Prologue*

Dans l'immense palais de marbre blanc, orné d'or et d'ambre, tout semblait calme. Les habitants vivaient sur un fond de rires et de routine joyeuse, enfermés dans leur environnement de paix, oublieux des événements inquiétants qui avaient lieu en dehors de leur cocon paisible, à l'extérieur même de leur grande capitale. Les clichés commençaient à se rassembler, disaient quelques prêtres du Créateur en pèlerinage au Temple. Ils gagnaient du terrain sur la terre sainte de Wattpadia. On ignorait encore comment ces atrocités étaient générées, ni même d'où elles venaient. Mais une chose était sûre : À chaque progression, chaque morceau de terrain arraché à la famille royale, Wattpadia, la terre sacrée de la Littérature, s'affaiblissait un peu plus.

Tous n'étaient certes pas affectés par l'ambiance joyeuse régnant dans le bâtiment royal. Rien que sa majesté le roi Style devenait mort d'inquiétude depuis qu'on lui avait signalé l'apparition d'une ou deux de ces horreurs dans sa capitale si évoluée. Tous ceux qui l'avaient côtoyé en cet instant pouvaient se souvenir de la description qui lui avait tant glacé le sang : « Deux filles en tenue légère, à la plastique parfaite, mais aux visage si plats ». Et Style avait de quoi redouter. Les clichés étaient ses ennemis héréditaire, ses prédateurs, comme il était le leur. Et il craignait terriblement que leur présence accrue soit une marque d'affaiblissement de son pouvoir et de celui des siens, incarnations vivantes des règles de la littérature. Le pire étant que leur emprise sur le royaume finisse par disparaître. Signant ainsi, dans le pire cauchemar des prêtres de la Création qui se tenaient à ses côtés, la fin de Wattpadia.

Mais même auprès de ceux qui prenaient au sérieux la menace, tous ne partageaient pas l'avis du roi. Et notamment son fils aîné, le prince Orthographe, qui malgré le fait qu'il soit le plus atteint avait toute confiance en son influence. L'incurable optimiste qu'il était pensait, non, savait qu'ils allaient s'en sortir. La famille royale actuelle, issue d'une suite d'incarnations de concepts, était le plus puissant rassemblement d'allégories depuis des générations, portée à la gloire par la Reine Intrigue, deux-centième du nom depuis la Création de Wattpadia. Et elle était complète. Chaque concept vivait dans un corps au palais, tous nés de la Reine qui avec la seule aide de son mari, détenteur des pouvoirs de Style de par son alliance, avait reconstruit une lignée en ruine. Leur pouvoir combiné ne pouvait qu'être plus fort que celui des clichés. Et il le resterait.

Orthographe n'était absolument pas inquiet. Actuellement, son père lui demandait de rester au palais, mais même s'il était sorti, il était sûr qu'il ne lui serait fait aucun mal. Et les couloirs éclairés de la demeure des allégories, entouré des auras diffuses de ses serviteurs et amis résonnant avec la sienne, étaient l'endroit idéal pour nourrir des pensées de victoire. La guerre était et ne resterait que simple perturbation dans son royaume. Quelque chose dont il n'aurait même plus à se préoccuper lorsque sa mère lui céderait sa couronne.

Autour de lui, les flammes des torches perdaient de leur vigueur, les luminaires magiques s'éteignaient malgré la progression de l'obscurité dans le palais. Il allait bientôt faire nuit. Et le prince, ne pensant plus à présent à ce qu'il allait faire suite à l'obtention de ses vingt ans, sa majorité selon les Wattpadiens, ne voyait même pas que la lumière diminuait au fur et à mesure qu'il progressait. Même la lumière du jour, normalement si bien accueillie par les immenses fenêtres en voûte parant les couloirs du premier étage, n'atteignit bientôt plus son champ de vision. Pourtant, le soleil n'était pas encore couché... Et ce fut cette pensée qui ramena le prince à une réalité qui s'annonçait cruelle.

Orthographe se stoppa net, regardant aux alentours avec de grands yeux écarquillés. Mais rien à faire : Il ne pouvait à présent plus rien voir d'autre que ce qui se trouvait tout juste devant lui. Même son aura d'allégorie littéraire, habituellement si puissante, semblait s'être affaiblie, au point de ne le laisser qu'avec ses cinq sens normaux pour analyser les alentours. Il ne sentait plus rien. Pas même ses serviteurs qu'il pouvait pourtant détecter à des kilomètres. Juste sa propre présence, figée dans le couloir. Juste le noir et les bruits de pas. Les bruits de pas de personnes qui lui étaient invisibles.

Un rire aigu retentit dans le couloir, vide de tous ses occupants habituels. Orthographe se retourna avec brusquerie, son dos ruisselant de sueur, mais n'eut le temps d'entrevoir qu'une mèche de cheveux blond platine, une boucle parfaite, subtilement dissimulée par l'étrange aura noire. Le jeune prince se mit à trembler. La frayeur et l'incompréhension lui tordaient le ventre. Pourquoi son aura littéraire lui indiquait clairement qu'il était seul ? N'était-il pas en mesure de détecter tous ses sujets respectant les règles élémentaires de son royaume ?

« Qui.... Qui est là ? »

Seul ce rire répondit à l'injonction tremblante de l'héritier du trône. Ce même rire aigu qui vrillait ses oreilles à lui faire mal même dans ses tripes. Chargé de relents de dégoût, blessant jusque dans le corps du prince. Une horrible sensation de froid se répandit le long de ses membres, alors que l'écho du rire se propageait dans le couloir. Il avait l'impression que le son résonnait dans le bâtiment entier, tant il monopolisait ses tympans à lui en faire souffrir le martyre. Il tremblait toujours, les doigts crispés sur son manteau de cuir, terrorisé, paralysé. Figé sur place comme le dernier des villageois, lui, le prince Orthographe. Qu'est ce qui se passait ? Pourquoi perdait-il à ce point le contrôle de lui-même ? Ce n'était pas normal. Ça ne devait pas arriver.

Une douce voix suivit le rire, prononçant d'un accent étrange et horrible à entendre, quelques simples mots qui causèrent une nouvelle pointe de douleur dans le crâne du malheureux Orthographe :

« Alors c'est toi, le prince... »

L'interpellé hurla de douleur. Cette voix, qui se voulait sans doute agréable à l'oreille, lui faisait souffrir mille morts. Comme si elle était décalée par rapport à sa fonction, à sa nature, à lui. Et cet accent. Cette façon de faire rouler les syllabes sur sa langue. Il n'avait vu ça nulle part, et la phonétique Wattpadienne n'autorisait peut-être même pas de telles libertés de langage. Ce n'était pas possible. Cela dépassait toutes ses connaissances. Et c'était face à lui, en ce moment, en train de le torturer de la pire des manières. C'était plusieurs, différentiable par les différents bruits de botte, mais Orthographe avait tellement mal qu'il pouvait à peine discerner les différentes personnes présentes autour de lui. Mais était-ce vraiment des personnes lorsqu'il ne pouvait les percevoir avec clarté, les sentir dans son aura littéraire ?

Et même si le rire lui vrillait le crâne, même si la voix lui donnait envie de régurgiter son déjeuner sous ce qui pourrait être une violente réaction allergique, le prince Orthographe de Wattpadia, aîné du roi Style et de la reine Intrigue de Wattpadia, put malgré tout sentir la lame de métal froid et lisse s'enfoncer profondément dans ses chairs, déchirant les muscles et tranchant les artères.

Le sang jaillit, sombre dans le noir, pour venir asperger tel un jet de fontaine le sol et les personnes qui se tenaient autour de lui, dont il n'avait même pas su identifier le nombre. Le propriétaire du couteau qui avait percé le ventre du prince retira sa lame dans un horrible bruit de chairs déchirées et un doux bruit de chute signala le lâcher-prise des genoux de l'héritier du trône sous l'insupportable douleur, héritier qui s'effondra sur le sol au beau milieu de la flaque poisseuse de son propre sang. L'odeur et le poisseux lui emplit les narines, la bouche et tous ses orifices, sa respiration se fit haletante. Il avait mal. Créateur qu'il avait mal, étalé sur le sol glacial de son propre château, les chairs ouvertes en deux et la vie s'échappant de lui à chaque seconde qui passait. Les étranges créatures se mirent à rire, rire de ces horribles voix décalées, alors que l'hémoglobine qui se répandait sur le sol, à travers les fissures des pierres, allait jusqu'à imbiber les cheveux bruns et bouclés de la victime étalée au sol.

Orthographe sut tout de suite qu'il ne survivrait pas à cette blessure. D'ailleurs, qui aurait pu ? La flaque poisseuse sous lui s'agrandissait à chacun des battements de son cœur et il se sentait tout faible, pris par une soudaine fatigue, prêt à s'endormir. Même la douleur infligée par les créatures autour de lui disparaissait au fur et à mesure que sa vie se répandait sur le sol. Malgré tout, avant de refermer ses paupières sur un regard bleu désormais vitreux, il eut le temps d'entendre le groupe qui l'entourait dire d'une voix satisfaite :

« Notre chef sera ravi d'apprendre que le premier est tombé.

— Gloire à nous, injustement appelés clichés, qui contrôlerons bientôt ce pseudo Saint Royaume ! »

Les clichés.

Alors c'étaient eux qui l'avaient tué.

C'était eux ces insupportables créatures, ceux qu'il était incapable de percevoir, dont il avait si stupidement sous-estimé le danger. L'ordre de contention de son père lui paraissait soudain tellement justifié, et en même temps tellement futile à présent que son corps était étalé sur la pierre de son propre palais, assassiné dans son propre territoire. Rendu impuissant par la présence même de ces choses, non, de ces horreurs, lui, le prince héritier du royaume de Wattpadia.

Il écouta encore un peu leurs jubilations, grinçant des dents devant chaque nouvelle information qu'il apprenait, sentant son corps s'emplir de colère. Une colère noire. Une colère qui surpassait même l'engourdissement de la Mort.

Et puis, plus rien.

Le premier des princes wattpadiens était tombé.

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Eh là qui voilà ?

In-spec-teur Gad-g... Un prologue, un prologue. *tousse*

Petit cadeau surprise de ma part pour avant les vacances ! Oui parce qu'il paraît que vous êtes bientôt en vacances, bande de lycéens.

Mais je me répandrai en ma haine de vous autres paresseux plus tard (après tout, je finis les cours en Mai, début mai pour être précise). Voici donc le début de la seconde version de Le Feu et la Cendre, qui va d'ailleurs subir quelques remaniements dans sa présentation wattpadienne ! Rien de très choquant du moins, sauf si je me décide à changer la couverture. Ce qui, entre nous, ne sera pas tout de suite.

Bon, on va se mettre d'accord sur un point tout de suite.

Je vais poster quand je vais y penser.

Je ne me contraindrai pas à un rythme, même avec la légère avance que j'ai, parce que j'ai beaucoup de trucs à côté, genre, BEAUCOUP. Et mes chapitres de 5000 mots que je séparais autrefois en parties de 1000 à 2000, dans la deuxième version, vont rester en qualité de gros blocs de 5000 mots, parce que toujours pareil, ça va me faciliter la tâche.

Voilà, vous êtes prévenus.

En tout cas je suis ravie de ce grand retour, et j'espère que la seconde version vous plaira plus que la précédente, car c'est un peu le but, au final...

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