Tome 2 - Chapitre 4
Je me réveillai en sursaut, la bouche pâteuse, le corps endolori et un brin nauséeuse. L'Assemblée ! C'était aujourd'hui, non ? Je tâtai ma table de chevet dans l'espoir d'y trouver mon téléphone. Nout soit louée ! La moi d'hier soir avait bien pensé à le mettre à charger. On était bien samedi, mais j'avais encore toute la matinée devant moi pour décuver, super.
Oz avait le secret de la boisson magique anti gueule de bois. Je composai rapidement son numéro et attendis d'entendre les sonneries.
– Ouais, Neph, décrocha-t-il avec un peu trop d'énergie pour moi.
– Crie pas.
– Je crie pas.
– Si, tu cries.
Je l'entendis ricaner de l'autre côté du combiné tandis que la voix d'Isis lui demandait d'arrêter de parler aussi fort.
– Donc j'en conclus que t'es dans le même état qu'Aset, railla-t-il sans la moindre compassion.
– La tequila m'a eue, pas son tournevis.
– Je te demande pardon ? s'étonna Oz de ma réponse après un court instant de silence.
– Nan rien, tu lui demanderas. Tu sais ta potion magique, tu peux me filer la recette ? Y a l'Assemblée dans trois heures, j'ai besoin de ressembler à autre chose qu'à un zombie.
– Ça fera pas de miracle pour ton visage, juste pour tes maux de tête.
– Je te déteste.
– Moi aussi, Neph, moi aussi.
Je levai les yeux au ciel.
– Bon, tu me files ta recette, oui ou non ? m'impatientai-je face à son ton bien trop amusé.
– J'te l'envoie par SMS.
– Top ! Et sinon tu comptes rentrer un jour ou tu t'es définitivement installé chez toi ?
Isis m'en aurait parlé si elle lui avait proposé d'emménager chez eux. Je savais qu'elle n'était plus contre l'idée, mais elle avait peur de pardonner. Comme si ça effacerait le mal qu'Oz lui avait fait et toute la souffrance de ces quinze dernières années. Elle avait beau dire que le passé était derrière elle et qu'elle était prête à donner sa chance à Oz, il fallait qu'il regagne sa confiance. Et ça, ce n'était pas gagné.
– Mmmh, je peux difficilement en parler maintenant.
– Donc je suppose qu'Aset ne sait pas que tu ramènes progressivement des affaires là-bas.
– Si tu caftes, je verse du sel dans ton café.
– Essaie, pouffai-je en imaginant ma tête si je buvais un café salé. Faudra bien que vous en parliez un de ces quatre, tu sais.
– Ouais, on verra après l'Assemblée. Apparemment y a des chances que ça me foute en rogne, je veux surtout pas faire de connerie.
– Je peux t'envoyer une séance de méditation, c'est top pour la gestion d'émotions instables.
– Elles sont pas instables, grogna-t-il.
– À peine.
– Merci, mais je vais aller jardiner plutôt, ça m'apaise. Et puis franchement y a tout à recommencer dans le jardin. T'aurais pu faire un effort.
Sérieusement ? Je savais qu'il plaisantait, mais quand même ! Sans moi la maison tout entière aurait eu l'air d'un amas de ruines sorti du XIXème.
– Ouais, bah t'avais qu'à pas faire de connerie, pas bouder, et te bouger les fesses.
– Aouch, dans le mille. Allez, à tout à l'heure, Neph, conclut-il notre conversation.
– Ouais, oublie pas la recette ! À plus !
Je raccrochai, un sourire sur les lèvres. Ces dernières années, j'avais vu Ousir passer par un grand nombre de phases, la dépression, l'autodestruction, l'entretien de la haine de soi, etc. Mais quelque chose avait changé après le retour d'Aset et, petit à petit, il était redevenu le frère que j'aimais. Moi qui lui en avais voulu pendant presque trois ans après son retour de Nicosie, j'étais heureuse que les choses reviennent à la normale.
Mon téléphone vibra, affichant la recette d'Oz. Je sautais du lit pour aller mixer tous les éléments ensemble. Yerk. C'était vert et malodorant. Heureusement que je savais que ça fonctionnait, sinon ça n'approcherait pas de mes lèvres ! Je le bus d'une traite, en essayant de ne pas penser à ce que je buvais puis allai prendre une douche. L'eau chaude, presque brûlante, qui s'écoulait sur ma peau me fit un bien fou. Je sortis de la cabine regonflée à bloc, ou presque. Mes cernes et mon teint pâlot trahissait les excès de la veille. Je mis un peu de CC crème pour camoufler le tout et lissai mes cheveux. Les racines commençaient à se voir, j'allais devoir refaire une couleur. Peut-être que je partirai sur quelque chose d'un peu moins clair. Le changement avait du bon après tout...
Je sortis de la salle de bains, seulement vêtue du tee-shirt qui me servait de pyjama, et tombai nez à nez avec Jake. Je me décalai pour lui laisser la place.
– Ça y est tu as enfin fini ? grogna-t-il plus qu'il ne demanda.
– Oulah, en voilà un de bien méchante humeur, plaisantai-je à moitié.
Il me passa devant pour poser une pile de vêtements sur la vasque du lavabo.
– Tu n'avais qu'à faire moins de bruit en rentrant hier soir. D'ailleurs où étais-tu ?
– Avec Aset, même si ça te regarde absolument pas. Et pour une fois que t'étais à la maison, je pouvais pas deviner.
Soutekh grogna quelque chose dans sa barbe que je ne compris pas et me regarda de haut en bas.
– Eh, mais c'est pas un de mes tee-shirts ?
– Non, répondis-je en m'éloignant, si je le porte, il est à moi maintenant.
Je n'avais pas besoin d'être en face de lui pour le voir lever les yeux au ciel d'exaspération. La porte se ferma pour se rouvrir avant même que je n'aie mis la main sur la poignée de celle de ma chambre.
– Ton fer à lisser, tu peux pas le ranger ?
– Ça dépend, t'as envie de faire cramer la baraque ?
Il claqua le panneau en bois qui séparait la salle de bains du couloir dans un bruit sonore. Il était énervé ? Bah moi aussi. Je rentrai dans ma chambre pour m'habiller. J'enfilai quelque chose de simple et confortable puis m'assis en tailleur sur le tapis douillet. La méditation faisait partie de mon rituel matinal, même si en général je préférai le faire avant de petit-déjeuner ou de me doucher. Ça me permettait de faire le vide et de me reconnecter avec moi-même. Un peu comme un espace hors du temps, rempli de promesses et de bonnes ondes.
Ma colère dut me perturber un petit peu. D'ordinaire, j'avais moins de mal à mettre de côté mes pensées. Là, elles revenaient sans arrêt sur le devant de la scène. Après une demi-heure aussi inutile que l'abruti que j'avais épousé, je me relevai dans un craquement de genoux désagréable et marchai jusqu'à ma commode pour récupérer le jeu de tarot posé dessus. Pourquoi ne l'avais-je pas rangé dans sa boîte ? À peine l'avais-je pris en main qu'une partie des cartes tomba. Parmi celles-ci, une seule se retourna.
Mon sang se figea dans mes veines.
Le cinq de coupe.
Encore une fois, sa position horizontale m'empêchait de l'analyser correctement. Ça ne pouvait pas être un hasard ! Les dieux m'envoyaient un message, c'était clair, limpide et impossible à nier. Ne restait plus qu'à le comprendre...
Je me penchai pour récupérer la partie du paquet qui gisait sur le sol et mélangeai les cartes. Je m'assis à mon bureau, placé contre le mur droit de la chambre, face à la fenêtre qui donnait sur le jardin. D'un geste à la technique assurée par les années, j'étalai devant moi l'ensemble des cartes, face cachée.
Inspirer.
Expirer.
Se concentrer.
Je passai la main au dessus des motifs bleuâtre, laissant mon instinct choisir pour moi. Je n'en tirerai qu'une. Ne restait plus qu'à voir laquelle ce serait. Mon cœur tambourinait à toute allure dans ma poitrine, terrifié que cela puisse être à nouveau le cinq de coupe. La pulpe de mon index s'arrêta sur l'une d'entre elle. Je pris une grande inspiration tandis que je l'attirai vers moi.
Le cinq de coupe.
Je repoussai la carte sur le bureau avec un cri. Peut-être que j'étais en plein rêve. Ça ressemblait de plus en plus au début d'un film d'horreur. Où alors j'étais complètement matrixée par tous ces films que je regarde en fin de soirée.
Tout mon être fixait avec terreur le pauvre homme et ses coupes. J'en oubliais presque de respirer. Non, avoir peur d'une prédiction était stupide. D'autant plus que je ne savais absolument pas de quelle façon l'interpréter. Certes c'était un signe de deuil, mais ça pouvait aussi très bien être le pardon ou l'avancée émotionnelle. Voilà, j'allais peut-être pardonner quelqu'un de quelque chose. Ou alors on allait me pardonner.
Ça devait être ça !
J'essayais de me convaincre avec la même fausse euphorie dont je me couvrais chaque jour. Je pris la carte pour l'étudier d'un peu plus près. Peut-être que si je me concentrai assez je lui enverrai toutes mes bonnes vibrations pour influer sur le destin.
– Neph !
La voix de Jake, depuis l'autre côté de ma porte me fit sursauter.
– Oui ?
– On va être en retard, dit-il en ouvrant le battant. T'es prête ?
Je me levai, ma carte toujours en main, et pris un sac à main dans lequel je la glissai. J'attrapai mon téléphone en passant et m'arrêtai devant lui.
– Ouaip, j'ai tout.
Il glissa une main dans mon dos pour me laisser passer et referma derrière nous. Son contact m'électrisa, mais je pris sur moi pour ne pas le montrer. C'était toujours un abruti. J'attrapai mes clefs dans le vide-poche avant de sortir de la maison. Je laissai à Jake la responsabilité de la verrouiller, moi, j'avais tendance à oublier.
– Tu conduis, hein ? demandai-je en me plantant devant la portière passager.
– Oui, j'avais parfaitement compris ton message.
– Quel message ?
– Tu n'as pas pris tes clefs de voiture, je trouve ça suffisamment éloquent.
Je haussai les épaules. Ouais, sûrement. De toute façon je n'avais aucune envie de conduire. Et puis, je n'aurais peut-être même pas passé le moindre contrôle. J'étais persuadée que mon taux d'alcool dans le sang n'était pas encore parfaitement redescendu, mon envie de vomir persistait. Ou alors c'était cette affreuse after-shave.
– T'as changé d'after-shave ?
– Oui, répondit Jake tandis qu'il insérait les clefs dans le point de contact, pourquoi ?
– J'aime pas l'odeur. Pourquoi t'as pas gardé l'ancienne bouteille ? C'était celle que je t'ai offerte, non ?
Soudain, il eut la décence de paraître gêné.
– Je l'ai finie et j'ai pas réussi à racheter la même.
La voiture n'était pas encore partie que, déjà, notre conversation dégénérait.
– T'avais qu'à m'en parler, je t'aurais dit où je l'avais achetée, je me souviens très bien de la marque.
– Sauf qu'on m'a donné celle-là, j'avais pas...
– Astra, n'est-ce pas ? le coupai-je
Jake soupira. Ses doigts se resserrèrent autour du volant, dévoilant son agacement.
– Franchement, Neph, commence pas.
– Nan t'as raison, je vais fermer ma gueule. Ça m'évitera de te dire tes quatre vérités, je suis pas sûre que t'apprécierais de les entendre.
Il ne rétorqua rien. Il valait sans doute mieux. C'était probablement stupide, mais j'y voyais plus qu'un simple changement d'after-shave. Ça voulait dire beaucoup plus et ça me faisait extrêmement mal. Je tentai de ne pas y penser davantage et gardai obstinément le regard sur le paysage qui défilait, jusqu'à ce que nous arrivions. Dès qu'il se fut garé, je n'attendis pas une minute pour descendre et commencer à me diriger vers la salle des fêtes.
– Neph ! m'interpela Soutekh avant que je n'ai atteint l'entrée.
Je me retournai avec un air assassin.
– Quoi, encore ?
Il montra mon sac à main qu'il tenait.
– T'as oublié ça.
J'allais le récupérer en maugréant un merci du bout des lèvres. Il ne méritait certainement pas ma reconnaissance. D'une humeur un peu bancale, je rejoignis Isis dans la grand salle. Une petite estrade avait été montée pour nous permettre de raconter toute l'histoire. Comme ils n'avaient pas prévu de chaises, il faudrait visiblement que nous soyons concises.
– Ça va ? interrogeai-je Aset une fois à ses côtés.
– Mouais, on a trop bu hier.
– Clairement.
J'allais la relancer sur le sujet d'Oz lorsque je surpris son regard derrière moi. Sans la moindre discrétion, je me retournai pour surprendre son échange silencieux avec Beele.
– Tu sais, commençai-je d'un ton attristé, tu devrais aller lui parler. Tu lui manques beaucoup et elle s'en veut énormément d'avoir dû tout te cacher.
– Oui... je le ferai après l'Assemblée, d'accord ? Pour le moment j'ai pas trop la tête à ça. En fait, je voulais te parler d'un truc.
Je fronçai les sourcils, surprise par son air sérieux.
– Ouais, qu'est-ce qui se passe ? Tu me fais un peu peur soudainement.
– Viens, ordonna-t-elle en me prenant par le bras.
Je la suivis sans rechigner, très étonnée par le tournant que prenaient les choses. Elle m'entraîna à l'écart de tout le monde, sur le pallier du premier étage. Isis fouilla dans son sac pour en sortir une grande enveloppe craft qu'elle me tendit. Je la pris, un brin hésitante et la secouai près de mon oreille.
– C'est quoi ? Le nom du prochain mec que je dois tuer pour toi ?
Je décollai la bordure tandis qu'elle se ricanait.
– Quoi ? Non ! Ce matin... commença-t-elle, hésitante, je me suis permise de réserver deux-trois trucs pour la semaine prochaine. Je crois que tu vas devoir annuler tes rendez-vous, on part quelques jours à Nicosie !
Je ne savais pas quoi dire. Je la dévisageai tout en glissant ma main dans l'enveloppe pour en sortir les morceaux de papier qu'elle contenait. Des billets d'avion et deux emails de confirmation à mon nom. C'était plutôt cette deuxième partie qui me surprenait.
– Tu as pris rendez-vous pour moi ?
Étais-je furieuse ou reconnaissante ? J'avais un peu du mal à le décider.
– Ouais. Je sais que tu ne l'aurais pas fait toi-même et je voulais te simplifier la tâche. J'ai pris rendez-vous avec la meilleure gynécologue de Nicosie. Elle a une réputation extraordinaire et c'est une grande amie à Sacha, j'ai pu obtenir un rendez-vous rapidement. Elle fera le nécessaire pour diagnostiquer si oui, ou non, tu es stérile dans ce corps.
« Et je me suis aussi permise de contacter un avocat spécialisé dans les divorces avec lequel tu pourras échanger. Ces rendez-vous ne t'engagent à rien. T'es même pas obligée d'y aller si tu veux pas ! Et même si t'y vas, rien t'oblige à regarder les résultats ou rappeler l'avocat. Tu es complètement libre de décider, je voulais juste te simplifier un peu les choses. Même si tu t'y rends pas, on aura un break sympa entre filles !
– Mais... tu devais pas reprendre le travail la semaine pro ?
Je n'avais rien d'autre à objecter pour le moment, j'étais trop sonnée pour avoir une pensée cohérente ou être capable d'analyser ce que je ressentais.
– Eh bien... si, mais j'ai retardé un peu, Jake en avait pas grand chose à faire. C'est plutôt Oz qui a râlé, mais pour ce qu'on en a à carrer.
Je ricanai puis reportai mon regard sur ce que je tenais. Les rendez-vous étaient pris. Même si je savais que j'étais libre de faire mes propres choix et de m'y rendre ou non, il me semblait que je voulais tenter le coup. Oui ! J'en avais marre de fuir mes problèmes comme une lâche. Heureusement qu'Isis me forçait un peu la main. Au moins, je serais fixée sur ma fertilité ou non et peut-être que ça m'aiderait à prendre une décision.
Après un dernier coup d'oeil vers les billets d'avion, j'avais enfin pris ma décision. J'irais à Nicosie. Je rencontrerai ces deux professionnels. Et on irait noyer ma peine dans des tonnes de bouteilles de teq. Les larmes de montèrent aux yeux. Après plus d'un siècle à souffrir stupidement, je me donnais enfin les moyens d'avancer.
– Ça va pas ? s'empressa de me demander Isis. Je suis désolée si tu le prends mal, je veux surtout pas que tu t'y sentes forc... hey !
Je me jetais dans ses bras avant qu'elle n'ait le temps de terminer sa phrase.
– Je t'aime tellement, Aset. Je sais pas ce que je ferais sans toi.
– Ah bah ça... t'es pas la première à me le dire aujourd'hui, railla Isis d'un ton amusé. Allez, viens, on doit trouver Sophie avant que l'Assemblée commence. Je l'ai pas encore vue, manquerait plus qu'elle se soit débinée...
****
Hey !
Comment ça va cette semaine ?
Encore un chapitre du FE tome 2, j'espère qu'il vous aura plu !
L'Assemblée est là, c'est le grand moment de révélation. À quoi vous vous attendez ? Comment pensez-vous que les autres habitants vont réagir ?
Laissez- moi vos théories, je suis curieuse de les entendre :3
Sinon, pas mal de grandes nouvelles cette semaine, vous pouvez retrouver ça sur mon babillard. Aller, on se retrouve la semaine pro pour la suite des événements !
XOXO
TOY
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