Chapitre 33, partie 1

Un long mois s'écoula encore après le réveil de Lina. Wattpadia se reconstruisait au même rythme qu'elle : Lentement, mais sûrement. Et ils n'en étaient seulement qu'au début tous les deux. Lina se fatiguait encore très vite et avait besoin d'un fauteuil roulant pour les longues promenades, les muscles dont elle était si fière ayant grandement diminué de volume. Et les ruines de bâtiments et autres symboles de la Flamme recouvraient encore Wake'li, dernières blessures d'un temps de maltraitance. Et même si le coma de Lina n'avait duré qu'une semaine, même si Optrik n'avait régné que deux, peu importait. Les blessures restaient béantes. Et certaines ne se refermeraient jamais.

Avril avait bien commencé. Le soleil brillait de plus en plus fort sur la ville, de même que sur la confrérie ou Lina avait de nouveau élu domicile. Elle y était bien pour une convalescence. Le bâtiment était à l'écart, en pleine campagne, et il était très facile d'y respirer des odeurs de nature. Ou d'éviter d'être dérangée par les envoyés de Vocabulaire. Les premiers jours, ils voulaient l'interroger. Mais son coma, puis sa convalescence les en ont empêchés, et finalement ils ne venaient plus que pour donner des nouvelles de l'armée.

Vocabulaire n'avait pas perdu de temps. La majeure partie des armées de mondes différents, la base de la principale force de Wattpadia dans la guerre, avait été renvoyée chez elle. Le reste était en convalescence ou examen pour possible collaboration, soit avec Kikoolol, soit avec Optrik. Lina n'avait aucune idée de ce qu'étaient devenus les autres. On avait plus entendu parler d'Azul ou de Chlorak depuis cet épisode où elle avait eu la gorge tranchée. Suzu était portée disparue, présumée morte. Les seuls qui avaient encore un faible contact avec elle étaient les habitants d'Erden'aëll, Seiji et Miya, qui transmettaient de temps en temps une petite lettre, plus ou moins heureuse.

Corbeau était toujours en convalescence, affligé d'un coma magique bien plus grave que la moyenne. Baku refusait toujours de dire à Lina pourquoi son état ne progressait pas, mais visiblement même en informer les médecins de la confrérie du chevalier n'avait pas suffi : Il restait enfermé dans son propre esprit, les réserves de magie au plus bas, transfusé et le corps qui s'atrophiait doucement.

Il n'y avait plus en vie que Lina, désormais, et même elle ne pouvait plus s'acquitter de ses tâches de générale avec les raideurs de son propre corps. Contrairement à Corbeau, elle progressait bien ; Mais elle ne pourrait pas retourner s'entraîner, sans parler de se battre, avant au moins un an.

Il s'était passé beaucoup de choses dans sa confrérie durant son absence. Ils avaient accueilli de nouveaux membres, découvert de nouveaux secrets. Lorsque Lina avait fini par aborder le sujet de son père devant eux, ils avaient d'abord fait silence. Et puis Asura lui avait dit que la confrérie accueillait désormais cinq Blackheart connus à ce jour. Elle, Makhai, et trois autres nouveaux nommés Niall, Kami et Phoebe. Les deux filles portaient le nom de famille de Lina. Les deux garçons, eux, avaient choisi de garder celui de leur mère. Aucun d'entre eux n'avait ne serait-ce qu'entrevu leur géniteur. Et en apprenant ça, la curiosité de Lina envers un homme qu'elle n'avait jamais connu se changea en la haine d'une fille abandonnée par son père.

Akai et Nae s'étaient installées, à titre temporaire, à la confrérie. Akai disait toujours que c'était le temps de retrouver Phila, qu'une bande de voyageurs capable de se déplacer dans l'espace-temps serait plus efficace qu'une démone et une ex-paladine, mais Lina les soupçonnait de s'y plaire plus qu'elles ne voulaient bien l'admettre. Cyno les avait tout de suite adoptées, et on les voyait rarement séparés pendant leur temps libre : Les plaisanteries allaient bon train, de même que les anecdotes sur les garçons et les filles, ou simplement les discussions amicales. De temps en temps, ils étaient rejoints par Selky, l'adorable adolescente aux cheveux bleus, et alors la conversation devenait beaucoup plus adaptées aux oreilles enfantines de la petite, qui regardaient le couple formé par Akai et Nae avec de grands yeux admiratifs.

Tout semblait bien dans l'univers de Lina. Pourtant, au fond d'elle-même, il lui restait tellement de choses à résoudre avant de tourner la page. Dont une en particulier.

L'occasion s'y présenta un jour de mi-avril, alors qu'elle se promenait dans le jardin avec Baku, qui ne la lâchait plus d'une semelle. Une occasion prenant la forme d'un Inquisiteur portant les robes de la Lumière, qui se tenait sous un arbre avec un papier d'apparence officielle. Le regard dissimulé derrière un heaume de métal blanc, mais les yeux indubitablement fixés sur les deux voyageurs.

Lorsqu'il vit que Lina l'avait remarqué, il s'approcha, sans trop faire de cérémonie, avant de se planter devant elle et de s'incliner légèrement, marque de respect que Lina n'avait plus vue depuis deux mois. Et de dérouler le papier, sur lequel était écrit les mots :

« – Sa Majesté Vocabulaire de Wattpadia tient à informer la générale Lina Blackheart que l'exécution du criminel Kikoolol, pour crimes contre l'humanité, torture, expériences interdites, et nombreux meurtres, aura lieu le mardi 12 Avril à seize heures précises. »

Lina plissa les yeux. Nous étions le douze avril. L'exécution de Kikoolol aurait lieu aujourd'hui, dans deux heures. Baku, à son côté, grogna un peu.

« – Bonjour. Et donc ? »

L'homme haussa les épaules, l'air de se détacher du protocole, avant d'ajouter ces derniers mots :

« – Sa Majesté a précisé que vous pourrez voir le prisonnier avant son exécution. Si cela vous intéresse, générale Blackheart...

– Okay, très bien, merci du message, marmonna précipitamment Baku. Mais je ne laisse pas une convalescente aller dans les cachots. Tu viens, Lina ? Il faut que tu fasses tes assouplissements.. »

La concernée réfléchit. Évidemment que Baku ne voudrait pas la laisser y aller. Il n'était pas complètement altruiste, et elle voyait très bien le but derrière cette excuse balbutiante. Car elle avait déjà fait ses assouplissements pour la journée. Et il était temps de faire le point avec Jean-Kévin. Pour de bon cette fois.

« – Baku, va chercher mon fauteuil. On va au palais. »

Les yeux de ce dernier s'écarquillèrent de surprise, mais il ne répliqua rien. Il se contenta d'aller chercher le fauteuil demandé en courant, les dents serrées. Un soupir s'échappa des lèvres de Lina ; Tout médecin qu'il fut, il ne pourrait pas l'empêcher de régler ses problèmes.

L'homme de la Lumière fixait Lina avec de grands yeux, comme si il s'étonnait qu'elle ait besoin d'une quelconque aide pour se déplacer, ou même pour vivre. Mais elle se contenta de hausser les épaules, avant de lancer comme à la cantonade :

« Je me fatigue vite, ces derniers temps. »

C'était ridicule, sans doute. Elle ne devrait pas avoir à se justifier face à un parfait inconnu. Mais ce dernier se contenta de hocher la tête, l'air d'avoir compris, et n'ajouta rien de plus, même lorsque Baku revint avec le fauteuil et que Lina s'y assit. Il se contenta de sortir de ses robes un bâton couvert de runes, et de le tourner entre ses doigts. Les runes se mirent à briller. Et deux secondes plus tard, les trois se trouvaient dans la cour du palais. La tête casquée de l'homme s'agita, laissant entrevoir l'éclat de prunelles marron derrière le heaume.

« – Ah ben ça ! Je ne pensais pas que ça marcherait !

– Quoi encore, » marmonna Lina, sans se préoccuper de la surprise semblant toute enfantine de l'homme.

Ce dernier se tourna vers elle, casque penché dans sa direction.

« – Bah, on y est, générale. Je vous laisse ici, je crois que.... Enfin, vous savez où sont les geôles. »

Les yeux de Lina se plissèrent, et elle darda sur l'homme un regard teinté de suspicion et d'agacement. Derrière, Baku poussa un profond soupir, avant de lancer d'une voix forte :

« – Lorsqu'on est poli, on ne rappelle pas leur temps de prison à des innocents. On y va, Lina ?

– Roule, ma poule, en espérant qu'il y ait des rampes dans les cachots. »

Leur interlocuteur eut un petit sourire, avant de hausser les épaules une nouvelle fois, et de montrer le chemin des geôles d'un geste.

« – Vous pouvez tenter, générale, mais je pense que Vocabulaire ne s'est pas embarrassé de savoir qui pouvait visiter ses cachots, surtout en ce moment...

– Vald!Oh ! Vald ! »

Les trois se retournèrent de concert, Baku manipulant le fauteuil de Lina pour le mettre face au garde qui venait de descendre de l'escalier central du donjon. Le dénommé Vald émit un petit grognement, avant de se tourner vers lui.

« – Tu veux quelque chose ?

– T'es attendu à la salle du trône, Vald, grogna le garde. Vocabulaire veut te parler. »

L'homme soupira.

« – Aïe. Enfin, on ne peut pas dire que je ne m'y attendais pas. Ravi de vous avoir connue, générale.

– Je suppose que c'est réciproque. »

Le garde fit taper sa lance contre le sol, et le dénommé Vald fut contraint de le suivre dans l'escalier du donjon, non sans un dernier regard vers Lina. Cette dernière haussa les épaules, puis se tourna vers Baku, qui attendait son ordre sans broncher, les deux mains toujours sur les poignées du fauteuil. Il lui suffit d'un regard pour lui faire comprendre qu'il était temps d'y aller.

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