Arrivée de Mia - 2018

 Elle s'avança d'un pas rapide et décidé vers l'entrée du bar aux allures quelques peu sombres et lugubres jusqu'à se retrouver en face de la porte d'entrée. Elle avisa le panneau fluorescent et clignotant au dessus de celle-ci et pu lire « Chez Jack ». Elle contracta le coin droit de sa bouche, la tordant dans un étrange rictus froid. Un chat noir, fin, avec un revolver presque aussi gros que lui sur le dos courut dans sa direction et s'arrêta à ses côtés, lui lançant un regard courroucé. La jeune femme n'y prêta pas attention et donna un grand coup de pied dans la porte, l'ouvrant ainsi à la volée et abîmant à coup sûr son mécanisme. « Tant mieux. » pensa-t-elle. Elle entra, plus doucement cette fois-ci, assez fière de son petit effet sur les clients du bar mais pas calmée pour autant.

— Qui ?

Un silence de plomb suivi cette question posée avec une voix glaciale. Un courant d'air s'engouffra dans la salle tandis que le chat, resté à l'entrée, se glissa entre ses jambes et bondit gracieusement sur le comptoir. Le barman se trouvait de l'autre côté et il s'avança pour le chasser mais la jeune femme porta la main au poignard d'une trentaine de centimètres accroché à sa ceinture et son regard lança des éclairs. L'homme, d'une cinquantaine d'années, compris immédiatement qu'il ne ferait pas le poids. Il leva donc les mains en s'éloignant du chat de quelques pas. Relâchant la pression sur son arme pour aller glisser sa main dans ses cheveux bruns, la jeune femme les écarta de son visage, laissant apparaître le fin tatouage en forme de serpe sur le haut de sa pommette gauche. Un ricanement se fit entendre et en tournant la tête, elle vit qu'il s'agissait d'un homme, à moitié avachi sur son tabouret, un coude posé sur le comptoir, une pinte presque vide à la main. Quand le regard émeraude de la brunette se posa sur lui, il finit sa boisson et fit glisser sa pinte jusqu'au barman.

— Quel honneur de pouvoir enfin rencontrer la si célèbre Rôdeuse Mia Koo !

Cette dernière abaissa encore une fois le coin de sa bouche, signe de sa contrariété.

— Je peux savoir qui vous êtes ?

— Aucun intérêt. La question qui se pose est plutôt : « que fais-tu ici ? ». Ce n'est pas un coin pour les jeunes femmes... Même les dures à cuir comme toi.

En effet, en jetant un bref coup d'œil à l'assemblée, elle se rendit compte qu'il n'y avait que des hommes. Cela n'affecta en aucun cas sa détermination, ce n'était pas la première fois qu'elle se trouvait dans ce genre de situation. Seulement c'était la première fois qu'elle était personnellement impliquée et elle avait peur de ne pas réussir à se contenir.

— On m'a volée mon navire. Après avoir recueilli des témoignages je peux affirmer que le coupable est un habitué de ce bar. Alors je vais être claire, que le coupable se dénonce s'il ne veut pas finir troué...

En terminant sa phrase, elle fit glisser lentement ses doigts sur le revolver à sa ceinture. Elle capta le regard agrandit par la surprise d'un homme juste à sa gauche. Il faut dire qu'elle savait sortir bien couverte...

Mia Koo observa la dizaine d'hommes présents, toujours immobiles depuis son entrée fracassante, tentant de déceler une quelconque culpabilité dans le regard de chacun. Cependant la plupart était des poivrots, d'autres de simples hommes n'ayant pas les moyens de s'offrir un verre ailleurs. Puis il y avait cet homme qui l'avait reconnue. Il semblait en savoir plus qu'il ne voulait le laisser paraître.

— Comment savez-vous qui je suis ?

— Voyons je te l'ai dit, tu es célèbre dans ton domaine. On a l'habitude d'avoir la visite de Rôdeurs mais je dois avouer qu'ils sont rarement de ton rang...

Les Rôdeurs étaient les personnes qui, comme Mia, ne s'occupaient pas de la guerre, préférant construire leur petit business de leur côté, faisant des courses, acceptant des missions pour des clients plus ou moins importants. Plus on se faisait connaître plus on avait de chances de se faire contacter par de gros clients mais aussi de se faire plus d'ennemis. Certains Rôdeurs se contentaient de peu, d'autres avaient de l'ambition. Certains se satisfaisaient d'un minimum de confort, d'autres aimaient vivre dangereusement afin d'amasser plus. Mia se laissait juste porter par ses besoins, sans pour autant trop se mettre en danger, notamment vis-à-vis de l'argent qui lui, était vital pour sa famille.

— Rien ne sert de me flatter ainsi, je ne recherche pas la célébrité.

— En effet, tu sembles plutôt à la recherche d'un bateau.

Elle grogna.

— Ne faîtes pas le malin. Je vois bien que vous en savez plus que vous ne voulez me l'avouer...

L'homme sourit de plus belle mais ne répondit rien. Alors que Mia allait perdre patience, un homme assis à une table se leva d'un bond, faisant renverser sa chaise. Elle dégaina aussitôt son revolver, le pointant sur l'homme paralysé. Un vieil homme assis à une table voisine était tombé de sa chaise de peur et le chat noir avait hérissé son poil.

— Qu'est-ce qu...–

Elle n'eut pas le temps de finir que l'homme, semblant réaliser qu'il avait une arme pointée sur lui, déguerpi à toute vitesse.

—Hey !

Elle courut à sa suite, délaissant l'homme avec qui elle échangeait plus tôt, tandis qu'il se tournait vers le barman, demandant un autre verre. Le chat s'élança à la suite des deux humains.

— Hé ! Arrêtez-vous tout de suite !

L'homme effrayé s'engouffra dans une ruelle et, alors qu'elle rattrapait son retard, elle tendit le bras pour attraper sa veste voletant derrière lui. Ils sortirent de la ruelle pour se retrouver sur une petite place, avec quelques camelots et une vingtaines de personnes qui étaient encore présentent malgré l'heure tardive. Il ne lui restait plus que deux ou trois centimètres à parcourir quand un coup de feu assourdissant retentit, faisant hurler une vieille femme. Mia se couvrit la tête par réflexe, trébucha et fit une roulade, cognant contre l'homme qui s'était effondré. Elle sentit son cœur battre dans ses oreilles, le sang affluer dans ses tempes et se mis à réfléchir aussi vite que possible. Elle était à découvert, ce n'était clairement pas à son avantage. Les quelques personnes présentes s'étaient toutes allongées au sol, terrifiés à l'idée d'être les suivants. Mia, penchée sur le fuyard, risqua un regard derrière elle mais ne vit personne. Il faisait nuit après tout. Son regard se porta sur les toits des bâtiments qu'ils venaient de traverser au pas de course mais encore une fois elle ne vit rien. Le tireur semblait avoir eu ce qu'il voulait. Elle reporta son attention sur l'homme toujours immobile, à plat ventre et vit avec horreur une tâche sombre s'élargir lentement sur sa veste. Elle le retourna délicatement et s'aperçut qu'il n'était pas mort. Du sang commençait à couler de sa bouche, alors elle le redressa légèrement, prenant appuie sur ses genoux.

— Hé, hé ! Restez avec moi, vous entendez ? Les secours vont arriver, accrochez-vous.

Elle luttait de toutes ses forces pour ne pas céder à la panique, se tourna vers les gens qui commençaient à se relever, comprenant que tout danger était écarté et leur cria qu'un homme avait été touché et qu'il avait besoin de soin. L'homme en question agrippa son bras violemment, lui faisant à nouveau tourner la tête vers lui. Ce qu'elle y vit détruit le peu de sang-froid qu'il restait en elle. L'homme dans ses bras savait qu'il allait mourir.

— C'était... C'était moi... Le... Bateau...

— Quoi ? Mais pourquoi ? Où est-il ?

Pour seule réponse il secoua difficilement la tête de gauche à droite. C'est alors qu'une idée naquit dans l'esprit de la jeune femme.

— Ne me dîtes pas... Que ça a un lien avec l'homme qui vient de vous tirer dessus...?

Cette fois il secoua la tête de haut en bas.

— Je ne comprends pas ! Non, non non non, restez avec moi ! Mais bon sang, que quelqu'un vienne m'aider !

Elle pressa sa main sur la plaie dans l'abdomen de l'homme très affaibli qui fermait doucement les yeux.

— Il... Veut se... Se venger... Pardonnez-moi...

La pression sur le bras de Mia se fit de plus en plus faible, jusqu'à ce que la main de l'homme retombe sur le côté. La jeune femme le fixa pendant plusieurs minutes avant de relever les yeux vers les personnes qui étaient restées. Malgré l'obscurité, elle pouvait lire dans leur regard le soulagement égoïste d'être encore en vie. Elle reposa délicatement la tête de l'homme au sol et se releva. En baissant les yeux vers son chat qui s'étaient approché elle vit que le bas de son tee-shirt couleur crème était imbibée de sang, et pouvait sentir qu'il en était de même avec le haut de son pantalon. Elle se sentait horriblement poisseuse et n'avait qu'une envie, arracher ses vêtements et se jeter sous un puissant jet d'eau qui pourrait faire disparaître toutes traces de mort présentent sur elle. Elle refoula ce sentiment et repris son sang-froid tout en retournant sur ses pas, sans un regard en arrière. Lentement, elle se dirigea vers le bar où elle arriva quelques minutes plus tard. Tous la dévisagèrent, terrifiés à la vue du sang. Elle remarqua que l'homme avec qui elle conversait plus tôt avait disparu.

— Où est-il ? Où est l'homme avec qui j'ai parlé tout à l'heure ?

Aucune réponse. Elle se dirigea à grandes enjambées jusqu'au comptoir où elle se pencha, attrapant le col du barman qui n'eut pas le temps de réagir et l'attira à quelques centimètres de son visage.

— Je n'ai pas l'intention de jouer aux devinettes, c'est clair ? Un homme vient de se faire descendre sous mes yeux et si je ne me trompe pas, je suis en partie responsable. Je suis sûre que l'homme assis au comptoir tout l'heure sait quelque chose alors, DÎTES MOI OÙ IL EST !

— Je vous en supplie ne me faîtes pas de mal ! Je vous jure que je ne sais pas où il est ! Quand vous êtes parties, il a repris un verre puis est partie, deux ou trois minutes après. Je ne connais même pas son nom, je ne sais pas d'où il vient ni ce qu'il voulait ! Tout ce que je sais, c'est qu'il vient de temps en temps...

Avec un grognement de frustration, la jeune femme repoussa le barman qui se cogna contre une étagère de verres, en faisant tomber quelques uns. Elle se tourna vers les quelques hommes qui restaient et compris immédiatement qu'elle ne tirerait rien d'eux. Personne ne semblait le connaître.

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Les images qui m'ont inspirées :

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