Chapitre 9, partie 1
Se déplaçant le plus silencieusement possible dans les couloirs, les trois protagonistes regardaient partout aux alentours, tentant de repérer l'entrée des cachots sans perdre de temps. Cette donnée restait importante, surtout maintenant qu'ils étaient en plein dans la gueule du loup, sans le moindre renfort attendu pour le moment et entourés par l'ennemi de toute part. La moindre erreur causée par la fatigue, l'énervement ou la panique pouvait se révéler fatale à tout le groupe, causant bien plus de dégâts qu'ils étaient venus en réparer.
Lina était crispée de partout, les doigts serrés sans même s'en rendre compte sur son épée d'emprunt. Même sans voir son visage sous la visière de son casque, les deux garçons sentaient que leur cadette de quelques années étaient stressés. La raison la plus évidente restait leur recherches qui patinaient, cependant il y avait autre chose qui préoccupait la métamorphe.
Leur couverture.
Azul s'en doutait sûrement, mais Lina aurait été étonnée que Seiji remarque qu'au fur et à mesure que le temps passait, leur propre odeur et aura imprégnaient le vêtement d'emprunt, remplaçant, petit à petit, celles des clichés. Cela faisait déjà une heure qu'ils se trouvaient là et pourtant, l'impression de porter de la fange de la brunette s'atténuait de plus en plus. Et elle ne pouvait pas croire que c'était simplement parce que ses perceptions s'habituaient à l'environnement. Pas alors que l'aura des autres clichés, de ses ennemis, la rebutait toujours au même exact niveau depuis qu'elle frayait parmi eux. Non. Il ne pouvait y avoir qu'une seule explication. Leur aura faisait disparaître la couverture qui les dissimulait.
Elle ignorait comment les clichés se reconnaissaient entre eux, mais elle ne voulait surtout pas prendre de risques. Ils ne devaient pas se faire repérer avant l'arrivée des renforts. En espérant qu'ils prennent moins de temps qu'elle pour suivre la piste et qu'ils arrivent assez rapidement pour empêcher le massacre.
Ils croisaient cliché sur cliché en progressant dans les couloirs, il n'y avait donc aucun moyen de discuter de cela en paix. Azul tentait bien de lui faire des signes discrets pour communiquer, mais il n'arrivait jamais à formuler ses pensées convenablement : Au moment où il commençait à bouger, un cliché arrivait, les jaugeait du regard, et il devait s'arrêter. D'ailleurs, Lina trouvait que leurs regards étaient de plus en plus suspicieux, de plus en plus méfiants. Est-ce qu'ils étaient déjà grillés? Le pire, c'était que cette possibilité était tout à fait envisageable. Au bout d'une heure à se balader sans but apparent, casque sur le front alors qu'ils commençaient à étouffer et transpirer, on pouvait se douter que tout cela n'était pas un comportement qui pouvait attirer la confiance.
Azul finit par en avoir marre. Au cours de leurs balades, ils avaient repéré les quartiers des soldats, un peu à l'écart du palais. De ce fait, alors qu'ils y repassaient en soupirant sur leur progression patinant dans la boue, le marin repéra une chambre qui n'empestait pas trop le cliché et l'ouvrit en grand, tirant Lina et Seiji dedans sans aucune autre forme de cérémonie avant de fermer la porte derrière lui et de la barricader. La métamorphe sursauta, mais eut le bon sens de se mordre la lèvre pour retenir le cri de surprise qui lui brûlait la gorge alors que la main de son compagnon se refermait avec sécheresse sur son épaule.
Une fois dans une pseudo atmosphère de sécurité, l'empereur des Mers ôta son casque, secouant la tête avec délices au contact de l'air frais. Les deux autres firent de même, et alors que Seiji laissait échapper un râle de soulagement, Lina savourait avec bonheur la sensation de liberté que donnait l'atmosphère de la chambre, le plus pure possible considérant l'endroit où ils étaient, sur sa peau imbibée de sueur. Le casque, qu'elle venait de poser sur une table à côté, refoulait désormais non seulement une odeur répugnante de cliché, mais aussi celle, non moins désagréable aux sinus, de sa transpiration.
Le casque enlevé, elle s'assit sans perdre de temps sur le matelas rude de la chambre, qui semblait inoccupée à la vue du manque d'objets personnels aux alentours. Des murs gris et ternes apportaient leur seule source de lumière à la chambre, dotée en tout et pour tout que de deux lits, et autant de bureaux de d'armoires. Un environnement assez basique, digne d'un soldat sans le moindre grade. Félicitant en pensée Azul pour à la fois son idée et le choix de la cachette, elle s'étira chacun de ses membres, qui émirent pour certains un léger craquement au niveau des articulations. Qu'est ce que cela faisait du bien de se détendre. Azul, debout près de l'armoire, la fixait se dérouiller les muscles, une lueur amusée dans le regard, tandis que Seiji sortait enfin sa longue queue de tigre de l'arrière de son pantalon et la remuait avec une excitation marquée.
Le petit moment de détente ne dura pas longtemps, toutefois. Le temps pressait et Lina s'empressa de le leur rappeler.
« – Je ne voudrais surtout pas vous mettre de mauvaise humeur, soupira t'elle, mais le temps commence à nous manquer. Le soleil descend, une relève ou un moment où tous les soldats seront réunis se rapproche. Les renforts ne seront sûrement pas là avant cette nuit ou demain et ce serait bien qu'on parvienne à tirer Suzu de là avant. »
Azul acquiesça, l'air tout aussi grave, et cessa de s'appuyer contre l'armoire ou son dos avait élu domicile en replaçant une de ses mèches bleutées derrière son oreille.
« – Je suis d'accord. En plus, je suppose que vous avez dû le remarquer, mais notre couverture est en train de s'effriter. L'odeur répugnante que dégage nos vêtements disparaît, à mon plus grand bonheur, certes, mais aussi pour le plus grand malheur de notre infiltration. Et même si je serais ravi de quitter cette armure de cuir mal coupée qui me démange affreusement les sinus, j'aimerais aussi bien ne pas être repéré. »
Alors il avait bien remarqué, pensa la jeune femme en remettant en ordre ses idées. Après une heure de recherches, ils n'avaient réussi qu'à trouver les quartiers des soldats, les cuisines et la salle d'arme, sans compter quelques petites ailes inintéressantes comme les thermes. Thermes qui avaient d'ailleurs réussi à détendre l'atmosphère grâce à un petit dilemme entre l'équipe pour savoir si il fallait y aller ou pas. Malgré le profond désir de Seiji d'aller soumettre leurs corps à la vapeur, et la lueur dans son regard qui démontrait clairement à la jeune femme amusée ce qu'il comptait y chercher, Azul avait décrété l'entreprise comme trop dangereuse, et Lina était bien de son avis. Le rouquin avait donc fait une petite scène discrète, mais qui avait mené Lina au bord du fou rire, sur son littéral besoin d'aller se tremper dans la chaleur, et qui sait, il y avait peut-être de beaux mâles à mater. Après une déception amoureuse, avait-il dit, il n'y a rien de mieux que de se rappeler la liberté du célibat. Par chance, la conversation était suffisamment innocente pour ne pas attirer la conversation des clichés, et Azul ayant exprimé ses réserves avec le plus grand silence, personne ne s'était douté de rien et ils avaient pu reprendre leur mutisme sans avoir été gênés.
La cardinale se souvenait avoir tiqué aux mots « déception amoureuse », étonnée que son camarade, tellement joyeux et semblant presque trop appréciable, ait subi les affres du chagrin d'amour. Mais son compagnon s'étant refermé comme une huître lorsqu'elle avait tenté d'aborder le sujet, elle avait décidé de ne pas trop investiguer là-dedans. C'était le mieux. Il était inutile de faire parler qui ne voulait pas partager son vécu, elle en savait quelque chose. Même si cela ne pouvait concerner l'amour, elle avait également des zones d'ombres dans son passé.
En attendant, les peines de cœur, ça ne résolvait pas une mission. La jeune femme chassa donc toute question qu'elle avait sur son camarade de son esprit et croisa les mains, se concentrant sur les données qu'elle avait. Jusqu'alors, elle n'avait vu que des points importants pour les soldats, certes, mais en rien utiles si elle cherchait des informations secrètes ou des prisonniers importants. Elle n'avait sans doute visité qu'une partie du palais noir, et ce n'était pas la bonne. Cela lui semblait bizarre, mais une seule solution se présentait à elle et cette solution ne lui plaisait que peu.
« – Il va falloir sortir de ce périmètre et se diriger vers le cœur du palais, les gars, souffla t'elle avec regret. Les cachots ne sont de toute évidence pas dans les quartiers des soldats. Ça m'étonne un peu et je n'aime pas ça, mais ils sont forcément dans les endroits plus protégés. Comme au sous-sol du quartier des nobles.
– Au cœur du palais?!? S'exclama Seiji. Mais t'es malade? On va se faire griller de suite, les gardes y viennent jamais selon les conventions!
– Je sais, imbécile. C'est pour ça que c'est risqué. Mais on a pas le choix. »
Resté silencieux durant la petite discussion entre les deux compères, Azul finit par hocher la tête, une expression résignée sur le visage. Son soupir attira l'attention de Seiji, qui se tourna vers lui, les oreilles frémissantes et les moustaches en émoi, une lueur de panique dans ses yeux bleus écarquillés. Le marin secoua la main d'un air navré en constatant la peur qui transparaissait dans toute son attitude, mais ils n'avaient pas le choix. Lina grommela. Son camarade était plus que probablement arrivé aux mêmes conclusions qu'elle sur toute cette affaire.
« – Elle a raison, grommela t-il. Il faut qu'on obtienne des résultats en vitesse. À moins que tu ne préfères prendre une forme animale et te cacher, Seiji ? »
La phrase avait beau être teintée d'ironie, le métamorphe l'ignora et prit une forme de souris avant de grimper sur l'épaule de Lina, sans rien dire. Cette dernière soupira à son tour, tout en ramassant ses vêtements. Il n'avait pas tout à fait tort d'adopter cette apparence, de toute façon. Deux soldats se fondaient bien mieux dans la masse que trois.
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