Y'en a pas beaucoup qui ont réussi à rentrer dans ma bulle. Parce que dès que j'ai remarqué que tout le monde portait des lunettes, j'ai eu peur et j'ai créé mon bouclier. À vrai dire, c'est juste qu'il n'y en a très peu qui remarquent que les gens ont des lunettes. Ceux qui entrent dans ma bulle sont ceux qui, comme moi, n'ont pas de lunettes.
À une période, ma sœur était souvent dans ma bulle avec moi, à table quand nos parents parlaient. On se regardait et on se comprenait. On en avait marre de les entendre parler de leur vie au travail. On se faisait chier.
Et puis elle est partie et la place face à moi devint vide, je n'avais plus personne à regarder, et plus personne ne me regardait. J'étais à nouveau hors du monde. Et je le suis toujours.
C'est ça en fait, je me sens spectateur. Je ne trouve pas que c'est une mauvaise chose, je préfère largement être spectateur qu'acteur notamment parce que je sais que je suis un spectateur, alors que les acteurs eux n'en ont aucune idée.
Même là, maintenant, je me regarde dans le miroir. Je suis le spectateur de ma propre vie, de ma propre personne.
Ça pourrait expliquer mon manque d'ambition en effet.
Mais je ne suis pas non plus un pantin inerte. Il faut nuancer. Il m'arrive parfois d'avoir des lunettes, j'en suis sûr. Mais je ne m'en rends pas compte et ça me rends malade. J'ai l'impression d'être manipulé.
Et puis d'un coup je me réveille, et tout devient limpide. J'ai encore du mal à savoir si je me réveille d'un cauchemar ou d'un rêve.
Je parlais de mes amis tout à l'heure, mais à vrai dire, je ne sais même pas si je suis leur ami. Peut-être que je ne suis qu'un pote pour eux. Si c'était le cas, je ne sais pas ce que je ferais, surement rien, et je serais toujours considéré comme la victime un peu timide. Mais ce qui est sur, c'est que je ne retrouverai pas d'amis comme eux, et peut-être que je ne retrouverais jamais d'amis du tout. je passerais ma vie seul, à être spectateur plutôt qu'acteur.
Partout, j'ai l'impression qu'on nous assomme avec une propagande qui est toujours la même : le grand Amour. Je me dis alors que je n'ai surement pas trouvé la bonne personne et que ça expliquerait mon état d'esprit atypique. Mais je ne pense pas que je crois au grand Amour. Je ne l'ai jamais vu durant mes grandes périodes d'observation. Alors j'en ai conclu qu'il n'existait pas.
Un jour je me suis dis qu'il fallait peut-être des lunettes pour le voir, mais je ne suis pas assez courageux pour essayer. Ou peut-être que je ne veux tout simplement pas avoir des lunettes.
Je préfère vivre dans la vérité, aussi moche et horrible soit elle, que dans le mensonge.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top