur mon dos et je m'envole. Je sillonne tranquillement le ciel. La lune nous inonde de sa lumière.
-On ne risque pas de nous voir?
-Quelqu'un avec un télescope te verra peut-être. Mais la probabilité est très faible.
Je nous élève un peu plus haut. Aurélien tend la main vers la mince couche de nuage qui s'échappe lentement vers l'horizon.
-C'est incroyable...
Je souris et monte encore plus pour lui mettre la tête dans le fin coton du ciel. Il explose de rire.
-Jack! Je vois plus rien!
Je redescends un peu.
-Il y a un endroit où t'aimerai aller ?
-Pas loin de chez moi, à une heure en voiture, il y a un lac.
-On va y être dans quelques minutes alors. C'est par où?
Il me pointe une direction que je suis. Le vent fouette nos visages alors que j'accélère l'allure. En même pas dix minutes, nous arrivons à destination. Nous posons pieds à terre. Aurélien va de suite s'asseoir sur un caillou au bord de l'étendu.
Je fixe l'eau qui ondule sous la brise nocturne.
-Tu ne viens pas?
-Si si.
Je m'installe à côté de lui.
-Ça me fait penser au lac que j'avais à côté de chez moi.
-Tu n'y vas plus?
-J'y reviens de temps en temps. Il s'y est passé tellement de choses que je ne peux pas l'ignorer.
-Comme quoi par exemple?
-Ma renaissance. Littéralement.
Il lève un sourcil.
-C'est là où tout se fini et tout recommence. Ma vie a pris un tournant différent à cette endroit. Deux fois.
-Tu devrai parler de manière encore plus abstraite.
Je me lève et marche sur le lac qui gèle sous mes pas. Une fois au centre, je me retourne.
-Je suis un gardien.
Je souris à Aurélien qui me lance un regard interrogateur.
J'étends les bras sur le côté et le vent me surélève légèrement. L'homme de la lune me baigne de sa clarté. Je sens ses rayons caresser ma peau.
-J'existe pour protéger les enfants.
Je lève mon bâton au-dessus de ma tête. Quelques flocons viennent se rajouter au décors.
-Je veille à leur sécurité sans oublier de les rendre heureux. Et en échange, ils croient en moi.
Je tourne sur moi-même. Un énorme tourbillon de glace se forme sous mes pieds. Puis le vent se met à gronder. Toute cette force arrache la glace et l'amène vers le ciel. Puis tout s'arrête pour laisser place à un énorme silence. Une multitude de minces grêlons fins comme de la poussière scintillent alors qu'ils retombent vers la terre.
-L'homme de la lune nous réunit lorsque le bonheur des enfants est mis en péril. Il faut savoir que, lorsque les enfants sont en danger, nous, les gardiens, le sommes aussi.
Une légère brise vient balayer tous les morceaux de glace lorsque je ferme mes poings. Puis plus rien ne bouge autour du lac.
-Mais tant qu'il y a de l'espoir, ne serait-ce qu'une minuscule étincelle, alors tout n'est pas perdu.
J'ouvre la main et laisse s'envoler un beau flocon qui vient se poser sur le nez d'Aurélien.
Je reviens vers lui. Il observe la lune.
-Alors comme ça, il y a un bonhomme dans la lune qui t'appelle lorsqu'il y a un soucis?
-En gros oui. Enfin, il ne nous parle pas directement. Il ne fait que montrer le problème.
-Quand tu dis "nous", tu parles des gardiens? Vous êtes beaucoup?
-Nous sommes cinq.
-Et à cinq, vous arrivez à protéger tous les enfants de la Terre?
-Ça t'étonne?
Il se frotte la nuque.
-Pour tout te dire, j'ai un peu du mal à y croire. Vous êtes si peu... Et comment se fait-il que Charlotte te connaisse?
-Et bien, tu vas encore moins me croire, mais les autres gardiens sont assez connus: le Père Noël, le Lapin de Pâques, la Fée des Dents et le Marchand de Sable. Et les enfants me connaissent depuis peu de temps par rapport à eux.
Il me fait les gros yeux et semble réfléchir à toute allure.
-Tu ne vas quand même pas me faire croire que tous ces gens existent!
-Ça fait beaucoup d'informations ?
-Un peu oui!
Il se lève et étire ses jambes.
-Pourquoi tu me racontes tout ça?
Je hausse les épaules.
-J'en sais trop rien. Je ne sais pas comment me comporter avec toi. Imagine que tu n'existes qu'à travers les yeux des enfants. Et d'un coup, quelqu'un de ton âge te voit. A ce moment là, tu te rends compte que tu ne sais pas comment te comporter!
-Personnellement, je trouve que tu t'en sors très bien.
Sans m'en rendre compte, je me mets à rougir.
-Ne dis pas n'importe quoi! Je suis hyper collant...
C'est à son tour de hausser les épaules.
-C'est peut-être ta nature. Au fond de toi, tu es sûrement un pot de colle.
-Merci beaucoup, ça fait plaisir. Mais non, ma vraie nature ce n'est pas ça.
Il croise les bras et lève le menton.
-Ah non? Alors qui es-tu un fond de toi?
-Eh bien, j'ai mis trois cents ans à le découvrir. Et, grâce aux enfants, je me suis rendue compte que je suis quelqu'un de joueur.
Je me mets debout sur mon bâton et tiens ainsi en équilibre. Je pose mes doigts sur le coin de mes lèvres et les tire pour faire un grand sourire.
-Je vois le monde avec un cœur rieur. Tout est un terrain de jeu pour moi.
Je saute au-dessus d'Aurélien. Ce dernier rattrape mon bâton avant qu'il ne tombe puis me le tend. Je le récupère et le pose nonchalamment sur mon épaule.
Puis j'attrape ma petite poupée russe que je garde dans la poche de mon sweet. Je la tends à Aurélien.
-C'est Nord qui me l'a fait.
-Nord?
-Le Père Noël.
Il le prend avec précaution dans ses mains et l'observe. Il sourit tendrement.
-C'est vrai qu'il te ressemble.
Il me le rend et je le remets au chaud dans ma poche.
J'observe Aurélien qui admire la lune.
-Tu veux rentrer? Ou tu préfères faire rougir l'homme de la lune?
Il rit doucement.
-Je ne m'amuse pas à faire rougir des inconnus.
Il s'approche de moi. Je me retourne pour qu'il puisse monter sur mon dos. Une fois en place, je m'envole dans le ciel.
Pendant le trajet du retour, personne ne parle. La tête d'Aurélien est posé sur mon épaule. Je me demande s'il s'est endormi.
Lorsque je rentre dans sa chambre, il ne dit pas un mot. Je le pose comme je peux sur son matelas et il s'écroule sur le côté. A moitié endormi, il se tire jusqu'au milieu de son lit. Je le recouvre avec les draps et il murmure un petit "merci Jack" avec de tomber complètement dans les bras de Morphée.
Je me rends alors compte qu'il n'a pas sorti ses lunettes. Doucement, j'attrape les branches et les soulève de ses oreilles. Puis j'enlève totalement sa paire avant de la poser sur sa table de nuit. Un rayon de lune éclaire légèrement son visage.
Je hoche la tête en souriant.
-Je me disais bien que ces lunettes cachaient quelque chose de beau...
Je me rends alors compte de ma pensée et rougis pour de bon. Je me tourne vers le ciel. J'entendrai presque l'homme de la lune se moquer gentiment de moi. Je dois perdre l'esprit...
Je secoue la tête et murmure un léger "bonne nuit Aurélien" avant de sauter dans les airs.
...
Voici officiellement le premier chapitre le plus long!
2128 mots rien que pour vous!
Que pensez-vous de la fiction? De l'évolution des personnages?
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